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site le 23-06-2003
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-----Nous ne savons rien de la première prédication chrétienne en Afrique du Nord. Encore qu'une tradition, toujours ancrée en Tunisie, explique que saint Pierre lui-même était venu prêcher à Carthage. Et qu'il y avait laissé saint Clément comme évêque. -----On dit aussi que Clément le Zélote avait reçu l'Afrique du Nord en partage et qu'il y avait annoncé l'Evangile. Et encore que sainte Photine, la Samaritaine, avait converti les Carthaginois. Légendes ? Peut-être. II n'empêche que Carthage reçut très tôt le message christique. D'où viennent les prédicateurs ? De Rome. De Grèce. De Syrie. D'Asie mineure. En 180, la province proconsulaire d'Afrique du Nord était administrée par Vigellius Saturnies."Il fut le premier à tirer le glaive contre les chrétiens ", nous dit Tertullien. -----Et nous possédons, de fait, le procès-verbal de l'interrogatoire, puis du martyre, de douze chrétiens mis à mort sur son ordre le 17 juillet 180. Ces hommes et ces femmes se nommaient Aquilinus, Nartzalus, Speratus, Donata, Cittinus, Secunda, Vestia, Veturius, Felix, Generosa, Januaria. A Saturnius, qui lui ordonne d'abandonner sa croyance, Speratus répond : ------ Nous ne craignons personne. Si ce n'est le Seigneur notre Dieu qui est au Ciel. -----Le 7 mars 203 -les persécutions s'échelonnèrent de 180 à 213 - nous notons les martyrs de Thurburo Minus : ils étaient six. Parmi lesquels une jeune fille de l'aristocratie : Vibia Perpetua. Deux de ses compagnons étaient des hommes libres, Secondulus et Saturninus. Deux autres étaient des esclaves, Revocatus et Félicité. Le cinquième, Saturnus, s'était livré pour partager le sort de ses frères. -----Ces martyrs furent ensevelis à Carthage. Et une basilique, la basilica majorum, fut élevée sur leurs tombes qui furent retrouvées, en 1906, par le père Delattre. -----À la même époque, on rencontre Tertullien. Un païen converti à qui l'on doit des livres admirables comme l'Apologétique, Contre les nations, Aux martyrs. Mais personne n'est parfait : en 207, Tertullien passe à l'hérésie montaniste (appelée aussi " l'erreur de Montan "). Au motif que l'Eglise n'est pas assez austère. II finira par créer sa propre secte dans cette secte : le tertullianisme. N'empêche que c'est à Tertullien que nous devons de connaître la force et la vitalité de cette Eglise des débuts du IIIe siècle. -----Un exemple de cette force ? Aux environs de 220, un évêque de Carthage, Aggrippinus, put rassembler autour de lui, lors d'un concile, soixante-dix de ses collègues venus notamment de Numidie. -----Vers 249, un grand nom s'impose : celui du nouvel évêque de Carthage, saint Cyprien. Lui aussi est un converti. Et lui aussi aura à faire face aux persécutions. À commencer par l'empereur Dèce qui avait déclaré une guerre à mort au christianisme. -----Comme Tertullien, Cyprien nous a laissé des ouvrages admirables comme Sur l'unité de l'Eglise, par exemple. En 257, Valérien ordonne aux évêques, aux prêtres, aux diacres, de revenir à Saint Augustin et sainte Monique la religion d'Etat. Cyprien refuse. ll est exilé. En 258, on n'exile plus : on tue. Cyprien, revenu à Carthage, sera décapité le 14 septembre. Et la liste des martyrs s'égrène comme une litanie Théogène, évêque d'Hippone; Némésianus, évêque de Thubunae ; Jader, évêque de Midlili ; Marien et Jacques, exécutés à Cirtas ; le prêtre Mammarius ; les diacres Felix et Victorien ; des laïques aussi : Lucius, Flavien, Montan, Julien, Victoric. -----Malgré ces persécutions, le christianisme progresse. II y a quelque 25 évêchés en 256. I1 y en a plus du double en 300. Et deux apologistes de talent, deux convertis, Lactance et Arnobe, sont originaires d'Afrique du Nord. Malgré le féroce Dioclétien, puis Maximien - qui prétend épurer l'armée-, plus rien n'arrête la parole du Christ. Le soldat Maximilien, de Théveste (Tébessa), est exécuté. Le porte-enseigne Fabius, de Césarée (Cherchell), est exécuté. Le vétéran Tipasius est exécuté. Le centurion Marcel, de Tingi (Tanger), est exécuté. -----Le sang des martyrs ne coulera pas vainement. Et leur exemple nourrira la foi de celui qui sera la gloire de l'Eglise d'Afrique du Nord et de l'Eglise tout entière saint Augustin. -----Augustin est le fils d'un païen, Patricius. Et d'une chrétienne fervente, Monique. II est né à Thagaste (Souk-Ahras) où il a commencé d'étudier. II a continué à Madaure et à Carthage où il se laisse séduire, un temps, par le manichéisme. A Milan, où il est venu enseigner la rhétorique, il rencontre saint Ambroise dont il suit les sermons. Il rentrera alors dans la foi catholique et s'éloignera à jamais de la vie de débauche qu'il avait jusqu'alors menée. -----Rentré en Algérie, il rencontre à Hippone (la Bône de l'Algérie française) l'évêque Valérien qui l'ordonnera prêtre et le chargera d'instruire et d'évangéliser les fidèles. En 395, il est sacré évêque. Jusqu'à sa mort, en 430, il sera l'oracle du catholicisme nordafricain et, à notre sens, du catholicisme tout court. Sans relâche, évangélisateur de génie, il combattra le manichéisme, le donatisme, l'hérésie