-----La commune
de Saint-Cloud est située dans la région du Tell, c'est-à
dire dans l'immense plaine qui côtoie la Méditerranée
et que bornent au sud les massifs de l'Atlas tellien. Cette contrée
est la plus saine, la plus fertile et la
plus peuplée de l'Afrique du Nord.
-----"C'est
l'histoire de ces colons européens éparpillés sur
ce Tell algérien aux pommes d'or, nouveau jardin des Hespérides,
pépinière de Déesses, pays de tiédeur, de
langueur, d'amour, de lumière, de suavités indicibles, terre
de mirage et d'attraction, ou flamboie un soleil de feu sous un ciel toujours
bleu, qu'on ne quitte plus quand une fois on l'a connue, blanchâtre,
rougeâtre, noirâtre, nue ou broussailleuse, mais toujours
pittoresque, ou d' innombrables montagnes s'épandent sur de vastes
plaines, étendues immobiles comme des vaisseaux dans un port".
Admirable description de ce coin de paradis par Bédier, Président
de la Société de Géographie de la Province d'Oran.
-----Et pourtant, ce ne fut pas toujours
le cas...
l'épopée
des convois de 1848
-----Un transporteur
espagnol, joseph Huertas Campillo fut le premier habitant de ce village
dés 1845. Il organisa un service de voitures d'Oran à Mostaganem
avec un de ses relais à Goudiel, ancien nom arabe de Saint-Cloud.
Goudiel signifiait : prairie, pâturage car grâce au ruisseau
qui coulait à cet endroit, la fraîcheur et la végétation
du lieu rendait propice une halte de bergers. Il se lança dans
le commerce d'alimentation et établit, en ce point, une gargote
pour militaires. Un artisan - compagnon de passage peindra sur la façade
de la boutique, l'enseigne "A la ville de
Saint-Cloud", souvenir d'un tour de France de sa jeunesse.
En 1846, un Français M. Laville s'installa afin d'y établir
une filature de laine. Le cours d'eau étant trop petit, il décida
de se lancer dans l'agriculture.
-----Les colons en Algérie souffraient
d'isolement. L'Assemblée Nationale, à Paris, estima que
ce mal serait atténué par l'arrivée de nouveaux contingents
d'émigrés. Un décret de l'Assemblée Nationale,
du 19 septembre 1848, ouvrit un crédit pour l'établissement
de colonies agricoles dans les provinces d'Algérie et pour des
travaux d'utilité publique destinés à en assurer
la prospérité.
-----Une large publicité assura le
succès du décret et de son arrêté pris le 27
septembre 1848.
-----Le premier détachement fut justement
celui destiné à aller peupler Saint-Cloud.
-----Il fut exclusivement composé
d'habitants de Paris, 18% de parisiens de souche, les autres venant de
toute la France, habitant la capitale depuis peu.
-----Beaucoup souhaitèrent partir
mais il n'y aura que peu d'élus tant l'endroit présenté
était paradisiaque. La commission de sélection choisit des
cultivateurs et aussi des ouvriers des métiers d'art. Saint-Cloud
y était représenté comme un vrai pays de cocagne.
Une grande rivière arrosait la contrée, y entretenait la
vie de nombreux arbres et une riche végétation. Des routes
larges et commodes mettaient Saint-Cloud en communication avec les centres
existants ou à créer.
-----Des habitations les attendaient et l'armée
assurait leur protection.
-----Les colons très sévèrement
sélectionnés s'embarquèrent à Bercy le 8 octobre
1848 en présence d'une foule nombreuse de curieux, et sous les
auspices du Gouvernement sur six bateaux plats, dont cinq pour les colons
et un pour les bagages.
-----Cette belle cérémonie,
avec discours et musique se clôtura par la remise d'un drapeau à
la Colonie.
-----Il sera conservé comme relique
à l'Hôtel de ville de Saint-Cloud par la suite. Ils remontèrent
la Servie jusqu'à Motet, puis le canal du Loing puis la Loire,
L'accueil des villes traversées était mauvais. On les prenait
pour des insurgés condamnés à la déportation.
-----L'arrivée en Bourgogne fut plus
enthousiaste. On leur offrait vivres et tonneaux de vin !
-----Les marques de sympathie abondaient
c'étaient des serrements de main, (les voeux de prospérité,
des larmes d'adieu.
-----Puis Chalon, Lyon,Arles et Marseille.
la traversée fut bonne et on débarqua à Arzew déjà
peuplé d'Européens et de militaires tenant garnison.
-----Jusqu'à Saint-Cloud, le trajet
se fit à pied pour les hommes et en cabriolet pour les femmes et
les enfants.
