TAMANRASSET ou FORT LAPERRINE
Ermitage du R.P. de Foucauld

Le plateau d'Asekrem (100 k. env. N.-E., piste carrossable ou 60 km environ par une piste à méhari. Une nouvelle piste emprunte un itinéraire différent ; se renseigner à Tamanrasset auprès du représentant du T. C. F.). ON suit la piste d'In Salah sur 20 km environ et on prend à dr. à Otoul (eau table). La piste, très accidentée, aborde la région montagneuse (plusieurs traversées d'oued) et offre des points de vue magnifiques ; elle monte par Tarhananet, village abandonné à 1.860 m. d'alt., jusqu'au col d'Asakrar 2600 m.) pour atteindre, plus loin, le refuge inférieur de l'Asekrem. La dernière partie, jusqu'au deuxième refuge, doit se faire à pied. C'est là que trouve l'ermitage du P. de Foucauld; à côté, table d'orientation : vue sur deux dents du Tehouleg, le Trident, la Saouinane, la Taridalt aux mes caractéristiques et le col d'Asekrem (2.600 m.), qui pourront être tant de buts d'ascensions.(lire ici.)


mise sur site le 12-3-2012
...+ avril 2015

2.- Une conférence
C'est ce qu'il fit au cours de la conférence qui eut lieu lundi dernier au Splendid-Cinéma plein air, et dont nous détachons le passage suivant relatif à l'exhumation des restes du Père de Foucauld.
Afrique du nord illustrée du 15-6-1929 - transmis par Francis Rambert
mai 2021

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Cette cérémonie eut lieu en présence de Mgr Nouet, du général Meynier, des militaires français et indigènes de la garnison ainsi que d'une délégation de touaregs rassemblés autour de leur chef. Et tandis que des mains pieuses dégageaient avec précaution le corps du martyr scellé à la terre et dont les traits du visage étaient encore reconnaissables, je me remémorais les événements tragiques de 1916.
C'était le 1er décembre. Le Père, seul dans son nouvel ermitage, petite forteresse imprenable, ignorait la présence d'un groupe de rebelles Ajjers venus de la Tripolitaine et parvenus à Tamanghasset pendant la nuit dans le plus grand secret, Attiré par traîtrise hors de sa demeure, il fut saisi brutalement, confié à un gardien qui, peu après, le tua lâchement d'un coup de fusil à la tète, alors qu'agenouillé, il priait peut-être pour ses agresseurs et faisait à son Dieu le sacrifice de sa vie.

Le corps du supplicié fut jeté nu par les assassins dans une excavation en face de l'ermitage. C'est la qu'il fut retrouvé deux jours après par le capitaine de la Roche qui lui donna une sépulture chrétienne en plaçant sur la tombe une croix confectionnée avec deux branches d'arbre. Trois semaines plus tard, me trouvant sur les lieux tragiques, appelé au Hoggar pour remplacer le capitaine de la Roche au commandement de la région, je fis rendre par mon détachement les honneurs suprêmes au grand patriote et rassemblai précieusement les livres ainsi que les manuscrits du Père, que mon prédécesseur n'avait pu emporter, afin de les mettre en lieu sûr à Fort Motylinsky où, à cette époque, étaient installés les services militaires et administratifs de la région.

C'est en 1917 que l'ermite du Sahara fut enterré à l'endroit où il reposait encore il y a quelques jours et, détail émouvant, ce fut le général Lapérrine qui présida à la translation du corps après avoir choisi personnellement l'emplacement de la nouvelle tombe. Il ne se doutait pas, le grand saharien, qu'un destin inexorable du martyre au désert et comme à son ami, l'auréole du martyre au désert et que ce petit cimetière allait devenir pour lui-même, trois années plus tard, l'éternel champ de repos !
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Ermitage du R.P. de Foucauld

l'exhumation des restes du Père de Foucauld.
l'exhumation des restes du Père de Foucauld.
Une conférence

Pour exposer le projet des grandes courses automobiles sahariennes, gui auront lieu en 1930, à l'occasion du Centenaire de l'Algérie, nul n'était mieux .désigné que le capitaine Lehuraux, que dans notre fervente admiration nous voulons appeler " le grand saharien ".
Lui seul pouvait nous montrer à l'aide de son expérience des choses du désert, tout ce que l'initiative prise par le Gouverneur de l'Algérie avait de réalisable et comment elle pourra accroître le rayonnement du nom français dans le monde entier.
C'est ce qu'il fit au cours de la conférence qui eut lieu lundi dernier au Splendid-Cinéma plein air, et dont nous détachons le passage suivant relatif à l'exhumation des restes du Père de Foucauld.