pélagienne. -----En 429, les Vandales de Gensérie traversent le détroit de Gadès, pillent les Mauritanies, la Numidie, viennent assiéger Hippone. -----Augustin, qui est alors un vieillard, sera l'âme des défenseurs de la ville. En 410, Rome avait été occupée par les Barbares. En 430, l'Eglise d'Afrique du Nord entre dans une phase terrible : celle de la décadence et de la ruine. -----Ayant échoué devant Hippone, les Vandales se vengèrent en rase campagne. En 439, ils prennent Carthage et règnent désormais en maîtres. Les Vandales étaient des adeptes de l'arianisme. Et de l'arianisme le plus fanatique qui mena une guerre sans merci aux catholiques. -----Quand le chef des Vandales, Genséric, meurt en 477, son fils Huméric lui succède. Tel père, tel fils et persécutions répétées. Et l'histoire a gardé le souvenir des martyrs de Tipasa à qui on arracha la langue et à qui on trancha la main droite. -----À la mort d'Huméric, en 484, l'Eglise put enfin respirer. Mais il faudra attendre 523 et l'avènement d'Hildéric pour que s'amorce une véritable restauration. Elle fut l'oeuvre des Byzantins qui signèrent les derniers triomphes de l'ancienne Eglise d'Afrique. On vit des communautés s'établir aux portes du désert, et l'Aurès et la Kabylie recevoir pour la première fois l'Evangile. Mais ce ne sont plus que des soubresauts malgré les efforts de saint Grégoire le Grand qui s'appliqua à réformer les évêques simoniaques. -----ll y a cependant de très belle; avancées. Des populations chrétiennes habitent les oasis du Djerid. La religion catholique pénètre dans les tribus de l'Aurès du Zab Dans la Mauritanie césarienne, les Zenata qui peuplent la région at sud de Tlemcen professent le christianisme. La confédérationdes Auraba est convertie. Ur grand Etat - indigène et catholique - existe aux environs de Tiaret. -----Les derniers feux ? Sans doute. En 638, Héraclius publie une profession de foi favorable au monothéisme. Mais les évêques résistent. Encouragés par le moine saint Maxime, qui a réussi convaincre l'un des chantres d l'hérésie, le patriarche Pyrrhus ils tiennent en 646 trois concile provinciaux : en Numidie, en Byzacène, en Mauritanie. Les lettre de ces conciles adressées au Pape et à l'Empereur, témoignent de l'attachement des Nords-Africains au catholicisme. -----À la même époque, les Byzantins se débattent contre les Arabes qui leur ont déjà enlevé l'Orient et commencent à déferler contre l'Occident. -----À partir de là, nous entrons dans la nuit. En 642, les arabo-musulmans occupent la Barca et la Cyrénaïque. En 647, ils occupent l'Afrique byzantine. En 669 prise de Byzacène. En 688 conquête des oasis du Ouaddan du Fezzan, du Kaonat. En 698 occupation de Carthage. -----En 770, la dynastie idrisside qui contrôle toute l'Afrique di Nord, annonce clairement se buts : détruire l'Eglise catholique -----En l'an 800, les ambassadeurs de Charlemagne viennent réclamer à Carthage les reliques de ssaint Cyprien, de saint Speratu et de saint Pantaléon. Ils les obtiennent. En l'an 900, les chré tiens - en situation de dhimmitude, à Carthage - nomment évêque un prêtre qui s'appelle Jacques. Mais, incapables de trouver trois évêques pour le consacrer, ils l'envoient au pape Jean XV -----C'est la fin. Ou presque. Au Xe siècle, on compte encore une quarantaine de sièges épiscopaux en Afrique du Nord. En 1053, i n'y en a plus que cinq. En 1076 plus que trois... II n'empêche que de temps à autre, via des lettres pontificales ou des textes d'historiens, nous parvient l'écho d'une communauté nouvelle. On connaît, par exemple, celle de Bougie grâce à la correspondance de Grégoire VII. Mais, doucement, faute de prêtres, ces communautés - marquées de près par l'islam conquérant - s'éteignent les unes après les autres. El-Moumen va se charger d'éradiquer par le fer et le feu les derniers résistants. Partout où il passe, les chrétiens n'ont qu'une alternative : apostasier ou être massacrés. -----Un grand saint, saint François d'Assise, bouleversé par la situation des chrétiens du Maghreb, partira pour le Maroc en 1213, avec l'idée bien arrêtée de convertir les mahométans. La maladie le contraindra à revenir. Mais ses disciples prennent le relais : les prêtres Bérard, Pierre, Othon ; les frères laïs Adjut et Accurse. Arrivés au Maroc en 1220, ils sont immédiatement arrêtés et torturés à mort. -----Avec saint Raymond de Penafort, saint Pierre Nolasque, Jacques d'Aragon, les dominicains prendront leur part à cet apostolat à risques. En mars 1315, le bienheureux Raymond Lulle tombe à son tour sous les coups des musulmans. -----Plus de communautés chrétiennes au Maghreb donc, mais des prisonniers chrétiens capturés par les pirates barbaresques. Pour leur venir en aide, saint Jean de Matha et saint Félix de Valois fondent l'ordre de la Trinité, et saint Pierre Nolasque l'ordre de la Merci. Les Trinitaires rachètent les captifs. Les Mercédaires, eux, vont sur le terrain, rentrent dans les prisons, raffermissent dans leur foi ceux qui sont au bord de l'apostasie. Avec tous les risques que cela comporte : furieux du zèle de saint Raymond Nonnat, le bey d'Alger lui fait percer les lèvres pour les sceller d'un cadenas. |
ALAIN SANDERS "Présent" |