Le sport féminin
nord-africain (vu d'Alger à partir des années quarante)
Maurice Crétot
La Fédération Française Féminine de Gymnastique
et d'Éducation physique fut la première à faire
connaître nos sportives à la France dans les années
trente. Aux fêtes fédérales de Charleville, Vichy,
Lille, Nice, Évian, Clermont-Ferrand, Dinard, nos représentantes
furent invitées à participer et défiler en burnous
de parade.
En 1934, la fédération mère dut convenir que "
les Algéroises étaient nettement supérieures
aux métropolitaines " et désigna par ailleurs
l'équipe de l'Algéria-Sport pour représenter la
France au Tournoi international de Budapest.
Ceci dit, nous avons peu de traces des femmes ayant pratiqué
de façon notoire, un sport quelconque avant le dernier conflit
mondial mais, passée cette date, nos filles montrent un engouement
certain pour la vie des stades. Les premières années rendent
leurs efforts méritoires car les installations mises à
leur disposition souffrent des lendemains de guerre. Leur détérioration
est imputable à leur réquisition par l'autorité
militaire alliée qui y déposa marchandises, armements
et véhicules.
Un journaliste affirmera que " la réquisition y a fait
plus de dégâts que la guerre elle-même... ".
Les moyens resteront longtemps dérisoires.Des poutres de bois
font office de starting-block, les écussons des clubs sont fixés
aux maillots par une agrafeuse, voire une épingle à nourrice,
les dossards sont peints au pochoir, les chaussures rarement adaptées
aux cendrées tandis que sable, mâchefer et tapis-brosses
des réceptions ne sont pas encore remplacés par de moelleux
coussins. Il arrivera à nos représentantes
de finir modestement sixièmes aux championnats de France, défavorisées
par les pointes de leurs chaussures trop courtes pour les pistes de
Bordeaux plus molles que celles d'Alger. Les départs sont longtemps
donnés à la voix et un média soulignera qu'un record
de France n'a pu être " abattu ", faute d'un départ
donné au pistolet...
L'administration est chiche et les wagons transportant nos championnes
entre Alger, Oran, Constantine, Casablanca ou Tunis sont moins luxueux
tandis que les traversées maritimes qui conduisent nos sportives
aux championnats de France, se font sur les chaises longues des ponts
de quatrième classe de l'époque.
En outre à cette époque, en 1945, le fonctionnement de
l'administration reste désorganisé par le récent
conflit. Un dossier non transmis dans les temps, prive l'Algéroise
Martinez des championnats de France à Bordeaux auxquels elle
ne pourra participer que l'année suivante.
Par ailleurs, pour des raisons économiques, il arrivera que des
rencontres entre la France et ses voisins européens soient réservées
aux compétitrices métropolitaines, souvent moins bien
classées, mais dont le déplacement était moins
onéreux pour le budget national. En 1956, l'Algéroise
Simone Brièrre, deuxième des sélectionnées
pour France-Belgique devra céder sa place à la troisième,
habitant Paris; l'aller-retour bateau plus train revenant plus cher
à la Fédération qu'un simple Paris-
Bruxelles...
Malgré restrictions et pénuries, progressivement compensées,
tous les sports seront très vité pratiqués et l'Algérie,
comme d'ailleurs le Maroc et la Tunisie, devient " un creuset
d'athlètes et une pépinière de championnes
".
À l'image de leurs nombreux et déjà célèbres
compagnons, nos jeunes femmes enrichissent en Algérie le sport
français des années quarante jusqu'à l'indépendance
du territoire, en pratiquant athlétisme, natation, tennis, basket,
volley-ball, hand-ball, cyclisme, ski de neige et nautisme, escrime,
aviron, hippisme, aviation et parachutisme, plongée sous-marine,
judo, golf et cross-country.
Les comptes-rendus qu'en proposent les quotidiens d'Alger comme l'Écho
d'Alger, la Dépêche algérienne, Alger Républicain,
Alger Soir, pour ne citer qu'eux, sont toujours fidèles et circonstanciés.
Ceux d'Oran, de Constantine et des autres villes marocaines ou tunisiennes
ne sont pas en reste. Rappelons aussi les publications qui couvrent
l'Afrique du Nord comme par exemple TAM, But, Sport Afric, Algérie
Magazine, l'Africain Sport, Omni Sport, Rafales, etc...
