---------La
reconstruction de 1883 marqua, pour l'édifice
de Chassériau, revu et augmenté par Oudot, le début
d'une ère de tranquillité relative. A partir de ce moment,
jusqu'à nos jours, les pierres ne connurent en somme d'autre atteinte
que les rigueurs du temps.
---------Je
vais donc, si vous le voulez bien, mettre cet intervalle à profit
et feuilleter l'imposante succession des programmes. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis
.Il va sans dire que je ne m'arrêterai qu'aux seules pages marquées
d'un signe blanc par la chronique.
---------De
vieux amis m'ont, il est vrai, conté leurs souvenirs. D'eux, je
tiens la meilleure source. La meilleure et la plus vive, la plus pétillante.
Je n'imaginais pas, jusqu'ici, que le grand art eût autant d'amis
fidèles, animés d'une mémoire aussi vivace.
---------Mémoire
des dates, des noms, des airs, des faits. Je les entends encore me dire,
ces amis précieux : " J'assistai,
en Janvier 1901, à la création de " Louise ",
avec Rose Gervaix, Flachat, La Taste. Un enchantement ! "
---------Et
cela est dit simplement, comme si la création de " Louise
" remontait seulement aux journées ensoleillées
des fêtes du Centenaire.
---------Que
de noms, que d'oeuvres, ont ainsi défié les ans grâce
à la ferveur, au souvenir, au dilettantisme de mes vieux amis.
Et ils sont nombreux.
---------Ils
ont contresigné les succès ou bien ils ont fermé
les portes de l'oubli. Leur jugement est sûr et sans appel.
Ils savent ce que le ténor chante au premier acte de telle pièce,
ou au troisième de telle autre. Et eux-mêmes chantent, dès
qu'ils vous parlent, ce que le ténor chantait...
---------Le
public algérois, dès les premiers temps de la conquête,
se familiarisa avec le grand opéra du répertoire italien,
autorisé en quelque sorte par décret pris à la date
du 12 Novembre 1830, sous le commandement du Général Comte
Clauzel et dont voici le texte
---------Article
1er. - " Il sera joué des opéras italiens sur le théâtre
d'Alger. Il pourra également y être représenté
des ballets ".
---------Ainsi, les oeuvres de Rossini, Verdi, Donizetti,
Bellini entre autres, tinrent souvent l'affiche du théâtre
de la rue de l'Etat-Major ; quelques fois aussi, celle du petit théâtre
des " Variétés ",
rue Bosa, duquel je n'ai peut-être pas encore parlé et que
tout de même je dois tirer de l'oubli.
---------De
ces oeuvres, retenons : " Sémiramis " (Sémiramide,
gran opéra séria, del célèbre cavaliéro
Maestro Rossini) ; " Bélisaire " (Bélisaria,
tragédia lirica) ; " Lucie de Lammermoor " (Lucia
di Lammermoor, dramma tragico), joués respectivement en Août
1837, Octobre 1838 et Novembre 1839 par la troupe Francesca Bariola, sous
la direction Mantegazza et Bozzio.
---------J'insiste
sur ces trois pièces parce que l'intérêt qu'elles
suscitèrent fut si grand, qu'il détermina un éditeur
algérois à les publier dans leur texte original, en fascicules.
---------L'impression
fut confiée à l'imprimerie Civile et Militaire, 74, rue
d'Orléans, à Alger, et à l'Imprimerie du Gouvernement,
dirigée par Th. Rolland de Bussy, fils.
---------Les
théâtres espagnols de la rue de la Fonderie et de la rue
du Scorpion, tout comme, d'ailleurs, les cafés-chantant de la Perle,
du Gambini, puis du " Helder ",
à Mustapha, où fréquentaient les officiers de Chasseurs
d'Afrique, ne produisaient guère que les chansonniers en vogue.
Bordas et sa femme, entre beaucoup d'autres, y connurent le plus chaleureux
succès. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Chansons à
boire, chansons de route, complaintes, romances, constituaient le meilleur
du répertoire.
---------La
romance surtout jouissait d'une grande vogue. Nombreux furent les auteurs
à qui cette vogue valut un moment de célébrité.
J'en citerai quelques-uns, dont j'ai retrouvé les noms sur des
programmes jaunis.
---------Hérold
tout d'abord, qui écrivit : " L'Ermite et la Bergerette
", " Quittons la danse ", " Le Philtre
d'Yseult "
------------------ Philtre
dont la vertu secrète
------------------ Inspirait d'éternelles
amours,
------------------ Pourquoi faut-il que la
recette
------------------ En soit perdue et pour
toujours ?
---------Puis, Hippolyte
Monpou, qui mit en musique le " Lever ", de Musset ;
la " Ballade des deux archers " ; la " Captive
", de Victor Hugo ; la " Chanson de Triboulet ",
d'Edouard Plouvier. Dalvimare, qui s'était inspiré de Chateaubriand,
dans son fameux " Cid héroïque "
------------------ Prêt
à partir pour la rive africaine
------------------ Le
Cid armé, tout brillant de valeur,
------------------ Sur
sa guitare, aux pieds de sa chimène...
---------Les romances
de Loïsa Puget, femme de l'écrivain Gustave Lemoine, son collaborateur,
se retrouvent souvent sur les tablettes de la " Perle "
: " Complainte de Normandie " ; " Un rocher de
Saint-Malo "
------------------ "
A tout je préfère le toit de ma mère... "
---------Mais
l'oeuvre la plus connue, la plus durable de Loïsa Puget fut certainement
" La Grâce de Dieu ", racontant les adieux à
sa mère d'une petite servante de Savoie prête à partir
pour la ville
------------------ "
Va, mon enfant, adieu, à la grâce de Dieu... "
---------Aux
oeuvres de Loïsa Puget j'ajoute celles de Pauline Duchambge dont
j'ai retrouvé le nom sur un feuillet piteux du " Gambini
" daté du 1'1 Août 1837.
