rue
Charles Peguy - Alger
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-----Le
1er février 1960, alors que les "insurgés " quittaient
le périmètre des Facultés d'Alger où pendant
une semaine ils avaient tenu tête au gouvernement du général
De Gaulle et montaient dans les camions du 1er REP pour rejoindre Zéralda,
paraît dans "France Soir" un éditorial de Pierre
Lazareff qui provoque quelque sensation : "Si l'on approuve que le
pardon soit accordé aux hommes abusés qui rejoindront "l'ordre
national", écrit-il, on ne comprendrait pas que les coupables
qui se voulaient usurpateurs Ortiz, Lagaillarde et leurs lieutenants immédiats
échappent au juste châtiment de leurs fautes... On connaît
aujourd'hui le sombre complot dans lequel ils ont tenté d'entraîner
des patriotes sincères, complot dont on découvre les ramifications
jusque dans la métropole et qui était destiné à
changer le régime par la force". Il n'y a pas eu de complot -----Des
sinistres procureurs de Moscou aux grandes voix chrétiennes, la
cause est entendue, l'Histoire est écrite... Eh bien, non! Les insurgés d'Alger, véritables défenseurs de la République -----Le
juge d'instruction Monzein convoque en son cabinet Georges Calzant, directeur
de l'Hebdomadaire "Aspects de la France" et l'inculpe d'offenses
au chef de l'Etat pour avoir publié sous sa signature au lendemain
de la diffusion du discours présidentiel du 16 septembre 1959 un
article intitulé " EN HAUTE COUR, M. DE GAULLE ! " Le
nouvel inculpé déclarera d'ailleurs au magistrat qu'il n'a
rien à retrancher à son propos car le Président de
la République aurait dû être effectivement déféré
à la Haute-Cour, pour avoir, dans son discours du 16 septembre
" proposé la sécession à un groupe de départements
français ". De Gaulle, résolu à brader l'Algérie -----Son
caractère, sa conception de la "raison d'Etat", le rendaient
tout à fait imperméable aux choses du cur. Toutefois,
il n'est pas sûr qu'il ait eu, dès son retour au pouvoir,
une idée très précise sur l'avenir de l'Algérie.
Ses seules certitudes se résumaient en deux points : l'Algérie
était une construction factice de la France, et l'Algérie,
y compris ses populations, ne valait rien. La seule et la meilleure des
solutions était donc de s'en débarrasser au plus tôt.
Comment ? Peu importe... l'événement favorable viendra,
la lassitude de l'opinion publique en métropole, les manuvres
de Washington et de Moscou qui rêvent de l'héritage, l'aideront... |
-----C'est dans
cette situation explosive qu'éclate la bombe Massu ! La certitude du complot -----Quant à Massu,
il a lui-même la certitude d'avoir été victime d'un
complot : " L'entourage du chef de l'État ou du Premier Ministre
a cherché le moyen de l'écarter d'Alger en me mettant dans
mon tort. " Colére du peuple -----Le 24janvier 1960.
sur le Plateau des Glières, devant le Monument aux Morts, à
18h30, on décompte six morts, vingt-six blessés, dont deux
graves, du côté des Algérois, quatorze morts, cent
vingt-trois blessés du côté des forces de l'ordre...
Depuis le retour du général Salan à Paris, j'étais
"interdit" en Algérie et, par les bons soins de Maurice
Papon, le préfet de Police, " doté " d'une surveillance
quasi permanente de deux inspecteurs de la 2è section des Renseignements
généraux. Une voiture de police stationnait en permanence
sous les fenêtres de l'hôtel des Invalides où siège
le gouvernement militaire de Paris qu'occupait le général
Salan. Le maréchal Alphonse Juin qui a ses bureaux au rez-de-chaussée,
bénéficiait de la même attention... Une situation
bien incommode pour monter un complot, s'il en avait été
question... Réactions policières -----Je pars donc pour Bordeaux
le mercredi afin de rencontrer mon vieux camarade Jean Maury qui assume
les fonctions de premier vice-président de l'A.C.U.F. C'est pendant
un séjour à Bordeaux que j'apprends les perquisitions qui
ont été effectuées jeudi au siège de l'association
et chez plusieurs de nos responsables à travers toute la France.
