L'ALGÉRIE dispose d'une bande côtière
de plus de 1.300 km et cette façade maritime constitue à
la fois une défense naturelle, mais aussi un poumon qui lui permet
de respirer, de recevoir des produits fabriqués et d'expédier
en retour les produits de son sol et de son sous-sol. La vocation maritime
de l'Algérie est donc une nécessité naturelle et
il est de fait que les plus grosses concentrations de population se situent
sur la côte tandis que la densité humaine s'amoindrit à
mesure que l'on s'en-fonce vers l'intérieur des terres.
Depuis le milieu du XIXè siècle, l'Algérie est entrée
dans l'ère moderne de son histoire maritime : Alger en particulier
est devenu un grand port moderne et occupe une place de choix dons la
chaîne des ports qui s'étendent de Nemours à La Colle.
Il est vrai que c'est par là que débuta le prodigieux essor
qui caractérise l'Algérie d'aujourd'hui.
Géographiquement, ce port est situé à distance égale
de Gibraltar, de Marseille et de Tunis. Au large de cette ville passe
une des routes maritimes les plus vieilles et les plus fréquentées
du monde. Son arrière-pays d'une richesse agricole certaine, lui
assure toute l'année des approvisionnements et du fret de retour
pour les navires qui y font escale.
Grâce à ces circonstances heureuses, Alger s'est placé
en 1951 au troisième rang pour le tonnage de jauge, au septième
rang pour le tonnage de marchandises et au quatrième rang pour
le nombre de passagers parmi les ports de l'Union française.
Situation privilégiée du port
d'Alger
Le port d'Alger bénéficie de plus de circonstances naturelles
qui l'ont amené à jouer le rôle de port de refuge
et de réparations. Il est à remarquer que les ateliers de
réparations de navires ont suivi un développement parallèle
à celui du port et il est possible d'affirmer qu'à Alger,
tout navire en difficulté peut trouver l'aide qu'il est en droit
d'attendre.
De tradition déjà ancienne, cette industrie a commencé
à se développer autour de 1869, date à laquelle la
Chambre de Commerce fit construire les formes de radoub. M. Albert Fèvre
créa en 1875 les Ateliers qui portèrent son nom, pour exécution
de travaux de mécanique, fonderie, chaudronnerie et réparations
navales. Durant la première Guerre Mondiale, entre 1914 et 1918,
les ateliers ont grandement participé à l'effort de de guerre
en réparant de nombreux navires avariés par l'action de
la Marine ennemie et en équipant d'autres bâtiments pour
les besoins de la guerre sur mer.
Modernisation de l'équipement local
Après cette période, on a assisté à un développement
de l'armement local qui s'est équipé en navires modernes.
Les armateurs eurent alors toutes possibilités de confier leurs
bateaux aux réparateurs d'Alger qui purent améliorer leurs
équipements, augmenter leur personnel et leurs moyens. L'effectif
ouvrier proprement dit fut de 500 ouvriers environ, non compris le personnel
affecté à l'entretien des coques, c'est-à-dire peintres,
piqueurs, nettoyeurs.
Remise en
état, dans le petit bassin de radoub, du bas de l'étrave
d'un cargo.
|
II est possible de citer au nombre des réalisations
de cette industrie algéroise, la transformation de nombreux navires
pour la chauffe au mazout ou encore la fourniture à un navire avarié
d'un cylindre MP de machine à vapeur alternatif de 1.500 CV.
L'approche de la deuxième guerre mondiale a conduit les services
responsables du Ministère de la Marine, à entraîner
la main-d'uvre locale et les ateliers de la place, aux travaux d'entretien
des navires de guerre et on eut à enregistrer l'envoi à
Alger d'un certain nombre d'unités, en particulier de torpilleurs.
La guerre obligea ces ateliers à participer à l'entretien
des flottes de guerre ainsi qu'à l'équipement des navires
de commerce réquisitionnés pour les besoins de la Défense
Nationale. Cependant l'armistice de 1940 amena le Port d'Alger au niveau
d'une léthargie forcée, entrecoupée de belles réalisations,
tel l'équipement d'un navire-citerne pour transport de vin, d'une
capacité de 10.000 hl.