---------Pouline
Duchambge se servit, dans ses romances, des vers de Vigny, de Thomas Moore,
de Casimir Delavigne, de Legouvé, aussi de Lamartine, et surtout,
surtout, de son amie Marceline Desbordes-Valmore
------------------ Le
mal d'amour ressemble aux épines légères
------------------ Qui
sont aux fleurs...
---------Quant à
la chanson comique, elle était la contre-partie nécessaire
de la romance. Elle la suivait inévitablement.
http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Quelques titres ? En voici de suggestifs,
pris au hasard : " V'là les turcos " ; "
Messieurs les chiens du dey " ; " Le troufion de la
Casaubah " ; " L'Almée aimée "
; et aussi la chanson de " Khadoudja' ", du Capitaine
de Chasseurs d'Afrique Vallabrègues
------------------ Khadoudja
ma maîtresse
------------------ Que
j'aime tes yeux
------------------ Quand
de tes cils s'abaisse
------------------ L'ombrage
amoureux...
************
---------Dès
1834, le " Cirque Olympique
" construit sur l'esplanade Bab-et-Oued, donnait " La Bataille
des Pyramides ", " La Jarretière de la Mariée
", " Barberousse ".
---------Les
artistes étaient plutôt médiocres. Le public, surtout
militaire, peu exigeant. Le succès facile.
---------En
Octobre 1847, au cours d'un concert, le piano d'accompagnement
fut tenu, rue de l'Etat-Major, par le jeune compositeur Rey, dit Reyer,
dont on chanta deux romances : " Berthe de Normandie "
et " Au désert ".
Reyer est l'auteur de " Sigurd " et de " Salammbô
".
---------Le
même théâtre présenta, quelques mois plus tard,
une revue locale : " Théâtre d'Alger ",
écrite par Rey, en collaboration avec Désiré Léglise.
Désiré Léglise, publiciste à Alger, auteur
d'une satire en vers, parue à la librairie Bastide en 1849, sous
le titre " Les Djinns " a écrit une comédie
" Un voyage à Alger ", dédiée à
Théophile Gauthier et jouée au " Grand
Théâtre d'Alger ", le 26
Mars 1847.
---------Le
" Grand Théâtre " donna deux autres pièces
dans les mois qui suivirent
----------
le 23 Avril 1849 : " Un artiste à
Alger ", comédie en un acte, en vers, de Félien
;
----------
le 8 Octobre 1849 : " Aroudj-Barberousse
", drame en trois actes, d'Alfred Jubien.
---------On
le voit, les sujets d'inspiration locale n'étaient pas rares.
---------Cependant,
le " Mayeux " jouait, place du
Gouvernement, des pièces légères, visant au gros
rire, telles que les " Fureurs de l'Amour ", la "
Foire de Saint-Laurent ", " Casque en cuir et pantalon
garance " où triomphait régulièrement la
célèbre Victorine.
---------Pour
les premiers jours de Janvier 1853, le Nouveau
Théâtre, place Bresson, inscrivait à son programme
: " La grâce de Dieu ", drame en cinq actes ; "
Le Misanthrope et l'Auvergnat ", vaudeville en un acte ; "
Le Val d'Andorre ", opéra-comique en trois actes ;
" Les fiançailles des roses ", opéra-comique
en deux actes. M. Blanc, premier ténor de grand opéra, débutait
le 20 Janvier, dans " Lucie de Lammermoor
". Le 13 Février, Mme Curet représentait
" Chérubin ", suite du " Mariage de Figaro
", pièce en six actes, où brillait M. Renard.
---------Entre
autres créations relevées à cette époque indiquons
: " Le père Gaillard ", opéra-comique en
trois actes ; " La Favorite " ; " Phèdre
", tragédie en cinq actes ; " La Dame Blanche
" ; " Le petit chaperon rouge ", opéra féerie
en trois actes, musique de Boïeldieu ; " Richard III ",
drame en cinq actes.
---------Les
mois suivants furent marqués par les débuts d'Edmond Satiné,
premier rôle ; Bassan ; Delimbre, père noble ; Durand, premier
danseur ; Mmes Dalloca, premier rôle ; Betton, première danseuse
; Mme Voiron, première chanteuse ; MM. Ressini et Juette, ténors
; Martin, basse.
---------En
Octobre, M. Agostino Robbio, élève de Paganini, que nous
retrouvons dans un programme de 1875, donnait à l'Opéra
un concert vocal et instrumental, avec le concours de MM. Bavastro, Molard,
Vaccani.
---------On
y joua
---------I.
- " La Kermesse ", par Ch. Van Ghèle, chef d'orchestre
de l'Opéra d'Alger ;
---------Il.
- " Souvenirs de Bellini " (Robbio) ;
---------III.
- " Ange si pur ", romance chantée par M. Vaccani
;
---------IV.
- " Caprice ", motifs sur " La Norma "
et " La Muette de Porticci " (Robbio).
---------En Décembre,
Céline Montalard, devenue l'actrice célèbre du Théâtre
français, parut sur scène dans : " Le vieux garçon
" et " La fille bien gardée ". Elle avait
alors huit ans...
