-AVANT-PROPOS
pages 7 à 11
------L'histoire
du Vieil Alger, qu'un comité local s'attache à mettre en
lumière, est pleine de souvenirs et d'enseignements. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis
.Souvenirs de la plus haute antiquité et des temps barbaresques,
et, plus près de nous, souvenirs et enseignements de la conquête
et des premières années de l'occupation française
; souvenirs souvent glorieux, quelquefois tristes ; enseignements toujours
précieux dont il faut nous inspirer pour que uvre grandiose
réalisée dans ce Pays par la France puisse se continuer
et grandir, malgré les obstacles et les angoisses de l'heure présente.
-------Et
voici précisément une page d'histoire qu'un auteur algérien,
dont le labeur acharné s'est penché, à défaut
d'archives, sur une documentation éparse dans toutes les bibliothèques,
nous présente aujourd'hui, pour nous rappeler comment se sont concrétisées,
au lendemain de l'occupation, les premières manifestations de l'art
français en Algérie.
-------C'est
M. Fernand Arnaudiès, critique littéraire et artistique,
biographe d'artistes célèbres comme Etienne Dinet, Jules
Van Biesbroeck, Eugène Deshayes, qui a bien voulu, sur ma demande,
se charger d'écrire l'histoire du Théâtre Municipal
d'Alger où se sont passées ces manifestations et qui est
resté, jusqu'à nos jours, le temple de l'art lyrique et
de la pensée française.
-------Est-il
réellement besoin de présenter ce livre ? http://perso.
wanadoo.fr/bernard.venis .Ne se présente-t-il pas, lui-même,
de par le soin qu'ont mis l'auteur et l'éditeur à lui donner
un caractère essentiellement artistique et documentaire
(1: Avec l'éditeur, le Maire d'Alger se fait un plaisir de féliciter
la " PhotoHéliogravure Algérienne " dont les Directeurs
et le réalisateur, M. Pierre Oxenaar, sont de véritables
artistes techniciens. Il suffira au lecteur de regarder le magnifique
hors-texte en trois couleurs d'Émile Aubry et les reproductions
photographiques qui illustrent ce bel ouvrage, pour s'associer à
l'hommage que je rends à cette industrie algérienne.)
qui permet au lecteur, en tournant ses feuillets, d'éprouver une
douce satisfaction intellectuelle et un véritable régal
des yeux ?
-------Mais,
le Maire d'Alger a le devoir de souligner ce que renferme d'originalité
cette chronique locale où, depuis 1830 à nos jours, les
événements défilent comme dans un kaléidoscope
plein de charme et d'intérêt.
-------Comment
le lecteur ne serait-il pas séduit, aujourd'hui surtout que nos
regards se reportent volontiers sur le passé, par cette description
pittoresque de la Djenina qui formait, avec le " dar et sultan
et Khedima " et de très beaux palais, le quartier des
grands seigneurs arabes, où l'on décida, après des
tâtonnements et des discussions interminables, d'édifier
l'Opéra.
-------Frédéric
Chassériau fut chargé de cette construction. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis
.Tout le monde sait, à Alger, que ce grand architecte dont uvre
fut considérable construisit aussi les magnifiques voûtes
et les façades monumentales du boulevard de l'Impératrice,
devenu par la suite le boulevard de la République et qui porte
aujourd'hui le nom de l'illustre et noble soldat qui a pris en mains les
destinées de la France, le Maréchal Pétain.
-------En
1853, le Théâtre Impérial ouvrait ses portes devant
le Maréchal Comte Randon, Gouverneur Général de l'Algérie,
accompagné des plus hautes autorités.
-------Quelques
années après, ce fut la réception grandiose, émouvante,
faite dans un faste inouï à Napoléon III, entouré
du Maréchal Randon, des hauts dignitaires, des officiers généraux
et des grands chefs indigènes, dont les riches costumes et la rare
élégance firent l'admiration des milliers de curieux massés
sur les terre-pleins qui forment le square Bresson, pour acclamer l'Empereur
et sa suite.
-------Mais,
voici qu'en 1882, un incendie détruisit la majeure partie des aménagements
intérieurs du théâtre. L'architecte Oudot, chargé
de la restauration avec M. Portier, adjoint au Maire, ne mit que 8 mois
pour le remettre en état. Quel record ! http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis
.Lorsque je pense à toutes les difficultés rencontrées
dans la réfection actuelle, je suis rempli d'admiration pour le
Conseil Municipal qui ne marchanda, ni à son adjoint ni à
l'architecte, son appui moral et son aide matérielle.
