---------Malgré
ses qualités réelles, malgré certains agréments
de ses multiples aspects, malgré tout le plaisir que nous avions,
les uns et les autres, à retrouver, au début de chaque saison,
cette même ambiance familière, l'Opéra de Chassériau-Oudot,
parfaitement conçu à l'origine, ne répondait plus
aux nécessités actuelles.
---------Il
devenait urgent d'en corriger les imperfections. La recherche du confort
ne posait pas, seule, les données du problème ; il y avait
aussi la recherche d'une sécurité indispensable, rendue
précaire par la vétusté des diverses installations.
---------Il
fallait remanier la vieille maison. Il fallait lui donner un visage nouveau,
l'adapter aux exigences du moment.
---------Ce
fut l'oeuvre de la Municipalité Rozis.
La conception de M. Rozis, Maire d'Alger, devait retenir l'attention et
s'imposer par son originalité, sa possibilité de réalisation.
---------Aussi,
la grande majorité du Conseil Municipal l'accueillit-elle avec
une compréhension qui l'honore.
---------Mais
il faut bien le dire, au cours de l'exécution des travaux -- qui
durèrent plus de deux ans - des difficultés inouïes
surgirent, engendrées par certains changements intervenus au sein
de l'Assemblée.
---------Cependant,
M. Rozis triompha. Il triompha, parce qu'il a une haute conception du
rôle que doit jouer la grande cité africaine, dans la diffusion
de cette pensée française dont le " Théâtre
" demeure une magnifique expression. Il triompha, parce qu'il est
terriblement tenace et que rien ne l'arrête quand il a la conviction
de travailler pour le bien de tous.
---------Il
suffirait au curieux de compulser les délibérations de 1938
- 1939 du Conseil Municipal, pour se rendre vraiment compte de l'énergie,
de l'esprit de suite, qu'il fallut au premier magistrat de notre ville
pour imposer son idée.
---------Des
oppositions de toute sorte se firent jour sur cette question. Elles se
manifestèrent parfois avec une rare violence ; mais elles ne furent
en somme qu'un obstacle passager.
*********
---------Le projet
fut mis au concours entre tous les architectes français : pour
cette joute de grand style les concurrents furent nombreux, mais la palme
revint à deux architectes algérois, MM. Raymond Taphoureau
et Emmanuel Guermonprez.
---------Je
n'ai certes pas l'intention de m'attarder ici sur les multiples études
exigées par l'élaboration du projet définitif conçu
dans un remarquable esprit de logique, de simplicité et de rigoureuse
méthode.
---------L'exécution
des travaux fut entreprise le 3 Avril 1937 et poursuivie sous la haute
direction et le contrôle de M. le Colonel Richier, premier adjoint,
Président de la Commission des Grands Travaux ; de M. Molbert,
Ingénieur en chef ; de M. Regeste, architecte-inspecteur et de
leurs collaborateurs.
Elle fut terminée le 17 Décembre 1939.
* **
---------Par un
discret hommage rendu à l'oeuvre d'ailleurs remarquable de Chassériau,
l'aspect du théâtre primitif a été, autant
que possible, très ingénieusement conservé : c'est
-à- dire que les éléments nouveaux de l'architecture
s'y conjuguent agréablement avec les nostalgiques évocations
du siècle dernier.
---------Nous
le constatons dès l'entrée, dans ce hall esthétique,
d'une sobriété voulue, où l'ébénisterie
de bois précieux aux lignes châtiées tranche, sans
affecter l'oeil, avec le jeu splendide des cinq lustres de verre vénitien.
---------Nous
le constatons encore en embrassant d'un regard, à droite et à
gauche du péristyle, l'éloignement souple des circulations
et la naissance des grands escaliers de marbre blanc.
---------Nous
le constatons enfin et surtout lorsque, partant du grand foyer pour gagner
la salle, nous passons, par transitions savantes et méditées,
par recoupements habiles, d'une époque à une autre, d'une
image à une autre.