Sous la plume de Tony Arbona, P. Balazard, Charly Bonardi, Paul Bourdis,
Fernand Carrerras, S. Demarchi, Noël Guénar, André
Lopez, Henri Torre et de A. C., M. Ch., M. P., P. B. (?), la presse
sportive algéroise évoque l'affluence dans les stades
et l'enthousiasme qui éveillent les exploits de nos jeunes femmes.
Nombreuses sont les occasions de les admirer.
Citons pour mémoire, en nous limitant pour l'exemple à
la ville d'Alger, les championnats nord-africains, d'Algérie
ou d'Alger, les compétitions organisées par la municipalité,
l'armée, la police et d'autres institutions, sans oublier de
nombreux challenges comme ceux de Géo André, Cardona,
Armani, ou encore les criteriums féminins et leurs relais d'argent.
On se souvient encore des coupes Calléja, de l'A.S.P.T.T., Herce,
Gaffiot, des coupes de Pâques, de la Victoire, du Gouverneur général
et du tournoi des Hostilités. Un journaliste en verve dira un
jour: " Nos sportives sportent bien... ".
Citons pour mémoire, sur la seule ville d'Alger, quelques-uns
des nombreux clubs qui accueillent nos championnes tels le Racing Universitaire
Algérois, les Groupes Laïques d'Etudes d'Alger, AlgériaSport,
le G.S.A. Hydra, l'A.S. Kouba, l'A.S. Saint-Eugène, l'A.S.T.A.,
l'A.S.M.A., le Raquette Club, le Tennis Club du Télemly, le Tennis
Saint-Georges, le Parachute Club, l'A.E.R.F., l'Aéro-club, le
Judo-club, la Société de Tir d'Alger, les clubs d'El-Kettani,
du Cap Matifou, de la Madrague, l'Heure Joyeuse, les Capucines, les
Cigales et l'Union cycliste algéroise.
Qu'hommage soit rendu aux fondateurs de ces clubs, à tous ceux
qui s'impliquèrent dans la préparation physique de nos
sportives, l'organisation et la surveillance des épreuves et
particulièrement aux entraîneuses et entraîneurs
talentueux qui les formèrent : Mmes et MM. Ali- Chérif,
Arène, Arlandis frères, Baechler, Balazard frères,
Benaïm, Bertin, Boissonnade, Borg, Bozon, Cadres, Calmet, Camou,
Capeau, Castagnot, Cerda, Charbonneaux, Chazot, Chérif, Chouzenoux,
Climent, Cosman, Cosson, Coste, Crivelli, Darbelet, Daupin, Dauzon,
de Stampa, Deschamùps, Duc, Duclos, Ducret, Escriva, Espanol,
Fabrega, Faussot, Ferrary, Ferrier, Finelle, Flogny, Gacon, Gil, Giovannoni,
Giraud, Hermant, Klein, Labiste, Lagarde, Lacoste, La Ferté,
Lebraty, Le Cannelier, Llitteras, Lopez, Lucet, Ludo, Margueritte, Mari,
Marie, Michaud, Oliviérie, Pallenc, Passani, Péna, Portella,
Régnier, Rey, Ribal, Richier, Rivet, Rizzo, Rossi, Rusqua, Sabatier,
Salvignol, Schiavo, Sève, Sirieix, Solal, Soron, Stoezel, Stolpa,
Tiberino, Tibério, Tomasini, Tourtaud, Vouillot, Zumbini.
De nombreux chroniqueurs ont insisté sur les performances de
nos sportives, cadettes, juniors ou seniors, égales ou souvent
supérieures à celles de la métropole.
Certaines d'entre elles furent mondialement célèbres et
représentèrent la France au sommet des nations comme Micheline
Ostermeyer, triple médaillée olympique en athlétisme
ou Françoise Durr, troisième tenniswoman au classement
international.
