HISTOIRE de L'OPÉRA D'ALGER
Épisodes de la vie théatrale algéroise
1830-1840
Fernand Arnaudiès

1830 - 1870 pages 115 à 142

le Déjanté: à partir ce cette page 115, plus de chapitre . J'ai détaillé par dates

sur site le 25-11-2004...dans un mois, papa Noel passe !!!
L'OCR a laiisé des "coquilles" que je n'ai pas reprises. Veuillez me pardonner. Vous pouvez me les signaler..
77 Ko / 18 s
précédent : les directeurs
retour
suivant : 1873-1900

---------La reconstruction de 1883 marqua, pour l'édifice de Chassériau, revu et augmenté par Oudot, le début d'une ère de tranquillité relative. A partir de ce moment, jusqu'à nos jours, les pierres ne connurent en somme d'autre atteinte que les rigueurs du temps.
---------Je vais donc, si vous le voulez bien, mettre cet intervalle à profit et feuilleter l'imposante succession des programmes. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Il va sans dire que je ne m'arrêterai qu'aux seules pages marquées d'un signe blanc par la chronique.
---------De vieux amis m'ont, il est vrai, conté leurs souvenirs. D'eux, je tiens la meilleure source. La meilleure et la plus vive, la plus pétillante. Je n'imaginais pas, jusqu'ici, que le grand art eût autant d'amis fidèles, animés d'une mémoire aussi vivace.
---------Mémoire des dates, des noms, des airs, des faits. Je les entends encore me dire, ces amis précieux : " J'assistai, en Janvier 1901, à la création de " Louise ", avec Rose Gervaix, Flachat, La Taste. Un enchantement ! "
---------Et cela est dit simplement, comme si la création de " Louise " remontait seulement aux journées ensoleillées des fêtes du Centenaire.
---------Que de noms, que d'oeuvres, ont ainsi défié les ans grâce à la ferveur, au souvenir, au dilettantisme de mes vieux amis. Et ils sont nombreux.
---------Ils ont contresigné les succès ou bien ils ont fermé les portes de l'oubli. Leur jugement est sûr et sans appel.
Ils savent ce que le ténor chante au premier acte de telle pièce, ou au troisième de telle autre. Et eux-mêmes chantent, dès qu'ils vous parlent, ce que le ténor chantait...

---------Le public algérois, dès les premiers temps de la conquête, se familiarisa avec le grand opéra du répertoire italien, autorisé en quelque sorte par décret pris à la date du 12 Novembre 1830, sous le commandement du Général Comte Clauzel et dont voici le texte

---------Article 1er. - " Il sera joué des opéras italiens sur le théâtre d'Alger. Il pourra également y être représenté des ballets ".

---------
Ainsi, les oeuvres de Rossini, Verdi, Donizetti, Bellini entre autres, tinrent souvent l'affiche du théâtre de la rue de l'Etat-Major ; quelques fois aussi, celle du petit théâtre des " Variétés ", rue Bosa, duquel je n'ai peut-être pas encore parlé et que tout de même je dois tirer de l'oubli.
---------De ces oeuvres, retenons : " Sémiramis " (Sémiramide, gran opéra séria, del célèbre cavaliéro Maestro Rossini) ; " Bélisaire " (Bélisaria, tragédia lirica) ; " Lucie de Lammermoor " (Lucia di Lammermoor, dramma tragico), joués respectivement en Août 1837, Octobre 1838 et Novembre 1839 par la troupe Francesca Bariola, sous la direction Mantegazza et Bozzio.
---------J'insiste sur ces trois pièces parce que l'intérêt qu'elles suscitèrent fut si grand, qu'il détermina un éditeur algérois à les publier dans leur texte original, en fascicules.
---------L'impression fut confiée à l'imprimerie Civile et Militaire, 74, rue d'Orléans, à Alger, et à l'Imprimerie du Gouvernement, dirigée par Th. Rolland de Bussy, fils.


---------Les théâtres espagnols de la rue de la Fonderie et de la rue du Scorpion, tout comme, d'ailleurs, les cafés-chantant de la Perle, du Gambini, puis du " Helder ", à Mustapha, où fréquentaient les officiers de Chasseurs d'Afrique, ne produisaient guère que les chansonniers en vogue. Bordas et sa femme, entre beaucoup d'autres, y connurent le plus chaleureux succès. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Chansons à boire, chansons de route, complaintes, romances, constituaient le meilleur du répertoire.
---------La romance surtout jouissait d'une grande vogue. Nombreux furent les auteurs à qui cette vogue valut un moment de célébrité. J'en citerai quelques-uns, dont j'ai retrouvé les noms sur des programmes jaunis.
---------Hérold tout d'abord, qui écrivit : " L'Ermite et la Bergerette ", " Quittons la danse ", " Le Philtre d'Yseult "
------------------
Philtre dont la vertu secrète
------------------ Inspirait d'éternelles amours,
------------------ Pourquoi faut-il que la recette
------------------ En soit perdue et pour toujours ?

---------Puis, Hippolyte Monpou, qui mit en musique le " Lever ", de Musset ; la " Ballade des deux archers " ; la " Captive ", de Victor Hugo ; la " Chanson de Triboulet ", d'Edouard Plouvier. Dalvimare, qui s'était inspiré de Chateaubriand, dans son fameux " Cid héroïque "
------------------ Prêt à partir pour la rive africaine
------------------ Le Cid armé, tout brillant de valeur,
------------------ Sur sa guitare, aux pieds de sa chimène...