---------Avec
ses larges et hautes fenêtres cintrées, ses tentures rouges
et ses fauteuils de style, avec ses magnifiques lustres aux transparences
joliment irisées, ce grand Foyer garde encore l'expression raffinée
du luxe intime, qui fleurit sous le second Empire.
---------La
couleur des enduits est douce, harmonieuse. Aussi bien, retrouverons-nous,
partout, cette harmonie de tons aux dominantes subtiles d'or et de noir,
d'ocre et de rouge.
---------Auguste
Harzic, ancien pensionnaire de la Casa Vélasquez, a été
chargé de la décoration murale du Foyer. Il s'est acquitté
de sa tâche avec beaucoup de goût. Les éléments
dont il s'est servi sont d'une agréable originalité et d'une
gracieuse fantaisie.
---------Tirés,
semble-t-il, des fameuses singeries louisquinziennes, mêlant le
charme vénitien au charme persan, ces éléments s'inscrivent
sur le fond clair du revêtement, en motifs floraux ou animaliers,
en volutes et en rubans. C'est une floraison colorée aux tons majeurs
: brun, bleu et vert, que strient des rehauts d'or. La licorne et l'oiseau,
le violon et la mandoline, la corne d'abondance et la lyre, concourent
ici à une composition très sûre et charmante, d'une
inspiration curieuse.
***
---------Dans la
grande galerie d'accès, où aboutissent les deux escaliers
aux rampes de métal façonnées par le maître
ferronnier Raymond Sube, l'ornement est plus simple. Il accueille moins
les réminiscences. Il s'allège. Une seule concession au
vieux style : les appliques en verre de Venise.
Point de lustres ; mais un éclairage indirect, dissimulé
dans un plafonnement à caissons.
---------Mêmes
tons. Mêmes rideaux pourpres. Même symphonie.
---------Mais
c'est là, dans cette galerie qui deviendra célèbre,
que se trouve, face au grand Foyer, le panneau d'Emile Aubry, Membre de
l'Institut.
---------M.
Rozis eut le grand mérite de confier à l'auteur des "
Temps Héroïques ", à l'auteur de la " Naissance
de Vénus ", du " Jugement de Paris ", de la "
Voix de Pan ", du " Jardin des Hespérides ", du
" Calvaire ", au peintre inoubliable de " l'Hommage aux
morts de la guerre ", la décoration principale de l'Opéra.
---------Il
est heureux en effet, qu'un homme de goût ait tenu ainsi à
attacher le nom d'un grand artiste algérien, à une réalisation
algérienne de premier plan.
---------J'ai suivi pas à pas pourrais-je
dire, les différentes étapes de ce beau travail. Je sais
donc la qualité de l'effort soutenu ; la nature des recherches
effectuées, la valeur de la documentation réunie. Je sais
avec quelle conscience, quel désir de perfection le maître
a composé le thème de son ouvrage, cette inoubliable représentation
du monde prestigieux de l'Opéra. Je sais encore avec quel amour
il en a poursuivi l'exécution et réalisé le merveilleux
ensemble.
---------Aussi
bien, ce fut pour moi un plaisir sans précédent, que de
pouvoir en toute liberté, admirer les croquis, les études
qui constituent par leur diversité, par l'agrément de leurs
suggestions pittoresques et inattendues, un travail préparatoire
considérable. Le croquis, parfois relevé d'une touche discrète
de gouache, le croquis multiple, preste, enlevé, décisif,
caractérise, soulignons-le en passant, la méthode de travail
d'Emile Aubry.
---------Quatre-vingts
personnages ont été étudiés, je puis dire,
sur le vif. Les modèles qui, durant des jours, se sont succédé
dans l'atelier parisien d'Emile Aubry, portaient les plus beaux costumes
du vestiaire de notre Académie nationale.
---------Ne
croyez pas, surtout, que je sois disposé à décrire
chacun de ces personnages ou chacun de ces groupes. J'ai décidé
de tourner la difficulté. Il faut assurément une plume plus
experte, pour dire avec le mot juste, ce que nous devons à l'anatomiste,
attentif au mouvement, à la souplesse des formes, des muscles et
des lignes ; ce que nous devons au styliste épris d'élégance
et de beauté.
