Le légionnaire saïdéen de Bonifacio
Trois images...pour les enfants sages.
" Saïda ! C'est une petite ville à la française qui ne semble habitée que par des généraux". Guy de
Maupassant

pnha, n°89, avril 1998
.sur site le 20-3-2003
...déplacé mai 2013

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------Lorsque, le 22 octobre 1841, le maréchal Bugeaud et l'armée française arrivèrent devant Saïda, la ville brûlait. Abd-el-Kader, en la quittant pour rejoindre ses positions de repli, l'avait livrée aux flammes.
------Au début de l'année 1844, le général Lamoricière demanda une occupation permanente de Saïda. "Après avoir jeté des hauts cris, le maréchal finit par donner son acquiescement".

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Les terrassements du poste furent achevés au mois de mars. En 1881, une révolte menée par le marabout Bou-Amama vint ensanglanter la région.

------Si la compagnie Delbrousse, concessionnaire de 600 000 hectares d'alfa fut visée, ce sont surtout les ouvriers alfatiers et leurs familles, tous espagnols, qui subirent l'affrontement, "dans cet océan d'alfa, dans cette morne étendue verdâtre, immobile sous le ciel incendié". "Ce ne fut pas long..., les hommes furent mis à nu, on les lia aux roues des charrettes, on mit le feu à l'alfa qu'elles portaieut, et l'on s'en alla. On entendait de loin crier les Espagnols qui brûlaient avec leurs ballots, et puis plus rien ! Mais les charrettes flambaient toujours, et une fumée épaisse montait en colonne noire sur un ciel rouge du soir".
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Bou-Amama évanoui, d'autres bandes armées viendront, qui rendront le Sud-Oranais peu sûr. La frontière marocaine toute proche, aux limites aussi mal définies qu'indéfinissables (l'absurde tracé de 1845, comme l'a appelé Maurice Wahl), favorisera les incursions et les incidents. C'est surtout la Légion étrangère qui sera chargée de la sécurité de ces grands espaces où il faut "se battre à coup de kilomètres" selon l'expression du général Négrier.

Des années 1881 à 1907, date de l'occupation de la ville marocaine d'Oujda par Lyautey, les escarmouches se poursuivront nombreuses et parfois meurtrières, telle cette réplique saharienne du combat de Camerone qui eut lieu le 2 septembre 1903. Une compagnie de légionnaires, cent treize hommes en tout, escortant un convoi de ravitaillement, tomba en embuscade entre El Moungar et Safran. Six cents guerriers les attaquèrent, le combat, sous un soleil implacable, dura huit heures, quatre-vingt-six soldats de l'escorte furent tués. Il ne restait que vingt-sept survivants, blessés et assoiffés.

-----En hommage à la mémoire de tous les militaires morts au cours de cette période, il fut décidé de leur élever un monument à Saïda.
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Robert Delandre, sculpteur normand, âgé de trente-deux ans, exécuta la commande en 1908. Et c'est ainsi qu'en mai 1910 fut inauguré, place de la Mairie, un monument jugé par la presse de l'époque comme étant "d'une harmonieuse simplicité et d'un fort bel effet". Juché sur un piédestal, un officier au casque colonial, auquel les témoins trouvèrent une allure martiale et des traits énergiques, tient d'une main un drapeau. De l'autre, il pointe son épée vers un lion d'Afrique... d'Afrique du Nord bien entendu, et dont les deux ou trois derniers de l'espèce, tapis au fond de l'Atlas marocain étaient déjà prêts à subir l'holocauste final.


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L'inscription sur le piédestal était la suivante : "Aux soldats de la Légion étrangère et de l'Armée d'Afrique morts dans le Sud-Oranais". La cérémonie d'inauguration fut présidée par Eugène Etienne, député d'Oran, ancien ministre de la guerre. Il était entouré de cinq généraux... pour ne pas faire mentir Guy de Maupassant ! Parmi eux, un certain Lyautey fera parler de lui dans le pays qui est à 170 kilomètres à vol d'oiseau de Saïda : le Maroc.

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Au moment du repliement de l'armée française, la Légion a démonté les deux statues composant le monument et les a acheminées vers la Corse où elles furent débarquées le 23 juin 1962. Ce monument a été reconstitué un an plus tard sur une place, devant l'entrée de la citadelle de Bonifacio, première garnison de la Légion en Corse. Il se présente de la même façon qu'à Saïda, l'officier sur son socle, le lion d'Afrique assis à ses pieds. Une inscription rappelle les raisons de son existence et son lieu d'origine. Seule la forme du socle a changé. Le monument a été confié à la ville de Bonifacio.

Sources : Monuments en exil d'Alain Amato