---------Les romances de Loïsa Puget, femme de l'écrivain Gustave Lemoine, son collaborateur, se retrouvent souvent sur les tablettes de la " Perle " : " Complainte de Normandie " ; " Un rocher de Saint-Malo "
------------------ " A tout je préfère le toit de ma mère... "
---------Mais l'oeuvre la plus connue, la plus durable de Loïsa Puget fut certainement " La Grâce de Dieu ", racontant les adieux à sa mère d'une petite servante de Savoie prête à partir pour la ville
------------------ " Va, mon enfant, adieu, à la grâce de Dieu... "

---------Aux oeuvres de Loïsa Puget j'ajoute celles de Pauline Duchambge dont j'ai retrouvé le nom sur un feuillet piteux du " Gambini " daté du 1'1 Août 1837.
---------Pouline Duchambge se servit, dans ses romances, des vers de Vigny, de Thomas Moore, de Casimir Delavigne, de Legouvé, aussi de Lamartine, et surtout, surtout, de son amie Marceline Desbordes-Valmore
------------------ Le mal d'amour ressemble aux épines légères
------------------ Qui sont aux fleurs...

---------Quant à la chanson comique, elle était la contre-partie nécessaire de la romance. Elle la suivait inévitablement.
http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Quelques titres ? En voici de suggestifs, pris au hasard : " V'là les turcos " ; " Messieurs les chiens du dey " ; " Le troufion de la Casaubah " ; " L'Almée aimée " ; et aussi la chanson de " Khadoudja' ", du Capitaine de Chasseurs d'Afrique Vallabrègues
------------------
Khadoudja ma maîtresse
------------------ Que j'aime tes yeux
------------------ Quand de tes cils s'abaisse
------------------ L'ombrage amoureux...

************

---------Dès 1834, le " Cirque Olympique " construit sur l'esplanade Bab-et-Oued, donnait " La Bataille des Pyramides ", " La Jarretière de la Mariée ", " Barberousse ".
---------Les artistes étaient plutôt médiocres. Le public, surtout militaire, peu exigeant. Le succès facile.
---------En Octobre 1847, au cours d'un concert, le piano d'accompagnement fut tenu, rue de l'Etat-Major, par le jeune compositeur Rey, dit Reyer, dont on chanta deux romances : " Berthe de Normandie " et " Au désert ".
Reyer est l'auteur de " Sigurd " et de " Salammbô ".

---------Le même théâtre présenta, quelques mois plus tard, une revue locale : " Théâtre d'Alger ", écrite par Rey, en collaboration avec Désiré Léglise. Désiré Léglise, publiciste à Alger, auteur d'une satire en vers, parue à la librairie Bastide en 1849, sous le titre " Les Djinns " a écrit une comédie " Un voyage à Alger ", dédiée à Théophile Gauthier et jouée au " Grand Théâtre d'Alger ", le 26 Mars 1847.
---------Le " Grand Théâtre " donna deux autres pièces dans les mois qui suivirent
---------- le 23 Avril 1849 : " Un artiste à Alger ", comédie en un acte, en vers, de Félien ;
---------- le 8 Octobre 1849 : " Aroudj-Barberousse ", drame en trois actes, d'Alfred Jubien.
---------On le voit, les sujets d'inspiration locale n'étaient pas rares.
---------Cependant, le " Mayeux " jouait, place du Gouvernement, des pièces légères, visant au gros rire, telles que les " Fureurs de l'Amour ", la " Foire de Saint-Laurent ", " Casque en cuir et pantalon garance " où triomphait régulièrement la célèbre Victorine.


---------Pour les premiers jours de Janvier 1853, le Nouveau Théâtre, place Bresson, inscrivait à son programme : " La grâce de Dieu ", drame en cinq actes ; " Le Misanthrope et l'Auvergnat ", vaudeville en un acte ; " Le Val d'Andorre ", opéra-comique en trois actes ; " Les fiançailles des roses ", opéra-comique en deux actes. M. Blanc, premier ténor de grand opéra, débutait le 20 Janvier, dans " Lucie de Lammermoor ". Le 13 Février, Mme Curet représentait " Chérubin ", suite du " Mariage de Figaro ", pièce en six actes, où brillait M. Renard.
---------Entre autres créations relevées à cette époque indiquons : " Le père Gaillard ", opéra-comique en trois actes ; " La Favorite " ; " Phèdre ", tragédie en cinq actes ; " La Dame Blanche " ; " Le petit chaperon rouge ", opéra féerie en trois actes, musique de Boïeldieu ; " Richard III ", drame en cinq actes.

---------Les mois suivants furent marqués par les débuts d'Edmond Satiné, premier rôle ; Bassan ; Delimbre, père noble ; Durand, premier danseur ; Mmes Dalloca, premier rôle ; Betton, première danseuse ; Mme Voiron, première chanteuse ; MM. Ressini et Juette, ténors ; Martin, basse.
---------En Octobre, M. Agostino Robbio, élève de Paganini, que nous retrouvons dans un programme de 1875, donnait à l'Opéra un concert vocal et instrumental, avec le concours de MM. Bavastro, Molard, Vaccani.
---------On y joua
---------I. - " La Kermesse ", par Ch. Van Ghèle, chef d'orchestre de l'Opéra d'Alger ;
---------Il. - " Souvenirs de Bellini " (Robbio) ;
---------III. - " Ange si pur ", romance chantée par M. Vaccani ;
---------IV. - " Caprice ", motifs sur " La Norma " et " La Muette de Porticci " (Robbio).