---------Toutefois,
je tiens à revenir sur le thème choisi par Emile Aubry,
thème préalablement soumis à M. Rozis et à
son Conseil Municipal, qui donnèrent tout de suite leur agrément.
---------C'est
en raccourci, l'histoire de l'Opéra, contée dans un triptyque.
---------Entre
l'opéra italien, sous l'égide d'Apollon - personnifiant
le génie latin - et l'opéra allemand, dominé par
l'énorme figure de Votan, entre les personnages nés de la
divine fantaisie d'un Rossini, d'un Verdi et ceux forgés par la
légende nordique ou la Tétralogie, entre ces deux pôles,
se place l'opéra français.
---------Il
est plus humain cet opéra français, plus humain et plus
sensible. Il porte en lui, dans sa matière, dans son expression
même, cette mesure, cet enthousiasme raisonné, cet ordre
qui sont le propre de notre race.
---------L'amour
et la mort, au pied de l'orgue, se penchent sur les personnages des chansons
de geste, sur ceux des féeries costumées du Grand Siècle,
sur ceux de Glück, dans l'une des scènes les plus tendres
d'Orphée ; sur bien d'autres personnages encore...
---------Emile
Aubry a su, avec tact, communiquer à la foule populaire de ses
héros, de ses ballerines et de ses muses, le tressaillement d'un
frisson nouveau qui les place au delà des contingences ordinaires.
---------C'est,
à mon avis, à travers cette particularité qu'il faut
les voir et les comprendre.
---------Devant
cette immense guirlande, qui fait penser à quelque saisissant bas-relief
coloré, on s'abandonne au plaisir délicieux de sentir le
beau et la vie dans toute leur splendeur.
---------Ici,
rien n'est secondaire, ni indifférent. Aucune lassitude. Tout se
tient, tout est judicieusement calculé. L'accent est original,
neuf. Le dessin solide, impeccable. L'expression concise. L'unité
complète.
---------Cette
fresque, dont je voudrais avoir loisir de parler davantage, accuse parfaitement
la transition sur laquelle j'insistais au début de ces lignes :
ce passage du grand foyer dans la salle d'opéra, ce passage subtilement
indiqué d'une époque à une autre. Elle accuse parfaitement
cette transition, par le lien intime qui l'attache, d'une part, aux conceptions
les plus solides de l'art classique ; d'autre part, à l'ordonnance,
au choix limité des tons, à l'interprétation volontairement
simplifiée des formes. Et cette constatation nous conduit à
dire qu'Emile Aubry a situé son oeuvre au point où la tradition
fortement maintenue, rejoint les inspirations les plus modernes de notre
temps.
***********
---------Un agréable
sentiment de confort frappe le spectateur, quand il pénètre
dans la salle. Ce spectateur se rend compte, très vite, car l'ensemble
se livre au premier coup d'oeil, de l'immense effort soutenu par les architectes,
MM. Taphoureau et Guermonprez, pour atteindre ce but essentiel. Il remarque
ensuite, bien d'autres détails qui, tous, ont leur importance et
leur histoire. Il réfléchit, il se souvient de ce que fut
" l'ancienne " salle et, appelant le passé, il fait d'inévitables
comparaisons...
---------Ainsi,
au cceur de l'immense vaisseau rajeuni, dans une chaude ambiance de faste
sobre, s'établit le contact émouvant avec les ressouvenances
sentimentales...
---------La
difficulté était grande pour les architectes. Les obstacles
énormes.
---------Tout
d'abord, l'obligation de modifier les structures existantes, sans nuire
à la stabilité des masses à conserver absolument
; ensuite, la nécessité de se conformer au parti général
de l'architecture qui exigeait en particulier
---------a)
de ne pas déplacer le niveau des planchers des foyers, galeries
ou dégagements (maintien des baies des anciennes façades)
;
---------b)
de ne pas avoir d'appui dans la salle ;
---------c)
de réduire en nombre et changer de plan les points d'appui des
planchers du Foyer ;
---------d)
d'agrandir les baies de passage entre les sorties de la salle et les dégagements
latéraux ;
---------e)
de modifier les emplacements et dispositions des escaliers. Or, ces obstacles
ont été surmontés.
