Rue Lafayette
---------J'ai
vécu de 1936 à 1956 rue Lafayette, dans un immeuble situé
au n°20.
Le plan ci-joint donne une vue d'ensemble de la rue et de
son environnement immédiat.
Les principaux lieux sont indiqués par des lettres. Pour les
lettres de A à K, voir le texte principal. La signification des
autres lettres est indiquée ici. L : petit chemin en zigzag et
escalier joignant la rue Daguerre au Telemly. M : escalier reliant la
rue Isidore-Tachet au Telemly. N : rue Linné. O : rue d¹Alembert.
P : escalier de la rue Drouillet. Q : Hostellerie Bressane. Noter que
la rue Cartier passait sous le Bd Saint-Saëns.
---------La
plupart des relations topologiques sont très probablement exactes
; il n'en est pas de même des données métriques,
longueur et largeur des rues, dimensions des espaces habités,
et valeur des angles. De plus, bien qu'ayant souvent emprunté
la rue Lafayette, j'ai quelques doutes sur certaines des habitations
qui la bordaient. Cela est dû, bien sûr, aux causes générales
de l'oubli mais aussi à deux causes plus spécifiques.
A partir des années 50, de nouveaux immeubles de grande dimension
ont été construits au bord de la rue, bouleversant ses
premières images. De plus, l'immeuble que j'habitais avait également
une entrée dans la rue Ravel, or, pour différentes raisons,
j'étais beaucoup plus attiré par cette rue et ses environs
que par la rue Lafayette. L'espace de mon enfance avait donc deux "
côtés " très différents, le " côté
Lafayette " et le " côté Ravel ". Dans ma
mémoire, la représentation du second est beaucoup précise
que celle du premier.
---------Je
vais parcourir la rue Lafayette dans le sens ascendant, c'est à
dire du
Bd Saint-Saëns au Bd
du Télemly en indiquant ce qui me reste en mémoire.
Les corrections, les compléments par les lecteurs éventuels
seront les bienvenus. Je me limiterai aux données " géographiques
" ; cependant un fait historique mérite d'être cité.
C'est au n°2 de la rue, dans un appartement du grand immeuble (A)
qui, faisant l'angle avec le Bd Saint-Saëns, marquait le début
de la rue à droite, que fut décidé, le 21 décembre
1942, l'attentat contre l'amiral Darlan. Parmi les conjurés,
le comte de Paris et Henri d'Astier de la Vigerie. L'attentat, perpétré
par Bonnier de la Chapelle, eût lieu le 24 décembre, au
Palais d'Eté. Comme chacun sait, ce fut l'un des faits marquants
de l'implication d'Alger dans la deuxième guerre mondiale
( M. Junot, Opération " Torch ". Editions de Fallois,
Paris, 2001, page 289). Photo
1 (fin des années 70) Elle montre l'angle que fait
le numéro 2 de la rue Lafayette avec le Bd Saint Saëns.
---------Restons
sur le côté droit de la rue. Jusqu'à la rue Daguerre
et au moins jusqu'à 1956, la rue était bordée de
ce côté, après l'immeuble A, par les jardins de
deux ou trois maisons individuelles dont je n'ai pas une image nette.
Côté gauche, il y avait au début de la rue un grand
immeuble (B) qui abritait un garage qui s'ouvrait sur le Bd Saint-Saëns,
au numéro 38. Je me représente mal ce qu'il y avait après
cet immeuble, peut être une villa avec un jardin. Ce qui est sûr
c'est que la plus grande partie de la montée jusqu'à la
rue Daguerre, était bordée de ce côté par
un terrain vague (C) qui descendait jusqu'à la rue Cartier et
où se trouvaient dans la partie la plus basse, un ou deux gourbis.
La rue Cartier, que je me représente mal, se prolongeait par
ce qui, sur les cartes, est appelé le passage Calmels. Je crois
n'avoir jamais fait attention au nom de ce passage mais je me représente
bien ce qu'il fut jusqu'à la fin des années 40 : un chemin
terreux et caillouteux, très escarpé. Au début
du passage, je pense qu'il y avait l'entrée du jardin d'une grande
villa mauresque (D) située dans le ravin entre la rue Daguerre
et la rue Desfontaines
---------Au
début des années cinquante, le côté gauche
de la moitié inférieure de la rue fut profondément
modifié par la construction, dans le terrain vague (C), d'un
grand immeuble, " Le Lafayette " Photo 2. Cette
photo, des années cinquante, est prise probablement du haut de
la rue Lafayette, peut être d'un balcon de mon appartement.
