rue Michelet - Alger,
SOUVENIRS DE LA RUE HORACE VERNET
par Huguette Cardona

: « ...bien sûr je l'ai vécu au 21 rue Horace Vernet là où il y avait ce grand garage avec les deux sous-sol qui servaient d'abris contre les bombardements allemands. Mais les mêmes évènements se sont déroulés dans tout Alger et ses environs,...» (H.Cardona)

« ... mon père a d'abord exercé à Oran (où est né mon frère), puis à Maison Carrée puis au Champ de Manoeuvres puis Bugeaud. Je suis donc arrivée, juste avant la 2° guerre mondiale, au 21 de la rue Horace Vernet près de la rue Nocard et près de l'épicier arabe où on achetait les beignets ! Mon frère est allé à l'école Horace Vernet et moi plus tard un an à peine, à la maternelle filles mais la guerre a interrompu celà, mon père mobilisé est parti en Tunisie....puis ce fut l'armistice et les privations et les 2 clans pro et antiPétain qui s'observaient et se dénonçaient, même entre voisins. Ma mère est tombée gravement malade et a dû être hospitalisée, je suis partie à Ménerville 1 an dans la famille, jusqu'au retour de mon père démobilisé en 40. En 1942 débarquement américain, j'étais rue Horace Vernet et la voisine au-dessus était à la terrasse avec des projecteurs lumineux pour guider les tirs de l'armée française contre les navires américains, j'avais 6 ans et je m'en souviens encore. Toutes les écoles ont été occupées par les Anglais et les Américains, donc je ne suis jamais allée à l'école rue Barnave jusqu'en 1945 donc seulement CM2 et cours supérieur avant la 6°, c'est ma mère qui me faisait travailler le matin seulement, c'est elle qui m'a tout appris ! dès
l'arrivée des alliés en 42 nous avons connu les bombardements par les avions allemands...il fallait descendre la nuit dans les abris (sous le 21 il y avait 2 étages de sous-sol d'un grand garage ) on remontait sur les débris de verre et des gravats après les bombardements. Mon père faisait partie de la défense passive, il étaient munis d'un casque et devaient rester dehors pour surveiller d'éventuels traitres et effectuer les secours car il y avait toujours des victimes....un jour mon frère voulant m'épater avec son anglais (il était en 6ème) a voulu voir les américains de près, on a pris le tram, il a commencé à leur parler, ils n'ont rien compris mais ont éclaté de rire, nous ont embrassés et ont rempli nos poches de chocolats et autres frandises, un bonheur ! Puis en 1944 mes cousins sont partis avec le maréchal Juin et le colonel Montsabert pour le débarquement en Provence après la dure bataille à Montecassino en Italie, pieds noirs et tirailleurs algériens étaient unis pour combattre le nazisme, dans la plus grande fraternité, ils allaient "fouler" le sol français pour la 1° fois...


sur site : mars 2013

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---Le 3 juillet 1940, la flotte anglaise bombarde la flotte française désarmée à Mers-el-Kébir, près d’Oran. Pétain rompt les relations diplomatiques avec l’Angleterre. De Gaulle rallie les territoires de l’Empire et crée en novembre 1940 l’ordre de la Libération. Les ralliements se font de plus en plus nombreux à partir de 1942. Dans la nuit du 8 novembre 1942, c’est le débarquement anglo-américain à Alger et à Casablanca. A Alger, après une courte résistance des forces françaises, les bâteaux entrent dans le port d’Alger ; les soldats U.S. s’emparent de la ville. Les Allemands envahissent la zone libre en France. Le débarquement des Alliés à Alger comportait un matériel impressionnant : les 290 navires de guerre de l’opération « Torch » avaient franchi Gibraltar, laissant croire que ce convoi allait ravitailler Malte. Pour la première fois, les Allemands n’avaient pas l’initiative d’une action stratégique, la chute du troisième Reich allait commencer. De plus, les Algériens étaient impressionnés par cette puissance militaire, que la France n’avait pas. Par ailleurs, les troupes britanniques remportaient les combats engagés contre Rommel en Lybie.

La ville d’Alger est largement ouverte sur la mer et dès le petit matin, les habitants réveillés par les sirènes et les coups de canon, observent une immense armada sur la mer : des navires de guerre partout et à perte de vue. Les autorités locales ont été neutralisées et les troupes alliées débarquèrent à Cherchell, près d’Alger. Ne dépendant plus de Paris ni de Vichy, Alger devient, pour deux ans, la capitale de la France, où de nombreuses décisions seront prises. Tous les établissements scolaires furent réquisitionnés par les armées anglaise et américaine. On rencontrait des soldats partout ; un jour mon frère 11 ans était dans le tram avec sa petite sœur 6 ans et il voulut parler l’anglais, qu’il avait appris en 6ème.. Mais le soldat américain, qui peut-être avait des enfants, se mit à rire et nous donna des gâteaux, du chocolat et du chewing-gum.

