Les quais et le port d'Alger
Les quais - INCENDIE des voûtes, mercredi 30 avril 1913
(suite de la "Une" du journal.
Au feu, vite, les pompiers ( tiens, en parlant de pompiers!)
Une troisième voûte en feu - état des blessés - une hécatombe de rats -

Une troisième voûte en feu
Du Café du Port le feu gagna la voûte voisine, servant d'entrepôt de grains à MM. Oualid et Ghnassia.
Là, en raison de la nature du combustible nouveau, plus de flammes mais des torrents de fumée.
Il ne fallait pas songer à éteindre ce nouveau foyer, car la manoeuvre nécessitée par cette tentative aurait exposé les pompiers à de nouvelles explosions.
Pourtant l'entrepôt de MM. Oualid. et Ghnassia est adossé à la voûte 70 où M. Sturla entrepose des goudrons, des essences, des huiles. Si le feu y prend ce sera une véritable catastrophe.
Malgré le danger, des pompiers forcent à coups de hâche la. serrure de cette voûte où, par le chemin de ronde situé derrière, s'est emmaganisée une quantité considérable de fumée.
Il faut à tout prix éviter que le feu ne gagne de ce côté et les lances se dirigent sur le café du Port et l'entrepôt de grains. Deux nouvelles explosions se produisent qui, fort heureusement, ne font pas de victimes.
Les deux motopompes installées à bord des. bateaux-citernes « Colonel Marchand » et « Queen » entrent en ce moment en jeu et déversent sur le foyer des torrents d'eau de mer.
(suite dans et sous l'article.)
* Deux cartes postales de l'évènement
ici, sur ce site.
** La Une du journal
ici.

Extraits des Echos d'Alger des 1 et 2-5-1913 - Transmis par Francis Rambert
janvier 2015

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  • INCENDIE des voûtes, mercredi 30 avril 1913