---------1854
amena de nouveaux débuts. D'ailleurs, il apparait que les demandes
d'engagement parviennent nombreuses au Directeur du théâtre
d'Alger. La ville blanche, dont on parle beaucoup de l'autre côté
de la Méditerranée, exerce sur les artistes une véritable
attraction.
---------Lucien
Bourgeois, ténor ; Guillot, basse ; Manehant, premier comique ;
Mme Guillot, dugazon, se produisirent pour la première fois dans
" Le Chalet ", " La question d'Orient ",
" Le songe d'une nuit d'été ", "
La part du diable ", " Louise de Lignerolles ",
etc...
---------C'est
le 8 Mars 1855 que fut donné au Foyer
de l'Opéra le premier concert classique, consacré aux oeuvres
de Beethoven, Mozart, Weber.
---------Voici
la composition de l'orchestre
---------MM.
Rey, piano
---------Salvador
Daniel, 1er violon
---------Van
Ghèle (jeune) et Warnecke, 2è violon
---------Limbord
, 1 er alto
---------Van
Ghèle (aîné), 2è alto
---------Luce,
violoncelle
---------Luce
et Rappé, contrebasse
---------et
le programme, que je tiens à reproduire in-extenso
---------1"
Mozart : Deuxième quatuor en ré mineur Allegro Maestoso,
Andante, Menuetto, Allegretto varié
---------2°
Beethoven : Romance en sol pour violon ;
---------3°
Beethoven : Sérénade, trio pour violon et violoncelle. -
Introduction : Andante et presto. - Blacca, Andante
varié ;
---------4°
Weber : Invitation à la valse en septuor.
---------Il
est curieux de connaître le prix des places que l'on pratiquait
alors
---------Abonnement
aux trois séances (ce concert se divisait en trois séances
réparties dans le mois) : pour une personne, 10 francs ; pour une
famille de trois personnes et au-dessus, 25 francs. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis
.Pour une seule séance : 5 francs.
---------Parmi les exécutants, le nom de
Salvador Daniel est plus connu. Ce brillant musicien, auteur d'un ouvrage
des plus appréciés sur la musique arabe, élève
du professeur allemand Robberechts, dirigea le Conservatoire de Paris
sous la Commune. C'est de lui qu'un critique de l'époque disait
fort justement qu'il jouait tour à tour, avec un habile éclectisme,
sur le violon d'Allard, d'Hermann, de Sivéry, d'Ernst ou de Vieuxtemps...
---------Le
nom de Luce Ben Aben est connu, lui aussi. Cet artiste de talent, bon
compositeur, écrivit entre autres fantaisies locales, un quadrille
; " Dani-Dan " inspiré de motifs arabes.
---------Le
deuxième concert classique eût lieu le
23 Mars 1855. On y joua
---------1
° Mozart : Quintette pour deux violons, deux altos, deux basses Allegro,
Menuetto, Adagio et Rondo ;
---------2.°
Fresca : 3e trio pour piano, violon et violoncelle : Allegro, Barcarolle,
Final ;
---------3°
Mendelssohn : Grand quatuor : Allegro, Menuetto con sordini, Andante,
Presto
*************
---------Octobre
marqua les débuts de Mme Barrault et de M. Hoguet.
---------Le
vaudeville, la comédie en un ou deux actes, figuraient souvent
au programme : " Les deux aveugles ", de Jules Moineaux
; " Un mari qui prend du ventre " ; " On ne passe
pas " ; " Un tigre du Bengale ", etc...
---------Les
années suivantes 1856, 1857, 1858
qui ne présentent aucun caractère d'exception, voient les
débuts de Mme Isnard ; de MM. Lécuyer, Godefroy, Viel, etc...,
et sont illustrées notamment par le passage du
célèbre prestidigitateur Robert Houdin.
---------Ce
qu'il faut retenir de ces premières heures du Théâtre
Impérial, c'est, avant tout, l'engouement du public. La salle est
comble. L'enthousiasme vrai.
---------Le
succès dépasse toutes les prévisions.
---------1859
! Bertrand, Dobbels, Ramonat, Danglés, Dorici, jouent la "Reine
de Chypre ", d'Halévy ; Mége, Trouffy, Ajas, jouent
" Giselle ", ballet pantomime en deux actes, tiré
de la tradition allemande des " Willis ".
---------Eugène
Van Ghèle, chef d'orchestre du Théâtre Impérial,
écrit une romance " La petite berceuse ".
---------M.
Boussagnol, premier ténor du théâtre de Blidah, désirant
être connu à Alger, se fait applaudir dans les trois premiers
actes du " Barbier de Séville " de Rossini.
http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .On reprend " Jérusalem
" de Verdi, avec Jouard et Ramonat. Le 45è de ligne joue la
marche militaire du deuxième acte. A peu près dans le même
temps, a lieu la première représentation de "Jocko,
singe du Brésil ". Au troisième acte de ce drame,
Mmes Anna Busset, Roger et Louise Busseret, dansent un " Pas de
trois ". M. Ajas, qu'on juge un peu lourd, tient le rôle
du singe Jocko. Un soir, par suite d'un faux pas, il perd l'équilibre
et tombe sur la contrebasse.
---------Un
peu plus tard, reprise des " Diamants de la couronne "
d'Auber, au bénéfice de la caisse de secours mutuels des
artistes.
---------Notons
aussi, une première représentation du " Trouvère
" de Verdi, pour laquelle les abonnements et entrées de faveur
sont suspendus. M. Bertrand interprète le rôle de Manrique
; Ramonat, celui du comte de Luno ; Mlle Dorici, celui de Azucèna.
