Hommage au Professeur
Jean SUTTER
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------Le Professeur jean Sutter a succombé le 22 Février 1998 à un accident vasculaire qui l'avait frappé en pleine activité quatre jours plus tôt. Il avait exercé les fonctions de professeur de clinique neuropsychiatrique à la Faculté de Médecine d'Alger de 1958 à 1962, puis de professeur de clinique psychiatrique à la Faculté de Médecine de Marseille de 1964 à 1980. Jean Sutter était né à Alger le 23 Octobre 1911. Par sa mère, il était le petit-fils de Maurice Varnier, qui fut haut-fonctionnaire de France à Oujda à la demande du Maréchal Lyautey puis, de 1911 à 1919, Secrétaire Général du Gouvernement Général en Algérie. Son père, receveur de l'Enregistrement et des Domaines, descendait d'une famille de fonctionnaires de l'Etat d'origine alsacienne dont les premières, quatre générations plus tôt, avaient gagné l'Algérie après la défaite de 1871. Fils de Médéa ------A sa naissance, son père exerçait dans la petite sous-préfecture de Médéa, à une centaine de kilomètres d'Alger. C'est là que Jean Sutter passa son enfance, fils unique choyé à qui ses parents servirent de précepteurs jusqu'à ce que, son père étant nommé à Alger, il put intégrer la classe de seconde du collège des Jésuites. Ayant brillamment conclu ses études secondaires, il hésita sur la formation vers laquelle s'orienter avant d'opter pour la médecine. Dès son arrivée à la Faculté, il se lia avec Maurice Porot d'une amitié fraternelle qui ne prit fin qu'au décès de ce dernier en Juin 1997 et devait décider de sa carrière future. En effet, rapidement nommé à l'internat, il choisit "par curiosité" disait-il plus tard, d'accomplir son premier stage auprès du père de Maurice, le Professeur Antoine Porot.Celui-ci venait de créer le Service Universitaire de Psychiatrie de l'Hôpital de Mustapha et ne disposait encore d'aucun collaborateur. Jean Sutter évoquait volontiers ses débuts auprès du Patron qui, chaque matin, l'écoutait lui lire ses observations cliniques et lui dispensait chemin faisant un enseignement privilégié. Ainsi venu à la psychiatrie et définitivement séduit par elle, jean Sutter affronta avec succès dès 1938 le concours du Médicat des Hopitaux Psychiatriques et fut nommé la même année chef de service dans le tout nouvel hôpital de BlidaJoinville qu'Antoine Porot venait de faire construire sur ses plans à 50 kilomètres d'Alger. Il s'y installa en compagnie de Suzette, son épouse depuis 1934. Mais cette vie professionnelle, familiale et amicale heureuse fut rapidement interrompue par la guerre. Départ pour la guerre ------Après
quelques mois sous les drapeaux puis un bref intermède civil, Jean
Sutter s'engage, en 1943 dans le Corps Expéditionnaire de la Première
Armée Française avec lequel il passe quelques mois en Corse
puis participe au débarquement en Provence. Nommé chef du
Centre de Neuro-Psychiatrie de la Première Armée, il organise
son service à l'hôpital de Saint-Ylie, à Dôle
où il passe quelques mois. Entré dans Strasbourg pendant
les combats pour la libération de la ville, il est fauché
le 12 Avril 1945 par un obus qui tue à ses côtés les
deux camarades algérois qui l'accompagnaient. Retour à Alger ------En 1958, à
la suite du décès brutal du titulaire, le Professeur Manceaux,
jean Sutter accède à la chaire de Clinique de Neuro Psychiatrie
de la Faculté d'Alger, seule chaire mixte de France dont l'orientation
soit préférentiellement psychiatrique. La même année,
Maurice Porot, reçu à son tour à l'agrégation,
le relaie en pédo-psychiatrie tandis qu'une jeune équipe
se constitue autour d'un patron dont le rayonnement intellectuel et la
chaleur humaine attirent et retiennent : Charles Bardenat,Yves Pelicier,
Robert Susini, Maryse Debrie, Jean-Pierre Coudray, Serge Safar, Gérard
Pascalis accueillent les plus jeunes dont je fais partie. L'exode ------Médiocrement
accueilli à Marseille, il se voit attribuer en guise de service
hospitalier un pavillon vétuste voué à la démolition
et peuplé de patients chroniques dont on se désintéresse.
En quelques semaines, avec l'aide de deux internes et d'une équipe
de jeunes infirmiers auxquels le patron communique sa foi, le service
recommence à fonctionner. Mais il devra attendre 11 ans avant de
pouvoir installer sa clinique universitaire de psychiatrie de Marseille
dans des locaux décents. En 1964 en effet, il a recueilli la succession
de la chaire mixte mais a demandé et obtenu, comme préalable
à sa propre nomination, que la chaire soit scindée afin
de ne pas priver un collègue marseillais de la partie neurologique,
et que l'enseignement de la psychiatrie soit désormais autonome.
Un grand courage ------La maladie
de son épouse le confronta à une nouvelle et cruelle épreuve
que, trois années durant, il subit avec une abnégation totale,
refusant toute facilité et dissimulant le mieux possible son chagrin.
La mort de Suzette Sutter, en septembre 1995, fut pour elle une libération,
pour lui une blessure qui ne cicatrisa pas. A tenter de reconstituer une
vie, si chargée de souffrances mais si riche aussi de réussites,
on s'expose à oublier l'homme: Par sa haute taille, le maintien
un peu raide que lui imposaient ses blessures et son regard bleu que l'on
pouvait croire froid, cet homme était, pour qui le rencontrait
pour la première fois, intimidant. Mais son sourire rassurait et,
s'il en était besoin, il savait recourir à un humour qui
lui faisait apprécier tout à la fois le "Géranium
Ovipare" de Georges Fourest et les fables en sabir de son ami Edmond
Brua. Dans sa jeunesse, il avait composé et animé lui-même
plusieurs revues d'internat. Il en avait gardé le goût des
citations facétieuses, mais n'avait oublié pour autant ni
Corneille, ni Saint John Perse. Pr Jean-Claude Scotto
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