Il y a 37 ans,
Alger vécut des moments d'exaltation et de drames. Nous avons
demandé, pour l'Histoire, à plusieurs témoins
tant en Algérie qu'en métropole, de retracer ces événements
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-----I1 est nécessaire
de brosser très sommairement un tableau de la situation et de l'atmosphère
des parties en présence en 1960 pour mieux situer les barricades
d'Alger.
Le contexte
-----Depuis sa fondation,
l'ACUF (bien noter le nom : Association des Combattants de l'Union Française
c'est-à-dire groupant les militaires en activité et les
Anciens Combattants) a eu un rôle très important dans les
manifestations patriotiques, en métropole et en Algérie
notamment contre Catroux puis lors de la préparation du 13 mai
1958.
-----Dans le même temps oeuvraient
les comploteurs gaullistes dont l'unique but était de ramener De
Gaulle au pouvoir : ils n'hésitaient pas à tuer. (Lors des
procès des généraux, la discrétion des avocats
sur la responsabilité de Debré dans cette affaire ne fut
pas étrangère au verdict).
-----L'ACUF était en liaison permanente
avec les mouvements patriotiques créés par Ortiz, Martel
et leurs prolongements en métropole. La présence à
son conseil d'administration des généraux Salan, Mirambeau,
Chassin, Cherrieres etc, etc, et de nombreux officiers maintenaient ainsi
le lien Armée/Nation.
-----Cela permettait de concevoir une réflexion
générale, d'établir une stratégie politique
ce que nos malheureux compatriotes en Algérie ne pouvaient (pris
qu'ils étaient dans le malstrom des attentats), sereinement effectuer.
-----Dès le discours du 16 septembre
1959, l'ACUF et l'ensemble des mouvements et associations décidaient
d'affirmer leur volonté de garder l'Algérie Française
et d'empêcher la forfaiture de De Gaulle. En métropole l'appui
à la manifestation d'Alger se préparait : le Général
Chassin, son secrétaire Louis de Charbonnières et un responsable
de l'ACUF partaient pour Alger lorsqu'ils apprirent la reddition (dans
sa valise, le Général Chassin emportait son uniforme et
ses décorations : sur les Barricades, la présence de l'ancien
patron de l'aviation de l'OTAN, aurait sans doute eu une influence sur
les colonels qui cernaient le camp retranché). Quant au responsable
de l'ACUF qui avait organisé le voyage avec d'autres identités
que les leurs, arrivé en Alger il devait repartir pour la Belgique
avec les 40 UTB qu'on lui avait promis en décembre 59 et qu'il
attendait depuis 8 jours.
-----En Algérie, le colonel Gardes
organisa les réunions civils/armée dont le chef occulte
était le colonel Antoine Argoud. Les participants étaient
:
------ Pour les militaires : colonel Gardes,
les capitaines Filippi, Rouy, membres permanents et souvent les colonels
Broizat, Cahuzac, Guise
------ Pour les civils : Comité d'entente
des Anciens Combattants : Arnoud, Crespin(MP13), Docteur Lefèvre
(MPIC), Martel (MP13), Ortiz (FNF), le professeur Michaud et selon les
questions traitées Ronda, Pérez, Susini, tous du FNE
la
levée des couleurs
--La
préparation des grandes manifestations destinées à
contraindre le gouvernement à choisir la francisation voire à
renvoyer De Gaulle à Colombey, incombait tout naturellement à
Ortiz dont l'armée connaissait les possibilités et en qui
elle avait confiance.
-----La détermination des militaires
était totale : Debré s'en est rendu compte lors de la nuit
qu'il passa à Alger au cours de laquelle Antoine Argoud, Chef d'État
Major s'exprima avec fermeté pour ne pas dire agressivité.
Il ne fait pas de doute que De Gaulle savait l'osmose Armée/Nation
et craignait un 13 mai dont il aurait été victime.
-----Mais les militaires étaient loin
de franchir le Rubicon.
-----Ortiz écrira : "Je
vois bien ce que veulent les militaires. Au travers de leurs hésitations
et de leurs atermoiements je sais ce qu'ils désirent : manifestations
de masse, quelques heurts, puis l'Armée intervient afin de rétablir
l'ordre : On force la main à Challe et le tour est joué,
l'Armée s'empare des commandes : c'est la répétition
du 13 mai".
-----Dans la programmation de la manifestation,
les régiments de paras devaient encadrer la foule, précédée
par les parlementaires, Musique et UT en armes, en tête. (Le colonel
Sapin-Lignère commandant toutes les UT en liaison permanente avec
Ortiz). Le rôle de Lagaillarde était donc prévu :
son tempérament le poussait à jouer un rôle plus actif
: ne sachant pas les accords passés par Ortiz avec l'armée
et voulant forcer le destin comme au 13 mai, il créa le "réduit
des Facultés".
