C'est à Staouéli que se livra la bataille
du 19 juin 1830 entre la cavalerie du Dey Hussein, campée sur un
large plateau situé à 150 mètres au-dessus de la
mer et les troupes du général de Bourmont débarquées
à Sidi-Ferruch.
C'est près des koubbas de Sidi-Khralef situées à
un kilomètre environ de Chéragas que se déroulèrent
les combats du 24 juin 1 830 où Amédée, le second
des fils du général de Bourmont, devait perdre la vie.
Déjà en 1808, le capitaine Boutin avait reconnu le site
de Staouéli sous le nom de " Plateau des tentes ". Une
végétation assez dense entretenue par la présence
de nombreuses sources favorisait depuis toujours la présence, durant
la belle saison, de bergers venus y faire pâturer leurs troupeaux.
Durant les années suivantes, ce plateau séparé de
la mer par une chaîne de collines sablonneuses était parcouru
par des chasseurs et des touristes dont les pieds heurtaient les boulets
ou les éclats de bombes de cet ancien champ de bataille.
Treize années après ces combats un arrêté du
11 juillet 1843 autorisait les Trappistes à fonder dans le voisinage
de l'ancien camp un établissement agricole sur une superficie de
1 020 hectares. Ce domaine était limité au Nord par la mer,
au sud par l'oued Bridja, à l'ouest par l'oued Bou-Kara et à
l'est par la Mitidja. Quelques jours plus tard, le 19 août 1843
les Trappistes vinrent planter leurs tentes dans les champs de palmiers
nains (doum) près desquelles se dressaient celles d'Ibrahim gendre
du Dey Hussein et des beys d'Oran et de Constantine. Le lendemain, ils
célébraient une messe en plein air à la mémoire
des guerriers tombés à Staouéli. Ils livraient, aussitôt
après, d'autres combats pour construire des bâtiments et
implanter des cultures. Les débuts dans ce désert, sous
la houlette du révérend père François Régis
furent difficiles. Cependant, un demi siècle plus tard, en 1897,
une vaste ferme était dotée d'un moulin à farine,
d'élevages de bétail et de plus de 300 ruches, avec un vignoble
de 425 hectares, un verger, un jardin et 15 hectares de géranium.
Créé en 1844 le village de Staouéli situé
à 5 kilomètres de la Trappe dépendait en 1863 de
la commune de Chéragas. Présidé par M. Mercurin,
c'est le docteur médecin Guillot, qui au sein du conseil municipal
était son adjoint chargé de la section de Staouéli.
En 1900, le village situé sur un plateau à une altitude
de 40 mètres au-dessus du niveau de la mer, offrait une vue splendide
sur le littoral. Son territoire s'étendait sur 5 272 hectares en
coteaux.
Avec une température de 10° C en hiver et de 35°C en été,
les terres de Staouéli étaient arrosées par la dérivation
des eaux de l'oued Bou-Kara, tandis que l'eau potable provenait de la
source du four à chaux des Trappistes
Staouéli était relié aux autres agglomérations
du littoral par le chemin de grande communication n° 15 emprunté
par les voitures du courrier d'Alger à Cherchel
par Castiglione et d'Alger à Koléa en passant par la Trappe.
Dès 1900, le village était déjà doté
d'une école de garçons, une école de filles ainsi
que des établissements religieux de Saint-Joseph.
Au fil des années des défricheurs et des bâtisseurs
ont transformé ces coteaux du Sahel d'Alger en y implantant des
entreprises d'exportation des produits du sol. Industriels du crin végétal,
primeuristes, expéditeurs-transitaires en fruits et légumes
firent de ce plateau de Staouéli l'une des plus belles et des plus
prospères régions de polyculture et d'élevage.
ADMINISTRATION MUNICIPALE EN 1900.
En 1900, Staouéli abritait une population de 698 habitants dont
630 français originaires des départements provençaux
et notamment du Var. Quelques années plus tard en 1908, il y avait
dans le village 1 398 européens sur 1 756 personnes employées
dans les champs et notamment sur le domaine de la Trappe dont les Trappistes
furent évincés en 1904.
Les villages de Zéralda et de Sidi-Ferruch étaient alors
rattachés à la commune. - Maire : M. Charles Augeraud.
- Adjoint : M. Alexandre Pinard.
- Secrétaire : M. Eugène Colombani.
- Instituteur ; M. Silve.
- Institutrice : Mme Juving.
- Directrice de l'école libre de Saint-Joseph : Soeur Marie Dosithée.
- Curé : M. l'abbé Chenevier.