---------Le
8 Mai, l'Opéra joue le " Trouvère
" en l'honneur de S. E. le Ministre de l'Algérie. Réception
véritablement grandiose, au cours de laquelle on peut voir Son
Excellence, ayant à son bras Mme Sarlande, femme du Maire d'Alger,
gravir les escaliers d'honneur recouverts d'épais tapis, cependant
que M. le Général Guès-Viller, commandant en chef
les troupes de terre et de mer, M. Duprat, Directeur du Théâtre,
M. le Préfet et les hauts fonctionnaires, suivent à distance
protocolaire.
---------Le
Maire reçoit M. le Ministre et le conduit, flambeau à la
main, jusqu'à la loge municipale, où son entrée est
saluée par des tonnerres d'applaudissements, terme de rigueur.
---------Dans
les loges voisines ont pris place, notamment, M. Toustain du Manoir, secrétaire
géné,ol du Gouvernement ; M. le Général commandant
la subdivision ; M. Martin, président du Tribunal de commerce ;
M. Robert, président de la Chambre de commerce, et M. Berbrugger,
lieutenant-colonel de la milice, conservateur de la Bibliothèque
et du Musée d'Alger.
---------Le
ler Mai, la société
nouvellement créée des " Artistes
de l'Orchestre du Théâtre Impérial ",
sous la direction de M. Van Ghèle, chef d'orchestre, donne un concert
au Jardin Marengo, lieu de promenade très à la mode.
---------Retenons
aussi, que le café chantant de la "
Perle ", organise une " soirée extraordinaire
" à" l'occasion des victoires remportées sur les
Autrichiens " : chants patriotiques, choix de musique, scènes
comiques, ballet féerique, etc.- Le 3 Décembre
1859 ce même établissement annonce un " Grand
bal de nuit " par souscription, auquel seront admis "
les militaires avec leur uniforme respectif et les civils en toilette
de soirée ".
---------Le
29 Mai 1859, la représentation de "
La Cornemuse du Diable " et des " Dragons de Villars
" marque la fin de l'année théâtrale qui ne reprendra
son activité, par suite des longs travaux de réaménagement
de l'Opéra, que le samedi 10 Décembre
suivant, avec " Les Mousquetaires de la Reine ",
opéra-comique en trois actes de M. Saint Georges, musique d'Halévy.
Dans cette pièce Mme Picquet-Wild remplissait le' rôle d'Athénaïs
de Solange.
---------Au
dernier jour de l'année, le 31 Décembre 1859, M.
Duprat jouait " La Dame Blanche ", de Scribe et Boïeldieu.
---------http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis
.Le ler Janvier 1860 il présentait
" Les Mousquetaires de la Reine ".
---------Le
répertoire des saisons qui suivirent, ne brilla certes pas par
la nouveauté.
---------Les
Algérois revirent " Lucie ", " La Favorite
", " Les Diamants de la Couronne ", " Fra
Diavolo ", " Les Noces de Jeannette ", "Les
Dragons de Villars ", " Les Mémoires du Diable
", d'Etienne Arago et Paul Vermond ; " La Fille du Régiment
", de Donizetti ; " Robert le Diable ", de Scribe
et Meyerbeer ; " Les Crochets du Père Martin "
; " La Juive " ; " Les femmes terribles ",
avec Andrieu, Lefèvre, Lemaréchal, Morvand ; " La
fête des loups ", de Grangé ; " Le Maître
de Chapelle ", " La chanoinesse ", "
Lucie de Lammermoor ", etc..., etc...
---------Je
n'omettrai point cependant de rappeler qu'il était courant alors,
de compléter un programme d'opéra ou d'opéra-comique
par un " divertissement ".
---------Ce
divertissement comportait, en général, différents
numéros de danse : pas de deux ; pas de la séduction ; pas
de la bacchanale ; pas styrien ; pas de matelot ; la saturnale ; pas d'ensemble
; la viennoise ; le bouquet ; pas du tambourin...
---------Parmi
les vedettes de la danse, il nous faut citer : MM. Négrier et Victor
; Mmes Lièvre, Richard, Bellamar, Gilo, Déternoz.
************
---------Le théâtre
d'Alger connut, vers cette époque, par la fantaisie étourdissante
d'un écrivain, une publicité pour le moins inattendue. Alphonse
Daudet lui consacre en effet, dans " Tartarin de Tarascon
", une page caricaturale, très haute en couleur, assez inexacte
quant au fond, mais qu'il serait vraiment dommage de ne point livrer au
jugement du lecteur.
---------Cette
page, incluse dans le chapitre neuvième, nous mène au Foyer
de l'Opéra d'Alger où le héros tarasconnais retrouve
le prince Grégory de Monténégro
---------"
En hiver, toutes les nuits de samedi, le grand théâtre d'Alger
donne son bal masqué, ni plus ni moins que l'Opéra. C'est
l'éternel et insipide bal masqué de province. Peu de monde
dans la salle, quelques épaves de Bullier ou du Casino, vierges
folles suivant l'armée, chicards fanés, débardeurs
en déroute, et cinq ou " six petites blanchisseuses mahonnaises
qui se lancent, mais gardent de leur temps de vertu un vague parfum d'ail
et de sauces safranées... Le vrai coup d'oeil n'est pas là.
Il est au foyer, transformé pour la circonstance en salon de jeu...