---------Plus
d'ornements superflus. Les stucs qui alourdissaient les corniches ont
disparu.
---------La
visibilité, ce grand souci, est bonne. Tous les points d'appui
gênants ont été supprimés : le ciment armé
permet de ces hardiesses...
---------Chacune
des places de ce parterre ou de ces trois balcons en hémicycle,
offre au spectateur un plaisir de plus, infiniment appréciable
: celui d'être à l'aise. Les loges officielles, avec leur
éclairage particulier, sont disposées de face, au premier
balcon. Elles sont tendues de soieries.
---------L'éclairage,
cet autre grand souci, est diffus, discret et commode. Il recrée
une atmosphère de recueillement indispensable. Il n'a pas uniquement
pour mission de faire valoir les toilettes et les bijoux, il laisse surtout
ce soin aux lustres du Grand Foyer, mais il fait chanter la pourpre du
rideau de scène, la pourpre des fauteuils et des tapis, l'or des
revêtements.
---------Le
jeu des nuances est puissant. Le jeu des formes, classique. L'un et l'autre
ont leur agrément.
---------J'ai
toujours eu beaucoup d'estime pour le jeune sculpteur algérien
André Greck, grand prix de Rome, pensionnaire de la Villa Médicis.
J'ai toujours apprécié chez cet élève de Jean
Bouchet, une rare souplesse de talent, une simplicité rigoureuse,
l'art enfin, d'une interprétation directe et forte de la vie.
---------Il
était juste que les architectes songeassent à lui, quand
ils eurent l'idée de couronner le cadre de scène par un
motif allégorique.
---------M.
Greck s'est inspiré de la mythologie. Son " Triomphe d'ApolIon
" est traité dans un sentiment très personnel et dans
un esprit architectural bien adapté.
---------Charles
Brouty a peint le rideau de fer. Lyres, tambourins,
masques et étoiles d'or, encadrés d'un ruban. Une grande
simplicité.
---------Bien
entendu, on ne saurait juger Brouty sur ce morceau d'originalité
et de fantaisie, dont l'exécution présentait, on voudra
bien le retenir, de sérieuses difficultés.
---------Ce
récent lauréat du Grand Prix artistique de l'Algérie,
qui fut pensionnaire de la Casa Vélasquez, se donne la satisfaction
assez rare de peindre selon ses propres goûts. Son art est spontané,
son métier subtil. Chez lui, le sujet ne laisse aucune place à
la littérature.
---------Ses
dessins, ses croquis pris sur le vif d'un crayon amusé, libre,
fougueux, sont d'une verve, d'un brio étourdissants.
**********
---------Le problème
de l'isolation phonique et de l'acoustique est particulièrement
complexe et difficile. Du moins, je l'ai souvent entendu dire ; et je
le crois volontiers.
---------Il
n'a pas été négligé, car il est essentiel.
---------Aussi
bien, MM. Taphoureau et Guermonprez, se sont-ils préoccupés,
avant tout, des données nouvelles que ce problème allait
imposer.
---------C'est
ainsi que M. Brillouin, l'éminent spécialiste parisien,
le technicien remarquable du Palais de Chaillot, fut appelé en
conseil pour la conception acoustique de la nouvelle salle, et fit les
essais avant et après les transformations.
---------Ces
expériences comparatives, ont permis d'atteindre pleinement le
but fixé.
---------J'eus
l'occasion de me trouver dans la salle, tandis que des mains inconnues
faisaient vibrer la grande voix des orgues. Je n'oublierai jamais cette
minute intense, dispensatrice de sensations rares, qui devait renseigner
éloquemment les acousticiens sur la qualité heureuse de
leur plan.