- Postes et télégraphe : Mme Marie Labonne, receveuse,
M. Charles Faget, facteur local,
- Garde-champêtre : M. Etienne Maestracci.
- Expert phylloxérique : M. Icard.
Cette organisation municipale permettait déjà de répondre
aux besoins exprimés par ses habitants en matière d'enseignement,
de communication et d'information technique, notamment en ce qui concerne
la lutte contre le phylloxéra qui, en ce début du XXème
siècle, compromettait le développement du jeune vignoble
algérien.
. ARTISANS ET COMMERCANTS EN
1900
Situé sur une voie de grande communication, Staouéli était
le lieu de passage de tous les intervenants économiques travaillant
dans les agglomérations de la région.
- Aubergistes : M. Vidal à l'Hôtel Malakoff.
M. Germain Segond à l'Hôtel de la Poste.
M. François Banüls à l'Hôtel du Louvre.
MM. Kolfemback et Charles Grandmougin à l'Hôtel du Roulage,
Cafés-restaurants divers.
- Charrons-forgerons : MM. Hubert, Puig, Pierre.
- Coiffeur : M. Martinez.
- Boulangers : MM. Henri Guerche, Jean Vallat.
- Entrepreneur de travaux publics : M. Paul Gatoni.
- Entrepreneur de. transports : M. Gustave Piller.
- Epiciers : MM. Dominique Motta, Pons, Grospelli, Baptiste.
- Menuisier : M. Leboucher.
Par leurs activités dans les secteur du vin et de l'agriculture,
les magnifiques domaines agricoles de La Trappe et de la Bridja contribuèrent
largement au développement de cette région du Sahel d'Alger.
En raison de leur situation en bordure de mer, les maraîchers s'orientèrent
vers des cultures de primeurs : aubergines, poivrons, tomates, pommes
de terre. Les sols légers se rechauffant facilement étaient
propices aux cépages à raisin de table comme le Chasselas
de Guyotville, dont les grappes dorées et sucrées, arrivaient
très tôt sur les marchés français et étrangers.
Même si la vigne avait déjà une grande importance
économique, cette région du Sahel d'Alger était et
restera jusqu'en 1962 orientée vers la polyculture. La production
des légumes primeurs fera notamment appel à l'adaptation
et au perfectionnement de procédés de protection des plantes
contre le froid et les vents marins. Ces techniques, traditionnellement
utilisées sur les bords du littoral méditerranéen
furent apportées par des immigrants venus de la côte ibérique,
des îles Baléares, de Sicile ou du littoral amalfitain.
AGRICULTEURS-VITICULTEURS EN 1900.
Bien que très propice aux céréales et aux fourrages,
cette région du littoral s'est cependant très rapidement
spécialisée dans la production de légumes précoces
et dans des cultures spéciales et soignées de beaux raisins
de table expédiés chaque année dans les premiers
jours de juillet sur les divers marchés de la Métropole.
Ces agriculteurs s'appelaient : MM. Antoine, Léon Bernheim, Auguste
Bez, Baron de la Boissière, Charles Dubard, Edouard Bonnard, Mme
Vve Brock, MM. François Camilliéri, Marius Caras-Latour,
François Cardona, Emmanuel Cazerte, Félix Cazerte, Victor
Clément, Julien Dencausse, Augustin Cazelle, MM. Famin et Bernheim,
Funel et Cassini, Nesslet, Gomez, Mme Vve Hanotel, MM. Pierre Lhérété,
Ernest Mary, André Mary, Louis Ninet, Alexandre Pinard, Cesar Pons,
Mme Vve Pons, Mme Vve Saurine, MM. André Schneider, Mathias Schneider,
Aimé Seingeissein, Jean Vivier.Sur un vignoble de 350 hectares,
la commune de Staouéli possédait 58 hectares de vigne qu'elle
louait à différents viticulteurs.
Autour de petits bassins, des norias faisaient entendre le bruit métallique
du cliquet retombant sur la roue dentée placée sur le même
axe que celle des godets recueillant l'eau du fond pour la déverser
dans un bassin. Un mulet avec son chapeau de paille percé pour
le passage des oreilles, était attelé et tournait inlassablement
autour de la margelle pour en faire remonter l'eau de 15 à 40 mètres
de profondeur. Un autre mulet permettait à son propriétaire
d'amener dés le 15 juin, ses tomates sur le marché de la
rue Randon à Alger. C'est ainsi que la tomate d'hiver
commença à Staouéli une belle aventure, étendue
aujourd'hui dans bien d'autres pays, dont le Maroc, l'Espagne et l'Italie.