Certaines autres, célèbres elles aussi, représentent
la France aux Jeux Olympiques et dans d'autres rencontres internationales
comme Simone Brièrre en athlétisme et Héda Frost
en natation. À l'image des précédentes, quelques-unes
de nos championnes défendent nos couleurs au sommet des palmarès
européens comme Bouvier, Delforge, Nebot, Rees-Lewis. D'autres,
déjà riches de nombreux titres nord-africains, représentent
nos départements aux championnats de France, y surclassent souvent
leurs adversaires métropolitaines et s'emparent même de
records de France, comme Hournarette, Gazagne, Martinez, Planelles en
athlétisme, Vallerey et Tanguy en natation. La liste des compétitrices
nord-africaines s'illustrant aux divers criteriums et championnats de
France dans l'ensemble des disciplines, s'enrichit des noms de : Mmes
Adreid, Botella, Castaignet, Derdouche, Deferou, Laquière, Lavernhe,
Lefèbvre, Mélia, Molinet, Siary, Vautrin. Ajoutant leur
nom aux palmarès des précédentes " internationales
ou nationales ", Adam, Bernarl, Péri, Estève, Conquy,
Coquand, Detrez, Pomier, Simian, empochèrent d'excellents records
d'Afrique du Nord dans la foulée des Alcaraz, Beauzon, Baeschler,
Capelle, Chapolard, Dolques, Garandel, Khelif, Lepigre, Solal, Tierce,
Veillon.
À l'image des sportives citées ci-dessus, longue est la
liste de celles dont les titres de haut niveau enrichissent les championnats
nord-africains comme ceux d'Algérie ou d'Alger. Figurent à
ce palmarès : Mmes Arbona, Attard, Baelde, Bellanger, Beringuer,
Bonnard, Basset, Bovis, Brun, Charlier, Chauvin, Clévenot, Creach,
Delmas, Desmet, Dessault, de Stampa, Dosques, El Guez, Escolin, Garandel,
Gazagne, Grimaus, Labrossa, Landre, Lorion, Maire, Nebot, Planelles,
Plourdeau, Roucayrolles, Savignol, Tiberino, Turquet de Beauregard,
Zerida, pour ne citer qu'elles et prendre le risque d'en oublier plusieurs
autres aussi talentueuses.
Parmi les innombrables sportives
qui se sont illustrées en Afrique du Nord entre 1940 et 1962,
à l'exclusion de celles dont les exploits restèrent
limités au Maroc ou à la Tunisie, citons celles qui
laissèrent leur nom dans la seule presse sportive algéroise:
Abad, Adam, Adreit, Adrover, Aguirre, Alary, Alemany, Alexandre,
Alcaraz, Altairac, Amalfitano, Amiel, Amizet, Andreani, Angeli,
Aquilina, Arbona, Arocca, Attard, Aubagnac, Aupecle, Bacqueyrisses,
Basset, Baelde, Baeschler, Beauzon, Bellanger, Belleculée,
Belmontet, Benimelli, Bensoussan, Berenguer, Bernai, Bernard, Bertau,
Bessault, Binel, Blanchard, Bonnard, Botella, Bourla, Borie, Bougeni,
Buisson, Bouvier, Bovis, Bremontier, Bretes, Breton, Breuneval,
Brièrre, Brun, Brunet, Brunot, Calvet, Camus, Capelle, Castaigne,
Catala, Cathaud, Chapolard, Charlier, Chauvin, Chiche, Clévenot,
Clouard, Combes, Conquy, Coquand, Cosso, Costa, Courtinat, Creache,
Crodillon, Dauzon, Davo-Koubi, Debay, Deferrou, Delforge, Delmas,
Deluppe, Demay, Demet, De Montreuil, Demoylin, Derdèche,
Derdouche, Domergue, Dessault, de Stampa, Detrez, Dolques, Doria,
Dugeny, Durand, Durr, Dutilloy, El Guez, Eliot, Escollier, Escolin,
Esposito, Estève, Falcucci, Fernandez, Finat, Foissin, Fontaine,
Four, Frendo, Freschpech, Frost, Fuster, Gallet, Garandel, Garcia,
Garat, Gascon, Gauroy, Gazagnes, Gazeaux, Georges, Georgi, Gerdes,
Gille, Giry, Godard, Gonyer, Gonzalez, Gouillet, Gouver, Gouyer,
Gouzon, Goyard, Graziani, Grimaud, Gruesse, Guenerin, Guerin, Hadjaj,
Heid, Hournarette, Jeanjean, Khelif, Koler, Kovacs, Krumba, Labrossa,
Landres, Laquière, Lavernhe, Lebon, Lefvre, Lefranc, Legendre,
Leheurteur, Lepigre, Leroux, Leval, Levy, Lolliot, Lorion, Lorette,
Maire, Malinconi, Magnan, Mandelbaum, Manducci, Marie, Martinez,
