Télemly,- Alger
L'école de jeunes sourds d'Alger
en 1961 direction au 14 bd du Telemly

L'Institution des Sourds-Muets d'Alger
Afrique illustrée du 11-2-1928- Transmis par Francis Rambert

L'école de jeunes sourds d'Alger
en 1961 direction au 14 bd du Telemly
La première classe fut ouverte à Alger en 1872 par un sourd-muet de Bordeaux (M. CHARGEBŒUF) qui enseigna uniquement par le système de l'Abbé de L'EPÉE.

En 1887, M. et Mme ROUSSIÉRE fondaient une école que la Municipalité d'Alger transféra Rampe Valée où fut créé un internat de 45 élèves.

C'est M. ROUSSIÈRE qui, le premier à Alger, employa la méthode orale.

En 1905, la Municipalité acquérait la villa "la Chimère" et y installait l'école.

En 1920, la commune d'Alger la rétrocédait à l'Algérie.

Elle s'est appelée successivement : Ecole Municipale, Ecole Coloniale des Sourds-muets d'Algérie, Ecole des Sourds-muets et enfin, depuis Janvier 1958, Ecole des Jeunes Sourds.


L'Institution des Sourds-Muets d'Alger
[...]
Dans les différentes classes que nous avons visitées, les professeurs donnent une grande importance à l'enseignement de l'articulation de la parole, et chez les tout petits cette étude est combinée avec l'écriture.

Le langage mimique est considéré comme un accessoire plutôt gênant qu'utile et bon tout au plus à établir un moyen de communication entre le professeur et l'élève dans les premiers mois de son éducation.

Le langage mimique de l'Abbé de l'Épée n'a plus la place d'honneur qu'il occupait dans l'enseignement, la dactylologie est laissée de côté, mais nous nous rendons compte cependant que les sourds-muets savent s'en servir ; dans le fond de la classe deux élèves se communiquent leurs impressions au moyen des doigts, avec une grande rapidité. Je crois même qu'il est question de nous.

Maintenant la méthode de ce grand humanitaire qu'était l'abbé de l'Épée est surannée, mais il n'en est pas moins vrai que c'est grâce à l'infinie bonté de cet homme de bien que les sourds-muets considérés jusque-là, comme des êtres inférieurs, se sont élevés au rang d'hommes pouvant jouer un rôle dans la société.
Et puisque nous en sommes à la valeur des méthodes, nous pensons, nous, que l'enseignement du sourd-muet, malgré tout le progrès qu'il a accompli, ne repose encore sur aucune base solide. A chaque école une méthode et ces méthodes varient d'individu à individu. Il semble que nous soyons encore dans une période de tâtonnements et c'est heureux qu'il en soit ainsi, plutôt que de se lancer dans une éducation rationnelle qui n'aurait rien à voir avec la raison.
Le nouveau directeur de l'Institution des sourds-muets d'Alger, et Mme Ayrole poussent la conscience professionnelle jusqu'à étudier individuellement ces petits êtres, avant d'entreprendre leur éducation. Comme les médecins auscultent le corps, eux sondent l'intelligence pour en connaître les penchants afin que l'éducation à entreprendre y soit exactement adaptée.

Nous nous garderons en félicitant ces sympathiques éducateurs d'oublier leurs collaborateurs qui travaillent avec la foi à cette belle heure humanitaire.
Le côté de l'éducation qui peut être d'une grande utilité pour les sourds-muets, c'est l'enseignement professionnel qui est donné en même temps que la culture générale.

*** La qualité médiocre des photos de cette page est celle de la revue. Nous sommes ici en 1928. Amélioration notable plus tard, dans les revues à venir. " Algeria " en particulier.
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Plan pour l'école
Plan pour l'école