-------Je
dois avouer que le souvenir de cette catastrophe m'a hanté lorsque
j'ai pris possession de mon mandat en 1935. Nous avons trouvé une
scène avec tous ses appareils dans un état de vétusté
inimaginable. Plus de cinquante années passées sur les boiseries
desséchées, vermoulues, en avaient fait une sorte de foyer
prêt à s'enflammer à la moindre étincelle jaillissant
des canalisations électriques. Je l'ai dit bien souvent pour dépeindre
d'un mot le danger que nous redoutions : nos artistes jouaient "
sur une boîte d'allumettes "
d'où la pire des catastrophes pouvait surgir à la faveur
d'une imprudence ou d'un court circuit.
-------C'est
à la suite de discussions, pour le moins aussi nombreuses et aussi
animées qu'en 1850, que la municipalité décida, sur
ma proposition, une restauration complète du théâtre
d'Oudot et de Chassériau. Mise au
concours, cette restauration fut confiée à MM.
Taphoureau et Guermonprez d'Alger. Quand on songe aux difficultés
de la tâche complexe et délicate entreprise par ces architectes
de talent, on ne trouvera certainement pas excessif que je leur adresse
ici mes remerciements et mes chaleureuses félicitations pour la
réalisation de cette uvre. Elle leur fait honneur, comme
elle fait aussi honneur aux ingénieurs, aux grands et petits artisans
qui l'ont exécutée sous leur direction avisée, ainsi
qu'aux modestes ouvriers qui ont prouvé que la Cité dispose
d'une main-d'oeuvre consciencieuse et experte. Qu'ils reçoivent
tous l'expression affectueuse de ma vive gratitude.
-------Je
tiens à associer à mon hommage et à mes remerciements
émus le Colonel Richier, 1 °'
adjoint, la commission des grands travaux et celle du théâtre,
l'Ingénieur en chef de la Ville et ses collaborateurs qui n'ont
cessé de seconder les architectes et les entrepreneurs, tout en
veillant avec un soin jaloux à la parfaite exécution des
travaux.
-------Ai-je
besoin de souligner la caractéristique du nouveau théâtre
? http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Chacun peut voir que les conceptions
architecturales, la décoration, l'ameublement, tout en un mot,
fut conçu et exécuté avec la volonté bien
déterminée de donner à l'Opéra de la capitale
algérienne le cachet d'élégance que doit avoir le
temple de l'art lyrique et de la pensée française. C'est
ainsi qu'en dehors de la savante technicité qui présida
à l'agencement du mécanisme de scène, à la
conception des lignes et des courbes elliptiques si gracieuses de la salle,
le péristyle et le grand hall d'entrée, les escaliers aux
rampes de métal, les dégagements et surtout le foyer furent
l'objet des soins les plus attentifs des hommes de l'art.
-------J'aurais
certes mauvaise grâce à démarquer la savante description
qu'en fait M. Arnaudiès dans son dernier chapitre où il
fait ressortir l'admirable symphonie qui règne entre l'architecture
et les décors somptueux, quoique d'une simplicité voulue,
du foyer complètement rénové.
-------Le
foyer ! C'est là que s'étale dans toute sa splendeur le
magnifique tableau d'Emile Aubry, membre de l'Institut, véritable
chef oeuvre dont l'éminent artiste, arrivé à l'apogée
de sa carrière, a tenu à doter la capitale algérienne.
Combien il m'est agréable de le remercier d'avoir répondu
à mon appel !
**
-------En lisant
le livre de M. Arnaudiès et la belle préface que lui a consacré
le Docteur Gauthier " avec une nuance de
mélancolie et de regret du passé " je songeais
que par une fatalité du sort, l'inauguration du nouvel Opéra
avait eu lieu en un des moments les plus tristes de notre histoire. Et
j'aurais été pris d'un doute sur l'utilité de uvre
accomplie, malgré le succès incontestable qu'elle a trouvé
auprès du public, s'il ne m'était revenu à l'esprit
les conseils que donnait H. Taine à l'illustre écrivain
George Sand dans la charmante lettre qu'il lui écrivait le 30 mars
1872 (2: Une
correspondance inédite de George Sand et H. Taine. - (" Revue
des Deux Mondes ", 15 janvier 1933, p. 345 .), c'est-à-dire
quelque temps après notre défaite, pour la supplier "
d'écrire une pièce dont les
personnages soient nobles ou au moins généreux
"
-------"
Notre théâtre, lui disait-il,
est une des dernières
gloires qui nous restent ; il est le premier en Europe, ou plutôt
il n'y en a pas d'autre. D'ailleurs, c'est par là qu'on nous juge
: voyez le mal que nous ont fait les bouffonneries des petits théâtres,
les féeries, même les comédies excellentes d'Augier
et de Dumas ;on en a conclu que nous étions des polissons et des
pourris et que nos personnages en vogue étaient des filous, des
femmes infidèles et des lorettes. Et ce qu'il y a de vrai, c'est
que le ton de notre littérature s'est altéré. Nous
avons été réalistes à
outrance ; nous avons insisté avec excès sur la partie animale
de l'homme et sur l'endroit gâté de la société...
