Le Bachaga Boualam au service
de la France
Dans ce numéro exceptionnel, il nous
a semblé important de présenter l'un des plus grands serviteur
la France en Algérie le Bachaga Boualam.
Nous avons préféré pour cet hommage lui laisser la
parole à travers les nombreux ouvrages qu'il a rédigés.
Ses mots sont forts et percutants et s'ils n'ont pas ému les autorités
de l'époque, pour nos communautés, ils vont droit à
nos curs.
-----Le 17 mai 1963,
la Justice de Paix d'Arles m'adressait, par voie légale, le commandement
ci-dessous:
-----Monsieur le
Bachaga, J'ai l'avantage de vous adresser la liste des déclarations
de nationalité que j'ai établie pour vous et les vôtres
ainsi que vous me l'avez demandé.
Vous pourrez constater qu'il a été établi 102 déclarations.
En conséquence, il m'est dû, à raison de 10 F par
déclaration, la somme de 1020 F
Le Greffier
-----Ainsi, le 25
mai 1963, j'achetais, pour mes hommes et moi-même, en acquittant
la somme de 1020 francs lourds, le droit de devenir des citoyens français
à part entière , nous qui pensions, par notre loyalisme
et nos sacrifices, avoir mérité, gagné, le titre
de Français à part entière.
-----Mon fils
Ali, lui, mettait en demeure le Tribunal d'Instance d'Arles, de lui reconnaître
la qualité de Français, qualité qui m'était
refusée, à moi, son père. Et pourtant...
-----Je suis
Français, je l'ai prouvé, je crois. Pendant vingt et une
années j'ai servi dans les rangs de l'armée française.
Je suis capitaine de réserve. Les Algériens m'ont élu
député à l'Assemblée Nationale française.
J'ai même été porté quatre fois à la
vice-présidence de cette même Assemblée Nationale,
à l'unanimité.
-----Des Boualam,
il en est mort aux quatre coins du monde pour y défendre la France
et après cela on ose dire que nous ne sommes pas français.
Ma famille est d'origine arabe, sans nul doute, et elle a pris naissance
lors de la première invasion hilalienne il y a neuf ou dix siècles.
Ensuite, elle s'est mélangée aux Berbères de l'Algérie.
Du temps des Turcs déjà, c'était une famille de "caïdat"
très ancienne. J'avais des aïeux "agha" du temps
des Turcs.
-----Au moment
de la conquête, mes ancêtres ont combattu la France sous les
ordres de l'émir Abd-el-Kader.
-----Nous
l'avions d'ailleurs servi fidèlement, car la tradition veut que
ce soient des "Souhalias", tribu dont ma famille est originaire,
surtout par l'habitat, qui aient tué l' " agha " Mustapha
Ben Ismaïl. Cet "agha" était le chef des tribus
des Semlah et des Douers au service de la France. Très estimé
par les Français, il avait lui, rang de général de
brigade de l'armée française.
Avec l'émir Abd-el-Kader, les Beni Boudouanes ont participé
à plusieurs combats contre les troupes françaises. En 1843,
la Médina de Beni-Boudouane a été rasée après
un combat qui a duré trois jours contre la colonne Changarnier.
Il existe encore dans le douar, la trace d'une tombe d'un capitaine de
l'armée française tué à cette époque
dans la fraction de mon douar des Taguerboust près de l'oued de
Sidi-Bouziane.
-----Bons
guerriers, fidèles à la parole donnée, après
la reddition, les Beni-Boudouanes n'ont pris part à aucune sédition.
Après le reddition de l'émir Abd-el-Kader, mes parents ont
fait leur soumission à la France à Orléansville devant
le général Bugeaud. A l'époque, mon arrière-grand
père, Aïssa Boualam devait avoir 7 ou 8 ans.
-----Il fut
vite nommé par la France caïd, puis agha. Mon grand-père,
Yahia Boualam fut à son tour nommé agha au service de la
France et plusieurs de mes oncles étaient caïds. Tous titulaires
de la Légion d'Honneur et de nombreuses décorations acquises
au feu contre l'ennemi de la France.
-----Mon grand-père
avait reçu de grands honneurs pour avoir maté en 1871 l'insurrection
des Beni-M'nasser. C'était l'époque où l'artillerie
de marine allemande tirait sur les côtes algériennes pour
susciter une rébellion. Même avant 1870, plusieurs membres
de ma famille avaient déjà combattu pour la France à
Solférino, Magenta...
-----Il y a eu des
Boualam au Mexique, au Tonkin, en Indochine, en Syrie, au Maroc, en Tunisie.
Enfin partout où la France portait ses couleurs, des Boualam sont
morts pour elle.
-----Notre
entente ne date pas de moi, elle remonte à de longues années.