Nous sommes arrivés en haut de la première moitié
de la rue Lafayette. A gauche, en avant du " Lafayette " et
bien plus ancien, un immeuble de 6-7 étages (E) faisait l'angle
avec la rue Daguerre. A sa base, une épicerie. La seconde moitié
de la rue Lafayette, qui commence de l'autre côté de la
rue Daguerre, était très différente de la première.
Alors que celle-ci était plantée d'arbres, des pins je
pense, la seconde moitié en était totalement dépourvue,
ce qui la rendait beaucoup plus lumineuse. De plus, il n'y a eu pendant
longtemps dans la seconde moitié de la rue Lafayette qu'un seul
immeuble, celui que j'habitais, au n°20, à peu près
à mi-pente à droite (F). Toujours à droite, à
part l'immeuble, des maisons individuelles avec de petits jardins ou
des courettes.
---------À
gauche, la seconde moitié de la rue était bordée
jusqu'au 2/3, de sa longueur par un mur nu, d'environ 3 mètres
de haut, surmonté de tessons de bouteille. C'était la
clôture d'un grand jardin (G) qui faisait l'angle avec la rue
Daguerre. Il dépendait d'une grande villa (H) à laquelle
les loggias des deux étages et surtout un bougainvilliers qui
couvrait une grande partie de la façade, donnait un style vaguement
colonial. De mon appartement, au 4ème étage de l'immeuble
F, j'avais une vue d'ensemble sur cette propriété ; elle
semblait à moitié abandonnée à en juger
par l'état du jardin, de la façade et du grand portail
rue Daguerre ; seuls l'habitaient une vieille dame et son fils (?).
Sur la droite de la villa, entre elle et la rue Lafayette, il y avait
une maison (I)(
Cette maison a été habitée pendant quelque temps
par le professeur Sallet qui a enseigné les lettres au lycée
Gautier vers la fin des années 40 et au début des années
50. Passionné par le théâtre, il a contribué
à le développer à Alger. Plus tard, de retour à
Paris, il devint, sous un pseudonyme que je n'arrive pas à retrouver,
l'un des critiques de théâtre les plus influents.)
faisant partie de la propriété ; un portail s'ouvrait
à son niveau dans le mur. Plus haut dans la rue, indépendante
de la villa, une petite maison avec un jardin. Enfin, bordant le haut
de la rue Lafayette, un terrain vague (J) qui longeait le Telemly et,
en pentes rapides, descendait jusqu'à la rue Daguerre.
---------Sur
ce terrain vague fut construit, dans les années 50, à
peu près en même temps que le " Lafayette " en
bas de la rue, un ensemble d'immeubles. Certains bordaient la rue Daguerre
(Ces nouveaux immeubles ne sont pas représentés
sur le plan car je ne connais pas leur configuration. Ils bordaient
la rue Daguerre à la suite de l'immeubles ancien situé
dans le prolongement de la villa H.). Un autre, (K), appelé
" l'immeuble
des fonctionnaires ", dominant l'ensemble, longeait
le Telemly du numéro 67 au numéro 71. C'est cet immeuble
que l'on voit sur la photo 3 (années cinquante). En avant et
en dessous de " l'immeuble des fonctionnaires ", on voit une
terrasse avec une buanderie et un toit : c'est le sommet de la maison
(I) de la propriété au grand jardin.
Enfin, last but not least, le haut de la rue Lafayette aboutissait à
des escaliers, deux volées symétriques d'une douzaine
de marches si je ne me trompe, qui débouchaient sur le Telemly,
avec, à une vingtaine de mètres à droite, l'institution
Ste Elisabeth, au n°65.
---------Je
n'ai pas de photo récente de la rue Lafayette. Les photos 4,
5 et 6, comme la photo 1, datent de la fin des années 70. Elles
montrent que, dès cette époque, les changements étaient
considérables.
