Plan pour l'école

UNE VISITE
à l'École des Sourds-Muets

Le 18 juillet a eu lieu, à l'École municipale des sourds-muets de la Villa la Chimère, la distribution solennelle des prix.

M. Rolland,directeur de l'école qu'assistaient Mmes Roussel et Montigny et M. Henry, a fait, devant les parents des élèves, une démonstration technique des plus intéressantes de son enseignement et a montré les résultats auxquels il est arrivé.

Dans une causerie toute familiale, il expliqua les moyens employés pour " dèmutiser " les élèves. Ce travail exige du professeur des connaissances d'anatomie, de physiologie, d'acoustique et de pédagogie toutes spéciales ainsi que beaucoup de patience et de persévérance. L'enfant apprend à parler en " touchant " et en " voyant "" la parole. A l'image auditive, il faut substituer une image visuelle et tactile du mot. De là, des exercices raisonnés, ayant pour but l'éducation de l'œil et du toucher du petit sourd-muet à qui il faut apprendre à émettre un son ou un bruit.

Pour cela, l'enfant applique une de ses mains sur la poitrine du maître, tandis que celui-ci émet un son. Le sourd perçoit les vibrations thoraciques, laryngées, crâniennes... selon le son dont il s"agit. L'autre main, appliquée sur sa propre poitrine, il cherche à reproduire les vibrations.

L'ébauche du premier son, rauque, désagréable, sera modifiée, modulée en voyelles, en consonnes, et syllabes et formera des mots qui, tout d'abord, n'auront aucune signification pour le jeune démutisé, bien qu'il sache les reproduire et les lire sur les lèvres. Dès lors, il faudra lui en l'aire connaître la valeur en les associant et en les combinant de manière à former des phrases.C'est alors que commence un laborieux travail : l'étude de la langue qui se complétera plus tard par des notions de calcul, d'histoire, de géographie, de science.

La classe se fait par la lecture sur les lèvres pour laquelle les sourds-muets ont des aptitudes diverses. Grâce à la photographie de la parole, il est permis d'espérer qu'il sera possible, en introduisant des séries chronophotographiques dans le " phonoscope "" et en les projetant contre un écran, de multiplier les exercices de lecture sur les lèvres à des bouches différentes, petites, grandes, mal dentées, difformes même. De plus, le jeune sourd-muet pourra même s'exercer seul.

L'Institut municipal des sourds-muets de la Villa la Chimère est dans une situation exceptionnelle au point de vue sanitaire. Il est placé sous le contrôle de la Municipalité d'Alger et d'une commission de surveillance composée d'un représentant du Gouvernement général, du Conseil général, de l'Académie et du Conseil municipal. Les élèves des deux sexes, de 7 à 12 ans, y sont admis. L'enseignement intellectuel et professionnel y est donné par plusieurs professeurs et par des chefs d'ateliers. Le prix de la pension est de 500 francs, non compris le trousseau.

Des bourses et des fractions de bourses sont facilement accordées par le Gouvernement général de l'Algérie, les départements et les communes. Pour tous renseignements, il suffit de s'adresser à la Mairie ou au Directeur.

Avant la lecture du palmarès, une clique, composée de sourds-muets, a joué du tambour avec un ensemble parfait, car tous les sourds-muets perçoivent les sons du tambour. La transmission des ondes sonores leur fait ressentir des vibrations à l'épigastre. Bien mieux, on espère leur faire entendre la musique.
Tel est le résumé des explications si intéressantes données par M. Rolland, directeur de l'Institut de la Villa la Chimère, qui a droit, ainsi que tous ses collaborateurs, aux plus vives félicitations pour les bons résultats qu'il a obtenus.