Une foule fiévreuse et bariolée s'y bouscule, autour des
longs tapis verts : des turcos en permission misant les gros sous du prêt,
des Maures marchands de la ville haute, des nègres, des Maltais,
des colons de l'intérieur qui ont fait quarante lieues pour venir
hasarder sur un as l'argent d'une charrue ou d'une couple de boeufs...,
tous frémissants, pâles, les dents serrées, avec ce
regard singulier du joueur, trouble, en biseau, devenu louche à
force de fixer toujours la même carte.
---------Plus
loin, ce sont les tribus de juifs algériens, jouant en famille.
Les hommes ont le costume oriental hideusement agrémenté
de bas bleus et de casquettes de velours.http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis
.Les femmes, bouffies et blafardes, se tiennent toutes raides dans leurs
étroits plastrons d'or... Groupée autour des tables, toute
la tribu piaille, se concerte, compte sur ses doigts et joue peu. De temps
en temps seulement, après de longs conciliabules, un vieux patriarche
à barbe de Père éternel se détache, et va
risquer le douro familial... C'est alors, tant que la partie dure, un
scintillement d'yeux hébraïques tournés vers la table,
terribles yeux d'aimant noir qui font frétiller les pièces
d'or sur le tapis et finissent par les attirer tout doucement comme par
un fil...
---------Puis
des querelles, des batailles, des jurons de tous les pays, des cris fous
dans toutes les langues, des couteaux qu'on dégaine, la garde qui
monte, de l'argent qui manque !... "
***********
---------Alexandre
Dumas fils vint à Alger le 21 Avril 1864.
A cette occasion l'Opéra donna le chef-d'oeuvre du célèbre
écrivain : " La Dame aux Camélias ", créé
en 1852 à Paris, place de la Bourse. " Haydé
" complétait le programme.
---------Soirée
mémorable pour le Théâtre de Chassériau ; et
qui, durant de longs mois, devait nourrir la conversation passionnée
des amateurs.
---------Au
foyer, durant l'entr'acte, l'auteur fut très entouré. Il
arborait un large sourire et répondait avec complaisance à
tous ceux qui, après l'avoir complimenté, l'interrogeaient
sur ses impressions de voyage.
---------À
un moment, s'approchant des fenêtres ouvertes, il contempla le spectacle
magnifique d'une mer doucement argentée, qu'on apercevait entre
la silhouette sombre des arbres.
----------
" Le plus beau décor que je connaisse ", dit alors le
père de " La Dame aux Camélias ".
---------Au
cours de l'année 1865 la Direction
Campocasso donna " Don César de Bazan ", cinq
actes de Demanoir et Dennery, avec Speck, Lachapardière, Boucher,
Lionel, Mmes Patit, Lagarrigue ; " Le Maître de Chapelle
", de Paëz ; " Le supplice d'une femme ", d'Emile
de Girardin ; " Les Noces de Jeannette ", de Massé
; " Le courrier de Lyon ", de Moreau, avec Bardou et
Dubosc ; " Le songe d'une nuit d'été "
; " La Favorite ", de Donizetti, avec le ténor
Gadilhe ; " Les beaux Messieurs de Bois doré ",
de George Sand et Paul Meurice ; " Les Mousquetaires de la Reine
", avec le ténor Coulomyés qui obtint beaucoup de succès
et dont la mort brutale survint peu de jours après.
---------Le
10 Mai, l'Empereur Napoléon III assistait
à une représentation de " Rigoletto " donnée
par une troupe italienne.
|
|
----------1866
vit figurer sur l'affiche : " Héloïse et Abélard
" ; " Les Diamants de la Couronne ", d'Auber, avec
Mlle Beaudier, première chanteuse qui, pour me servir de l'expression
consacrée et expressive, " fit courir tout Alger "
; " Le Trouvère " ; " Le Barbier de Séville
" ; " La Dame Blanche ", de Boïeldieu, avec
Bruneau, Rupert, Mmes Labat, Quesnet, Guille ; " Les Vieux Garçons
", comédie en cinq actes de Victorien Sardou, avec Beysson,
La Chapardière, Mme Potel ; " Faust ", de Carré
et Gounod ; " Latude ou trente-cinq ans de captivité "
; " La Papillonne ", de Victorien Sardou ; " Nos
bons Villageois ", du même auteur ; " Le mangeur
de fer ", de Plouvier ; " La Vie de Bohême
", de Murger, avec Mme Potel ; " Cartouche le bandit, ou
les nuits de Paris en 1721 " ; " Les Précieuses
ridicules " ; " Si j'étais Roi ", de
Dennery et Brésil, musique d'Adam ; " La Fille du Régiment
" ; " La Mendiante ", drame en cinq actes, "
ayant obtenu le prix de moralité de 10.000 francs ", sans
doute parce qu'il tirait sa substance d'un très classique adultère.
---------Le
Vendredi 16 Mars 1866, le théâtre
concert de la Perle donnait une soirée exceptionnelle à
l'occasion de l'anniversaire de la naissance du prince impérial.
Une cantate, composée par M. Mickréditz, Directeur, fut
chantée par toute la troupe, après que les spectateurs eurent
écouté debout, l'air national de " La Reine Hortense
". J'ajoute que les " assistants " reçurent à
l'entr'acte, un exemplaire de la cantate de M. Mickréditz .
---------Le 20 Mai 1866,
M. Streleski, Directeur du théâtre Malakoff, ancien régisseur
du Théâtre Impérial, ouvrait au Château
des Fleurs, sur la route de Saint-Eugène, pour les quatre
mois d'été, une salle de spectacle de dix-huit loges tonnelles,
douze loges ordinaires, cent cinquante fauteuils d'orchestre et cent cinquante
fauteuils de première.
