L'huissier qui m'a annoncé
s'efface et me voilà dans le cabinet du directeur du Crédit
municipal de Paris.
J'ai devant moi Joseph Sabatier un grand mutilé de la guerre
qui, en plus, est un fonctionnaire remarquable. Et mes premières
paroles, parce que je connais, en même temps que sa
belle conduite au feu, ses magnifiques états de service dans
l'administration sont pour marquer mon étonnement
de ne voir à sa boutonnière qu'un simple ruban rouge.
« Mon père, me répond le haut fonctionnaire
en souriant, avait refusé cinq fois la croix. Quant à
moi, je dois reconnaître que la rosette de la Légion
d'honneur m'a bien été offerte mais... avec le désir
que je ne l'accepte. pas. Mon opinion est que les récompenses
devraient être attribuées à qui les mérite
et non à qui les quémande. »
Par ce seul trait, on peut déjà, constater que Joseph
est bien le digne fils de Camille, dont le gouverneur général
Laferrière avait judicieusement fait son principal collaborateur.
L'arbre généalogique de Joseph Sabatier a de profondes
racines dans le terroir algérien. Les grands parents paternels
se sont installés chez nous à l'époque de la
conquête. Le grand'père a été huissier
à Tlemcen.
Le père, Camille, vint au monde dans cette ville. Les grands
parents maternels étaient venus, d'autre part, de très
bonne heure à Constantine
où la mère de Joseph Sabatier fut élevée.
Nos lecteurs connaissent le rôle capital que Camille Sabatier,
qui fut « l'éminence grise » du gouverneur, joua
dans la colonie. Doué d'un cerveau magnifique, il possédait
une culture universelle et des qualités oratoires de tout
premier ordre. Il avait le sens profdnd de l'intérêt
du pays et savait voir loin. Avec le professeur Flament qui organisa
la mission, c'est Camille Sabatier qui poussa le gouverneur général
à faire la conquête du Touat. Le colonel Péin,
à qui l'on doit également, la conquête d'In-Salah,
fut chargé de l'expédition qu'il mena à bien.
C'est sur l'initiative de Camille Sabatier que furent créées
les Assemblées algériennes. C'est lui qui, à
la demande de Laferrière, rédigea les fameux décrets
qui les régissent. Camille on se le rappelle
quitta l'administration pour devenir député d'Oran.
La vie publique ne lui rapporta aucun bénéfice matériel.
Il se retira dans le Midi de la France et donna à la «
Dépêche de Toulouse » des articles particulièrement
appréciés.
(suite dans l'article.)
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