Alger, Algérie :
Alhambra, l'Opéra, le Casino, l'Aletti...

RÉOUVERTURE DE L' ALHAMBRA

C'est mardi prochain que doit avoir lieu la réouverture du théâtre de l'Alhambra — un Alhambra complètement transformé — et cette inauguration fera certainement sensation à, Alger.

Cette transformation, vu le peu de, temps dont on disposait, n'a pas touché la salle de spectacle et s'est bornée à ses dégagements et locaux attenants.

Notre ville va être dotée d'un établissement qui pourra se comparer aux plus beaux théatres de variétés de Paris, non point par son style qui est d'inspiration franchement méditerranéenne, mais par ses dimensions et par l'art et le goût qui ont présidé à sa conception et à sa construction.

Les dégagements du théâtre de l'Alhambra — ses habitués ont pu le constater — devenaient nettement insuffisants les soirs de grande affluence. Le problème se posait donc ainsi : trouver une disposition plus pratique des locaux, en disposant de la même place et transformer et non démolir de fond en comble , l'ancien bâtiment pour en construire un nouveau. Problème délicat et difficile. Pour le résoudre, l'Alhambra a fait appel à M. Jacques Guiauchain, architecte et au commandant ...
(suite dans l'article)


Extrait de l'Echo du 7-11-1929 - Transmis par Francis Rambert
en ligne : février 2018

2.- RÉOUVERTURE DE L' ALHAMBRA

La réouverture de l'" Alhambra " d'Alger - qui marquait en même temps l'inauguration des magnifiques embellissements de notre première scène de comédie, et les débuts de l'excellente troupe de Mme Huguette, ex-Duflos - fut l'occasion d'une inoubliable soirée artistique et mondaine à laquelle assistèrent les plus hautes personnalités de la Colonie.

Nous reviendrons plus en détail, dans notre prochain numéro, sur le nouvel agencement de l'" Alhambra " dont le cadre hispano-mauresque a été accueilli avec le plus bel enthousiasme par les dilettantes. Mais dès aujourd'hui nous tenons à adresser à M. Guiauchain - à qui nous devons cette œuvre délicate, synthèse de charme, d'élégance et de poésie - nos bien sincères compliments.

Toute notre reconnaissance va également à l'Administration de l'" Alhambra ", à M. Vinson, au si sympathique M. Mathon et aussi à M. Haïst, l'actif directeur artistique qui nous réserve cette année encore des spectacles de premier ordre et dignes en tous points de la grande capitale nord-africaine.

*** La qualité médiocre des photos de cette page est celle de la revue. Nous sommes ici en 1929. Amélioration notable plus tard, dans les revues à venir. " Algeria " en particulier.
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TEXTE COMPLET SOUS L'IMAGE.


Afrique du nord illustrée du 23-11-1929- Transmis par Francis Rambert
en ligne : mars 2021

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Guides bleus 1916
Théâtres :
- Opéra (Théâtre Municipal), pl. de la République. Saison d'hiver (grands opéra, opéras-comiques, drames et vaudevilles)
- Alhambra , rue d'Isly, 29 (drames et vaudevilles)
- Casino, rue d'Isly, 9 (concerts, spectacles variés)
- Kursaal, esplanade Bab-el-Oued (intermittent, music-hall)

Guides bleus 1930
En suivant la rue d'Isly [à partir de la rue Dumont d'Urville] on rencontre le casino -music-hall (à dr.), et, du même côté : les Galeries de France, grands magasins de style néo-mauresque édifiés en 1914, et l'Alhambra où se jouent le vaudeville, la comédie et l'opérette (réédifié en 1929, il comporte des salles de conférences et d'exposition, un bar américain et des salles de jeux), puis la place d'Isly.
PS: merci Francis pour ces informations.