---------En Décembre, Céline Montalard, devenue l'actrice célèbre du Théâtre français, parut sur scène dans : " Le vieux garçon " et " La fille bien gardée ". Elle avait alors huit ans...


---------1854 amena de nouveaux débuts. D'ailleurs, il apparait que les demandes d'engagement parviennent nombreuses au Directeur du théâtre d'Alger. La ville blanche, dont on parle beaucoup de l'autre côté de la Méditerranée, exerce sur les artistes une véritable attraction.
---------Lucien Bourgeois, ténor ; Guillot, basse ; Manehant, premier comique ; Mme Guillot, dugazon, se produisirent pour la première fois dans " Le Chalet ", " La question d'Orient ", " Le songe d'une nuit d'été ", " La part du diable ", " Louise de Lignerolles ", etc...
---------C'est le 8 Mars 1855 que fut donné au Foyer de l'Opéra le premier concert classique, consacré aux oeuvres de Beethoven, Mozart, Weber.
---------Voici la composition de l'orchestre
---------MM. Rey, piano
---------Salvador Daniel, 1er violon
---------Van Ghèle (jeune) et Warnecke, 2è violon
---------Limbord , 1 er alto
---------Van Ghèle (aîné), 2è alto
---------Luce, violoncelle
---------Luce et Rappé, contrebasse
---------et le programme, que je tiens à reproduire in-extenso
---------1" Mozart : Deuxième quatuor en ré mineur Allegro Maestoso, Andante, Menuetto, Allegretto varié
---------2° Beethoven : Romance en sol pour violon ;
---------3° Beethoven : Sérénade, trio pour violon et violoncelle. - Introduction : Andante et presto. - Blacca, Andante
varié ;
---------4° Weber : Invitation à la valse en septuor.
---------Il est curieux de connaître le prix des places que l'on pratiquait alors
---------Abonnement aux trois séances (ce concert se divisait en trois séances réparties dans le mois) : pour une personne, 10 francs ; pour une famille de trois personnes et au-dessus, 25 francs. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Pour une seule séance : 5 francs.

---------
Parmi les exécutants, le nom de Salvador Daniel est plus connu. Ce brillant musicien, auteur d'un ouvrage des plus appréciés sur la musique arabe, élève du professeur allemand Robberechts, dirigea le Conservatoire de Paris sous la Commune. C'est de lui qu'un critique de l'époque disait fort justement qu'il jouait tour à tour, avec un habile éclectisme, sur le violon d'Allard, d'Hermann, de Sivéry, d'Ernst ou de Vieuxtemps...
---------Le nom de Luce Ben Aben est connu, lui aussi. Cet artiste de talent, bon compositeur, écrivit entre autres fantaisies locales, un quadrille ; " Dani-Dan " inspiré de motifs arabes.
---------Le deuxième concert classique eût lieu le 23 Mars 1855. On y joua
---------1 ° Mozart : Quintette pour deux violons, deux altos, deux basses Allegro, Menuetto, Adagio et Rondo ;
---------2.° Fresca : 3e trio pour piano, violon et violoncelle : Allegro, Barcarolle, Final ;
---------3° Mendelssohn : Grand quatuor : Allegro, Menuetto con sordini, Andante, Presto

*************

---------Octobre marqua les débuts de Mme Barrault et de M. Hoguet.
---------Le vaudeville, la comédie en un ou deux actes, figuraient souvent au programme : " Les deux aveugles ", de Jules Moineaux ; " Un mari qui prend du ventre " ; " On ne passe pas " ; " Un tigre du Bengale ", etc...
---------Les années suivantes 1856, 1857, 1858 qui ne présentent aucun caractère d'exception, voient les débuts de Mme Isnard ; de MM. Lécuyer, Godefroy, Viel, etc..., et sont illustrées notamment par le passage du célèbre prestidigitateur Robert Houdin.
---------Ce qu'il faut retenir de ces premières heures du Théâtre Impérial, c'est, avant tout, l'engouement du public. La salle est comble. L'enthousiasme vrai.
---------Le succès dépasse toutes les prévisions.

