-Alger, le théâtre municipal
PRÉLUDE A LA SAISON THÉATRALE 1953-54
Le répertoire de l 'OPÉRA
Bulletin municiapal, septembre 1953, n°9 - collection B.Venis
sur site le 19-5-2008

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SAMEDI 26 septembre, le Conseil Municipal d'Alger, conduit par M. Jacques Chevallier, député-maire, a rendu une visite officielle et d'amitié à l'Opéra d'Alger, à son directeur M. Pierre Portelli, entouré de ses musiciens et de tout son personnel. Il y avait également à l'Opéra M. Bachtarzi Mahieddine, directeur des théâtres d'expression arabe d'Alger et d'Oran. M. Pierre Portelli se leva tout d'abord pour brosser le tableau de la saison théâtrale 1953-54, commentée plus loin dans ce bulletin par M. Jacques Tapissier. adjoint aux Beaux-Arts. M. Pierre Portelli souhaita la bienvenue au nouveau directeur de la Musique, M. Paul Rouane, qui assistait à cette réception, ainsi que M. Jef de Murel. Il recommanda aux musiciens de faire confiance à ces deux chefs de valeur et de se montrer disciplinés et assidus.

M. Jacques Chevallier prit enfin la parole. Il rendit tout d'abord hommage à M. Pierre Portelli qui dirige avec " maestria " le théâtre municipal. Puis il disserta sur une idée qui lui est particulièrement chère : Alger doit devenir un grand centre intellectuel et artistique. " Il ne suffit pas, déclara M. Jacques Chevallier, de satisfactions matérielles, il en faut aussi de spirituelles. La musique, parce qu'elle adoucit les moeurs et parce qu'elle rapproche les gens, doit être ici un facteur capital ".

S'adressant à M. Pierre Portelli, le député-maire affirma : " Nous voulons faire d'Alger une Capitale. Depuis cinq mois, notre municipalité s'est surtout attachée à résoudre des problèmes matériels. En 1954, elle fera un effort considérable en faveur des Arts. Notre scène doit devenir la première de l'Afrique du Nord. Ceci réclame un effort de la Le député-maire parle, ayant part de chacun d'entre nous. 1954 doit être à Alger une année grande à ses côtés MM. Portelli et et belle pour les Arts ".

Jacques Tapissier.

Commenté par M. Jacques TAPISSIER (adjoint aux Beaux- Arts)

LE programme de la saison théâtrale a été exposé dans la presse quotidienne de septembre. Il est bon de reprendre cette diffusion et d'étudier succinctement ce que la Municipalité a promis cet hiver au public algérois.

Dans la gamme des opéras et opéras-comiques, nous retrouvons les grandes oeuvres aimées par les connaisseurs, oeuvres qu'aucun Opéra ne doit oublier sur sa scène au cours d'une saison.

Ne serait-ce que MANON. Tous les répertoires vulgarisés par le succès témoignent que la tradition est plus forte que le succès. Celui de MASSENET n'a pas été plus épargné qu'un autre, ce qui est normal, si l'on songe que cette oeuvre, connue plus ou moins par coeur, tant à Paris qu'en Province, roule d'un bout de l'année à l'autre.

On peut concevoir ainsi qu'en dépit de l'inévitable routine. MANON reste l'héroïne de MASSENET, créature vibrante, sans rien perdre de cet air de distinction inhérent au XVIIIème siècle français.

WERTHER, CARMEN, HERODIADE, SAMSON et DALILA, et bien d'autres.

Notre scène verra avec plaisir une pléiade de grands chanteurs italiens. Ils ont des oeuvres de choix : AIDA, ELISIRE D'AMORE, RIGOLETTO, LA FORZA DEL DESTINO, avec les artistes de la Scala de Milan et des grands Théâtres de Rome et de Naples.

Nous aurons cet hiver l'exquise musique de MOZART.