Après un instant de recueillement sur sa tombe et sur celle du général Lapérrine, j'ai tenu à revoir la modeste maisonnette où l'ermite passa dix années de sa vie austère et laborieuse. Hélas ! de cette demeure qui accueillit tant de Français, il ne reste plus que les murs menaçant ruine, ainsi que le banc en pierre où le Père aimait à méditer le soir, après un travail acharné, devant le panorama chaotique de la Koudia, ou à s'entretenir avec ses amis les touaregs. Faisant un retour vers le passé, je revoyais le " marabout ", vêtu de sa blouse blanche plaquée d'un cœur en drap rouge et ceinturé d'un chapelet monacal, nous tendre les mains d'un geste paternel, mais avec une humilité qui nous mettait dans un grand embarras, et nous faire les honneurs de son minuscule logis. Lorsque notre séjour à Tamanghasset se prolongeait un peu, il ne manquait jamais de nous faire admirer son jardin dont il était très fier, puis les cultures qu'il avait réussi à faire entreprendre par les imrads Dag Rali, pour lesquels il avait une préférence marquée. Il réunissait aussi les touaregs pour leur parler de la France et leur présenter ceux désignés pour les administrer et les commander. Ces réunions étaient vraiment charmantes car le Père, sévère pour lui-même, était l'indulgence même pour les autres et ne s'offusquait jamais des réflexions toutes militaires que certains d'entre nous laissaient parfois échapper malgré eux.
Ce petit ermitage de Tamanghasset qui, bien plus que la massive forteresse en face de laquelle le Père fut assassiné, fut le témoin de son apostolat dans le Hoggar, de son labeur inimaginable, de ses espoirs dans une vie meilleure pour ses semblables, ne tardera pas à disparaître si l'on n'y prend garde. Pourquoi ne conserverait-on pas cette humble demeure, dans laquelle l'ermite du désert passa presque toute sa vie saharienne, et ne la transformerait-on pas en un sanctuaire où viendraient prier ou se recueillir les croyants ou les simples admirateurs de l'illustre défunt ? Puisque l'on va béatifier, dit-on, le Père de Foucauld, une pareille mesure ne s'impose-t-elle pas et ne convient-il pas que l'ancien logis d'un saint soit respecté comme une véritable relique ?
Le 18 avril, nous assistons, avant de quitter Tamanghasset, à la cérémonie émouvante de l'exhumation du corps du Père de Foucauld. Avant cette triste opération, le général Meynier m'avait prié d'indiquer à l'amenokal des Hoggar, Akhammouk ag Ihemma, une vieille connaissance, les raisons pour lesquelles les Français venaient chercher le corps du " marabout ". Avec toute la prudence voulue, j'expliquai donc à Akhammouk que nous avons, nous aussi, comme les touaregs, le culte du souvenir ; dans notre pays, les grands morts, ceux qui, durant leur vie, ont consacré tous leurs instants à faire le bien, à protéger les faibles, à servir leur patrie, ceux qui, enfin, ont laissé de leur passage sur cette terre des exemples de grandes vertus civiques et morales, sont l'objet d'une vénération profonde. Les Français aiment venir méditer sur les tombeaux de ces illustres disparus et puiser ainsi de nouvelles énergies pour lutter contre les forces invisibles, les mauvais esprits, qui cherchent à détourner les humains de leur devoir. Les touaregs savent combien le Père de Foucauld, dont la charité et la bonté n'avaient pas de limite, était aimé de tous ; aussi le respect profond que tous les Français ont voué à sa mémoire ne saurait les surprendre. Mais Tamanghasset est loin ; bien que les automobiles en facilitent aujourd'hui l'accès, seuls quelques rares privilégiés peuvent venir s'incliner devant la sépulture du Père. C'est pour permettre à tous les admirateurs du " marabout " de prier sur sa glorieuse dépouille que d'autres " marabouts " sont arrivés du Nord et qu'ils procéderont dans quelques instants à l'exhumation des restes de l'ami des touaregs pour les transférer à El-Goléa, où ils seront définitivement inhumés. Toutefois, les Français n'oublient pas que le Père de Foucauld a offert sa vie au désert, afin de contribuer à apporter dans le Hoggar le bien et la paix ; ils ont donc décidé de laisser dans ce pays, auprès des touaregs qu'il aimait fraternellement, ce qui fut le meilleur de lui-même : son cœur généreux qui battit tant de fois si puissamment pour l'amour de tous, pour la réalisation d'un idéal et la gloire de sa patrie.