    Peu à peu, le sinistre diminue d'intensité, grâce encore à l'appoint de la motopompe du service de pilotage mise à la disposition des sauveteurs par le capitaine Saulain.
    Le danger est circonscrit
    A 8 heures du soir, l'intérieur des trois voûtes incendiées ne présente plus qu'un amas de décombres fumants que les trois motopompes et les lances ada.ptees aux bouches d'incendie noient sous un déluge d'eau.
    Le commandant Voinot donne des instructions pour que cette mesure de précaution soit continuee pendant plusieurs heures en- 1 core.
    A l'hôpital. — L'état des blessés
    A 7 heures du soir, M. de Galland, accompagné de M. Voinot, commandant des pompiers, et de M. Raffi, s'est rendu en automobile à l'hôpital civil de Mustapha, apporter aux blessés l'expression de sa sympathie.
    Dans un lit de la salle Sédillot, la tête 1 entièrement enveloppée dans un pansement, le sergent Passani repose. Pas une plainte ne s'échappe de ses lèvres.
    Il reconnaît la voix de M. de Galland et de son commandant. Malgré ses souffrances, il a encore le courage de dire dans un rire : . « Eh bien, nous l'avons échappé belle.
    Le sergent Passani a la face entièrement couverte de brûlures ; les yeux mêmes sont atteints. Il a de plus les mains douloureusement brûlées.
    Il écoute les paroles de réconfort que lui disent successivement le maire, le commandant Voinot, et M. Raffi, puis celles de M. Dubief, qui, accompagné de M. Venisse, vient d'arriver en voiture pour adresser des félicitations aux blessés au nom du Gouverneur général.
    Au m'ornent où ces messieurs prennent congé de lui, le sergent Passani esquisse de sa main droite emmitouflée dans la ouate, un salut militaire.
    Dans la salle Dupuytren se trouvent dans deux lits voisins le sergent Laudet et le sapeur Sénac. Le premier a la figure brûlée et se plaint de violentes douleurs au côté gauche ; sa femme est à son chevet. Il ne se plaint pas et s'enquiert simplement de ses camarades, de Passani, et surtout -du sergent Martin qui lui a sauvé la vie.
    Le second est légèrement brûlé à la figure et aux mains, mais il a la jambe gauche fracturée. Il n'exhale pas une plainte.
    Au moment où les visiteurs quittent la salle, Laudet se soulève et s'écrie : « Mon commandant, Martin m'a sauvé la vie. »
    Dans la salle Larrey, un' quatrième blessé. Le visagre boursouflé, tuméfié, disparaît, ainsi que les deux mains, sous d'épais pansements. Le malheureux souffre horriblement.
    L'interne de service qui nous a accompagnés dans notre visite nous assure que ces braves ne sont pas en danger. « Ils souffrent beaucoup, nous dit-il, mais leur. ,état n'est, pas inquiétant. »
    Ce que furent les pompiers
    Au cours du sinistre, le corps des pompiers a été tout simplement merveilleux de dévouement, de courage, d'audace.
    Ces hommes qui, perdant le bénéfice d'une journée de travail, quittent l'atelier ou le bureau pour venir ainsi s'exposer, sans l'appât d'un gain, se sont stoïquement comportés. Il faudrait les citer tous, car tous ont été admirables. Le nombre seul des blessés est une preuve éclatante de leur dévouement.
    Nous citerons pourtant les sergents Prive et Martin qui, lors de la première explosion, se sont portés audacieusement au secours de leurs camarades blessés.
    Nous citerons aussi le commandant Voinot, constamment en vedette, qui a dirigé les opérations avec un sang-froid et une compétence remarquables.
    Nous citerons enfin le capitaine Eygle et le lieutenant Tarifions- qui, taus deux orûlés à la figure et aux mains, sont restés à leur poste jusqu'à la dernière minute ; le lieutenant Brenet, qui paya sans cesse de sa personne, etc., etc...
    Sur les lieux du sinistre
    Parmi les autorités et les présentes, nous avons noté les noms de MM. Dubief, représentant le Gouvernement général ; Hild, représentant le Préfet ; Hoube, député ; de Galland, maire, docteur Barraud, premier adjoint ; Raffi, Tiné, Luc, Marquand, Blasselle, conseillers municipaux ; Nivet, conseiller général ; Biseuil, procureur de la République ; général Muteau ; Salmon et Moreau, secrétaire généraux de la Préfecture ; Billiard, président de la Chambre ,de commerce ; Nayrac, commissaire central ; Venisse (ce n'est pas moi.); Baïlac, directeur de l'« Echo d'Alger » ; Fontaneau, commissaire de police ; le commandant et le capitaine de gendarmerie ; le capitaine Saulain ; MM. Roddier et Labat ; Vinciguerra, chef de la Sûreté départementale.
    Le service d'ordre était assuré par des agents de police sous les ordres de M. Moreau, officier de paix, et Soule, inspecteur- chef, et une compagnie de zouaves.
    Une vingtaine de matelots de la direction du port, sous la direction du capitaine Saulain, ont prêté un concours efficace aux opérations de sauvetage.
    LES A-COTÉS DU SINISTRE
    Une chatte victime de l'amour maternel
    Parmi les amoncellements des sacs, une chatte avait mis bas six petits, il y a quelques jours. Quand le feu se déclara, la pauvre bête comprit. que sa progéniture courait un danger et résolut de la sauver. Ayant pris dans sa gueule un de ses petits, elle s'élança au dehors et alla le cacher sous ,des marchandises des quais. Puis, sans hésiter, elle pénétra à nouveau dans les magasins en feu et un instant après en ressortit, à demi suffoquée, les yeux injectés de sang, mais tenant fièrement dans sa gueule un autre petit qu'elle alla porter en lieu sûr.
    Et, sans souci du péril, qu'elle ne méconnaissait pas puisqu'elle en tirait ses petits, la bonne mère rentra encore dans le foyer.
    On ne l'en vit plus sortir.
    La chatte avait succombé en accomplissant , le devoir que lui dictait son instinct maternel.
    Sur le quai, deux petits chats orphelins miaulaient désespérément appelant leur mère.
    Une hécatombe de rats

    Dès le début du sinistre on vit des rats al. folés se précipiter en tous sens, et finalement s'élancer au dehors, pour fuir les vapeurs sulfureuses.
    Mais l'action délétère des gaz asphyxiants avait fait son oeuvre et les malheureux rongeurs avaient à peine fait quelques mètres au dehors qu'ils tombaient agonisants, aux pieds des spectateurs, et expiraient.
    C'est là un résultat inattendu de l'incendie, une véritable dératisation des voûtes voisines et du chemin de ronde où cette vermine pullule toujours.
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Echo d'Alger du 2 mai 1913
INCENDIE des voûtes, mercredi 30 avril 1913