---------Au
delà du rideau, au delà de ses longs plis droits et majestueux,
commence - beaucoup ne le soupçonnent qu'à demi - tout un
monde curieux, gigantesque, grouillant et compliqué ; un mélange
de vie intense et d'activité étourdissante, de pittoresque
et de couleur.
---------Je
rencontrai, un soir, entre deux montants, au moment où il descendait
d'une échelle de fer, l'un des techniciens du plateau. Je lui posai
diverses questions assez maladroites, suffisamment maladroites, pour que
cet homme de l'art me parut surpris. Et je devinai à cette surprise,
qu'il ne cherchait pas le moins du monde à dissimuler, que l'objet
de notre conversation était beaucoup plus sérieux, beaucoup
plus compliqué, beaucoup moins accessible au commun des mortels.
---------Ce
technicien m'en donna la preuve aussitôt, et je compris alors combien
il avait raison et combien j'étais ignare.
---------J'appris
comment on monte un décor, comment on le démonte, comment
on le choisit entre cent et sans la moindre hésitation. J'appris,
si peu il est vrai, à me reconnaître dans ce fouillis inextricable
et méthodique de cordages, poulies, poutres, barres, fils, échelles
et passerelles.
---------La
scène a fait l'objet d'un soin incomparable. Elle a été
dotée des toutes dernières innovations techniques. On n'a
rien négligé pour qu'elle soit ce qu'elle est aujourd'hui
: l'une des mieux équipées, des mieux organisées,
des mieux dotées de matériel et d'installations modernes.
---------La
lumière y joue un rôle de premier plan.
---------Elle
a, dans ce domaine extraordinaire, des attributions multiples, prodigieuses.
Elle doit y créer l'illusion, elle doit donner au spectateur, par
l'intermédiaire de simples foyers lumineux (lanternes à
écrans multicolores ; rampes ; projecteurs, disposés sur
les côtés du plateau, dans les cintres et dans le cadre de
scène), une représentation de la nature aussi fidèle
que possible.
---------Des
herses, munies de tous les perfectionnements, permettent de projeter,
sur une toile de fond semi-elliptique de dix-sept mètres de hauteur
et vingt-sept mètres de développement, à laquelle
on a donné le nom assez barbare, mais expressif de cyclorama, un
faisceau de rayons blancs ou colorés qui, utilement combinés,
créeront les ciels sereins ou chargés de menaces. De plus,
les images, la pluie, la neige, seront restituées par le truchement
rénové des lanternes magiques.
---------L'impression
de profondeur et de vérité ainsi obtenue, vraiment étonnante,
complète singulièrement l'action scénique.
---------Le
cyclorama fixé verticalement au grand cintre, se déplace
avec beaucoup de facilité, sur un chemin de fer. On le roule, on
le déroule, au gré des besoins. Sa place habituelle, quand
il ne sert pas, est dans un coin, côté cour où, perpendiculairement
à la scène, il tient aussi peu d'espace que possible. Son
emploi a rendu inutile le lot encombrant des frises et des châssis.
---------La
manoeuvre de l'équipement électrique (salle et scène)
est extrêmement simple.
---------Un
imposant jeu d'orgue la commande. De nombreuses manettes et volants permettent,
chacun, la gradation nécessaire des feux. A cet effet, l'ingénieur
luminariste, dont il ne faut pas mésestimer le rôle, est
en communication constante avec le metteur en scène, le régisseur,
les machinistes, les chefs de figuration.
---------Là
encore, le synchronisme est parfait.
---------Ainsi
que nous avons pu le noter, rien n'a été négligé
pour le confort de la salle, pour l'équipement de la scène,
pour l'appareillage électrique.
---------On
comprendra mieux dès lors, que les architectes n'aient point manqué
d'accroître les conditions de sécurité.
Leur premier soin a été de supprimer les installations en
bois et d'immuniser celles qui, pour une raison majeure ont dû être
conservées.
---------D'une
manière générale, le bois a cédé la
place au béton armé.