" L'Enlèvement au Sérail" peut être résumé par cette anecdote :
En 1871, MOZART devait trouver une situation fixe comme compositeur de la Chambre impériale.
Il eut tout de suite l'occasion de faire exécuter une oeuvre importante. L'Empereur JOSEPH II, qui se piquait d'être un bon musicien (il jouait du clavecin et du violoncelle, il avait une voix de baryton) lui commanda un " singsfiel ", c'est-à-dire un opéra-comique allemand. MOZART écrivit " l'Enlèvement au Sérail " que l'Empereur condamna par ce jugement sommaire : " Beaucoup trop beau pour nos oreilles et beaucoup trop de notes " et dès lors, il ne s'intéressa plus au jeune musicien trop savant à son goût.
L'Empereur JOSEPH II est passé, MOZART reste.

La féerie de MOZART. Son avant-denière oeuvre le 30 septembre 1791 : LA FLUTE ENCHANTEE, c'est l'apologie au théâtre de la symphonie.

MOZART ne songe pas seulement à la mélodie comme les Italiens, ou à la déclamation comme CLUCK et les Français ; il veut avant tout faire oeuvre de musicien et que la poésie " soit la fille obéissante de la musique ", mais il trouve moyen de tout concilier. Sa conception est une synthèse d'un équilibre parfait.

Selon WAGNER, LOHENGRIN représente la situation la plus tragique de son époque.
LOHENGRIN, c'est WAGNER lui-même se sentant isolé et impuissant au milieu de la Société contemporaine, inintelligente et hostile.

WAGNER n'était pas aimé et il revenait à sa solitude. ELSA, c'est l'esprit du peuple. El?
le est naïve et spontanée, " tout amour ". ELSA, qui aime, tend vers la science et son erreur fatale, inévitable, la perd.

L'opérette sera reine cet hiver. Nous aurons trois créations : POUR DON CARLOS. COLORADO, PASSIONNEMENT. Les succès toujours aimés : LE PAYS DU SOURIRE, LA BELLE DE CADIX, CHANSON D'AMOUR rempliront l'Opéra de tous leurs admirateurs.

Comme chaque année, les galas KARSENTY apportent les dernières pièces jouées sur les théâtres parisiens.

SIEGFRIED, monté par Louis JOUVET, tiré du roman de Jean GIRAUDOUX " SIEGFRIED et le LIMOUSIN ", retient tout particulièrement l'attention du choix de KARSENTY. Le duel entre EVA et GENEVIEVE, c'est la lutte de deux peuples, la France et l'Allemagne. Chacun veut garder SIEGFRIED, chaque pays estime que l'homme trouvé nu sur le champ de bataille du front allemand est son propre héros.

Cet homme qui a tout oublié et de sa patrie et de son identité, abdique et cette abdication est particulièrement déchirante.

SIEGFRIED a résisté au temps, aux événements ; c'est une oeuvre maîtresse de GIRAUDOUX.
Raymond ROULEAU, Jany HOLT en seront les interprètes.

Georges FEYDEAU a trouvé un malin plaisir à brosser des silhouettes masculines qui sont des têtes de turc dans la PUCE A L'OREILLE. Il fait tourner cette machine à faire rire à une vitesse endiablée.

HYMENEE sera interprétée par deux noms : Yvonne PRINTEMPS et Pierre FRESNAY ; cela nous suffit pour un auteur comme Edouard BOURDET.

Du grand théâtre avec SUR LA TERRE COMME AU CIEL, de Fritz HOCHWALTER.
Mme Elvire POPESCO vient également avec France Monde Production. Son choix est fixé.
LE DIALOGUE DES CARMELITES de Georges BERNANOS, pièce qui peut surprendre car il est rare de voir ce genre de théâtre sur nos scènes.

LA TETE DES AUTRES, de Marcel AYME sera certainement la proie de la critique, mais cette oeuvre pleine de verve et de justice terrestre ! ! amusera ceux qui voudront voir en elle un reflet de celui qui l'a écrite. C'est la grosse farce que nos magistrats voudront bien considérer avec bonne humeur.

LES TROIS MOUSQUETAIRES, comédie à grand spectacle, avec ses 30 comédiens, sera le triomphe pour la jeunesse et peut-être pour des plus vieux.

Alger est toujours très gâtée en spectacles de danses, mais novembre nous apportera les ballets de Roland PETIT avec Colette MARCHAND. Quel atout pour l'Opéra d'Alger !