AGRICULTEURS-VITICULTEURS EN 1956.
A Staouéli en 1956, le maraîchage et la culture des légumes
de primeurs prévalaient sur la viticulure malgré la réputation
internationale acquise par la qualité exceptionnelle de la production
de quelques grands crus comme ceux du domaine de la famille Borgeaud.
Cette famille continua jusqu'en 1962, l'oeuvre généreuse
entreprise en 1843 par les Trappistes du révérend père
François Régis, relatée par plusieurs ouvrages cités
dans la bibliographie. Il convient de citer aussi les vignobles de MM.
Delore et Lebon, René Dourin, René Fine, François
Guieysse, Laurent Séguy, ainsi que celui de la Société
de Mokta-Essefa.
DES TECHNIQUES ANCESTRALES AU
SERVICE DE LA CONQUETE DE NOUVEAUX MARCHES.
Les primeurs, tomates, poivrons et courgettes n'arrivaient plus à
dos de mulet au marché de la rue Randon. Sur la seule commune de
Staouéli une quinzaine d'expéditeurs dotés d'installations
de conditionnement assuraient l'écoulement vers la métropole
et l'étranger, de tomates, poivrons, aubergines, haricots. Ces
légumes cultivés à l'abri de paillassons de diss
ou protégés par des haies brise-vents, sur des surfaces
réduites, fournissaient de nombreux emplois. Des producteurs cultivaient
hors saison des champs entiers de tomates. Entre Guyotville, Staouéli,
Douaouda, Fouka et Castiglione, les semis se faisaient courant octobre
sous abri de diss et le repiquage des jeunes plants se déroulait
du 15 novembre au 15 décembre dans un sol profondément ameubli.
Les soins donnés par une main d'oeuvre très qualifiée
consistaient en confection d'abris de diss et de haies pour protéger,
soigner, tuteurer et pincer les plants sensibles à l'influence
des vents marins. En année favorable la récolte commençait
fin avril ou début mai.
Parmi ces producteurs, citons : MM René Aloy, Albert Bas, Pierre
Bertucci, Albert Bez, Gilbert et François Blanquer, Marcel Brandan,
Mme Vve Brock et M. Lucien Brock, MM. Julien Bruel, François Chesa,
Fernand Coffmet, Lucien Courtot, Delore-Lebon, Georges Dencausse, Jean
Escalès, René Famin, Jacques Ferrer, Louis Fonti, Joseph
Garcia, Roland Gomès, Guieysse, Jover frères, Lubrano, Edouard
Montaner, Lucien Motta, Fernand Oltra, Palmisano, Claude Papa, Joseph
Pape. Même si en 1956, l'Espagne n'était pas encore exportatrice
de fruits et légumes, les tomates de Staouéli arrivaient
sur un marché national et international où la concurrence
était particulièrement vive entre l'Algérie, le Maroc
et l'Italie.
L'EXPORTATION UNE ACTIVITÉ COMPÉTITIVE
Les expéditeurs particulièrement nombreux à Staouéli
s'appelaient MM. Paul Ambrosino. la société Bahu-Coudray,
Georges, Michel et Henri Buonnano, Roger Coffinet et Robert Antoine, Courgeau-Olivier
et Cie, Vincent Ferrer, Fine, Roland Gomès, Antoine Miello, Fernand
Mignano,Lucien Oltra. Ces entreprises valorisaient en amont le travail
de petits producteurs agricoles, vanniers confectionnant des abris de
diss, des corbeilles tressées à même le trottoir,
ainsi que des cagettes fabriquées à Hussein-Dey
par les établissements Ben-Ouenniche et fils. En aval
les camions de Mme Vve François Arnaud, de M. François Mari
ou ceux des sociétés Bahu-Coudray et Mory, assuraient dès
la fin de la journée le transport des cageots de tomates sur les
quais et aux halles centrales de la rue Sadi-Carnot à Belcourt.
Pas une minute n'était à perdre pour mettre les cagettes
à bord des navires équipés de cales réfrigérées.