---------M.
Blanchard, Ingénieur des Arts et Métiers, technicien d'une
sûre compétence, avait pour tâche l'étude approfondie
des divers éléments de ce matériau.
---------J'ai
tenu à ce que l'on n'ignorât point la contribution, certainement
très importante, de cet ingénieur.
******
---------Dans la
partie haute du cadre de scène, au-dessus du grill, des experts
ont installé un minutieux appareil d'extinction.
---------Cet
appareil de grand secours - je me sers de l'appellation exacte - vise,
avant tout, à une inondation méthodique et rapide de la
scène, des décors, des accessoires. Le soin de cette opération
serait confié, le cas échéant, à douze pommes
déversoirs et à deux écrans d'eau, dont le rôle
principal consisterait à refroidir les rideaux de fer isolant le
plateau de la salle et de l'arrière-scène.
---------Ai-je
besoin d'ajouter que les canalisations et les réservoirs sont constamment
tenus en état d'alimenter le système de déversion
?
---------Deux
vannes de manceuvre, l'une côté cour, l'autre côté
jardin, commandent ce dispositif d'une conception vraiment rassurante,
complété d'un matériel accessoire bien adapté
et distribué.
---------Des
détecteurs placés dans les locaux d'arrière-scène
(magasin aux costumes, ateliers, bibliothèque, archives, réserves,
etc...) peuvent signaler au moyen d'une sonnerie, toute élévation
anormale de température, tandis qu'un voyant lumineux alerte, en
même temps, le concierge dans sa loge.
---------Les
détecteurs se trouvant disposés en huit groupes distincts
et chaque groupe correspondant à un voyant spécial, il est
aisé, lorsque la sonnerie retentit, de déterminer l'endroit
précis où il convient d'intervenir.
---------Enfin,
à toute heure de jour et de nuit, une équipe de surveillants
effectue dans le bâtiment des rondes attentives, dûment contrôlées.
*******
|
|
----------Je dirai
ici un mot des circulations dont l'importance, on ne l'ignore pas, est
primordiale. Non pas seulement pour la seule commodité du public,
ce qui, déjà, serait appréciable, mais encore pour
le rôle très improbable, je le reconnais, qu'elles seraient
appelées à jouer en cas d'évacuation rapide.
---------Les
circulations verticales ont été considérablement
modifiées, les grands escaliers desservant les étages ont
bénéficié d'un large développement. Ils sont,
de plus, doublés de deux escaliers de secours, fort justement compris.
---------Les
circulations horizontales également remaniées, sont beaucoup
plus accueillantes.
---------L'éclairage
y est distribué par des appareils diffuseurs apparents, placés
en appliques.
---------Cet
éclairage normal est complété par un éclairage
de sécurité, indépendant du secteur public. Des ampoules
à lumière bleue, balisent, en quelque sorte, les directions
de sortie.
---------Une
installation de chauffage central existait dans le théâtre
de 1936. Seules pourtant, les dépendances étaient chauffées
à l'exclusion de la salle.
---------Aujourd'hui
il n'en est pas de même ; et l'on a adopté un mode de diffusion
de chaleur absolument parfait.
---------Les
radiateurs à eau chaude existant ont été conservés
et desservent les parties arrière du bâtiment, appelées
à être constamment occupées : loges d'artistes et
toilette, bureaux, salle de répétition de danse, arrière-scène,
salle des décors, etc...
--------Pour
le hall d'entrée, les couloirs de circulation, le grand foyer et
les promenades, on fait usage de radiateurs électriques directs,
permettant une mise en régime instantanée pendant les représentations,
et l'arrêt immédiat, après le début du spectacle.
---------La
salle proprement dite a été dotée d'un système
combiné de ventilation et de chauffage.
---------Ce
dispositif, qui assure le renouvellement constant et le réchauffage
de l'air par batteries électriques sera, ultérieurement,
complété par un appareil de réfrigération.
---------Réalisations
importantes, qui ne manqueront certes pas d'être appréciées.