L'activité fébrile de la guerre
Le débarquement allié de 1942 bouleversa cet ordre des choses
et anima toute la rade d'une activité intense : Alger, devenue
capitale d'un monde en guerre, à proximité des opérations
aéronavales de Méditerranée, devient le refuge d'une
foule de navires endommagés à la suite de combats. L'on
vit alors la conversion de nombreux ateliers étrangers à
la réparation navale, sur l'impulsion du service des constructions
de la Marine Nationale, à tel point que le potentiel de remise
en état fut plus que doublé.
En un an, près de 2.000 navires purent être réparés
et ceci par un effectif ouvrier dépassant 1.500 hommes (non compris
les piqueurs, nettoyeurs et peintres).
Ce vénérable
et unique document témoigne de la position privilégiée
d'Alger. Il s'agit du torpilleur russe " Révolté
" revenant endommagé de la bataille navale de Tsouchima
(guerre russo-japonaise 1912) se faire réparer dans notre
port.
|
L'Armistice de 1945 mit fin évidemment
à cette période de travail intense et le problème
de la reconversion se posa : cependant, il fallut remettre en état
de nombreux navires dont l'entretien avait été négligé
au cours des hostilités, ainsi d'ailleurs que de nombreux bâtiments
qui avaient été renfloués. Mais cette période
fut éphémère et l'activité diminua rapidement,
restant cependant au-dessus du niveau de l'avant-guerre. De nombreux ateliers
retournèrent alors à leurs anciennes spécialités,
ne subsistant que les " anciens ".
Depuis le retour aux conditions normales d'exploitation, des travaux importants
ont été entrepris et menés à bien, notamment
dans le domaine du matériel de transport des vins en vrac (deep-tanks,
citernes à vin, cuves indépendantes). C'est ainsi que la
Société des Ateliers Terrin de l'Afrique du Nord, la plus
importante entreprise de construction et de réparations navales
en Algérie, a exécuté des installations sur 12 navires,
portant sur un total de 62.000 hl installés, la plus importante
atteignant la capacité de 17.000 hl.
Essor de nos entreprises navales.
La technique de ces entreprises est d'ailleurs en perpétuelle évolution
et progrès : c'est ainsi que le moteur Dieseléquipant actuellement
la presque totalité des navires construits dans l'après-guerre,
les réparateurs du port d'Alger ont adapté leurs installations
au travail spécial du moteur Diesel de bord, notamment à
l'utilisation rationnelle des aciers spéciaux (traitement thermique,
rectification).
Les navires modernes font un grand usage de l'électricité
et les réparateurs du port d'Alger ont perfectionnéleur
main-d'oeuvre spécialisée surtout dans la technique du courant
continu. C'est ainsi que les Ateliers Terrin ont acquis la spécialité
du rebobinage et de la réfection des moteurs à courant continu
de grande puissance.
Clic sur
la photo pour agrandir.
Vue, prise
en hélicoptère, des Ateliers Terrin implantés
au môle
Amiral-Mouchez et des 2 bassins de radoub.
|
C'est ainsi que le pétrolier "
Stanmore ", à propulsion turbo-électrique s'était
présenté au port d'Alger, son moteur d'hélice noyé
par la rupture d'une canalisation d'eau de mer : nous citerons pour fixer
les idées, les dimensions du rotor d'un diamètre de 3 m
50 environ. Le navire quitta le port après remise en état
complète de ce moteur et vérification de l'expert du Lloyds'Register.
Les réparateurs de navires du port d'Alger, trouvent auprès
des industries de la région algéroise, une aide précieuse
sur laquelle ils ne pouvaient compter il y a encore quelques années.
Heureux effets du plan d'industrialisation de l'Algérie : c'est
ainsi qu'un atelier a pu obtenir la fabrication de garnitures en caoutchouc
synthétique pour un appareil télémoteur de barre
de construction anglaise. Par ailleurs, une usine créée
récemment aux environs d'Alger a pu exécuter la confection
de segments de moteurs Diesel sur la demande d'un atelier du port d'Alger.
Par un juste retour des choses, des jeunes usines ont pu trouver une aide
appréciable auprès des réparateurs de navires qui
disposent de moyens de fabrication puissants : c'est ainsi que les ateliers
Terrin ont fabriqué récemment une cuve pour imprégnation
sous pression de 3,5 de haut, 3 m 50 de diamètre, pesant à
vide 12 tonnes et timbrée à 4 kg de pression intérieure.