---------Photo
4. vue de la moitié supérieure de la rue Lafayette
à partir du trottoir de droite de la rue Daguerre. La structure
de la rue est très modifiée : dans les années 50,
il n'existait d'escaliers que du côté droit et aucun arbre,
alors qu'on voit ici des arbustes dans la région centrale. À
gauche, des immeubles ont été construits dans le grand
jardin. A droite, l'immeuble le plus visible est nouveau ; celui que
j'habitais est juste en dessous et en retrait, on en voit une petite
partie, en arrière du palmier ; par contre, on
le voit presque en entier sur la photo 5. D'après
la photo 4, quelques petites maisons dans le haut de la rue à
droite semblent avoir été surélevées. La
photo 6 montre la rue dans le sens descendant, probablement
à partir du dernier tiers. La maison (I) (sur la droite dans
le sens de la descente) a peut être été préservée
et surélevée. Côté numéros pairs (à
gauche dans le sens de la descente), le grand immeuble est celui indiqué
comme nouveau sur les photos 4 et 5. Il a été construit
sur l'emplacement d'une petite villa juste au-dessus de mon immeuble.
---------Il
apparaît ainsi clairement que ce qui a caractérisé
la rue Lafayette, c'est l'ampleur des changements qu'elle a subis au
cours des années 50, illustrant le fait qu'elle appartenait à
une zone intermédiaire entre les quartiers du centre et les "
hauteurs de la ville ". Les deux terrains vagues ont permis la
construction de grands immeubles marquant la croissance de la ville
vers le haut, croissance qui s'est prolongée, au-delà
du Telemly, par la construction des immeubles de l'Aéro-Habitat.
Plus tard, les immeubles construits sur l'emplacement de la propriété
H et de la petite villa située au n°22, juste au-dessus de
l'immeuble F, ont " complété " la partie haute
de la rue. La photo 6 montre que des immeubles ont été
également construits sur le bord droit (à gauche sur la
photo) de la moitié inférieure de la rue.
---------Pour
terminer, après toute cette anatomie, un peu de physiologie.
La vie locale de la rue Lafayette était peu intense à
cause de la faible densité de la population et de l'absence de
commerces. Les commerces les plus proches étaient situés
rue Daguerre : l'épicerie au pied de l'immeuble E, une autre
sur le trottoir opposé et plus bas, un peu avant la rue Ravel
; enfin, une boulangerie au pied de l'immeuble ancien dans le prolongement
de la propriété H. Les terrains vagues étaient
évidemment des terrains de jeu pour les enfants, Je n'ai fréquenté
que celui du haut (J). Il n'était pas très attractif à
cause de sa saleté et de l'hostilité d'une petite bande
de garçonnets de mon âge (tout à fait inoffensifs)
qui le considérait comme son territoire. Je jouais beaucoup plus
du côté Ravel dans les rues Linné et d'Alembert
qui étaient, en fait, des impasses très commodes pour
le vélo, le football et la chasse aux chats.
---------De
jour, l'essentiel de l'activité de la rue Lafayette était
le passage d'habitants du Telemly ou des rues au-dessus, allant travailler
dans des quartiers situés plus bas ou revenant de leur travail.
Dès le Bd Saint-Saëns, tout près du débouché
de la rue Lafayette, il y avait deux gros employeurs : l'administration
des
Chemins de Fer Algériens et les bureaux de la Shell.
De plus, on accédait par la rue Drouillet, presque en face de
la rue Lafayette,
au quartier de la rue Michelet. Ne pas négliger dans
la physiologie de la rue Lafayette le passage des élèves
de l'institution
Ste Elisabeth venant du Bd Saint-Saëns, de la rue Michelet
et de rues avoisinantes. Leur passage avait un sens inverse de celui
des " travailleurs " : elles montaient quand ceux-ci descendaient
et réciproquement. En somme, bien qu'interdite à la circulation
automobile, la rue Lafayette était certainement une des principales
voies entre les " hauteurs de la ville " et son centre.
---------Et
la nuit ? La nuit, il ne se passait pas grand chose. Le samedi et le
dimanche, l'après-midi ou en début de soirée, un
petit courant, composé en partie de familles, descendait vers
les cinémas du centre et, quelques heures plus tard, c'était
le courant ascendant de retour. Dans le silence de la nuit, on entendait
parfois des bribes de critique cinématographique.