Dimanche 8 novembre 1942, Staouéli connut en avant première
le débarquement des alliés qui s'inspirèrent des
relevés topographiques effectués en 1808 soit 134 ans plus
tôt par le capitaine Laurent-Yves Boutin. D'autres noms s'ajoutèrent
au martyrologe des enfants de Staouéli tombés durant la
Grande guerre de 1914-1918. Grâce aux souvenirs de MM. Seingeissen,
Forti, Gomes et Arnau, nous aurons une pensée pour ceux des jeunes
gens du village morts pour la France en 1939-1945, dont Jean Arnould engagé
à 17 ans, Cardonne, Guarinos, Emmanuel Paquet, Riéra, Eugène
Sanchez, Gaby Servera et Albert Séva. Ce dernier tombait dimanche
10 décembre 1944, par un froid polaire. Comme tant d'autres jeunes
de Staouéli morts en Tunisie au Zaghouan, en Italie sur le Garigliano,
Albert Séva participait à un assaut donné aux tranchées
défendant l'accès au col du Bonhomme. Ce jour là,
le brouillard enveloppait lugubrement la forêt de sapins entourant
un petit plateau. Quelques jours après, le 24 décembre 1944,
cette avancée, payée de leur vie par tant de jeunes français
faillit être compromise par une violente contre-offensive du général
allemand Von Runstedt.
Ajoutons le nom du grand père paternel De François Mari
: MARI Michel, du 4 éme régiment de Zouaves, matricules
667 de la classe 190/ au recrutement : ALGER. Tué à l'ennemi
et porté disparu le 4 Mai 1915 à Abdul Bahr (Turquie).
STAOUELI DANS LA TOURMENTE..
Il serait temps de tourner la page de la nostalgie du ciel bleu, de la
mer cruelle, mais belle avec ses lames montant furieusement à l'assaut
des rochers de l'ïlot ou du Ras Acrata, de la couleur des champs
de tomates, des odeurs des embruns ou du moût de raisin en fermentation.
Notre propos, ici, est de rendre hommage à la mémoire de
ceux et celles qui furent à l'origine de Staouéli, de ses
cultures, de sa prospérité
Cette production maraîchère demandait beacoup d'efforts et
d'intelligence pour semer, repiquer, arroser, pincer, tuteurer, récolter
et affronter la concurrence des marchés étrangers. Ces ouvriers
des champs de tomates, des ateliers de conditionnement tiraient des sols
de ce Sahel de beaux produits gorgés de soleil et constituaient
la clientèle des boucheries Lounès, Medjadji, Vadell, des
boulangeries-patisseries de Mme Joseph Cholbi, de MM. Arezki Gasmi, Llorca,
Martinez, des épiceries : Bedj Mohamed, Forquet, Guerroudj au "
Bon Coin ", Iliano, Marnet, Rippol, San-Roque et de quelques artisans
comme MM. Georges et Roger Lopinto à Moretti-Plage.
Situé à 22 kilomètres à l'ouest d'Alger, Staouéli
avec 5 300 habitants en 1956 avait tous les attraits d'une petite ville
qui se distinguait par le nombre de ses hôtels-restaurants comme
le " bar du Sahel " de M. Rochietta, sa brasserie " Malakoff"
tenue par M.Hilaire Poquette, le café de " La Poste "
de Mme Vve Pierre Caserte. Il y avait toujours le " Café du
Louvre " avec M. Michel Ginard, le " Triomphe Bar " de
M. Auguste Grébot ainsi que celui de Mme René Bas "
Au bon accueil ". Les pharmacies Blanc et Pellégrini délivraient
les médicaments prescrits par les médecins à leurs
patients couverts par la Sécurité Sociale.
REMERCIEMENTS.
Nos remerciements s'adressent tout particulièrement aux personnes
qui nous ont écrit ou téléphoné pour nous
encourager dans la rédaction de ce travail sur les villages du
Sahel. Nous exprimons nos sentiments de bien vive gratitude au Dr Georges
Duboucher, à Mme L. Desmons-Vidal, MM.José Arnau, Louis
Dulac, Gérald Légier, Jacques Piollenc. Nous n'oublions
pas la contribution efficace des membres de l'association des anciens
de Staouéli présidée par M. Jean Seingeissen et leur
exprimons nos sentiments de bien vive gratitude.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES.
= Georges Bardelli, Mémoires ultra-marines, la Trappe de Staouéli,
imprimerie du Lauragais.
- Michèle Barbier, La Trappe de Staouéli.
- L'oeuvre agricole française en Algérie ouvrage collectif
édité par l'Association Amicale des Anciens Elèves
des Ecoles d'Agriculture d'Algérie.
- Divers annuaires de 1893 à 1961.
- Photos et carte de la collection personnelle de l'auteur.
- Hippolyte Truet, Traité pratique de culture potagère pour
l'Afrique du Nord avec une préface du professeur Maire. Editions
P. et G. Soubiron. Alger 1934.
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