Saint-Cloud d'Algerie
une colonie agricole exemplaire

La commune de Saint-Cloud est située dans la région du Tell, c'est-à dire dans l'immense plaine qui côtoie la Méditerranée et que bornent au sud les massifs de l'Atlas tellien. Cette contrée est la plus saine, la plus fertile et la plus peuplée de l'Afrique du Nord.

Guides Bleus 1938
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-423 k. d'Alger (ch. de fer), ch.-l. de canton et centre de 3 386 hab. parmi de belles cultures. Dans le jardin public : monument aux morts de la guerre , par Gutierrez. Route directe sur Oran par Arcole.

Guides Bleus 1955.-421 k. d'Alger (ch. de fer), ch.-l. de canton et centre de 6 600 hab.à 163 m d'alt., parmi de belles cultures. Dans le jardin public : monument aux morts de la guerre , par Gutierrez. Environs - Kristel...qui s'élève sur les contreforts du djebel Orousse et descend sur Kristel en décrivant de grands lacets ; vue magnifique.



PNHA, n°79, mai 1997
sur site le 14-03-2003..déplacé de villages à ici en septembre 2013

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-----La commune de Saint-Cloud est située dans la région du Tell, c'est-à dire dans l'immense plaine qui côtoie la Méditerranée et que bornent au sud les massifs de l'Atlas tellien. Cette contrée est la plus saine, la plus fertile et la
plus peuplée de l'Afrique du Nord.
-----"C'est l'histoire de ces colons européens éparpillés sur ce Tell algérien aux pommes d'or, nouveau jardin des Hespérides, pépinière de Déesses, pays de tiédeur, de langueur, d'amour, de lumière, de suavités indicibles, terre de mirage et d'attraction, ou flamboie un soleil de feu sous un ciel toujours bleu, qu'on ne quitte plus quand une fois on l'a connue, blanchâtre, rougeâtre, noirâtre, nue ou broussailleuse, mais toujours pittoresque, ou d' innombrables montagnes s'épandent sur de vastes plaines, étendues immobiles comme des vaisseaux dans un port". Admirable description de ce coin de paradis par Bédier, Président de la Société de Géographie de la Province d'Oran.
-----Et pourtant, ce ne fut pas toujours le cas...

l'épopée des convois de 1848

-----Un transporteur espagnol, joseph Huertas Campillo fut le premier habitant de ce village dés 1845. Il organisa un service de voitures d'Oran à Mostaganem avec un de ses relais à Goudiel, ancien nom arabe de Saint-Cloud. Goudiel signifiait : prairie, pâturage car grâce au ruisseau qui coulait à cet endroit, la fraîcheur et la végétation du lieu rendait propice une halte de bergers. Il se lança dans le commerce d'alimentation et établit, en ce point, une gargote pour militaires. Un artisan - compagnon de passage peindra sur la façade de la boutique, l'enseigne "A la ville de Saint-Cloud", souvenir d'un tour de France de sa jeunesse. En 1846, un Français M. Laville s'installa afin d'y établir une filature de laine. Le cours d'eau étant trop petit, il décida de se lancer dans l'agriculture.
-----Les colons en Algérie souffraient d'isolement. L'Assemblée Nationale, à Paris, estima que ce mal serait atténué par l'arrivée de nouveaux contingents d'émigrés. Un décret de l'Assemblée Nationale, du 19 septembre 1848, ouvrit un crédit pour l'établissement de colonies agricoles dans les provinces d'Algérie et pour des travaux d'utilité publique destinés à en assurer la prospérité.
-----Une large publicité assura le succès du décret et de son arrêté pris le 27 septembre 1848.
-----Le premier détachement fut justement celui destiné à aller peupler Saint-Cloud.
-----Il fut exclusivement composé d'habitants de Paris, 18% de parisiens de souche, les autres venant de toute la France, habitant la capitale depuis peu.
-----Beaucoup souhaitèrent partir mais il n'y aura que peu d'élus tant l'endroit présenté était paradisiaque. La commission de sélection choisit des cultivateurs et aussi des ouvriers des métiers d'art. Saint-Cloud y était représenté comme un vrai pays de cocagne. Une grande rivière arrosait la contrée, y entretenait la vie de nombreux arbres et une riche végétation. Des routes larges et commodes mettaient Saint-Cloud en communication avec les centres existants ou à créer.
-----Des habitations les attendaient et l'armée assurait leur protection.
-----Les colons très sévèrement sélectionnés s'embarquèrent à Bercy le 8 octobre 1848 en présence d'une foule nombreuse de curieux, et sous les auspices du Gouvernement sur six bateaux plats, dont cinq pour les colons et un pour les bagages.
-----Cette belle cérémonie, avec discours et musique se clôtura par la remise d'un drapeau à la Colonie.
-----Il sera conservé comme relique à l'Hôtel de ville de Saint-Cloud par la suite. Ils remontèrent la Servie jusqu'à Motet, puis le canal du Loing puis la Loire, L'accueil des villes traversées était mauvais. On les prenait pour des insurgés condamnés à la déportation.
-----L'arrivée en Bourgogne fut plus enthousiaste. On leur offrait vivres et tonneaux de vin !
-----Les marques de sympathie abondaient c'étaient des serrements de main, (les voeux de prospérité, des larmes d'adieu.
-----Puis Chalon, Lyon,Arles et Marseille. la traversée fut bonne et on débarqua à Arzew déjà peuplé d'Européens et de militaires tenant garnison.
-----Jusqu'à Saint-Cloud, le trajet se fit à pied pour les hommes et en cabriolet pour les femmes et les enfants.
-----D'Arzew à Saint-Cloud, ils ne rencontrèrent que le village de Sainte-Léonie, peuplée par des Allemands depuis 1846. Ces derniers se montrèrent indifférents qu'il faut attribuer à l'état maladif où ils se trouvaient. Ils étaient assis sur le seuil de le leurs maisons, jaunis par les fièvres, semblables à des
cadavres sortis de leurs tombes, spectacle peu rassurant pour ceux qui arrivaient