-----On comptait 30 000 personnes du Monument
aux Morts au Plateau des Glières
La semaine des Barricades
vue par un des acteurs du "réduit des Facultés"
-----Dès
le 23 janvier à 20h, les Facultés étaient occupées
et Lagaillarde nommait A. Mentzer chef des "43" et chargé
de constituer les noyaux des 5 compagnies qui durant une semaine tinrent
les Facultés.
-----Le 24, quelques heures avant la fusillade,
plusieurs centaines de volontaires constituant ces compagnies, avaient
été armés par la récupération des U.T,
rue Abbé de l'Epée et étaient opérationnels
sous les ordres des chefs nommés par Mentzer.
-----Il est indubitable que la création
du réduit des Facs constituait un fait nouveau : derrière
les portes fortifiées et gardées militairement par des volontaires
disciplinés - et sans unité constituée dont le commandement
aurait pu poser problème - il aurait fallu pour les déloger
donner l'assaut, avec des pertes importantes inévitables de part
et d'autre.
-----Ainsi, le gouvernement ne se trouvait
plus face à l'armée et du FNF et des mouvements patriotiques
qui lui étaient liés par des accords, mais face à
un bastion de patriotes tenu par aucune obligation et n'obéissant
qu'à Lagaillarde.
-----A l'extérieur, la Harka de l'adjudant
Orsini et le Totem du GCP du Sous-Lieutenant Calmon gardaient la barricade
de la rue Michelet devant la grille principale des Facs.
-----Vers 16 h 30, sur le plateau des Glières,
seule unité de paras en place le 3è R.PI.Ma qui a pris position
boulevard Laferrière, côté rue d'Isly. Le 1er R.E.P.
stationne toujours boulevard Saint-Saens, le 1er R.C.P. boulevard Baudin.
Le capitaine Pierre Sergent, commandant la 1è compagnie du 1er
R.E.P., un adjoint du Colonel Broizat du 1er R.C.P., confirme que ni le
Colonel Broizat, ni le Colonel Dufour qui se sont concertés par
radio, n'accepteront d'être les complices d'une opération
montée par le Général Coste et le colonel Fonde.
-----Vers 17 h 30, 15 000 manifestants sont
massés sur le Plateau des Glières, et écoutent les
orateurs des associations patriotiques qui se succèdent au micro
du P.C. d'Ortiz dans les bureaux de la Compagnie Algérienne. Tous,
y compris le Colonel Gardes, demandent le plus grand calme aux Algérois.
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-----Vers 18
heures, la nuit tombe, ordre est donné aux gendarmes de charger,
sans sommation. Des coups de feu éclatent entre les gendarmes et
les manifestants. Serge Jourdes, aujourd'hui responsable de l'ACUF du
Var, commandait la Compagnie opérationnelle du 11 BUT, (après
avoir effectué une période de six mois dans un commando
rattaché au 2è` RPC du colonel Château -Jobert, puis
incorporé dans les UT dès juillet 56).
-----Dès le dimanche matin 23 janvier,
au PC des UT (à 100 m face aux Facultés) il convoque sa
Compagnie Opérationnelle pour protéger les manifestants,
certain qu'il était, que les gaullistes Fonde, Coste et Crépin
useraient de tous les moyens pour "casser" les civils.
-----Il est vraisemblable que les Kempski,
Fonde, Debrosse, aient été les moyens de De Gaulle pour
à la fois écarter Massu et casser par des rafales d'armes,
les patriotes.
-----II rééditera ce genre
d'assassinat plusieurs fois de 1960 à 1963 : 26 mars, les maquis
OAS attaqués en collaboration avec le FLN, les massacres d'Oran
et ceux des Harkis toujours en collaboration avec le FLN etc...
-----Le 29 janvier, Ortiz confie à
Demarquet, qui annonçait l'aide de la métropole, qu'il était
lâché par les responsables de l'Armée, malgré
le message que Bigeard lui fera transmettre, car, après le discours
de De Gaulle, "les militaires se réfugieraient
dans l'obéissance".
-----Le colonel Dufour proposera : Ortiz
et Lagaillarde à la disposition de Delouvrier. Quant aux hommes,
ceux qui voudront s'engager dans une unité opérationnelle
sortiront des barricades en armes, les autres laisseront leur armement
à l'intérieur du camp retranché.