Extrait de l'Echo du 7-11-1929 - Transmis par Francis Rambert

La réouverture de l'" Alhambra " d'Alger

La réouverture de l'" Alhambra " d'Alger - qui marquait en même temps l'inauguration des magnifiques embellissements de notre première scène de comédie, et les débuts de l'excellente troupe de Mme Huguette, ex-Duflos - fut l'occasion d'une inoubliable soirée artistique et mondaine à laquelle assistèrent les plus hautes personnalités de la Colonie.

Nous reviendrons plus en détail, dans notre prochain numéro, sur le nouvel agencement de l'" Alhambra " dont le cadre hispano-mauresque a été accueilli avec le plus bel enthousiasme par les dilettantes. Mais dès aujourd'hui nous tenons à adresser à M. Guiauchain - à qui nous devons cette œuvre délicate, synthèse de charme, d'élégance et de poésie - nos bien sincères compliments.

Toute notre reconnaissance va également à l'Administration de l'" Alhambra ", à M. Vinson, au si sympathique M. Mathon et aussi à M. Haïst, l'actif directeur artistique qui nous réserve cette année encore des spectacles de premier ordre et dignes en tous points de la grande capitale nord-africaine.

Dix minutes avec Huguette

Les coulisses du coquet théâtre de l'" Alhambra " - complètement, et heureusement métamorphosé sous la merveilleuse baguette d'un de nos plus habiles architectes - ne sont qu'un enchevêtrement de poutres, de pierres et de plâtras.

Tout est retourné, transformé, et je ne tarde pas à m'égarer dans ce véritable labyrinthe. Que n'ai-je à ma disposition de la cire et des plumes pour me confectionner les ailes de Dédale !

J'en suis à ces regrets, quand la gracieuse Marcelle Henia - qui fut, et qui sera encore cette saison, l'enfant gâtée du public algérois - apparaît, tel le bon génie des contes de fées, à mes yeux inquiets.
- Les loges ? Montez ces escaliers, me dit-elle avec un rire malicieux ; prenez le couloir de gauche, descendez, puis remontez, suivez tout droit : c'est là…

Cet itinéraire, qui semble très compliqué, est pourtant le plus court et le plus pratique et un brouhaha - cocktails de voix mâles et graves et un délicieux zézaiement féminin - m'indique que je serai bientôt rendu à destination.

Quelques secondes de tâtonnement dans une obscurité semi-complète et me voici dans le foyer provisoire des artistes où des types hétéroclites - un curé bon vivant, une duègne " très illustration 1900 ", un éphèbe moderne et tout un monde de femmes de chambre, d'habilleurs et de repasseuses évoluent joyeusement sous les puissants rayons des demi-watts.
- Oh ! monsieur le curé ! s'écrie la duègne, un trou... vous avez un trou à votre robe !
- Poisson d'avril, ma brave dame...
- Allons, ne plaisantons plus. Tu sais, mon ami, que nous n'avons que dix minutes avant d'entamer le " un " ; Marie, vite une aiguille !
Dix minutes. Huguette pourra-t-elle me recevoir ? Mais la porte de sa loge s'entr'ouvre rapidement, laissant passage à une bien mignonne petite camériste qui me prie fort gentiment d'entrer.

Devant sa glace, la blonde vedette vérifie une dernière fois son maquillage.