L'arrivée des colons à Saint-Cloud

-----Le 26 octobre 1848, on parvint au terme du voyage. Des soldats du 12è régiment d'infanterie légère, en détachement dans le village futur, reçurent nos colons l'arme au bras, en braves défenseurs de l'ordre public, car ils étaient bien persuadés, eux aussi, qu'ils avaient affaire a un troupeau d'insurgés sur lesquels ils étaient chargés de veiller.
-----L'arrivée à Saint-Cloud fut une cruelle déception. On se trouvait dans un pays inculte et inhabité. La riviere n'était qu'un mince filet d'eau, asséché l'été, qui allait se perdre dans les lentisques et les palmiers nains qui représentaient à leur tour les grands arbres annoncés.
-----Un lac, aux eaux calmes, développait des maladies pestilentielles qui délabrèrent rapidement la santé des colons quand elles ne leur enlèvent pas la vie.
-----A l'aspect de ce pays, couvert de broussailles et dépourvu d ' habitations, ce furent plaintes, larmes de désespoir, des récriniinations haineuses contre les trompeurs qui avaient préparé ce guet-apens. Des baraquements en planches, de 20 m2 , avaient été hâtivement construits trois mois avant, abritant parfois trois ménages vivant dans la plus totale promiscuité
-----Faute d'avoir pu déballer les meubles et effets, on coucha, la première nuit sur des bottes d'alfa. Une quarantaine de personnes n'ayant pas de place dans les baraques, campèrent à la belle étoile,
-----Le 8è jour, n'ayant toujours pas de place elles partirent pour Méfessour y fonder une annexe qui deviendra en 1893, le village Renan..
-----La démoralisation ne tarda pas à produire les premières demandes de rapatriement. Le découragement avait surtout gagné les ouvriers des métiers d'art.
-----De nombreux vides commencèrent à se produire dès le sïxième mois de leur arrivée