La réparation de navires ne constitue pas une fin en soi puisqu'il
est permis d'espérer qu'un jour Alger connaîtra la fabrication
à titre permanent de bâtiments. C'est un rêve ambitieux,
mois il n'est pas interdit de rêver surtout si l'on considère
que dans ce domaine, des réalisations, bien modestes mois pleines
d'enseignements, sont à l'actif des réparateurs de notre
port.
Trois belles réalisations
Nous nous permettons de citer en particulier, la Société
des Ateliers
Terrin qui au cours de l'année 1956 a créé
et mis au monde trois membres de notre famille maritime algéroise
:
On sait que de Nemours à La Calle, 150 chalutiers draguent les
hauts-fonds de la plate-forme continentale qui borde nos côtes,
Tous sont en bois. Un arrêté gubernatorial a fixé
le remplacement de ces chalutiers par des plus grands, de plus de 30 tonnes
et d'une puissance de 100 CV minimum, ce qui doit entraîner dans
les années à venir le remplacement de la majorité
des bâtiments en service.
La Société des Ateliers Terrin a conçu et fabriqué
un chalutier prototype à coque d'acier qui pourrait être
le modèle des futurs chalutiers algériens.Long de 23 m.
40, large de 5 m. 80, ce navire baptisé " Louis
Boutan ", est équipé d'un moteur Diesel
de 200 CV. II est la propriété de l'Inscription Maritime
qui l'a mis à la disposition du Professeur Dieuzeide, Inspecteur
Technique des Pêches, Directeur
de la Station d'Aquiculture de Castiglione qui l'utilise pour
la recherche et la prospection des fonds de pêche en eau profonde.
Cette activité devant faire l'objet d'une étude dans cette
revue, nous ne nous étendrons pas sur cette question.
Clic sur
la photo pour agrandir.
La construction
du chalutier en fer "Louis-Boutan " sous un hangar spécial.
|
Deux bâtiments de servitude du port
d'Alger ont vu le jour également en 1956: il s'agit de " barges
" ou citernes auto-propulsées qui assurent le ravitaillement
en eau des navires touchant le port d'Alger. Jaugeant chacun 120 tonnes,
ces deux bâtiments exercent leur activité sur tous les plans
d'eau du port d'Alger, sous les couleurs de la Société Charbonac
qui en est propriétaire.
Perspectives d'avenir
Le port d'Alger voit s'ouvrir devant lui de brillantes perspectives d'avenir
: le pétrole découvert au Sahara va nécessiter la
création d'une flotte de pétroliers destinés au transport
des produits bruts ou raffinés. II est à prévoir
que cette flotte de transport utilisera les ateliers du port d'Alger qui
verront leur activité augmenter considérablement. Le seul
goulot d'étranglement à craindre semble être l'exiguïtédes
bassins de radoub déjà en service depuis 1869 et qui ne
répondent plus aux exigences actuelles. La Chambre de Commerce
d'Alger et les autorités administratives qualifiées ont
prévu la fourniture d'un dock flottant qui prendrait position face
à l'actuel quai de Bayonne du môle Amiral-Mouchez, bien que
toujours réservé aux industries de la réparation
navale. II n'est guère besoin d'insister sur le futur développement
de cette spécialité qui est liée aux projets d'exploitation
des richesses sahariennes.
Dans ce même ordre d'idées, signalons que le port d'Alger
présente une caractéristique intéressante : il permet
à un pétrolier qui vient de livrer sa cargaison aux raffineries
de la région marseillaise, de consacrer son voyage de retour à
l'opération du " dégazage ", sans laquelle aucun
travail n'est possible à bord en raison des dangers d'incendie
ou d'explosion. Actuellement un pétrolier qui a besoin de réparations,
s'il vient les faire exécuter dans le port de Marseille doit auparavant
effectuer des cercles au large de ce port et ce, pendant plusieurs jours
au cours desquels il peut " dégazer ". Il s'ensuit une
perte de temps et d'argent qui peut être évitée par
l'utilisation du voyage sur Alger à l'opération de "
dégazage ". Le navire se présente alors devant notre
port en bonnes conditions pour être soumis aux travaux d'entretien.
|