---------1859 ! Bertrand, Dobbels, Ramonat, Danglés, Dorici, jouent la "Reine de Chypre ", d'Halévy ; Mége, Trouffy, Ajas, jouent " Giselle ", ballet pantomime en deux actes, tiré de la tradition allemande des " Willis ".
---------Eugène Van Ghèle, chef d'orchestre du Théâtre Impérial, écrit une romance " La petite berceuse ".
---------M. Boussagnol, premier ténor du théâtre de Blidah, désirant être connu à Alger, se fait applaudir dans les trois premiers actes du " Barbier de Séville " de Rossini.
http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .On reprend " Jérusalem " de Verdi, avec Jouard et Ramonat. Le 45è de ligne joue la marche militaire du deuxième acte. A peu près dans le même temps, a lieu la première représentation de "Jocko, singe du Brésil ". Au troisième acte de ce drame, Mmes Anna Busset, Roger et Louise Busseret, dansent un " Pas de trois ". M. Ajas, qu'on juge un peu lourd, tient le rôle du singe Jocko. Un soir, par suite d'un faux pas, il perd l'équilibre et tombe sur la contrebasse.
---------Un peu plus tard, reprise des " Diamants de la couronne " d'Auber, au bénéfice de la caisse de secours mutuels des artistes.
---------Notons aussi, une première représentation du " Trouvère " de Verdi, pour laquelle les abonnements et entrées de faveur sont suspendus. M. Bertrand interprète le rôle de Manrique ; Ramonat, celui du comte de Luno ; Mlle Dorici, celui de Azucèna.
---------Le 8 Mai, l'Opéra joue le " Trouvère " en l'honneur de S. E. le Ministre de l'Algérie. Réception véritablement grandiose, au cours de laquelle on peut voir Son Excellence, ayant à son bras Mme Sarlande, femme du Maire d'Alger, gravir les escaliers d'honneur recouverts d'épais tapis, cependant que M. le Général Guès-Viller, commandant en chef les troupes de terre et de mer, M. Duprat, Directeur du Théâtre, M. le Préfet et les hauts fonctionnaires, suivent à distance protocolaire.
---------Le Maire reçoit M. le Ministre et le conduit, flambeau à la main, jusqu'à la loge municipale, où son entrée est saluée par des tonnerres d'applaudissements, terme de rigueur.
---------Dans les loges voisines ont pris place, notamment, M. Toustain du Manoir, secrétaire géné,ol du Gouvernement ; M. le Général commandant la subdivision ; M. Martin, président du Tribunal de commerce ; M. Robert, président de la Chambre de commerce, et M. Berbrugger, lieutenant-colonel de la milice, conservateur de la Bibliothèque et du Musée d'Alger.
---------Le ler Mai, la société nouvellement créée des " Artistes de l'Orchestre du Théâtre Impérial ", sous la direction de M. Van Ghèle, chef d'orchestre, donne un concert au Jardin Marengo, lieu de promenade très à la mode.
---------Retenons aussi, que le café chantant de la " Perle ", organise une " soirée extraordinaire " à" l'occasion des victoires remportées sur les Autrichiens " : chants patriotiques, choix de musique, scènes comiques, ballet féerique, etc.- Le 3 Décembre 1859 ce même établissement annonce un " Grand bal de nuit " par souscription, auquel seront admis " les militaires avec leur uniforme respectif et les civils en toilette de soirée ".
---------Le 29 Mai 1859, la représentation de " La Cornemuse du Diable " et des " Dragons de Villars " marque la fin de l'année théâtrale qui ne reprendra son activité, par suite des longs travaux de réaménagement de l'Opéra, que le samedi 10 Décembre suivant, avec " Les Mousquetaires de la Reine ", opéra-comique en trois actes de M. Saint Georges, musique d'Halévy. Dans cette pièce Mme Picquet-Wild remplissait le' rôle d'Athénaïs de Solange.
---------Au dernier jour de l'année, le 31 Décembre 1859, M. Duprat jouait " La Dame Blanche ", de Scribe et Boïeldieu. ---------http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Le ler Janvier 1860 il présentait " Les Mousquetaires de la Reine ".
---------Le répertoire des saisons qui suivirent, ne brilla certes pas par la nouveauté.
---------Les Algérois revirent " Lucie ", " La Favorite ", " Les Diamants de la Couronne ", " Fra Diavolo ", " Les Noces de Jeannette ", "Les Dragons de Villars ", " Les Mémoires du Diable ", d'Etienne Arago et Paul Vermond ; " La Fille du Régiment ", de Donizetti ; " Robert le Diable ", de Scribe et Meyerbeer ; " Les Crochets du Père Martin " ; " La Juive " ; " Les femmes terribles ", avec Andrieu, Lefèvre, Lemaréchal, Morvand ; " La fête des loups ", de Grangé ; " Le Maître de Chapelle ", " La chanoinesse ", " Lucie de Lammermoor ", etc..., etc...
---------Je n'omettrai point cependant de rappeler qu'il était courant alors, de compléter un programme d'opéra ou d'opéra-comique par un " divertissement ".
---------Ce divertissement comportait, en général, différents numéros de danse : pas de deux ; pas de la séduction ; pas de la bacchanale ; pas styrien ; pas de matelot ; la saturnale ; pas d'ensemble ; la viennoise ; le bouquet ; pas du tambourin...
---------Parmi les vedettes de la danse, il nous faut citer : MM. Négrier et Victor ; Mmes Lièvre, Richard, Bellamar, Gilo, Déternoz.