Shake-hand. Sourires. Évocation des vieux souvenirs parisiens, et la première question.
- Nous sommes partis de Paris le 3 novembre, m'apprend Huguette. Avant Alger, nous avons joué à Tunis, ma ville, ma chère ville natale..
Un soupir.
- nous continuerons notre tournée par Marseille et Bruxelles. Nous rentrerons ensuite à Paris pour y répéter une nouvelle pièce de Verneuil.
Le théâtre, chez moi, c'est une passion. Ah ! la scène ! Vie surréelle, vie abstraite sans doute, mais vie qui me charme et m'ensorcelle. Je plains sincèrement ces êtres dépourvus de tout idéal artistique, qui haussent les épaules au seul mot prononcé de comédie ou de musique et qui se contentent de je ne sais quel processus mécanique, invariable, monotone.
- Et le cinéma ?
- Comment pourrait-il ne pas me plaire ! Les metteurs en scène français m'ont tellement de fois donné l'occasion de vivre des rôles magnifiques : " l'Empereur des Pauvres ", " Les Mystères de Paris ", " Koenigsmark " et " l'Homme à l'Hispano ", pour ne citer que mes préférés.
Mais au théâtre, il y a ce contact direct et émotionnant avec le public. On sait que des milliers d'oreilles sont là, attentives. On entend les murmures de contentement... ou les reproches. On se rend compte immédiatement si l'on plaît ou si l'on ne plaît pas. Et combien réconfortant sont ces bravos pour l'artiste qui vient de tenir le " plateau "" pendant trois-quarts d'heure ! Au cinéma, on a évidemment d'autres agréments, les voyages à l'étranger, pour prendre un exemple. Mais vous savez comme moi que le travail du studio n'est pas toujours rose : mauvaises odeurs, émanations toxiques, chaleur suffocante et lumière qui vous aveugle impitoyablement, sont autant d'inconvénients regrettables.
- En somme, vous avouez votre penchant pour le théâtre.
- Si vous voulez. J'estime néanmoins que le cinéma, art qui se transforme et se perfectionne chaque jour, nous réserve les surprises les plus agréables et les plus inattendues. Qui eut dit, il y a seulement deux ans, que les films " parleraient " et " feraient du bruit "? A la réflexion, c'est à se demander si nous ne vivons pas une époque miraculeuse !
- A votre avis, l'avenir est-il au cinéma parlant ?
- Pas précisément et surtout - pardonnez-moi d'agiter une nouvelle fois ma petite marotte - dites-vous bien que le théâtre ne mourra pas. Les talkies ne tueront pas le théâtre...
Huguette se tait deux secondes et poursuit :
- tuer le théâtre ! C'est un art beaucoup trop beau, beaucoup trop grand !
Le cinéma aura sans doute une grosse influence sur l'art dramatique et sur la technique théâtrale. Mais, de cela, ne nous plaignons pas.
- Cette influence ne s'est-elle pas déjà manifestée : " Mélo "", de Bernstein, " Jazz " et " Topaze ", de Marcel Pagnol ?
- Parfaitement, et ces louables innovations se généraliseront avec le temps.
Tenez, vous venez de prononcer le nom de Pagnol. Croyez-vous qu'avec de tels talents - et si jeunes ! - le théâtre soit en danger ? On bat le tambour, on crie aux quatre vents que " BenHur " a tenu l'affiche x mois ; qu'est ce succès auprès du triomphe véritable qui a accueilli " Topaze " et " Marius " ?
- Et Jacques Copeau ? Que pensez-vous de son. choix éventuel en tant que directeur de la " Comédie Française " ?
- Je vous dirai tout de suite que Copeau n'est pas l'homme du Français. Cependant, que ce soit lui ou un autre, il est absolument indispensable de faire appel au plus tôt, pour diriger la Maison de Molière, à quelqu'un de jeune, entièrement acquis aux idées neuves. Une sorte de révolutionnaire qui " démolirait " tout et anéantirait l'empirisme ridicule - et administratif - qui préside actuellement aux destinées de l'illustre société.
Pour me résumer, le théâtre et le cinéma ne se feront jamais de tort, à la seule condition que " chacun reste chez soi ". Il y a quelque temps j'ai tourné un talkie, " la Voix de sa maîtresse ", et je me suis rendu compte que les cinégraphistes avaient tendance à faire jouer " théâtralement " leurs interprètes. C'est une grave erreur et qui pourrait bien devenir funeste.

Une sonnerie.

Huguette s'excuse, me tend ses doigts effilés et fragiles, et entre en scène, saluée par les applaudissements frénétiques d'une foule enthousiaste.