------Lorsque,
le 22 octobre 1841, le maréchal Bugeaud et l'armée française
arrivèrent devant Saïda, la ville brûlait. Abd-el-Kader,
en la quittant pour rejoindre ses positions de repli, l'avait livrée
aux flammes.
------Au début
de l'année 1844, le général Lamoricière demanda
une occupation permanente de Saïda. "Après
avoir jeté des hauts cris, le maréchal finit par donner
son acquiescement".
------Les terrassements du poste furent achevés
au mois de mars. En 1881, une révolte menée par le marabout
Bou-Amama vint ensanglanter la région.
------Si la
compagnie Delbrousse, concessionnaire de 600 000 hectares d'alfa fut visée,
ce sont surtout les ouvriers alfatiers et leurs familles, tous espagnols,
qui subirent l'affrontement, "dans cet océan
d'alfa, dans cette morne étendue verdâtre, immobile sous
le ciel incendié". "Ce
ne fut pas long..., les hommes furent mis à nu, on les lia aux
roues des charrettes, on mit le feu à l'alfa qu'elles portaieut,
et l'on s'en alla. On entendait de loin crier les Espagnols qui brûlaient
avec leurs ballots, et puis plus rien ! Mais les charrettes flambaient
toujours, et une fumée épaisse montait en colonne noire
sur un ciel rouge du soir".
-
-----Bou-Amama évanoui, d'autres bandes armées
viendront, qui rendront le Sud-Oranais peu sûr. La frontière
marocaine toute proche, aux limites aussi mal définies qu'indéfinissables
(l'absurde tracé de 1845, comme l'a appelé Maurice Wahl),
favorisera les incursions et les incidents. C'est surtout la Légion
étrangère qui sera chargée de la sécurité
de ces grands espaces où il faut "se
battre à coup de kilomètres" selon l'expression
du général Négrier.
Des années 1881 à 1907, date de l'occupation de la ville
marocaine d'Oujda par Lyautey, les escarmouches se poursuivront nombreuses
et parfois meurtrières, telle cette réplique saharienne
du combat de Camerone qui eut lieu le 2 septembre 1903. Une compagnie
de légionnaires, cent treize hommes en tout, escortant un convoi
de ravitaillement, tomba en embuscade entre El Moungar et Safran. Six
cents guerriers les attaquèrent, le combat, sous un soleil implacable,
dura huit heures, quatre-vingt-six soldats de l'escorte furent tués.
Il ne restait que vingt-sept survivants, blessés et assoiffés.
-----En hommage
à la mémoire de tous les militaires morts au cours de cette
période, il fut décidé de leur élever un monument
à Saïda.
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-----Robert Delandre, sculpteur normand, âgé
de trente-deux ans, exécuta la commande en 1908. Et c'est ainsi
qu'en mai 1910 fut inauguré, place de la Mairie, un monument jugé
par la presse de l'époque comme étant "d'une
harmonieuse simplicité et d'un fort bel effet".
Juché sur un piédestal, un officier au casque colonial,
auquel les témoins trouvèrent une allure martiale et des
traits énergiques, tient d'une main un drapeau. De l'autre, il
pointe son épée vers un lion d'Afrique... d'Afrique du Nord
bien entendu, et dont les deux ou trois derniers de l'espèce, tapis
au fond de l'Atlas marocain étaient déjà prêts
à subir l'holocauste final.
-----
L'inscription sur le piédestal était
la suivante : "Aux soldats de la Légion
étrangère et de l'Armée d'Afrique morts dans le Sud-Oranais".
La cérémonie d'inauguration fut présidée par
Eugène Etienne, député d'Oran, ancien ministre de
la guerre. Il était entouré de cinq généraux...
pour ne pas faire mentir Guy de Maupassant ! Parmi eux, un certain Lyautey
fera parler de lui dans le pays qui est à 170 kilomètres
à vol d'oiseau de Saïda : le Maroc.
------Au moment du repliement de l'armée
française, la Légion a démonté les deux statues
composant le monument et les a acheminées vers la Corse où
elles furent débarquées le 23 juin 1962. Ce monument a été
reconstitué un an plus tard sur une place, devant l'entrée
de la citadelle de Bonifacio, première garnison de la Légion
en Corse. Il se présente de la même façon qu'à
Saïda, l'officier sur son socle, le lion d'Afrique assis à
ses pieds. Une inscription rappelle les raisons de son existence et son
lieu d'origine. Seule la forme du socle a changé. Le monument a
été confié à la ville de Bonifacio.
Sources : Monuments en exil d'Alain
Amato
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