-----D'Arzew à Saint-Cloud, ils ne
rencontrèrent que le village de Sainte-Léonie, peuplée
par des Allemands depuis 1846. Ces derniers se montrèrent indifférents
qu'il faut attribuer à l'état maladif où ils se trouvaient.
Ils étaient assis sur le seuil de le leurs maisons, jaunis par
les fièvres, semblables à des
cadavres sortis de leurs tombes, spectacle peu rassurant pour ceux qui
arrivaient
L'arrivée des
colons à Saint-Cloud
-----Le 26 octobre
1848, on parvint au terme du voyage. Des soldats du 12è régiment
d'infanterie légère, en détachement dans le village
futur, reçurent nos colons l'arme au bras, en braves défenseurs
de l'ordre public, car ils étaient bien persuadés, eux aussi,
qu'ils avaient affaire a un troupeau d'insurgés sur lesquels ils
étaient chargés de veiller.
-----L'arrivée à Saint-Cloud
fut une cruelle déception. On se trouvait dans un pays inculte
et inhabité. La riviere n'était qu'un mince filet d'eau,
asséché l'été, qui allait se perdre dans les
lentisques et les palmiers nains qui représentaient à leur
tour les grands arbres annoncés.
-----Un lac, aux eaux calmes, développait
des maladies pestilentielles qui délabrèrent rapidement
la santé des colons quand elles ne leur enlèvent pas la
vie.
-----A l'aspect de ce pays, couvert de broussailles
et dépourvu d ' habitations, ce furent plaintes, larmes de désespoir,
des récriniinations haineuses contre les trompeurs qui avaient
préparé ce guet-apens. Des baraquements en planches, de
20 m2 , avaient été hâtivement construits trois mois
avant, abritant parfois trois ménages vivant dans la plus totale
promiscuité
-----Faute d'avoir pu déballer les
meubles et effets, on coucha, la première nuit sur des bottes d'alfa.
Une quarantaine de personnes n'ayant pas de place dans les baraques, campèrent
à la belle étoile,
-----Le 8è jour, n'ayant toujours
pas de place elles partirent pour Méfessour y fonder une annexe
qui deviendra en 1893, le village Renan..
-----La démoralisation ne tarda pas
à produire les premières demandes de rapatriement. Le découragement
avait surtout gagné les ouvriers des métiers d'art.
-----De nombreux vides commencèrent
à se produire dès le sïxième mois de leur arrivée
Débuts de la
colonisation
-----Ayant trois
ans de vivres assurés par le gouvernement, ils se mirent au travail
avec acharnement.
-----Heureusement que Saint-Cloud avait reçu
des gens honnêtes qui, malheureux dans la métropole, étaient
venus chercher le bien-être par le travail.
-----Le 20 octobre 1848, Saint-Cloud devenait,
sur le papier, colonie agricole. Le 11 février 1851, un décret
constitua définitivement le centre de Saint-Cloud et lui attribua
4 686 hectares de terrain.
-----Ils se mirent à l'oeuvre mais
le succès ne répondit pas à leur espérance
pour des causes indépendantes de leur volonté comme la mauvaise
nature du terrain, l'ignorance du métier, les maladies. Pour comble
de malheur, le choléra arriva dès 1849. Il y eut 48 décès
dans le seul mois de novembre. L'année 1850 fut marquée
par un petit nombre de cas. On renaissait à l'espérance.
L'année 1851 fut terrible : 142 décès dont 100 au
mois d'août !
-----Un grand progrès, du moins, s'était
réalisé dans l'installation des colons. Dix-huit mois avaient
suffi à l'autorité militaire pour construire 300 maisons
de colonie ! Il fut imposé à tous ces colons l'obligation
d'assurer le transport de six planches pour ces maisons de Mers-El - Kébir
à Saint-Cloud. N'ayant pas de moyens, ils durent faire les trente-six
kilomètres pour l'aller et autant pour le retour. Mais la perspective
d'avoir un chez-soi leur aurait donné des ailes !
-----En 1851, de nouveaux contingents de
colons arrivent. Anciens soldats libérés ou cultivateurs
expérimentés, ils apportèrent leurs concours précieux.
-----La santé des anciens était
devenue plus forte et la colonisation suivit, dès lors, une marche
progressive.
-----La commune demeura militaire jusqu'en
1853 permettant au Génie la construction des édifices publics
et des maisons destinées aux premiers colons, à la canalisation
des eaux, aux ouvrages relatifs aux irrigations, à l'établissement
et à l'entretien des chemins vicinaux, à la rédaction
du plan d'alignement et de nivellement du village. En 1852, Joseph Campillo,
le premier habitant de Saint-Cloud, fit bâtir un moulin à
vent, grâce à ses deniers et une subvention de l'État.