---------Ces
informations sont évidemment incomplètes et, sur certains
points, peuvent être erronées. Aux lecteurs de jouer. Pourraient-ils
m'apporter une réponse aux question suivantes :
----------
Quel était le nom du boulanger de
la rue Daguerre ; il était espagnol et sa fille s'appelait Marie-Thérèse.**
----------
Quel était
le nom de l'épicier à l'angle de la rue Lafayette et de
la rue Daguerre (immeuble E).***
----------
Qui étaient les habitants de la grande
villa au bougainvilliers (lettre H du plan).réponse
du 15-4-2018****
----------
Quel était le pseudonyme parisien du professeur Sallet.
----------
Qu'est-ce qui remplissait l'espace qui bordait la partie droite de la
moitié inférieure de la rue Lafayette, côté
droit en montant, au-dessus de l'immeuble A du plan.
----------
Qui étaient les habitants de la villa mauresque située
dans le ravin entre la rue Desfontaines et la rue Daguerre (espace D
du plan).
---------Merci
d'avance pour leurs réponses.
**16-5-2010.-
A votre question sur le nom de famille de Marie Thérèse
au 34 de la rue Daguerre :c'est MASANET. Son père etait le boulanger
et nous habitions au premier étage juste au dessus. Son frère
Henri habite Carcassonne On continue à se voir régulièrement
...on a beaucoup de souvenirs .J'ai son adresse mail au cas où
tu chercherais à rentrer en contact avec sa soeur. De la rue
Daguerre : Henri Masasnet ,J.LUC Spirito , Norbert Aragno et moi meme.
Nous nous retrouvons une fois par an pour rire pendant 2 jours. Serge
Tigneres , 42 place Chopin 66510 Saint- Hippolyte
***14-11-2011.-
Bonjour, le nom de l'épicier à l'angle des
rues Lafayette-Daguerre était M. et Mme
VINCENT. Je suis la fille du boulanger, Marie-Thérése
MASANET. Merci pour votre site, c'est toute ma jeunesse
****15-4-2018.- Jacques de chancel : « Revenant d'un petit voyage
à Alger, pour voir quelques lieux familiaux (je suis né
en france en 1966), j'ai eu l'occasion de visiter votre site en cherchant
des informations.
je suis tombé sur la page "rue lafayette".
je voulais vous informer que la maison/jardin H sur le plan (croisement
rue Lafayette/ rue Daguerre) a été occupée par
mon arrière-grand-père Maurice Lemaire et mon arrière
grand-mère Henriette Lemaire (née Desvignes), et ce depuis
le début du 20ème siècle (mariage Maurice Lemaire
x Henriette Desvignes en 1877). La maison avait dû entrer dans
la famille par son père Félix Desvignes (et donc mon arrière-arrière-grand-père),
lui-même mort à Alger en 1888.
Mon arrière-grand père Maurice Lemaire y est mort en 1915,
et mon arrière grand mère Henriette y a habité
jusqu'à sa mort en 1944.
A un étage de la maison habitait également son fils Henri
Lemaire, avec sa femme Paulette, et les 2 garçons de celle-ci.
Y ont habité également, en 1925-1926, mon grand-père
Jacques de Chancel, avec son épouse Aimée née Lemaire,
et leurs trois enfants, dont mon père Jean née en 1926.
Probablement y a habité encore la deuxième fille d'Henriette
Lemaire, née Desvignes, Jeanne Lemaire, épouse Pierre
de Chancel, avec ses trois enfants, vers 1920-1930.
Après 1944, et jusqu'en
1952, date à laquelle la maison a été vendue, elle
a dû être occupée par mon grand oncle Henri, mais
je n'ai pas de certitude.
En revanche, mon père a longuement décrit
cette maison, où habitait donc sa grand-mère, et parle
du jardin, du haut mur avec les tessons de bouteille, des dépendances.
je vous joins une photo, prise du bd Telemly ,
vers le bas dans la rue Lafayette, où je pense qu'on voit, à
l'emplacement de la grande terrasse, l'emplacement de cette maison/jardin
H.
salutations,
Jacques de Chancel.»
Jean Delacour