Je dois à la vérité de dire que l'émotion qui m'étreignait en prononçant ces paroles et que partageaient ceux qui m'écoutaient, ne parut pas se communiquer à l'amenonkal qui, sans un mot, leva simplement les mains, dans un geste pouvant signifier : " Faites ce que bon vous semble " et qui se rendit ensuite au thé qui lui était offert en causant gaiement avec ses familiers. Mais peut-on connaître les véritables sentiments de ces primitifs que les plus grandes douleurs laissent impassibles et dont les impressions intimes, jalousement gardées au fond d'eux-mêmes, ne sauraient même pas être surprises sur leur visage presque entièrement caché par le litham ? Je crois que l'événement a trouvé Akhammouk tout à fait indifférent ; mais j'ai aussi la conviction que son prédécesseur immédiat Moussa ag Amastane, qui fut un grand ami du général Lapérrine et du Père de Foucauld, plus " civilisé " que Akhammouk, à l'intelligence plus vaste et plus prompte, aurait été fortement ému lors de la cérémonie d'exhumation.

Cette cérémonie eut lieu en présence de Mgr Nouet, du général Meynier, des militaires français et indigènes de la garnison ainsi que d'une délégation de touaregs rassemblés autour de leur chef. Et tandis que des mains pieuses dégageaient avec précaution le corps du martyr scellé à la terre et dont les traits du visage étaient encore reconnaissables, je me remémorais les événements tragiques de 1916.
C'était le 1er décembre. Le Père, seul dans son nouvel ermitage, petite forteresse imprenable, ignorait la présence d'un groupe de rebelles Ajjers venus de la Tripolitaine et parvenus à Tamanghasset pendant la nuit dans le plus grand secret, Attiré par traîtrise hors de sa demeure, il fut saisi brutalement, confié à un gardien qui, peu après, le tua lâchement d'un coup de fusil à la tète, alors qu'agenouillé, il priait peut-être pour ses agresseurs et faisait à son Dieu le sacrifice de sa vie.

Le corps du supplicié fut jeté nu par les assassins dans une excavation en face de l'ermitage. C'est la qu'il fut retrouvé deux jours après par le capitaine de la Roche qui lui donna une sépulture chrétienne en plaçant sur la tombe une croix confectionnée avec deux branches d'arbre. Trois semaines plus tard, me trouvant sur les lieux tragiques, appelé au Hoggar pour remplacer le capitaine de la Roche au commandement de la région, je fis rendre par mon détachement les honneurs suprêmes au grand patriote et rassemblai précieusement les livres ainsi que les manuscrits du Père, que mon prédécesseur n'avait pu emporter, afin de les mettre en lieu sûr à Fort Motylinsky où, à cette époque, étaient installés les services militaires et administratifs de la région.

C'est en 1917 que l'ermite du Sahara fut enterré à l'endroit où il reposait encore il y a quelques jours et, détail émouvant, ce fut le général Lapérrine qui présida à la translation du corps après avoir choisi personnellement l'emplacement de la nouvelle tombe. Il ne se doutait pas, le grand saharien, qu'un destin inexorable du martyre au désert et comme à son ami, l'auréole du martyre au désert et que ce petit cimetière allait devenir pour lui-même, trois années plus tard, l'éternel champ de repos !