************

---------Le théâtre d'Alger connut, vers cette époque, par la fantaisie étourdissante d'un écrivain, une publicité pour le moins inattendue. Alphonse Daudet lui consacre en effet, dans " Tartarin de Tarascon ", une page caricaturale, très haute en couleur, assez inexacte quant au fond, mais qu'il serait vraiment dommage de ne point livrer au jugement du lecteur.
---------Cette page, incluse dans le chapitre neuvième, nous mène au Foyer de l'Opéra d'Alger où le héros tarasconnais retrouve le prince Grégory de Monténégro
---------" En hiver, toutes les nuits de samedi, le grand théâtre d'Alger donne son bal masqué, ni plus ni moins que l'Opéra. C'est l'éternel et insipide bal masqué de province. Peu de monde dans la salle, quelques épaves de Bullier ou du Casino, vierges folles suivant l'armée, chicards fanés, débardeurs en déroute, et cinq ou " six petites blanchisseuses mahonnaises qui se lancent, mais gardent de leur temps de vertu un vague parfum d'ail et de sauces safranées... Le vrai coup d'oeil n'est pas là. Il est au foyer, transformé pour la circonstance en salon de jeu... Une foule fiévreuse et bariolée s'y bouscule, autour des longs tapis verts : des turcos en permission misant les gros sous du prêt, des Maures marchands de la ville haute, des nègres, des Maltais, des colons de l'intérieur qui ont fait quarante lieues pour venir hasarder sur un as l'argent d'une charrue ou d'une couple de boeufs..., tous frémissants, pâles, les dents serrées, avec ce regard singulier du joueur, trouble, en biseau, devenu louche à force de fixer toujours la même carte.
---------Plus loin, ce sont les tribus de juifs algériens, jouant en famille. Les hommes ont le costume oriental hideusement agrémenté de bas bleus et de casquettes de velours.http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Les femmes, bouffies et blafardes, se tiennent toutes raides dans leurs étroits plastrons d'or... Groupée autour des tables, toute la tribu piaille, se concerte, compte sur ses doigts et joue peu. De temps en temps seulement, après de longs conciliabules, un vieux patriarche à barbe de Père éternel se détache, et va risquer le douro familial... C'est alors, tant que la partie dure, un scintillement d'yeux hébraïques tournés vers la table, terribles yeux d'aimant noir qui font frétiller les pièces d'or sur le tapis et finissent par les attirer tout doucement comme par un fil...
---------Puis des querelles, des batailles, des jurons de tous les pays, des cris fous dans toutes les langues, des couteaux qu'on dégaine, la garde qui monte, de l'argent qui manque !... "

***********

---------Alexandre Dumas fils vint à Alger le 21 Avril 1864. A cette occasion l'Opéra donna le chef-d'oeuvre du célèbre écrivain : " La Dame aux Camélias ", créé en 1852 à Paris, place de la Bourse. " Haydé " complétait le programme.
---------Soirée mémorable pour le Théâtre de Chassériau ; et qui, durant de longs mois, devait nourrir la conversation passionnée des amateurs.
---------Au foyer, durant l'entr'acte, l'auteur fut très entouré. Il arborait un large sourire et répondait avec complaisance à tous ceux qui, après l'avoir complimenté, l'interrogeaient sur ses impressions de voyage.
---------À un moment, s'approchant des fenêtres ouvertes, il contempla le spectacle magnifique d'une mer doucement argentée, qu'on apercevait entre la silhouette sombre des arbres.
---------- " Le plus beau décor que je connaisse ", dit alors le père de " La Dame aux Camélias ".
---------Au cours de l'année 1865 la Direction Campocasso donna " Don César de Bazan ", cinq actes de Demanoir et Dennery, avec Speck, Lachapardière, Boucher, Lionel, Mmes Patit, Lagarrigue ; " Le Maître de Chapelle ", de Paëz ; " Le supplice d'une femme ", d'Emile de Girardin ; " Les Noces de Jeannette ", de Massé ; " Le courrier de Lyon ", de Moreau, avec Bardou et Dubosc ; " Le songe d'une nuit d'été " ; " La Favorite ", de Donizetti, avec le ténor Gadilhe ; " Les beaux Messieurs de Bois doré ", de George Sand et Paul Meurice ; " Les Mousquetaires de la Reine ", avec le ténor Coulomyés qui obtint beaucoup de succès et dont la mort brutale survint peu de jours après.
---------Le 10 Mai, l'Empereur Napoléon III assistait à une représentation de " Rigoletto " donnée par une troupe italienne.

 

----------1866 vit figurer sur l'affiche : " Héloïse et Abélard " ; " Les Diamants de la Couronne ", d'Auber, avec Mlle Beaudier, première chanteuse qui, pour me servir de l'expression consacrée et expressive, " fit courir tout Alger " ; " Le Trouvère " ; " Le Barbier de Séville " ; " La Dame Blanche ", de Boïeldieu, avec Bruneau, Rupert, Mmes Labat, Quesnet, Guille ; " Les Vieux Garçons ", comédie en cinq actes de Victorien Sardou, avec Beysson, La Chapardière, Mme Potel ; " Faust ", de Carré et Gounod ; " Latude ou trente-cinq ans de captivité " ; " La Papillonne ", de Victorien Sardou ; " Nos bons Villageois ", du même auteur ; " Le mangeur de fer ", de Plouvier ; " La Vie de Bohême ", de Murger, avec Mme Potel ; " Cartouche le bandit, ou les nuits de Paris en 1721 " ; " Les Précieuses ridicules " ; " Si j'étais Roi ", de Dennery et Brésil, musique d'Adam ; " La Fille du Régiment " ; " La Mendiante ", drame en cinq actes, " ayant obtenu le prix de moralité de 10.000 francs ", sans doute parce qu'il tirait sa substance d'un très classique adultère.
---------Le Vendredi 16 Mars 1866, le théâtre concert de la Perle donnait une soirée exceptionnelle à l'occasion de l'anniversaire de la naissance du prince impérial. Une cantate, composée par M. Mickréditz, Directeur, fut chantée par toute la troupe, après que les spectateurs eurent écouté debout, l'air national de " La Reine Hortense ". J'ajoute que les " assistants " reçurent à l'entr'acte, un exemplaire de la cantate de M. Mickréditz .

