Commenté par M. Jacques TAPISSIER (adjoint aux
Beaux- Arts)
LE programme de la saison théâtrale a été
exposé dans la presse quotidienne de septembre. Il est bon de
reprendre cette diffusion et d'étudier succinctement ce que la
Municipalité a promis cet hiver au public algérois.
Dans la gamme des opéras et opéras-comiques, nous retrouvons
les grandes oeuvres aimées par les connaisseurs, oeuvres qu'aucun
Opéra ne doit oublier sur sa scène au cours d'une saison.
Ne serait-ce que MANON. Tous les répertoires vulgarisés
par le succès témoignent que la tradition est plus forte
que le succès. Celui de MASSENET n'a pas été plus
épargné qu'un autre, ce qui est normal, si l'on songe
que cette oeuvre, connue plus ou moins par coeur, tant à Paris
qu'en Province, roule d'un bout de l'année à l'autre.
On peut concevoir ainsi qu'en dépit de l'inévitable routine.
MANON reste l'héroïne de MASSENET, créature vibrante,
sans rien perdre de cet air de distinction inhérent au XVIIIème
siècle français.
WERTHER, CARMEN, HERODIADE, SAMSON et DALILA, et bien d'autres.
Notre scène verra avec plaisir une pléiade de grands chanteurs
italiens. Ils ont des oeuvres de choix : AIDA, ELISIRE D'AMORE, RIGOLETTO,
LA FORZA DEL DESTINO, avec les artistes de la Scala de Milan et des
grands Théâtres de Rome et de Naples.
Nous aurons cet hiver l'exquise musique de MOZART.
" L'Enlèvement au Sérail" peut être résumé
par cette anecdote :
En 1871, MOZART devait trouver une situation fixe comme compositeur
de la Chambre impériale.
Il eut tout de suite l'occasion de faire exécuter une oeuvre
importante. L'Empereur JOSEPH II, qui se piquait d'être un bon
musicien (il jouait du clavecin et du violoncelle, il avait une voix
de baryton) lui commanda un " singsfiel ", c'est-à-dire
un opéra-comique allemand. MOZART écrivit " l'Enlèvement
au Sérail " que l'Empereur condamna par ce jugement sommaire
: " Beaucoup trop beau pour nos oreilles et beaucoup trop de notes
" et dès lors, il ne s'intéressa plus au jeune musicien
trop savant à son goût.
L'Empereur JOSEPH II est passé, MOZART reste.
La féerie de MOZART. Son avant-denière oeuvre le 30 septembre
1791 : LA FLUTE ENCHANTEE, c'est l'apologie au théâtre
de la symphonie.
MOZART ne songe pas seulement à la mélodie comme les Italiens,
ou à la déclamation comme CLUCK et les Français
; il veut avant tout faire oeuvre de musicien et que la poésie
" soit la fille obéissante de la musique ", mais il
trouve moyen de tout concilier. Sa conception est une synthèse
d'un équilibre parfait.
Selon WAGNER, LOHENGRIN représente la situation la plus tragique
de son époque.
LOHENGRIN, c'est WAGNER lui-même se sentant isolé et impuissant
au milieu de la Société contemporaine, inintelligente
et hostile.
WAGNER n'était pas aimé et il revenait à sa solitude.
ELSA, c'est l'esprit du peuple. El?
le est naïve et spontanée, " tout amour ". ELSA,
qui aime, tend vers la science et son erreur fatale, inévitable,
la perd.
L'opérette sera reine cet hiver. Nous aurons trois créations
: POUR DON CARLOS. COLORADO, PASSIONNEMENT. Les succès toujours
aimés : LE PAYS DU SOURIRE, LA BELLE DE CADIX, CHANSON D'AMOUR
rempliront l'Opéra de tous leurs admirateurs.
Comme chaque année, les galas KARSENTY apportent les dernières
pièces jouées sur les théâtres parisiens.
SIEGFRIED, monté par Louis JOUVET, tiré du roman de Jean
GIRAUDOUX " SIEGFRIED et le LIMOUSIN ", retient tout particulièrement
l'attention du choix de KARSENTY. Le duel entre EVA et GENEVIEVE, c'est
la lutte de deux peuples, la France et l'Allemagne. Chacun veut garder
SIEGFRIED, chaque pays estime que l'homme trouvé nu sur le champ
de bataille du front allemand est son propre héros.
Cet homme qui a tout oublié et de sa patrie et de son identité,
abdique et cette abdication est particulièrement déchirante.
SIEGFRIED a résisté au temps, aux événements
; c'est une oeuvre maîtresse de GIRAUDOUX.
Raymond ROULEAU, Jany HOLT en seront les interprètes.
Georges FEYDEAU a trouvé un malin plaisir à brosser des
silhouettes masculines qui sont des têtes de turc dans la PUCE
A L'OREILLE. Il fait tourner cette machine à faire rire à
une vitesse endiablée.
HYMENEE sera interprétée par deux noms : Yvonne PRINTEMPS
et Pierre FRESNAY ; cela nous suffit pour un auteur comme Edouard BOURDET.
Du grand théâtre avec SUR LA TERRE COMME AU CIEL, de Fritz
HOCHWALTER.
Mme Elvire POPESCO vient également avec France Monde Production.
Son choix est fixé.
LE DIALOGUE DES CARMELITES de Georges BERNANOS, pièce qui peut
surprendre car il est rare de voir ce genre de théâtre
sur nos scènes.
LA TETE DES AUTRES, de Marcel AYME sera certainement la proie de la
critique, mais cette oeuvre pleine de verve et de justice terrestre
! ! amusera ceux qui voudront voir en elle un reflet de celui qui l'a
écrite. C'est la grosse farce que nos magistrats voudront bien
considérer avec bonne humeur.
LES TROIS MOUSQUETAIRES, comédie à grand spectacle, avec
ses 30 comédiens, sera le triomphe pour la jeunesse et peut-être
pour des plus vieux.
Alger est toujours très gâtée en spectacles de danses,
mais novembre nous apportera les ballets de Roland PETIT avec Colette
MARCHAND. Quel atout pour l'Opéra d'Alger !