---------Au
tableau de la troupe, publié dans les premiers jours du mois de
Juin 1866, figuraient notamment pour l'opérette, la comédie
et le vaudeville : MM. Delahaz, premier ténor ; http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis
.Achille, ténor comique ; Rupert, laruette ; Mmes Blanche Callichet,
première dugazon ; Jacobs Mestrasse, duègne.
---------M.
Eugène Van Ghèle dirigeait l'orchestre.
---------Le
prix des places était ainsi fixé
---------Loges
tonnelles de 4 places.. 5 fr. 00
---------Fauteuils
. .............. 2 fr. 00
---------Premières
. .............. 1 fr. 50
---------Secondes
. .............. 1 fr. 10
---------Troisièmes
. .............. 0 fr. 60
---------Au
répertoire : " Mam'zelle j'ordonne " ; "
La Bernoise ", pas de deux dansé par M. et Mme Monso
; " Tambour battant " ; " Risette "
; " Le piano de Berthe " ; " La fille de l'Epicière
" ; " Le Bourreau des Crânes " ; " La
tour de Nesle ".
---------À
la même époque, la " Perle
" jouait au bénéfice des cultivateurs victimes de l'invasion
désastreuse des sauterelles, une opérette bouffe "
Trom-el-Cazar, ou les criminels dramatiques ".
---------C'est le
3 Juillet 1866 que les tréteaux du Théâtre
Impérial se prétèrent à un genre de spectacle
inédit, organisé par la " Compagnie Mime et plastique
", de Paris.
Voici les " tableaux vivants " que les Algérois
purent voir à cette occasion
---------l
° Le triomphe de Galathée, tableau mythologique (composition
de Mme Farriol) ;
---------2°
Bataille et Victoire des Amazones sur le pont de Troie, tableau historique
composé par Master Farriol ;
---------3°
La pluie d'or, grand tableau fantastique, avec illumination de feux, composé
par Mme Farriol ;
---------4°
La faim, tableau mimique, historique, présenté par la famille
Farriol, copie d'un tableau du Musée de Boston ;
---------5°
Ariane et Bacchus, grand tableau bacchanal, composé par Master
Farriol ;
---------6°
Descente de Croix, grand tableau sacré, copie de Rubens ;
---------7°
Grand tableau national, dédié aux dames d'Alger.
Master Farriol et sa famille surent parfaitement captiver et ravir leur
public.
---------1867
marqua pour le Théâtre Algérois, alors dirigé
par M. J.-H. Vochot, une grande activité. On y joua notamment .:
" Lucrèce Borgia ", drame en trois parties et
cinq actes de Victor Hugo ; " Charles VI ", grand opéra
en cinq actes, musique d'Halévy, paroles de Casimir et Germain
Delavigne ; " Les Dragons de Villars ", où triomphait
Juliette Borghèse dans le rôle de Rose Friquet. Cette artiste
que chacun s'accordait à trouver admirable, chanta à l'Opéra
de Paris, au Théâtre Lyrique, à la Monnaie de Bruxelles,
à la Scala de Milan où elle fit impression.
---------Un
jeune peintre Algérois, M. Marquette, brossa de Juliette Borghèse
un agréable portrait qui orna, un moment, sa loge particulière.
---------Mais
revenons à nos programmes de l'an de grâce 1867, et n'omettons
pas : " La Périchole " ; " Orphée
aux enfers ", d'Offenbach ; " L'Eclair ", d'Halévy
; " Notre Dame de Paris " ; " Maison neuve ",
de Victorien Sardou, avec Molina, Krause, Livry, Capelly, Mmes Daubrun,
Hatton, Guille ; " Hernani ", avec Boursier, Prietz,
Chevrier, Mmes Leroux, Borel, Bourdais ; " Le Roi d'Yvetot ",
d'Edmond Adam, avec Alphonse Martin et Mme Lestrade.
---------Le
12 Décembre eut lieu le grand concert
vocal et instrumental, donné par Mme Maria Viguier, pianiste des
concerts de Paris, avec le concours des artistes du Théâtre
Impérial : MM. Vinay, Scotto, Lionne[, Froment ; Mmes Laurent,
Vinay et Lestrade.
---------Mme
Lestrade était une belle artiste, aimée du public qui ne
lui ménageait pas les manifestations de son enthousiasme, notamment
quand elle interprétait le rôle de Jeanneton dans "
Le Roi d'Yvetot ", ou bien les rôles de Raphaëla dans
" Haydée ", de Rita dans " Tampa ",
de Jenny dans " La Dame Blanche ".
---------M.
Henri de Saint Hilaire, chroniqueur du "
Bavard ", a dédié quelques vers à
cette charmante jeune femme
---------De
celle qui sait nous charmer
---------Dès
que sa douce voix prélude,
---------De
celle qui se fait aimer
---------Dans
Jeanneton, Berthe ou Gertrude...
---------Des vers
détestables d'ailleurs...
---------Janvier 1868
vit, sous la Direction Jourdan, une première représentation
de " Barbe Bleue ", opéra-bouffe de Henri Meilhac
et Ludovic Halévy, musique d'Offenbach. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis
.Au cours des mois qui suivirent on joua : " La Norma ",
de Monnier, musique de Bellini, avec Mme Vinay, une artiste ravissante
dont tous les Algérois parlaient avec admiration ; " Les
Revenants ", opéra écrit par un Algérien,
M. Paréra. Ajoutons que cet opéra n'obtint qu'un succès
tout relatif, et qu'il dut être retiré avant sa deuxième
représentation. Une revue épisodique en quatre actes et
cinq tableaux : " Alger et ses Fortunes ", de MM. T...
et D..., connut une carrière aussi brève.
