Le ski en Aurès

La pratique du ski en Algérie était une réalité souvent méconnue.Dans les années qui précédèrent l'éclatement de la rébellion, les adeptes étaient nombreux tant à Chréa qu'à Tikjda.Mais dès 1956, l'Atlas et la Kabylie se transformèrent en lieux de combats. Le rêve d'un développement touristique du Djurdjura s'effondrait... encore une perte de plus à mettre au passif des désastreux accords d'Evian !
Boris Kan, qui fit partie de cette équipe fanatique de skieurs, nous résume brièvement quelques souvenirs, évocation rapide et incomplète de l'Algérie heureuse.

Algeria, revue mensuelle illustrée - n°67 - novembre 1938
sur site le 30/08/2002...déplacé mars 2019

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" L'Aurès, pays des contrastes " ! C'est surtout l'hiver que l'Aurès mérite cette épithète alors que s'offre aux ébats des skieurs la neige du Mahmel, à 25 kilomètres à peine des premiers palmiers de l'Oued Abdi.

Par enneigement favorable, des itinéraires de plusieurs jours peu-vent être effectués entièrement en ski à Sgag et au Raz Iguedelen, au Mahmel, au Djebel Iddert et au Bou Tlarmine, au Chélia (2.329 mètres d'altitude, le sommet de l'Algérie) ; l'oeil s'enthousiasme de paysages inattendus : vastes étendues blanches et miroitantes au soleil, semées de cèdres givrés, de chênes lourds de neige, de genévriers thuriférères torturés.

Lorsque l'enneigement est seulement moyen, comme il l'est tous les ans pendant deux mois et demi, le vaste plateau du Mahmel, situé tout entier au-dessus de 1.900 mètres d'altitude, offre aux sportifs un immense terrain d'exercice, un nombre illimité de pistes de difficultés graduées sur une surface de plus de 8 kilomètres carrés. Deux pistes de descente, en particulier, ont été aménagées cet été par le Ski-Club de Batna : l'une, droite, de 300 mètres de long, pour les descentes directes et rapides en, " schuss " et les virages " christiania ", l'autre, de 700 mètres,
moins rapide, pour les descentes sinueuses. Le Ski-Club a construit un refuge au pied de l'Ich Lichta Tabet.

Avec sa terrasse en béton armé, il constitue une très heureuse interprétation du style local chaouïa par la technique moderne. On l'atteint en une heure et demie en quittant la route automobilisable Batna - Menaa , au kilomètre 35,600 (piste nord) ou au kilomètre 39,400 (piste est). Les deux pistes sont jalonnées. De la crête, qui constitue le rebord oriental du plateau et à laquelle on accède depuis le refuge en un quart d'heure, on domine toute la montagne aurasienne, ses vertes vallées peuplées de noyers et d'amandiers, ses pentes âpres et brunes ; au loin on aperçoit la chaîne de l'Ahmar Kraddou, qui s'empourpre au couchant, et, plus loin le Sahara tout embrumé et attirant. Du refuge on peut atteindre en une heure le sommet principal, du massif et effectuer en direction du sud une prestigieuse descente de deux kilomètres.

En semaine celui qui recherche la solitude et le silence y éprouvera de véritables impressions de hautes montagnes alpestres ; au clair de lune il pourra errer sur le plateau et ressentir de merveilleuses impressions dans un monde bleuté et argenté. Le dimanche, les pistes sont animées par les membres du Club ; des groupes bigarrés s'exercent, venus de Batna, Constantine, Biskra, et même de Philippeville, Bône, et Bougie ; on discute technique ; la gaieté règne ; alors s'exprime la vitalité de ce jeune Club qui a débuté avec six membres en 1933, et en possède maintenant plus d'une centaine.

Il y a lieu de signaler la qualité de la neige du Mahmel : souvent poudreuse, elle crisse sous les skis et fuse en gerbe dans leur sillage ; elle forme une couche épaisse de 30 centimètres à deux mètres qui subsiste de décembre à mars. Le climat est plutôt sec, la luminosité grande, l'air sain et tonifiant.

Tout cela méritait d'être mentionné d'autant plus que nous sommes ici en Algérie. Le touriste peut s'exercer toute une journée sur les champs de ski du Mahmel, et, deux heures après, se reposer au Bordj-hôtel de Roufi qui domine la palmeraie dans un site et sous un climat pré-désertique, ou, en trois heures, regagner Biskra, ses jardins, ses élégances, ses plaisirs. Le sportif convaincu a le loisir, au contraire, de séjourner au refuge du Ski-Club, d'y passer plusieurs jours en tre ciel et neige pour perfectionner sa technique et son entraînement au ski de fond. Ces possibilités, encore méconnues, ne méritaient-elles pas d'être signalées à ceux qui sentent, impé rieux, l'appel de la neige.

G. PLAISANCE.