"
-------Ah
! si notre Opéra pouvait, maintenant qu'il a reçu du sang
nouveau, servir à la rénovation de l'esprit et des moeurs
que le grand philosophe souhaitait en 1872, nous serions bien payés
de la peine que nous nous sommes donnée pour le faire revivre.
A. ROZIS
Directeur honoraire
du Gouvernement Général de l'Algérie,
Maire d'Alger.
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PRÉFACE pages
13 à 15
------M.
Arnaudiès a réalisé un tour de force, un véritable
travail de bénédictin, en écrivant une histoire du
théâtre à Alger. C'est un devoir de l'en féliciter
sans réserve. On ne peut imaginer la peine, les recherches difficiles,
minutieuses et patientes qu'il a fallu pour réunir des documents
épars, pour terminer un ensemble dont l'intérêt n'échappera
pas aux amateurs passionnés des temps passés, à ceux
qui s'attachent aux souvenirs de l'Alger d'autrefois.
------M. Arnaudiès
a fort bien réussi dans l'accomplissement de cette tâche
ardue. Il a comblé une lacune dans notre histoire locale. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis
.Il faut lui en être reconnaissant.
------Le présent
ouvrage aurait peut-être dû trouver sa place parmi les ouvrages
publiés au moment de la célébration du Centenaire
de l'Algérie. Il est probable que personne n'avait songé
à l'écrire ; la vie théâtrale à Alger,
semble-t-il, avait paru comme fort secondaire, de minime importance, ou
même inutile.
Pourtant dès le début de notre arrivée ici dans cette
ville barbaresque encore toute pleine de l'influence turque, les distractions,
le théâtre, apparurent comme une nécessité.
Les chefs militaires de l'époque s'en inquiétèrent.
Les premières représentations théâtrales furent,
certainement, le délassement des soldats, le repos des colons et
en quelque sorte le trait d'union entre la Métropole et la "
Colonie d'Afrique ". En fréquentant les salles de spectacle
très modestement organisées, improvisées à
la hâte, les nouveaux habitants d'Alger, venus à la suite
de l'Armée, devaient se sentir moins dépaysés, moins
isolés, en une contrée qui leur apparaissait alors comme
lointaine et barbare.
------En lisant
ces pages, on se trouve dans l'atmosphère ancienne de notre cité,
qui se métamorphose avec une extrême rapidité. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis
.Les anciens Algérois, ou tout simplement " les vieux
", assistent avec regret aux démolitions, aux constantes transformations
que subit la ville de leur enfance ou de leurs jeunes années. L'hygiène,
l'ajustement à la moderne, l'impitoyable progrès imposent
un cadre plus nouveau, plus somptueux où on ne retrouve plus les
souvenirs d'antan, ces bons souvenirs d'une cité où tout
était pittoresque et charme inédit.
------Notre
théâtre de la place Bresson a lui aussi, depuis sa construction,
connu plus d'un changement et vient d'être totalement modifié,
refait de fond en comble dans son intérieur.
http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Heureuse réfection. Certes
tout est plus beau, plus confortable, plus à " la page
" que naguère, cependant on ne peut s'empêcher d'éprouver
une nuance de mélancolie, en ne retrouvant plus cette salle qui
n'était pas si laide où évoluèrent et un public,
et des artistes chers à nos souvenirs ; où se déroulèrent
maintes oeuvres théâtrales (bien surannées aujourd'hui,
elles aussi) pour lesquelles, nous nous sommes passionnés. Où
sont les vieux abonnés du parterre disparu ?
------Ils
connaissaient le " répertoire " sur le
bout du doigt ; de 1870 à 1900, ils n'avaient pas manqué
une représentation, ils avaient gardé la mémoire
des noms de tous les acteurs qui avaient paru durant cette période,
ils les comparaient les uns aux autres, décourageant les nouveaux,
avec le souvenir des anciens. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .C'était
le bon temps.
------L'abus
des sports violents n'avait pas encore détourné des hautes
galeries, un public au savoureux langage, aux véhémentes
appréciations, aux pittoresques exclamations (souvent quelque peu
bruyantes et tapageuses) public qui s'éprenait de la musique des
vieux opéras, qui acclamait avec force et enthousiasme, l'ut de
poitrine du fort ténor, les vocalises ardues de la chanteuse légère,
ou les " pointes " savantes des ballerines.
------Le théâtre
a connu à Alger des périodes extrêmement brillantes.
Ce fut l'âge d'or. Lisez les " Éphémérides
" de l'ouvrage de M. Arnaudiès, vous serez renseignés,
et vous vous rendrez compte de la place que les spectacles divers ont
tenu dans la vie Algéroise de naguère.
------En parcourant
ces pages d'histoire " les vieux " oubliant les misères
du présent retrouveront, évoqueront des radieuses 'figures
de jeunesse, aujourd'hui flétries, ou disparues pour la plupart.
Docteur Fernand GAUTH
I ER.
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