Mathieu, Mayeux, Meffre, Megnin, Meilhot, Melia, Mendre, Merlhiet,
Merliot, Messud, Meueroffer, Migat, Molinier, Molinet, Mongellas,
Montovani, Morata, Nebo, Nebot, Nessler, Olmi, Ostermeyer, Ouzilou,
Padovani, Palmade, Pantin, Peconil, Pecouil, Pedros, Peret, Perez,
Peri, Perret, Pietri, Pinon, Planelles, Plançon, Plourdeau,
Poirier, Pommier, Prieur, Provellard, Provilard, Ramakers, Reboul,
Rees-Lewis, Reusser, Ricci, Riera, Rizzo, Rizzoli, Rochard, Roge,
Roig, Rollin, Roucayrol, Rousselot, Ruiz, Saingery, Salem, Salf,
Salom, Sauvayre, Savignol, Schiano, Schopf, Schultz, Sendra, Sghir,
Siary, Simian, Sintes, Sireix, Solal, Soler-Baelde, Stouko, Souyne,
Suzanne, Tachet, Tanguy, Tahon, Tibault-Chamblaut, Tiberino, Tierce,
Tirebois, Tondeur, Tomberino, Torchet, Trehoust, Tremelat, Trigano,
Tucci, Tur, Turquet de Beauregard, Vaissières, Valente, Vallerey,
Vautrin, Veillon, Villevalle, Zerida, Zimmermann. |
Conscient d'avoir utilisé, malgré
notre attention, des sources probablement incomplètes, cette
liste n'est malheureusement pas exhaustive et les spécialités
dans lesquelles s'illustrèrent les femmes dont les noms sont
cités, ne sont guère mentionnées parce que certaines
d'entre elles ont pratiqué, simultanément et avec succès,
plusieurs sports différents. Par ailleurs, les nombreuses sportives
seulement citées dans les quotidiens des territoires oranais,
constantinois, tunisiens ou marocains pour y avoir limité géographiquement
leurs activités, n'apparaissent pas dans cette liste réservée,
rappelons-le, aux seules Algéroises ainsi qu'aux autres nord-africaines
des contrées atlantiques ou méditerranéennes qui
apparurent sur les aires algéroises de compétition. Ceci
ne signifie pas qu'Alger eut l'apanage du sport féminin en Afrique
du Nord. Les succès aux sommets nationaux ou internationaux furent
loin d'être limités, comme chacun le sait, aux seules Algéroises.
Ceci pourrait d'ailleurs faire l'objet d'un article complémentaire...
Comparativement aux faramineux cachets actuellement attribués
aux vedettes du sport par les comités organisateurs, les retransmissions
télévisuelles ou la publicité commerciale, le désintéressement
absolu des sportifs et sportives de cette époque, reste le souvenir
le plus admirable qu'on garde de leurs exploits.
Bon nombre de ces athlètes ont aujourd'hui encore, gardé
cet amour du sport. Les rencontrer procure un réel plaisir. Quelques-unes
se retrouvent parfois comme Lucette Martinez et la regrettée
Micheline Ostermeyer, au Festival du film algérianiste de Nîmes
en 1999; comme Simone Brièrre et Héda Frost lors d'une
conférence donnée sur le sujet au Cercle algérianiste
d'Hyères en 2002. Certaines d'entre elles, à ce jour grands-mères
voire arrière-grands-mères, retrouvent leurs lointaines
sensations sur les pistes de ski, les courts de tennis, les bassins,
les greens et les parcours.
Leur passé mérite toute notre reconnaissance. Elles ont
montré les ressources physiques et morales de notre communauté
et leur palmarès a largement contribué au renom du sport
français.
o
Bibliographie:
- L'algérianiste.
- Alger - Revue, municipalité d'Alger.
- Presse nord-africaine de 1945 à 1962: l'Écho d'Alger,
Dépêche Algérienne, Alger . Républicain,
Alger Soir.
- BRIAT (A. M.), de LA HOGUE (J.), Des chemins et des hommes.
- Golu (M.), L'Écho des Rapatriés d'Outre-mer.
- L'Équipe.
- SIGALA (L.), Histoire illustrée des Sports et de l'Éducation
Physique en Algérie de 1946 à 1962, Africa Nostra éditeur.
- BLOIT (M.), Micheline Ostermeyer ou la vie partagée.
- Natation Magazine.
- Pied-Noir Magazine.
- Tennis de France.
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