---------De
1869 à 1870 nous retrouvons au répertoire
: " Lucie de Lammermoor ", avec le ténor Gazeau
; " La Norma ", débuts du père noble Ulric
et du jeune premier Fournier ; " La Consigne est de ronfler
", vaudeville en un acte de Thiboust, qui, avec " Brouillés
depuis Wagram ", le " Conseil de Révision
", " Monsieur Choufleuri " et tant d'autres, sont
encore joués de nos jours et n'en amusent pas moins. Nous retrouvons
également " Don César de Bazan " ; "
Patrie ", drame en cinq actes de Victorien Sardou, avec Daussy,
Fournier, Dalis, Gisbert, Mmes Doussy, Beysson, etc... ; " Robert
le Diable " ; " Les Huguenots ", de Meyerbeer
; " La Vie Parisienne ", d'Offenbach ; " Le Prophète
" ; " Monte-Cristo " ; " La Reine Crinoline
ou le Royaume des femmes " ; " La Mauresque mystérieuse
", opérette inédite en un acte, par M. X..., un algérois
bien entendu, qui ne manqua pas, par voie d'affiches, de soigner sa publicité
:"
---------On
y entendra des chants arabes...
---------On
y verra des costumes arabes...
---------On y entendit
surtout des coups de sifflet, car " La Mauresque Mystérieuse
" n'eut pas l'heur de plaire.
---------Il
est juste de dire que le public algérois, tout comme la presse,
étaient alors peu commodes et ignoraient l'indulgence. Ce qui,
peut-être, n'est pas un mal...
**********
---------Il fut
une époque, pas bien éloignée de nous, où
une Commission, nommée par le Préfet, avait le privilège
de choisir les artistes, sous réserve il est vrai, de ne pas soulever
de protestations dans le groupe omnipotent des abonnés.
---------Ainsi,
le premier mois de la saison était à peu près entièrement
consacré aux débuts des candidats, qui pouvaient, assez
invraisemblable que cela puisse paraître, interpréter devant
leurs juges trois rôles de leur choix. Ce qui, très régulièrement,
amenait sur l'affiche : " La Favorite ", " Le
Barbier de Séville ", " Faust ", "
Si j'étais Roi "..., autant de livrets bien connus
des acteurs, pour lesquels ils étaient d'une assez grande facilité
d'interprétation.
---------Cette
astuce, si elle déterminait souvent l'admission de celui qui en
usait, ne lui épargnait point, par la suite, au moment de nouvelles
épreuves, de cuisantes humiliations.
---------Ces
soirées, au cours desquelles on ruinait souvent la réputation
d'excellents sujets, faute de les mieux connaître ou de les apprécier
plus justement, ces soirées, dis-je, étaient parfois orageuses.
-------On y sifflait,
on y applaudissait, on y hurlait, souvent pour le plaisir de siffler,
d'applaudir, de hurler.
---------Le
parti pris, les préjugés, le simple et coupable besoin de
faire de l'obstruction systématique, n'étaient pas étrangers
à ces attitudes si diverses.
---------Les
juges impartiaux, ceux-là même qui auraient pu dicter une
sentence judicieuse, se trouvaient annihilés par ces débordements
inopportuns et un tant soit peu ridicules.
http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Il fut des soirs où l'on
en vint aux mains et où la Direction dut faire évacuer la
salle.
---------La
caricature, toujours à l'affût, ne laissait jamais passer
aussi délectable occasion et ne manquait pas d'en tirer profit.
Je connais, à ce sujet, certaines lithographies très amusantes,
sinon très spirituelles, qui stigmatisaient ces formalités
de débuts, injustes, exaspérantes et parfaitement inutiles.
---------Certains
journaux tels que " Le Lorgnon
", s'étaient aussi attachés dès 1869 à
démontrer les inconvénients de ce procédé
peu recommandable.
---------Une
lettre d'artiste, que j'ai pu retrouver, est, à ce sujet, des plus
significatives. Je ne puis manquer d'en reproduire le texte. Il se passe
de tout commentaire
---------ALGER,
29 Octobre 1 869
---------Madame
Cyriali à Monsieur le Directeur du Théâtre d'Alger,
---------"
Quoique souffrante et fortement éprouvée par le climat,
j'ai accepté sans observation les débuts qu'il vous
a plu de me désigner et je m'étais fait une loi de
n'opposer aucune réponse à des insertions inspirées
par un sentiment dont je ne veux pas rechercher l'origine.
---------Mais
en présence de la manifestation dont j'ai été
l'objet de la part d'un grand nombre d'abonnés et de spectateurs,
c'est pour moi un devoir de sortir de la réserve que je m'étais
imposée.
---------Il
a été dit que je redoutais l'épreuve d'un quatrième
début.
---------Il
a été écrit que je ne pouvais aborder un certain
nombre de rôles de mon emploi.
---------Vous
n'ignorez, Monsieur, que je suis prête à jouer au premier
avis, l'une quelconque des pièces de mon répertoire
et vous savez s'il est complet.
---------Je
suis prête notamment à chanter immédiatement,
même sans répétition, tous les rôles que
l'on a cités comme devant être particulièrement
redoutés par moi, c'est-à-dire : Faust, Les Huguenots,
Galathée, Les Diamants de la Couronne, La Fille du Régiment,
et à subir une quatrième épreuve dans cette
dernière pièce que je choisis de préférence,
parce qu'on l'a désignée comme devant être complètement
inabordable pour moi.