Des années s'écoulèrent. Pendant que M. René Bazin accumulait avec une conscience remarquable les matériaux qui devaient lui permettre de se faire le puissant historiographe du missionnaire défunt, des âmes pieuses préparaient patiemment les documents destinés à obtenir de la cour pontificale la béatification du Père de Foucauld. En 1927 eut lieu la reconnaissance du corps ; celui-ci était, parait-il, parfaitement conservé ; les chairs demeurées fermer présentaient même l'apparence de la fraîcheur à l'endroit de la blessure et la barbe grisonnante était restée intacte. Le 18 avril 1929 ce ne furent que de pauvres débris paraissant calcinés que l'on plaça religieusement sur une civière capitonnée de satin blanc et que l'on transporta en cortège dans l'ermitage où les Pères Blancs procédèrent à la mise en bière.

Au cours de mon voyage, j'entendis maintes fois ces réflexions qui me vinrent à l'esprit : Pourquoi ne pas laisser le Père de Foucauld reposer auprès de son grand ami, le général Lapérrine, dans cette rude terre du Hoggar, dans ce pays qu'il avait définitivement adopté et qu'il croyait ne jamais quitter ? Pourquoi ne pas avoir respecté les dernières volontés du défunt qui, dans un testament déposé au bureau des affaires indigènes d'In-Salah, avait nettement spécifié qu'il voulait " être enterré à l'endroit même où il tomberait, sans cercueil, sans autre ornement qu'une simple croix de bois " ? Certainement si ces mânes errent dans le séjour réservé aux bienheureux, elles doivent réprouver cette inobservation de suprêmes désirs terrestres, car le Père de Foucauld qui fut, selon la belle expression de Fontenelle, de ces hommes " qui rejettent tout ce qui est recherché avec le plus d'ardeur et qui ont un amour sincère pour tout ce que les autres fuient ", était tout humilité ; son détachement complet des choses de ce monde était bien connu et j'ai la conviction que, dans son extrême simplicité, il se serait jugé indigne des magnifiques honneurs que sa dépouille mortelle va recevoir.

L'Église catholique ne l'a pas apprécié ainsi ; elle estime que les cendres de ses enfants morts en odeur de sainteté lui appartiennent souverainement ; partant de ce principe, elle a décidé, en accord avec la famille du défunt, que les pieuses reliques de l'ermite seraient déposées dans un lieu sanctifié où il sera possible de prier sur son tombeau et de se rendre en pèlerinage. C'est El-Goléa, station chrétienne la plus avancée dans le Sahara, qui a eu le grand honneur d'être choisie pour recevoir le précieux dépôt et cette délicieuse petite oasis va devenir ainsi un pôle d'attraction religieuse dont le lumineux rayonnement attirera de nombreux croyants, des mystiques ou simplement des français qui voudront apporter leur hommage reconnaissant à celui qui contribua, avec tant de ferveur, à la grandeur de la patrie.

La conquête du Sahara reste marquée des traits indélébiles que lui ont imprimés les deux hommes qui, par des voies différentes, mais avec la plus haute communauté d'idéal, ont réalisé la soudure des terres méditerranéennes et des terres soudanaises. Qu'il s'agisse des habiles et fécondes entremises du général Lapérrine ou des exemples d'une vertu plus qu'humaine, multipliée pendant toute une vie par le Père de Foucauld, la caractéristique de la pénétration saharienne, c'est qu'elle s'est efforcée de gagner les cœurs en même temps qu'elle poussait toujours plus loin ses occupations territoriales.

L'apôtre et le soldat se savaient indispensables l'un à l'autre pour leur fraternelle politique d'apprivoisement et leur prestige personnel a été si grand que, pendant la guerre, en plein Sahara, les touaregs de Moussa ag Amastane n'ont senti s'ébranler leur foi dans la France que le jour où l'apôtre est tombé et qu'il leur a suffi d'apprendre le retour du soldat pour qu'ils redevinssent de courageux compagnons d'armes. D'Ouargla à In-Salah, de Tamanghasset à Tombouctou, la France ne paraît si belle et si douce aux indigènes sahariens que parce qu'ils l'ont vue à travers les nobles figures d'un Lapérrine et d'un de Foucauld. Les tribus qui les ont aimés continueront à veiller sur la dépouille du général ainsi que sur le cœur de l'ermite déposé dans la même tombe et ce dépôt sacré restera en quelque sorte le gage de leur attachement à une lointaine patrie adoptive.