---------
Le 20 Mai 1866, M. Streleski, Directeur du théâtre Malakoff, ancien régisseur du Théâtre Impérial, ouvrait au Château des Fleurs, sur la route de Saint-Eugène, pour les quatre mois d'été, une salle de spectacle de dix-huit loges tonnelles, douze loges ordinaires, cent cinquante fauteuils d'orchestre et cent cinquante fauteuils de première.
---------Au tableau de la troupe, publié dans les premiers jours du mois de Juin 1866, figuraient notamment pour l'opérette, la comédie et le vaudeville : MM. Delahaz, premier ténor ; http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Achille, ténor comique ; Rupert, laruette ; Mmes Blanche Callichet, première dugazon ; Jacobs Mestrasse, duègne.
---------M. Eugène Van Ghèle dirigeait l'orchestre.
---------Le prix des places était ainsi fixé
---------Loges tonnelles de 4 places.. 5 fr. 00
---------Fauteuils . .............. 2 fr. 00
---------Premières . .............. 1 fr. 50
---------Secondes . .............. 1 fr. 10
---------Troisièmes . .............. 0 fr. 60

---------Au répertoire : " Mam'zelle j'ordonne " ; " La Bernoise ", pas de deux dansé par M. et Mme Monso ; " Tambour battant " ; " Risette " ; " Le piano de Berthe " ; " La fille de l'Epicière " ; " Le Bourreau des Crânes " ; " La tour de Nesle ".
---------À la même époque, la " Perle " jouait au bénéfice des cultivateurs victimes de l'invasion désastreuse des sauterelles, une opérette bouffe " Trom-el-Cazar, ou les criminels dramatiques ".

---------
C'est le 3 Juillet 1866 que les tréteaux du Théâtre Impérial se prétèrent à un genre de spectacle inédit, organisé par la " Compagnie Mime et plastique ", de Paris.
Voici les " tableaux vivants " que les Algérois purent voir à cette occasion
---------l ° Le triomphe de Galathée, tableau mythologique (composition de Mme Farriol) ;
---------2° Bataille et Victoire des Amazones sur le pont de Troie, tableau historique composé par Master Farriol ;
---------3° La pluie d'or, grand tableau fantastique, avec illumination de feux, composé par Mme Farriol ;
---------4° La faim, tableau mimique, historique, présenté par la famille Farriol, copie d'un tableau du Musée de Boston ;
---------5° Ariane et Bacchus, grand tableau bacchanal, composé par Master Farriol ;
---------6° Descente de Croix, grand tableau sacré, copie de Rubens ;
---------7° Grand tableau national, dédié aux dames d'Alger.
Master Farriol et sa famille surent parfaitement captiver et ravir leur public.

---------
1867 marqua pour le Théâtre Algérois, alors dirigé par M. J.-H. Vochot, une grande activité. On y joua notamment .: " Lucrèce Borgia ", drame en trois parties et cinq actes de Victor Hugo ; " Charles VI ", grand opéra en cinq actes, musique d'Halévy, paroles de Casimir et Germain Delavigne ; " Les Dragons de Villars ", où triomphait Juliette Borghèse dans le rôle de Rose Friquet. Cette artiste que chacun s'accordait à trouver admirable, chanta à l'Opéra de Paris, au Théâtre Lyrique, à la Monnaie de Bruxelles, à la Scala de Milan où elle fit impression.
---------Un jeune peintre Algérois, M. Marquette, brossa de Juliette Borghèse un agréable portrait qui orna, un moment, sa loge particulière.
---------Mais revenons à nos programmes de l'an de grâce 1867, et n'omettons pas : " La Périchole " ; " Orphée aux enfers ", d'Offenbach ; " L'Eclair ", d'Halévy ; " Notre Dame de Paris " ; " Maison neuve ", de Victorien Sardou, avec Molina, Krause, Livry, Capelly, Mmes Daubrun, Hatton, Guille ; " Hernani ", avec Boursier, Prietz, Chevrier, Mmes Leroux, Borel, Bourdais ; " Le Roi d'Yvetot ", d'Edmond Adam, avec Alphonse Martin et Mme Lestrade.
---------Le 12 Décembre eut lieu le grand concert vocal et instrumental, donné par Mme Maria Viguier, pianiste des concerts de Paris, avec le concours des artistes du Théâtre Impérial : MM. Vinay, Scotto, Lionne[, Froment ; Mmes Laurent, Vinay et Lestrade.
---------Mme Lestrade était une belle artiste, aimée du public qui ne lui ménageait pas les manifestations de son enthousiasme, notamment quand elle interprétait le rôle de Jeanneton dans " Le Roi d'Yvetot ", ou bien les rôles de Raphaëla dans " Haydée ", de Rita dans " Tampa ", de Jenny dans " La Dame Blanche ".
---------M. Henri de Saint Hilaire, chroniqueur du " Bavard ", a dédié quelques vers à cette charmante jeune femme
---------De celle qui sait nous charmer
---------Dès que sa douce voix prélude,
---------De celle qui se fait aimer
---------Dans Jeanneton, Berthe ou Gertrude...

---------Des vers détestables d'ailleurs...

