Simple note sur le retour de Tipasa dans l'Histoire.
l'algérianiste, revue du Cercle Algérianiste n°96, décembre 2001.
sur site le 4/06/2002...+ le 14-1-2012

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------Il y avait autrefois une ville dont la cathédrale était le plus vaste édifice de l'Afrique chrétienne.
------C'était une colonie romaine prospère mais les Vandales, vers 430, la saccagèrent. Elle allait peu à peu sortir de l'histoire. Les musulman Fatimides, vers 975, achevèrent le travail des Germains.
------Du moins, c'est ce que rapporte Léon l'Africain.
------L'antique cité devint Tefassed, "la ruinée ".
------En 1854, un entrepreneur parisien, Demonchy, eut l'idée grandiose de
rebâtir Tipasa. L`administration lui accorda une vaste concession; à charge pour lui de construire, à côté de sa ville, un village agricole. L'année suivante Demonchy meurt du paludisme (dans la vallée du Nador au pied du massif du Chenoua subsistaient des marais), puis c'est le tour de son épouse du fait du climat malsain qui régnait alors. Le fils, découragé, vend la concession à son beau-frère, JeanBaptiste Trémaux.
------La ville de Tipasa ne renaîtra pas, mais Trémaux crée le jardin-musée pour protéger l'ancienne cité du vandalisme moderne, à côté du futur Parc Trémaux, parc national qui groupe l'essentiel des ruines romaines.
------Le nouveau Tipasa sera un village, fondé par quarante colons dont huit déportés politiques et un musulman, Ameur Abdallah (chacun eut environ une quinzaine d'hectares). Un an après leur installation, vingt-trois avaient déjà abandonné. Ce centre sera anémique jusqu'au moment où vinrent s'installer, en 1876, de nouveaux colons originaires de l'Hérault, ruinés par le phylloxera. Parmi eux, il y avait les frères Théron (de nombreux maires de Tipasa porteront ce patronyme), originaires de Castries. Ils révolutionnèrent la culture dans tout le Cherchellois oriental. Ils défoncèrent le sol, ils plantèrent de la vigne, des plants languedociens, alors que des colons du premier peuplement avaient planté des céréales au rendement médiocre ou des plants bourguignons de moindre rapport et moins bien adaptés au climat. Grâce à ces Héraultais, Tipasa devint un village viticole prospère, moderne.

------Le symbole du nouveau Tipasa n'est-ce pas le fameux " plant romain " où la tradition veut voir le surgeon des vignes antiques? On l'appelle aussi " plant toustain " (Toustain Habenec découvrit dans les ruines romaines de Tipasa, un cépage. Il en prit des sarments qu'il planta en 1888; cette vigne donne un raisin d'un beau rouge au jus blanc légèrement rosé).
-------Camus, dans un de ses textes " scolaires ", Noces à Tipasa, qu'il écrivit en juillet 1937, à la suite d'une journée passée avec la sensuelle Christiane Galindo, une jeune Oranaise, qui aimait se mettre nue au soleil (cf. Albert Camus, Herbert Lottman, p. 139 et p. 153) consacre quelques lignes généreuses au village-jardin de Tipasa : " partout des bougainvillées rosat dépassent les murs des villas, dans les jardins des hibiscus au rouge pâle, une profusion de roses thé épaisses comme de la crème et de délicates bordures de longs iris bleus "; dans le parc " arrangé en jardin au bord de la route nationale " des grenadiers, du romarin; le village entier a " ses murs blancs et roses et vérandas vertes " tandis que " l'autobus est couleur de bouton d'or " et que " les bouchers dans leurs voitures rouges font leur tournée matinale " . Tipasa au site magnifique, devint lieu de pèlerinage des intellectuels d'Algérie. L'université d'Alger organisa de 1950 à 1953 au pied du Chenoua, des stages, retraites studieuses et sportives, préparatoires aux examens (cf. Tipasa 1854-1954, Pierre Boyer, p. 61).
-------Après l'indépendance, Fernand Pouillon construisit près de la plage Reynaud, le complexe touristique dit Tipasa-Matarès, dans un genre d'architecture influencé par le Mzab et la Casbah d'Alger. N'a-t-il pas ainsi réalisé en partie le rêve du pionnier Demonchy qui prévoyait dans sa ville un quartier " arabe "?

Marc Monnet