-----C'est
le 2 octobre 1906 que j'ai vu le jour à Souk-Ahras près
de Constantine. Mon père était un engagé volontaire
au 1er Régiment de Tirailleurs Algériens. Ensuite, il servit
pendant trente-deux ans dans la gendarmerie à cheval. Après
être resté treize années auprès de ma mère,
j'ai été placé à l'école des enfants
de troupe à Saint Hippolyte-du-Fort et à Montreuil-sur-Mer
de 1919 à 1924. Un certificat a sanctionné la fin de mes
études militaires. La même année, le 2 octobre, je
m'engageais à Blida au 1er Régiment
de Tirailleurs Algériens.
Je suis resté vingt-et-un ans dans les rangs de l'Armée
française d'où je suis sorti avec le grade de capitaine
de réserve en 1946.
-----Ma mère
et ma famille sont originaires de Ténès. C'est dans cette
région que nous possédions le plus de terres provenant d'héritages
ou d'achats, dans les Souhalias, les Taouïra, les Seinflta notamment.
De mes parents, j'ai eu deux frères. L'un Abdelkader a fait carrière
dans l'Armée. Il est mort, il y a quelques années. Le second,
Alexandre, dit " Si Lassen ", a été assassiné
par les rebelles le 21juillet1956 à Taouïra. Quant à
ma sur, veuve, elle est ici avec moi au Mas Fondu.
-----Le maire
de Ténès m'a marié en 1927. De cette union, j'ai
eu trois enfants : Ali et Mohamed. Le troisième, Abdelkader, a
été assassiné par les fellaghas le 28 janvier 1958.
Le pauvre enfant venait d'être libéré huit jours plus
tôt de son service militaire. En juillet 1951, mon épouse
est décédée. De mon deuxième mariage, j'ai
eu trois enfants également : un fils Djamel et deux filles Anissa
et Yasmina.
-----J'ai
choisi "Mon pays la France" pour
témoigner de l'Algérie et au bout de ces lignes écrites
avec mon cur, j'ai peur de n'avoir pas su trouver les mots pour
convaincre mais j'espère avoir servi ma terre algérienne.
Mon épreuve ne sera pas inutile si les Français se penchent
sur ces feuilles dans lesquelles j'ai tant mis de ce qui fut l'Algérie
française, sur ce témoignage d'un coin de terre d'Algérie
qui peut inscrire sur son monument des deux guerres deux mille noms de
musulmans morts à part entière pour la France.
-----Pour
ceux qui ont préféré les assassins, ceux qui se sont
tus et se taisent, je leur demande une dernière fois s'ils pensent
avoir agi vraiment pour le plus grand honneur de la France?
-----Si oui,
je les plains, moi qui sais que chaque soir l'oued qui coule près
de ma maison charrie de l'eau rougeoyante et que ce n'est pas dû
aux reflets du soleil...
-----Le
Bachaga repose dans le petit cimetière de Mas -Thibert, près
d'Arles, depuis sa disparition le 6 février 1982 auprès
de son fils Mi qui l'a rejoint en 1990 et de tous les hommes et femmes
de sa tribu qui ont tant donné à la France qui les a si
mal récompensés.
J-ML
Le Bachaga est l'auteur de nombreux livres
aux Éditions France-Empire dont:
- "Mon Pays, la France, en 1962
- "Les Harkis au service de la Frances, en 1963
- "L'Algérie sans la France , en 1964
Information un 'déplacement'.(sic)...."Le MIDI
LIBRE" du 22 septembre 2013.
La stèle
du bachaga Saïd Boualam transférée à Santa Cruz,
Mas de Mingue. Nîmes
Nîmes
Un écrin pour la stèle du Bachaga
Saïd Boualam. Samedi 21/9/2013. Midi Libre Dimanche 22: Hommage.
Devant trois cents personnes, plus de vingt-cinq drapeaux
d'anciens combattants et d'associations, la stèle du bachaga (haut
dignitaire) Saïd Boualam a été transférée
de la place du même nom, au Mas de Mingue, dans le sanctuaire de
Santa Cruz. « Elle est maintenant comme dans un écrin où
elle peut perpétuer son histoire, un lieu où Marie est vénérée
par les religions catholiques et musulmanes. » Explique le fils
de Saïd Boualam.
Mais il précise aussi durant son discours sur le
passé douloureux des harkis et de l'action de Saïd Boualam
dont cette stèle est témoin:« Trop d'ignorance, l'usure
du temps, pas assez de respect parfois, ont motivé ce déplacement.
»
Jean-Paul Fournier, sénateur maire, « l'histoire retiendra
qu'il fut un combattant courageux, un fonctionnaire fidèle et compréhensif
envers ses administrés, un élu de la république engagé,
vice président de l'assemblée nationale. » .J'accompagne
une dame âgée, et en tant qu'observatrice beaucoup moins
concernée, je peux dire qu'une grande émotion transparaît
de cette assemblée. Elle force au respect au delà de toutes
les opinions et incite à une réflexion sur l'histoire »
explique une dame en aparté. "Il s'agit de rendre hommage
à ce grand patriote, à sa famille, aux Harkis et à
l'ensemble des rapatriés et des pieds noirs » conclut le
maire.
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