---------Je
pense, Monsieur, que ce sera le meilleur moyen de donner la véritable
mesure de ce dont je suis capable et de légitimer les généreuses
sympathies que j'ai eu le bonheur de rencontrer et dont j'ai été
si profondément touchée ".
|
---------Mme Cyriali
obtint à ce quatrième début une majorité de
soixante-quatorze voix sur neuf cent dix votants.
---------Et
même, à quelque temps de là, on lui offrit sur scène,
au deuxième acte de " L'Africaine ", une très
belle parure de style berbère, en hommage d'admiration...
---------Coutume
exquise.
---------Mme
L'Héritier, forte chanteuse, recevant à cette même
occasion, mais au premier acte, une paire de boucles d'oreilles offerte
par les abonnés du Théâtre, ne put contenir son émotion
et perdit connaissance.
---------De
méchantes langues prétendirent ne point s'étonner
de la chose, connaissant en Mme L'Héritier une brillante tragédienne...
---------J'ai
retrouvé encore, en feuilletant de vieux papiers - en ai-je feuilleté
de vieux papiers ! - un avis daté du 15 Octobre 1870, signé
du Directeur de l'Opéra, M. Ch. Alméras appelé depuis
1869 à remplacer M. Jourdan. Cet avis concerne la mise en adjudication
par enchères publiques des loges et baignoires de la salle, pour
une période n'excédant pas quatre exercices.
---------Beaucoup
de curieux assistaient aux opérations, qui se déroulaient,
en plein tumulte, dans le Grand Foyer.
---------Je
pense que l' " Avis " de
M. Alméras vaut d'être reproduit dans ces pages, où
je me suis efforcé de réunir tout ce qui, de près
ou de loin, touchait à l'histoire, à la vie, de notre Opéra
Théâtre Impérial
d'Alger
AVIS
---------Le
Directeur du théâtre irrîpérial d'Alger
pour les exercices 1870, 71, 1871-72, 1872-73, 1873-74, a l'honneur
d'informer le public que, conformément aux paragraphes 4,
5 et 6 du cahier des charges, approuvé par le Conseil Municipal
dans sa séance du 3 révrier 1870, sanctionné
par l'autorité préfectorale, et en vertu d'une délibération
prise le 11 Avril par le dit Conseil.
---------Il
sera procédé le Lundi 25 Avril 1870 à cinq
heures précises du soir, dans la salle du foyer du théâtre
impérial, par les soins du Directeur, l'entremise d'un notaire
et en présence de M. le Commissaire de police, délégué
à cet effet.
---------À
l'adjudication aux enchères publiques, de toutes les Loges
et Baignoires à l'exception de celles réservées
par l'article 7 du cahier des charges et celles affectées
à la location journalière.
|
---------Durant
la guerre de 1870-1871, tout au moins au
cours des premiers mois, l'exploitation du Théâtre Impérial,
que les circonstances allaient bientôt transformer en Théâtre
National, connut de nombreuses difficultés.
---------D'aucuns
s'opposaient à son ouverture, d'autres avançaient avec juste
raison, qu'ils considéraient le Théâtre comme une
exploitation commerciale venant alimenter deux caisses : celle du bureau
de bienfaisance et celle d'un nombreux personnel d'artistes, musiciens,
choristes, figurants et aussi employés, sans compter, couturières,
tailleurs, chapeliers, automédons, etc...
---------Ces
derniers arguments prévalurent il est vrai. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis
.D'autant, que les pétitions affluèrent, et que MM. de Gineste
et Alcay, concessionnaires des Loges et Baignoires, firent connaître
leur intention de verser à l'ceuvre des blessés militaires,
le montant de leurs revenus pour une année.
Beaucoup d'abonnés écrivirent au Directeur, M. Alméras,
pour l'inciter à ouvrir les portes de sa maison. L'un d'eux s'exprime
en ces termes
---------Vous
devriez M. Alméras, donner pendant un mois, terme fini pour
l'anéantissement des prussiens, donner l'autorisation de
jouer aux conditions suivantes :
---------Deux
représentations par semaine, l'une le jeudi et l'autre le
Dimanche, la première, frais levés, au bénéfice
des blessés de l'armée ; la deuxième au bénéfice
des artistes.
---------La
ville pendant le laps de temps indiqué ne percevrait aucun
droit sur les recettes effectuées, de son côté
le Directeur ne pourrait exiger le montant de sa subvention. Bien
entendu que les principaux artistes n'auraient droit de la part
du Directeur qu'au prorata des recettes réalisées.
---------Le
mois de novembre écoulé, tout étant rentré
dans l'ordre, car la France sera victorieuse grâce à
la valeur de nos armées, le Directeur commencera son année
théâtrale qui aura une durée de 6 mois, et il
jouira de sa subvention ".
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---------L'ouverture
eut lieu le 13 Septembre 1870. L'affluence
fut considérable. On jouait " Guillaume Tell "
avec Mmes Despoitier et Nec ; MM. Colin, ténor ; Horel, baryton
; Justin Née, ténor léger et Tasson, première
basse.
---------La
" Marseillaise ", qui figurait au programme, fut chantée
par Mme Acs, première forte chanteuse.
---------À
l'entr'acte, une quête au profit des blessés,
rapporta près de trois cents francs.
---------M.
Alméras fit représenter par la suite : " La Fille
du Régiment ", " Les Mousquetaires ",
" La Dame Blanche ", etc...
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