-----A la suite de la proposition du Colonel
Dufour,dans le réduit des Facultés deux réunions
eurent lieu :
-----A la lère à laquelle participaient
outre Lagaillarde, Mentzer, Genet, Taousson, Sultana, Kerdavid, Orsini,
Marchai, Cot, Kart Tanner, Verlet, Bertin etc..., il fut décidé
de résister et faire sauter le quartier avec assiégeants
et assiégés.
-----Cette décision provoqua l'évanouissement
du lieutenant K. qui commandait l'unité UTC.
-----A la seconde réunion, plus nombreux
étaient les participants. Une courte majorité décida
la réddition, le colonel Dufour ayant
indiqué qu'il ferait entrer ses hommes dès le lundi l'arme
à la bretelle pour mettre fin au siège : il était
exclu de tirer sur les soldats du 1er REP
Les
musulmans omniprésents sur les barricades
-----Dans
le même temps, Jean-Baptiste Biaggi incitera Jo Ortiz à ne
pas se rendre étant plus utile clandestin que prisonnier d'autant
plus que les gaullistes qu'il connaissait bien, notamment Debré,
auraient fait de lui un "suicidé"
en prison.
-----Le lundi 1er février, vers 11
heures, Pierre Lagaillarde sort le premier des barricades. Conformément
à ses instructions, Serge Jourdes sortira le dernier après
avoir amené le drapeau.
-----Vers 12 heures, près de 700 hommes
défileront devant les légionnaires du 1er R.E.P qui présentent
les armes, ils prendront place dans des camions qui les conduiront au
camp du 1er R.E.P à Zéralda.
Le drapeau ensanglanté
du sang d'Hernandez
----Dans
la nuit du 2 au 3 février, environ 170 hommes constituant le "Commando
Alcazar" prendront la route, avec la 3ème Compagnie du 1er
R.E.P. commandée par le Capitaine Estoupe, pour Chekfa, base opérationnelle
du 2ème R.E.P., via Telerma dans le Constantinois où ils
resteront 4 jours pour faire un tri des compagnons et renvoyer à
Alger ceux que l'on n'aura pas le droit d'amener au combat, notamment
compte tenu de leur âge (moins de 18 ans).
-----Malgré la promesse faite au Colonel
Dufour par le Pouvoir, quatre hommes seront arrêtés à
Chekfa, le Docteur J.C. Pérez, J.J. Susini, J.M. Demarquet et Jean
Marie Sanne.
-----Le 7 février, le Commando Alcazar
regroupe 116 hommes ayant à sa tête trois capitaines, dix
lieutenants et quatorze sous-officiers
------ Le capitaine Marcel Ronda, qui a combat
tu au sein de la 1" Armée Française entre 1943 et 1945,
------ Serge Jourdes, nommé capitaine
à compter du 1er octobre 1959, prendra la route pour rejoindre,
toujours avec la 3è compagnie du 1er R.E.P, le 2è R.E.P
à Chekfa pour une période d'un mois. Forzy, nommé
par le Gouvernement, aussi, capitaine, accompagnera le commando.
La
foule vient soutenir les insurgés
-----Dès
leur retour à la vie civile, les Capitaines Ronda et Jourdes seront
arrêtés.
-----Du 3 décembre 1960 au 15 mars
1961, ce sera le procès des barricades et l'on retrouvera dans
le "box de l'Honneur" : A. Arnould, M. Demarquet, E Feral, J.
Gardes, S.Jourdes, P Lagaillarde, B. Lefevre, P. Michaux, J.C. Pérez,
J. Rambert, M. Ronda, M. Sanne, M. Sapin Lignières, A. de Sérigny,
J.J. Susini.
-----La suite est connue. Certains continueront
le combat en Algérie, en Métropole et à l'Étranger.
Dossier réalisé
parJ-M Lopez avec
les témoignages de Serge Jourdes,
Alain Mentzer et Philippe de Massey.
-----Pour mieux
connaître cette époque nous vous engageons à lire
les livres suivants (liste non exhaustive) :
Ortiz "Mes Combats",
Ribaud "Barricades pour un drapeau",
Susini "Histoire de l'OAS,
Lagaillarde "On a triché avec l'honneur",
Bromberger "Barricades et Colonels",
Louis de Charbonnieres "Toujours et quand même",
Delarue "OAS contre De Gaulle",
Péan "Le mystérieux Docteur Martin",
LeroyFinville " SDECE service 7",
Figueras "L'affaire du Bazooka",
Castille "Le bazooka",
Capitaine Filippi "600 jours avec Salan",
de Sérigny "Le Procès",
Jean-Claude Pérez "Sang d'Algérie",
Argoud "La décadence, l'imposture et la Tragédie".
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