---------
Janvier 1868 vit, sous la Direction Jourdan, une première représentation de " Barbe Bleue ", opéra-bouffe de Henri Meilhac et Ludovic Halévy, musique d'Offenbach. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Au cours des mois qui suivirent on joua : " La Norma ", de Monnier, musique de Bellini, avec Mme Vinay, une artiste ravissante dont tous les Algérois parlaient avec admiration ; " Les Revenants ", opéra écrit par un Algérien, M. Paréra. Ajoutons que cet opéra n'obtint qu'un succès tout relatif, et qu'il dut être retiré avant sa deuxième représentation. Une revue épisodique en quatre actes et cinq tableaux : " Alger et ses Fortunes ", de MM. T... et D..., connut une carrière aussi brève.
---------De 1869 à 1870 nous retrouvons au répertoire : " Lucie de Lammermoor ", avec le ténor Gazeau ; " La Norma ", débuts du père noble Ulric et du jeune premier Fournier ; " La Consigne est de ronfler ", vaudeville en un acte de Thiboust, qui, avec " Brouillés depuis Wagram ", le " Conseil de Révision ", " Monsieur Choufleuri " et tant d'autres, sont encore joués de nos jours et n'en amusent pas moins. Nous retrouvons également " Don César de Bazan " ; " Patrie ", drame en cinq actes de Victorien Sardou, avec Daussy, Fournier, Dalis, Gisbert, Mmes Doussy, Beysson, etc... ; " Robert le Diable " ; " Les Huguenots ", de Meyerbeer ; " La Vie Parisienne ", d'Offenbach ; " Le Prophète " ; " Monte-Cristo " ; " La Reine Crinoline ou le Royaume des femmes " ; " La Mauresque mystérieuse ", opérette inédite en un acte, par M. X..., un algérois bien entendu, qui ne manqua pas, par voie d'affiches, de soigner sa publicité :"
---------On y entendra des chants arabes...
---------On y verra des costumes arabes...

---------On y entendit surtout des coups de sifflet, car " La Mauresque Mystérieuse " n'eut pas l'heur de plaire.
---------Il est juste de dire que le public algérois, tout comme la presse, étaient alors peu commodes et ignoraient l'indulgence. Ce qui, peut-être, n'est pas un mal...

**********

---------Il fut une époque, pas bien éloignée de nous, où une Commission, nommée par le Préfet, avait le privilège de choisir les artistes, sous réserve il est vrai, de ne pas soulever de protestations dans le groupe omnipotent des abonnés.
---------Ainsi, le premier mois de la saison était à peu près entièrement consacré aux débuts des candidats, qui pouvaient, assez invraisemblable que cela puisse paraître, interpréter devant leurs juges trois rôles de leur choix. Ce qui, très régulièrement, amenait sur l'affiche : " La Favorite ", " Le Barbier de Séville ", " Faust ", " Si j'étais Roi "..., autant de livrets bien connus des acteurs, pour lesquels ils étaient d'une assez grande facilité d'interprétation.
---------Cette astuce, si elle déterminait souvent l'admission de celui qui en usait, ne lui épargnait point, par la suite, au moment de nouvelles épreuves, de cuisantes humiliations.
---------Ces soirées, au cours desquelles on ruinait souvent la réputation d'excellents sujets, faute de les mieux connaître ou de les apprécier plus justement, ces soirées, dis-je, étaient parfois orageuses.

-------On y sifflait, on y applaudissait, on y hurlait, souvent pour le plaisir de siffler, d'applaudir, de hurler.
---------Le parti pris, les préjugés, le simple et coupable besoin de faire de l'obstruction systématique, n'étaient pas étrangers à ces attitudes si diverses.
---------Les juges impartiaux, ceux-là même qui auraient pu dicter une sentence judicieuse, se trouvaient annihilés par ces débordements inopportuns et un tant soit peu ridicules.
http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Il fut des soirs où l'on en vint aux mains et où la Direction dut faire évacuer la salle.
---------La caricature, toujours à l'affût, ne laissait jamais passer aussi délectable occasion et ne manquait pas d'en tirer profit. Je connais, à ce sujet, certaines lithographies très amusantes, sinon très spirituelles, qui stigmatisaient ces formalités de débuts, injustes, exaspérantes et parfaitement inutiles.
---------Certains journaux tels que " Le Lorgnon ", s'étaient aussi attachés dès 1869 à démontrer les inconvénients de ce procédé peu recommandable.
---------Une lettre d'artiste, que j'ai pu retrouver, est, à ce sujet, des plus significatives. Je ne puis manquer d'en reproduire le texte. Il se passe de tout commentaire

---------ALGER, 29 Octobre 1 869
---------Madame Cyriali à Monsieur le Directeur du Théâtre d'Alger,
---------" Quoique souffrante et fortement éprouvée par le climat, j'ai accepté sans observation les débuts qu'il vous a plu de me désigner et je m'étais fait une loi de n'opposer aucune réponse à des insertions inspirées par un sentiment dont je ne veux pas rechercher l'origine.
---------Mais en présence de la manifestation dont j'ai été l'objet de la part d'un grand nombre d'abonnés et de spectateurs, c'est pour moi un devoir de sortir de la réserve que je m'étais imposée.
---------Il a été dit que je redoutais l'épreuve d'un quatrième début.
---------Il a été écrit que je ne pouvais aborder un certain nombre de rôles de mon emploi.
---------Vous n'ignorez, Monsieur, que je suis prête à jouer au premier avis, l'une quelconque des pièces de mon répertoire et vous savez s'il est complet.
---------Je suis prête notamment à chanter immédiatement, même sans répétition, tous les rôles que l'on a cités comme devant être particulièrement redoutés par moi, c'est-à-dire : Faust, Les Huguenots, Galathée, Les Diamants de la Couronne, La Fille du Régiment, et à subir une quatrième épreuve dans cette dernière pièce que je choisis de préférence, parce qu'on l'a désignée comme devant être complètement inabordable pour moi.
---------Je pense, Monsieur, que ce sera le meilleur moyen de donner la véritable mesure de ce dont je suis capable et de légitimer les généreuses sympathies que j'ai eu le bonheur de rencontrer et dont j'ai été si profondément touchée ".