Cependant la présence des Alliés n’empêchait pas les raids aériens allemands et italiens destinés à détruire tous les centres vitaux ; nous étions devenus la cible de ces bombardements plusieurs fois dans la nuit. Il fallait tout éteindre et se précipiter dans les abris. Dans les appartements, on collait du papier sur les vitres pour les rendre plus résistantes, mais souvent c’était inutile et en remontant des abris, on marchait sur du verre brisé. Les bombardements étaient annonçés par une sirène aussi stridente que lugubre. Il fallait faire très vite et descendre dans le noir, pendant qu’on entendait les avions arriver dans un bruit assourdissant, piquer vers le sol avant de lâcher plusieurs bombes, qui faisaient un fracas terrible avant de causer des destructions, souvent des morts et toujours des cris. La peur rongeait les habitants. On avait réquisitionné les réservistes comme mon père pour assurer le maintien de l’ordre pendant les alertes, dans les abris et dehors dans les endroits bombardés ; on recherchait aussi les espions et les traîtres, qui faisaient des signaux lumineux aux avions ennemis pour les aider. Les réservistes avaient un casque, un bâton et un sifflet, c’est tout. Dés le déclenchement de l’alerte, il fallait partir très vite. On dormait à moitié habillé pour être prêt rapidement. Sous notre immeuble, il y avait un grand garage, qui occupait deux sous- sols, c’est là que nous devions nous réfugier, en descendant un petit escalier en colimaçon. Arrivaient dans cet abri les habitants de notre immeuble, mais aussi ceux des immeubles voisins et aussi toute une population musulmane qui habitait de petites maisons de l’autre côté du ravin. Les responsables de la « Défense Passive » devaient assurer le maintien de l’ordre, mais ce n’était pas facile, car les gens affolés se bousculaient. En plus, malgré une tentative d’arrangement, les Musulmans ne voulaient pas qu’on voie leurs femmes et avaient exigé le 1er étage pour eux. Les autres descendaient donc un étage plus bas. Tout le monde descendait avec des couvertures, car il faisait froid, surtout assis par terre, ceux qui avaient peur emportaient des bougies. Lors des lâchers de bombes et du fracas, qui en résultait, certains hurlaient, les enfants pleuraient. Quand la sirène annonçait la fin de l’attaque, il fallait remonter et on constatait parfois que tel immeuble n’avait plus ses vitres ou pire qu’il était en ruines. Il ne fallait pas trop parler, car il y avait beaucoup de Pétainistes qui accusaient les Américains de tous les maux. On rentrait chez soi, mais pour combien de temps ; les alertes se succédaient plusieurs fois dans la même nuit. Mon père surveillait à l’extérieur, c’était plus dangereux, même avec un casque ; il fallait sécuriser les immeubles touchés. Un jour, ils ont surpris et arrêté un espion qui faisait des signaux lumineux aux avions ennemis depuis la terrasse. Bien sûr, notre appartement avait été souvent « ébranlé » par les bombardements, il ne restait plus de vitres et il faisait froid ; il fallait donc bricoler des planches pour fermer les fenêtres. Les missions de la défense passive ont eu lieu du 21 décembre 1942 au 1er août 1945. On a même donné, à mon père, un diplôme « de reconnaissance » à la fin de la guerre.

Mon oncle, le frère aîné de mon père, a accompagné à Alger ses quatre fils, qui avaient rejoint l’armée d’Afrique, le dernier Robert était trop jeune mais avais voulu s’engager dans la marine. Ils étaient tous les quatre très jeunes et ne connaissaient pas encore la France. Par patriotisme, ils avaient décidé de rejoindre l’armée du maréchal Juin, un Pied Noir lui aussi, né à Bône. C’était le corps expéditionnaire français, qui partait chasser l’occupant nazi. .Mon oncle, qui avait combattu à Verdun connaissait toutes les horreurs et les dangers de la guerre, il était très ému et inquiet en disant au revoir à ses 4 enfants. Le 3ème : Vincent, a combattu en véritable héros. Il a participé à la campagne d’Italie en automne 1943. Il était lieutenant d’une unité d’infanterie de tirailleurs algériens, sous le commandement du général de Montsabert. Les combats furent particulièrement violents et meurtriers à Monte-Cassino, près de Rome. La lourde logistique alliée avec ses lourds camions se montre peu adaptée au relief et aux chemins raides et tortueux, alors que les tirailleurs algériens et marocains passaient partout, grâce à leurs mulets et apportaient, sans difficulté, ravitaillement et matériel de guerre. Le courage et l’aptitude au combat des tirailleurs algériens et marocains a permis de sérieuses avancées et épaté les troupes américaines. La victoire hélas fera beaucoup de morts dans l’armée d’Afrique et aussi beaucoup de blessés, dont mon cousin, qui refusa de rester derrière et remonta au front avec ses hommes, qui l’appréciaient beaucoup. C’est souvent, qu’ils chantaient tous, pour se donner du courage :

« C’est nous les Africains, qui venons………nous vaincrons. »

Les armées poursuivirent leur marche vers le Nord, puis l’armée d’Afrique forma avec d’autres divisions la 1ère armée, qui débarqua en Provence, délivra Toulon, Marseille et toute la Provence et se dirigea vers l’Alsace rejoindre l’armée de De Lattre de Tassigny, pour délivrer Strasbourg. Ils ont tous combattu avec héroïsme, malheureusement il y eut beaucoup de pertes.

Le 8 Mai 1945, l’Allemagne déposait les armes. Tous les Algérois sont descendus dans la rue, c’était un jour de joie. Les gens s’embrassaient, pleuraient, il n’y aurait plus de morts, du moins le croyaient-ils. Il y eut un défilé militaire sur le boulevard Front de Mer. La foule s’était massée et entonnait des champs patriotiques : le chant du départ, « c’est nous les Africains", la Marseillaise, le chant des Partisans. La foule était en liesse et applaudissait tous les noms des héros : on acclama De Gaulle, le maréchal Juin l’enfant du pays, De Lattre, l’armée dAfrique, qui avait combattu en Italie, en Provence, en Alsace avec tant d’efficacité et d’héroïsme mais avait hélas laissé beaucoup des leurs sur les champs de bataille, morts au combat. Un défilé militaire eut lieu, suivi de remises de décorations et de discours ; les grands blessés de l’armée d’Afrique se présentaient avec des béquilles ou sur des civières. On remit les décorations aux héros, sous des tonnerres d’applaudissements .