Ce moulin fonctionnera jusqu'en 1883 donnant une excellente farine.
-----Durant l'année 1854, beaucoup
de colons reçurent leurs titres de propriété définitifs
dans une grande joie et cette même année vit naître
la première industrie qui fut une source de revenus assez productive
: l'écorçage du chêne-vert puis l'alfa et les palmiers.
La culture des céréales se poursuivait avec un relatif succès.
-----Un rapport du Ministre de la Guerre
à l'Empereur Napoléon III venta les mérites de cette
colonisation en passe de réussir. Napoléon III signa un
décret, le 31 décembre 1856, érigeant le centre de
Saint-Cloud en commune de plein exercice. En 1857, elle comprenait aussi
les annexes de Sainte-Léonie (rattachée en 1872 à
Arzew), Kléber, Méfessour et Kristel. Dès l'origine,
une école de garçons et une autre de filles, de même
qu'un asile pour les enfants, dirigées par des enseignants venus
avec les colons, fonctionnaient. Si, dans les premiers temps le culte
se pratiquait à l'extérieur, en 1849, l'église et
le presbytère furent installés tout d'abord dans quatre
chambres puis en attendant sa construction en 1866.
----Le 20 mai 1866, l'Empereur Napoléon
III honora Saint-Cloud de sa visite. En 1891, l'arrivée du nouveau
maire, Émile Jaeger, donnera au village sa physionomie actuelle.
L'épopée
du vignoble
-----Les premiers
essais de viticulture tentés en 1851 échouèrent par
la sécheresse et le fait que les ceps avaient soufferts du transport
et étaient arrivés presque desséchés. En 1862,
trois colons amis, MM. Marquet, Luisin et Desprez résolurent de
tenter un nouvel essai. Ils achetèrent un centaine de boutures
à des prix excessivement élevés à La Sénia
et à Misserghin car il s'agissait alors d'une denrée rare
et précieuse. Nos jeunes viticulteurs distribuèrent gratuitement
ces boutures à leur voisin ne cessant de les encourager à
planter de la vigne parce qu'ils prévoyaient dans cette nouvelle
culture une source de richesses pour l'avenir. En 1868, il y avait déjà
10 hectares du terrain plantés en vigne (lire l'histoire du vignoble
d'Algérie dont celui de Saint-Cloud dans la revue du Cercle Algérianiste
de mars 1997).
-----Le grand essor ne se produisit réellement
qu'en 1872 et 1873, époque vers laquelle un vigneron, Louis Laurent,
obtint à l'exposition de Vienne en Autriche, une première
récompense pour ses vins et eaux-de-vie de marc. Tous les colons,
sans exception, se mirent dès lors au défrichement de leurs
terres et à la plantation de la vigne. En 1894, le vignoble de
Saint-Cloud comprenait un total de 2 964 hectares.
-----Le développement de vignobles
eut pour conséquence la création de quatre distilleries
et onze bouilleurs de cru.
-----En 1883, un sous-officier meunier, M.
Lanoë installera un petit moulin à vapeur dont la farine aura
une telle renommée qu'il s'agrandira très vite devenant
en 1890 une véritable usine qui contribua puissamment à
la prospérité de Saint-Cloud par le commerce qu'elle y entretenait.
-----De nombreuses fêtes animaient
régulièrement le village comme le 26 octobre (Fête
anniversaire de l'arrivée des pionniers à Saint-Cloud) ou
la fête patronale le 7 septembre ou le dimanche le plus proche fêtant
la fin des vendanges.
-----Avec les schistes et le minerai de fer
découvert à Kristel, Saint-Cloud possédait des atouts
sûrs pour un avenir des plus prospères.
-----Malgré tous les obstacles, ces
colons ont trouvé dans leur énergie et dans leur puissance
morale, les moyens de vaincre ces difficultés.
-----A tous ceux-là que la victoire
ait couronné leurs efforts, ou qu'ils aient succombé à
la tâche, honneur et respect !
-----Ces colons de la première heure
n'ont pas failli à l'appel de la France outre Méditerranée.
-----Ces provinciaux et parisiens ont apporté
leur dynamisme qui a fait merveille sous le soleil africain.
-----Saint-Cloud reste un exemple de cette
colonisation humaniste au service et au nom de la France qui sera abandonné,
toujours au nom de la France.
Jean-Marc Lopez
L'Amicale Saint-Cloudienne est animée par notre ami François
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