Néanmoins, je rentre chez moi, à La Courneuve, le samedi
soir, pour y apprendre par ma femme que mon domicile n'a pas échappé
aux perquisitions mais que les policiers n'ayant rien trouvé à
saisir sont repartis sans donner d'autres indications. |
-------A notre
retour au bureau, c'est l'inspecteur Delarue qui me prend à son
tour en charge. La journée va se passer en conversations plus qu'en
interrogatoires. On parle beaucoup des " évènements
" du 13 mai 1958, du rôle que j'y ai joué, des relations
que j'avais eues avec ceux qui en avaient été les artisans
les généraux Salan, Massu, Chassin, Cherdère, Miquel,
Descours, le docteur Martin, Robert Martel, Pierre Lagaillarde, Pierre
Joly, Alexandre Sanguinetti, Léon Delbecque, Jacques Soustelle,
Roger Frey, Claude Dumont, J.B. Biaggi, le colonel Thomazo, Ortiz... C'est
l'inspecteur Delarue qui parle le plus souvent, je me contente d'opiner
ou de prendre un air dubitatif. Pour renforcer le climat de confiance
qu'il veut visiblement créer entre nous, mon "geôlier'
m'invite à déjeuner avec lui à la brasserie qui se
trouve en face, rue des Saussaies et qui est le rendez-vous de tous les
"en-bourgeois" de la Maison. Je tiens à payer mon écot..,
et Delarue, en mon honneur, offre une bouteille de Bordeaux. Le puzzle se met en place -------J'ai
résumé, le tête-à-tête dura toute la
journée sans interruption. Au fur et à mesure, se révélaient
pour moi tous les fils de la conjuration, celle du Pouvoir. Bien décidé
à poursuivre sa criminelle politique, De Gaulle devait abattre
Salan, l'homme qui l'avait remis au pouvoir et le seul qui, à ce
titre, pouvait lui demander des comptes. En même temps, je ne pouvais
qu'apprécier les "qualités" de mon interlocuteur,
un bien pitoyable personnage, tantôt séducteur, tantôt
menaçant, mais un remarquable " confesseur " promis à
un bel avenir dans sa spécialité. Je ne pouvais penser alors
que ces "qualités" le conduiraient à devenir un
des "historiens officiels " de la Résistance, parmi les
plus écoutés... La prison -------Pour
la seconde fois de ma vie, je connus les délices d'une nuit à
"la Souricière" du "Dépôt". Et
le lendemain, 11février, dûment inculpé d'atteinte
à la sûreté intérieure de l'État, je
fus incarcéré au Quartier des condamnés à
mort (la haute-surveillance à l'époque) au rez-de-chaussée
de la 2e division de la Santé (cellule 28). La confrontation -------La confrontation
eut lieu le 24 octobre 1960. De façon éclatante, elle révèle
la machination montée dans les coulisses du pouvoir pour écarter
et réduire définitivement au silence tous ceux qui à
quelque niveau pouvaient s'opposer à la politique algérienne
du général De Gaulle. Il n'est pas possible de donner ici
le compte rendu complet de cette confrontation mais nous en citerons trois
courts extraits particulièrement significatifs. Yves Gignac Nota : Le commissaire
Delarue perquisitionne les bureaux du chef de service dont dépendait
Philippe de Massey en tant qu'honorable correspondant. Pour protester
contre cette "extraordinaire entorse" aux usages, le Général
Grossin patron du SDECE y arriva en personne, revétu de son uniforme
et de ses décorations". (page 50, " l'OAS contre De Gaulle
" de Delarue) |