---------Mme Cyriali obtint à ce quatrième début une majorité de soixante-quatorze voix sur neuf cent dix votants.
---------Et même, à quelque temps de là, on lui offrit sur scène, au deuxième acte de " L'Africaine ", une très belle parure de style berbère, en hommage d'admiration...
---------Coutume exquise.
---------Mme L'Héritier, forte chanteuse, recevant à cette même occasion, mais au premier acte, une paire de boucles d'oreilles offerte par les abonnés du Théâtre, ne put contenir son émotion et perdit connaissance.
---------De méchantes langues prétendirent ne point s'étonner de la chose, connaissant en Mme L'Héritier une brillante tragédienne...
---------J'ai retrouvé encore, en feuilletant de vieux papiers - en ai-je feuilleté de vieux papiers ! - un avis daté du 15 Octobre 1870, signé du Directeur de l'Opéra, M. Ch. Alméras appelé depuis 1869 à remplacer M. Jourdan. Cet avis concerne la mise en adjudication par enchères publiques des loges et baignoires de la salle, pour une période n'excédant pas quatre exercices.
---------Beaucoup de curieux assistaient aux opérations, qui se déroulaient, en plein tumulte, dans le Grand Foyer.
---------Je pense que l' " Avis " de M. Alméras vaut d'être reproduit dans ces pages, où je me suis efforcé de réunir tout ce qui, de près ou de loin, touchait à l'histoire, à la vie, de notre Opéra

Théâtre Impérial d'Alger

AVIS

---------Le Directeur du théâtre irrîpérial d'Alger pour les exercices 1870, 71, 1871-72, 1872-73, 1873-74, a l'honneur d'informer le public que, conformément aux paragraphes 4, 5 et 6 du cahier des charges, approuvé par le Conseil Municipal dans sa séance du 3 révrier 1870, sanctionné par l'autorité préfectorale, et en vertu d'une délibération prise le 11 Avril par le dit Conseil.
---------Il sera procédé le Lundi 25 Avril 1870 à cinq heures précises du soir, dans la salle du foyer du théâtre impérial, par les soins du Directeur, l'entremise d'un notaire et en présence de M. le Commissaire de police, délégué à cet effet.
---------À l'adjudication aux enchères publiques, de toutes les Loges et Baignoires à l'exception de celles réservées par l'article 7 du cahier des charges et celles affectées à la location journalière.

---------Durant la guerre de 1870-1871, tout au moins au cours des premiers mois, l'exploitation du Théâtre Impérial, que les circonstances allaient bientôt transformer en Théâtre National, connut de nombreuses difficultés.
---------D'aucuns s'opposaient à son ouverture, d'autres avançaient avec juste raison, qu'ils considéraient le Théâtre comme une exploitation commerciale venant alimenter deux caisses : celle du bureau de bienfaisance et celle d'un nombreux personnel d'artistes, musiciens, choristes, figurants et aussi employés, sans compter, couturières, tailleurs, chapeliers, automédons, etc...
---------Ces derniers arguments prévalurent il est vrai. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .D'autant, que les pétitions affluèrent, et que MM. de Gineste et Alcay, concessionnaires des Loges et Baignoires, firent connaître leur intention de verser à l'ceuvre des blessés militaires, le montant de leurs revenus pour une année.
Beaucoup d'abonnés écrivirent au Directeur, M. Alméras, pour l'inciter à ouvrir les portes de sa maison. L'un d'eux s'exprime en ces termes

---------Vous devriez M. Alméras, donner pendant un mois, terme fini pour l'anéantissement des prussiens, donner l'autorisation de jouer aux conditions suivantes :
---------Deux représentations par semaine, l'une le jeudi et l'autre le Dimanche, la première, frais levés, au bénéfice des blessés de l'armée ; la deuxième au bénéfice des artistes.
---------La ville pendant le laps de temps indiqué ne percevrait aucun droit sur les recettes effectuées, de son côté le Directeur ne pourrait exiger le montant de sa subvention. Bien entendu que les principaux artistes n'auraient droit de la part du Directeur qu'au prorata des recettes réalisées.
---------Le mois de novembre écoulé, tout étant rentré dans l'ordre, car la France sera victorieuse grâce à la valeur de nos armées, le Directeur commencera son année théâtrale qui aura une durée de 6 mois, et il jouira de sa subvention ".


---------L'ouverture eut lieu le 13 Septembre 1870. L'affluence fut considérable. On jouait " Guillaume Tell " avec Mmes Despoitier et Nec ; MM. Colin, ténor ; Horel, baryton ; Justin Née, ténor léger et Tasson, première basse.
---------La " Marseillaise ", qui figurait au programme, fut chantée par Mme Acs, première forte chanteuse.
---------À l'entr'acte, une quête au profit des blessés, rapporta près de trois cents francs.
---------M. Alméras fit représenter par la suite : " La Fille du Régiment ", " Les Mousquetaires ", " La Dame Blanche ", etc...

*************

--------