L'Institution des Sourds-Muets d'Alger

Sur un petit chemin montant, raboteux, non loin de la magnifique route du Télémly, se dresse l'École des sourds-muets. On nous avait dit, vous verrez la maison se cache dans la verdure d'un beau jardin, vous la reconnaîtrez à son portail surmonté d'un fronton de fer sur lequel sont peints en lettres blanches ces mots : Institution des sourds-muets. Le temps, la pluie ont effacé en partie l'inscription et rouillé le fer.
Nous poussons le lourd battant de la porte. Un silence impressionnant nous enveloppe. Le beau jardin est désert.
L'école a l'aspect d'une maison de campagne, d'une ferme avec ses dépendances rangées autour d'une vaste cour.
Dans l'escalier qui nous mène au premier étage, un petit élève sans que nous lui demandions rien, mais comprenant que nous désirons voir le directeur, nous fait un signe qui nous engage à le suivre. Il ouvre délibérément une porte et nous nous trouvons en pleine classe d'études.
M. Ayrole, directeur de l'Institution, à qui nous exposons le but de notre visite est désolé de nous recevoir dans un moment où son principal souci est de réorganiser un service qu'on avait jusque là par trop négligé.
Je ne vous cèle point Monsieur, nous dit-il, qu'en présence de cette lourde succession qui m'était offerte, j'eus un petit serrement de cœur, mais l'accueil bienveillant de M. le Gouverneur général qui me promit de s'intéresser vivement à l'institution, la gentillesse des élèves et le climat printanier que nous trouvions ma femme et moi (nous venions de quitter Chambéry sous la neige) nous incitèrent à rester pour entreprendre cette belle œuvre pour laquelle, sans fausse modestie nous étions très préparés.
Pendant que nous causons, Mme Ayrole inculque aux élèves les premiers rudiments de la grammaire, selon une méthode simplifiée qui consiste à rejeter tous les termes abstraits pour ne tenir compte que des images. Les deux genres ne sont pas désignés par les mots masculin et féminin qui ne diraient rien aux intelligences de ces enfants, mais par : homme et femme et pour qu'il n'y ait pas de confusion, le premier exemple de l'application de ces termes est pris dans la famille, papa est un homme, maman est une femme, etc..
Quel saint amour de l'humanité ne faut-il pas avoir au cœur pour entreprendre une pareille tâche, Mme Ayrole interroge un sourd-muet, d'un geste maternel elle a posé sa main sur les cheveux blonds bouclés de l'enfant, et articule posément ; le petit suit attentivement le mouvement de ses lèvres, il comprend, il va répondre, et nous assistons à cette chose surprenante, un sourd-muet parlant.
L'élève est heureux de sa prouesse et son institutrice qui l'encourageait d'un geste du bras est plus heureuse que lui.
M. le Directeur lui, n'est pas encore content du résultat, il voudrait mieux, il y arrivera.
Toutes les méthodes ne sont pas bonnes et il faut avant tout tenir compte de ce que les sourds-muets pensent surtout par image.
Il est bien entendu que les facultés intellectuelles et morales de ces infirmes sont les mêmes que celles des hommes normaux, encore faut-il savoir dans les institutions, non pas défricher l'intelligence du sourd-muet, mais la développer et l'enrichir en adoptant la marche naturelle qu'elle a suivie jusque-là. .
Tel est notre sentiment.
C'est un grand problème que cette éducation qui consiste à rendre la parole aux muets ; deux choses sont nécessaires : un bon maître et le temps.
M. et Mme Ayrole nous semblent répondre à merveille à la première nécessité, tout dans leurs propos nous révèle qu'ils ont la foi. L'enseignement actuel ils se sont voués, leur donne des satisfactions morales qui suffisent à embellir leur vie.
Actuellement les deux méthodes intéressantes suivies dans l'enseignement des sourds-muets sont la méthode Herlin, dite de globalisation ; l'élève apprend à prononcer des phrases entières. C'est le procédé synthétique belge, qu'on oppose au procédé analytique français de la méthode Tholon qui consiste à prononcer les mots séparément.
II nous a semblé que le directeur de l'institution d'Alger savait employer judicieusement ces deux méthodes pour le grand bien des sourds-muets, dont il a la charge.
Dans les différentes classes que nous avons visitées, les professeurs donnent une grande importance à l'enseignement de l'articulation de la parole, et chez les tout petits cette étude est combinée avec l'écriture.
Le langage mimique est considéré comme un accessoire plutôt gênant qu'utile et bon tout au plus à établir un moyen de communication entre le professeur et l'élève dans les premiers mois de son éducation.
Le langage mimique de l'Abbé de l'Épée n'a plus la place d'honneur qu'il occupait dans l'enseignement, la dactylologie est laissée de côté, mais nous nous rendons compte cependant que les sourds-muets savent s'en servir ; dans le fond de la classe deux élèves se communiquent leurs impressions au moyen des doigts, avec une grande rapidité. Je crois même qu'il est question de nous.
Maintenant la méthode de ce grand humanitaire qu'était l'abbé de l'Épée est surannée, mais il n'en est pas moins vrai que c'est grâce à l'infinie bonté de cet homme de bien que les sourds-muets considérés jusque-là, comme des êtres inférieurs, se sont élevés au rang d'hommes pouvant jouer un rôle dans la société.
Et puisque nous en sommes à la valeur des méthodes, nous pensons, nous, que l'enseignement du sourd-muet, malgré tout le progrès qu'il a accompli, ne repose encore sur aucune base solide. A chaque école une méthode et ces méthodes varient d'individu à individu. Il semble que nous soyons encore dans une période de tâtonnements et c'est heureux qu'il en soit ainsi, plutôt que de se lancer dans une éducation rationnelle qui n'aurait rien à voir avec la raison.
Le nouveau directeur de l'Institution des sourds-muets d'Alger, et Mme Ayrole poussent la conscience professionnelle jusqu'à étudier individuellement ces petits êtres, avant d'entreprendre leur éducation. Comme les médecins auscultent le corps, eux sondent l'intelligence pour en connaître les penchants afin que l'éducation à entreprendre y soit exactement adaptée.
Nous nous garderons en félicitant ces sympathiques éducateurs d'oublier leurs collaborateurs qui travaillent avec la foi à cette belle heure humanitaire.
Le côté de l'éducation qui peut être d'une grande utilité pour les sourds-muets, c'est l'enseignement professionnel qui est donné en même temps que la culture générale.
L'Institution d'Alger comprend deux ateliers assez bien outillés de menuiserie et de cordonnerie, où les élèves dès l'âge de 13 ans, si leurs parents y consentent peuvent acquérir sous la direction de maître-ouvriers les premiers éléments d'un métier qui les aidera plus tard dans la vie.
Le malheur est que ces maîtres ne sont payés que pour assurer quelques heures de cours par semaine. Cependant le professeur cordonnier, nous assure qu'il a formé des ouvriers en très peu de temps ; après un an de travail certains sont capables de confectionner de superbes brodequins ; et il nous cite le cas d'un élève dressé par lui, qui a fondé un atelier de cordonnerie en même temps qu'une famille.
Dans la vaste cour, maintenant les élèves filles et garçons organisent des jeux tout en dévorant les larges tartines que la cuisinière vient de leur distribuer. Les professeurs suivent avec bonté les ébats de ces petits êtres qui ne sauront jamais quels sacrifices s'imposent ceux qui ont assumé la noble tâche de les faire figurer dignement dans la société.