Débuts de la colonisation

-----Ayant trois ans de vivres assurés par le gouvernement, ils se mirent au travail avec acharnement.
-----Heureusement que Saint-Cloud avait reçu des gens honnêtes qui, malheureux dans la métropole, étaient venus chercher le bien-être par le travail.
-----Le 20 octobre 1848, Saint-Cloud devenait, sur le papier, colonie agricole. Le 11 février 1851, un décret constitua définitivement le centre de Saint-Cloud et lui attribua 4 686 hectares de terrain.
-----Ils se mirent à l'oeuvre mais le succès ne répondit pas à leur espérance pour des causes indépendantes de leur volonté comme la mauvaise nature du terrain, l'ignorance du métier, les maladies. Pour comble de malheur, le choléra arriva dès 1849. Il y eut 48 décès dans le seul mois de novembre. L'année 1850 fut marquée par un petit nombre de cas. On renaissait à l'espérance. L'année 1851 fut terrible : 142 décès dont 100 au mois d'août !
-----Un grand progrès, du moins, s'était réalisé dans l'installation des colons. Dix-huit mois avaient suffi à l'autorité militaire pour construire 300 maisons de colonie ! Il fut imposé à tous ces colons l'obligation d'assurer le transport de six planches pour ces maisons de Mers-El - Kébir à Saint-Cloud. N'ayant pas de moyens, ils durent faire les trente-six kilomètres pour l'aller et autant pour le retour. Mais la perspective d'avoir un chez-soi leur aurait donné des ailes !
-----En 1851, de nouveaux contingents de colons arrivent. Anciens soldats libérés ou cultivateurs expérimentés, ils apportèrent leurs concours précieux.
-----La santé des anciens était devenue plus forte et la colonisation suivit, dès lors, une marche progressive.
-----La commune demeura militaire jusqu'en 1853 permettant au Génie la construction des édifices publics et des maisons destinées aux premiers colons, à la canalisation des eaux, aux ouvrages relatifs aux irrigations, à l'établissement et à l'entretien des chemins vicinaux, à la rédaction du plan d'alignement et de nivellement du village. En 1852, Joseph Campillo, le premier habitant de Saint-Cloud, fit bâtir un moulin à vent, grâce à ses deniers et une subvention de l'État. Ce moulin fonctionnera jusqu'en 1883 donnant une excellente farine.
-----Durant l'année 1854, beaucoup de colons reçurent leurs titres de propriété définitifs dans une grande joie et cette même année vit naître la première industrie qui fut une source de revenus assez productive : l'écorçage du chêne-vert puis l'alfa et les palmiers. La culture des céréales se poursuivait avec un relatif succès.
-----Un rapport du Ministre de la Guerre à l'Empereur Napoléon III venta les mérites de cette colonisation en passe de réussir. Napoléon III signa un décret, le 31 décembre 1856, érigeant le centre de Saint-Cloud en commune de plein exercice. En 1857, elle comprenait aussi les annexes de Sainte-Léonie (rattachée en 1872 à Arzew), Kléber, Méfessour et Kristel. Dès l'origine, une école de garçons et une autre de filles, de même qu'un asile pour les enfants, dirigées par des enseignants venus avec les colons, fonctionnaient. Si, dans les premiers temps le culte se pratiquait à l'extérieur, en 1849, l'église et le presbytère furent installés tout d'abord dans quatre chambres puis en attendant sa construction en 1866.
----Le 20 mai 1866, l'Empereur Napoléon III honora Saint-Cloud de sa visite. En 1891, l'arrivée du nouveau maire, Émile Jaeger, donnera au village sa physionomie actuelle.

L'épopée du vignoble

-----Les premiers essais de viticulture tentés en 1851 échouèrent par la sécheresse et le fait que les ceps avaient soufferts du transport et étaient arrivés presque desséchés. En 1862, trois colons amis, MM. Marquet, Luisin et Desprez résolurent de tenter un nouvel essai. Ils achetèrent un centaine de boutures à des prix excessivement élevés à La Sénia et à Misserghin car il s'agissait alors d'une denrée rare et précieuse. Nos jeunes viticulteurs distribuèrent gratuitement ces boutures à leur voisin ne cessant de les encourager à planter de la vigne parce qu'ils prévoyaient dans cette nouvelle culture une source de richesses pour l'avenir. En 1868, il y avait déjà 10 hectares du terrain plantés en vigne (lire l'histoire du vignoble d'Algérie dont celui de Saint-Cloud dans la revue du Cercle Algérianiste de mars 1997).
-----Le grand essor ne se produisit réellement qu'en 1872 et 1873, époque vers laquelle un vigneron, Louis Laurent, obtint à l'exposition de Vienne en Autriche, une première récompense pour ses vins et eaux-de-vie de marc. Tous les colons, sans exception, se mirent dès lors au défrichement de leurs terres et à la plantation de la vigne. En 1894, le vignoble de Saint-Cloud comprenait un total de 2 964 hectares.
-----Le développement de vignobles eut pour conséquence la création de quatre distilleries et onze bouilleurs de cru.
-----En 1883, un sous-officier meunier, M. Lanoë installera un petit moulin à vapeur dont la farine aura une telle renommée qu'il s'agrandira très vite devenant en 1890 une véritable usine qui contribua puissamment à la prospérité de Saint-Cloud par le commerce qu'elle y entretenait.
-----De nombreuses fêtes animaient régulièrement le village comme le 26 octobre (Fête anniversaire de l'arrivée des pionniers à Saint-Cloud) ou la fête patronale le 7 septembre ou le dimanche le plus proche fêtant la fin des vendanges.
-----Avec les schistes et le minerai de fer découvert à Kristel, Saint-Cloud possédait des atouts sûrs pour un avenir des plus prospères.
-----Malgré tous les obstacles, ces colons ont trouvé dans leur énergie et dans leur puissance morale, les moyens de vaincre ces difficultés.
-----A tous ceux-là que la victoire ait couronné leurs efforts, ou qu'ils aient succombé à la tâche, honneur et respect !
-----Ces colons de la première heure n'ont pas failli à l'appel de la France outre Méditerranée.
-----Ces provinciaux et parisiens ont apporté leur dynamisme qui a fait merveille sous le soleil africain.
-----Saint-Cloud reste un exemple de cette colonisation humaniste au service et au nom de la France qui sera abandonné, toujours au nom de la France.

Jean-Marc Lopez
L'Amicale Saint-Cloudienne est animée par notre ami François Nieto
174, Rue de la grange, les Riffauds,
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