---------Les services administratifs, le bureau
du Directeur, les loges d'artistes ont fait l'objet des mêmes soins
; le même souci de confort, d'utilité pratique, de sobre
élégance a présidé à leur aménagement.
Les murs sont peints de couleurs claires, gaies ; l'ameublement est commode,
spécialement adapté, d'un entretien facile.
---------Des
salles de bains-douches, réparties par groupes de loges, procurent
aux artistes cet indispensable bien-être, trop longtemps et trop
inconsidérément négligé.
---------Les
ouvertures étaient étroites, insuffisantes. Ces ouvertures
ont été modifiées et agrandies. L'affaiblissement
consécutif des trumeaux, a été compensé par
l'adjonction de cadres en béton armé.
---------La
partie postérieure du théâtre était précédemment
aménagée en terrasse. La robustesse des murs de cet ouvrage
a permis l'établissement d'un édifice en surélévation,
où est installé l'atelier des décors.
---------Cet
atelier est vaste et bien conçu. Il répond parfaitement
à sa destination. Au centre, un grand lanterneau à ouvertures
verticales distribue la lumière et assure la ventilation.
---------Le
plancher a été exécuté en béton armé,
avec panneaux de dalles de verre.
---------M.
Numa, spécialiste parisien, décorateur de grand renom et
artiste distingué, est venu mettre au point la très importante
question des décors.
---------J'ai
pu voir M. Numa. C'est un homme charmant, d'une grande simplicité
et d'une grande modestie. Il aime son métier, qu'il sert avec goût,
avec intelligence, avec passion pourrai-je dire. J'ai pu, également
voir son ceuvre, ses croquis, ses dessins, ses plans, ses maquettes, ses
gouaches, qui sont ravissants et pleins des plus sûres et des plus
belles qualités.
---------Emile
Aubry lui-même, a rendu hommage à cet artiste ; il s'est
plu à faire l'éloge de ses étonnants panoramas de
villes, de ses extraordinaires paysages montagneux, de ses beaux jardins,
brossés avec art et surtout, avec une science surprenante du relief
et de la perspective.
---------M.
Thobie, chef décorateur de l'Opéra d'Alger, sera le conservateur,
si je puis dire, du département de l'illusion.
Charge difficile, qu'il ne faut pas méconnaître, et qui exige
de celui dont elle dépend, une attention constante, une sûreté
de vue peu commune et un solide talent.
---------M.
Thobie est à sa place. Nous en sommes convaincus.
---------Et
je ne terminerai pas ce chapitre, sans accorder au regretté Quignon,
qui fut, durant de très longues années, chef décorateur
de la vieille maison, une pensée émue.
---------Quignon
a laissé le souvenir aimable d'un bon camarade et d'un bel artiste.
Il bravait les difficultés avec vaillance et bonne humeur. Son
activité était débordante et ses initiatives heureuses.
---------Tous
ceux qui eurent l'occasion de l'approcher, éprouvèrent pour
lui une sympathie profonde.
**************
---------Les
grands travaux dont nous venons de parler longuement, s'achevèrent
dans la période angoissante et douloureuse des premiers jours de
guerre.
---------Une
question se posa alors
---------"
Le Théâtre rénové, devait-il recommencer à
vivre ? "
---------Il
le devait. Pour les mêmes raisons impérieuses qui lui firent
un devoir de vivre en 1870 et en 1914.
---------Par
délibération du 27 Octobre 1939,
le Conseil Municipal, sous l'impulsion énergique de M. Rozis, Maire,
en décidait ainsi.
---------La soirée
d'inauguration fut, plus exactement, un hommage de sympathie et d'admiration
rendu à tous ceux qui avaient pu, malgré les écueils,
mener à bonne fin leur tâche difficile.
---------Soirée
digne. A aucun moment elle ne perdit son caractère de gravité
et d'exception.
---------Au
premier entr'acte, MM. Rozis et Carrié, Directeur, suivis de nombreuses
personnalités, accompagnèrent M. Grégoire, Secrétaire
général du Gouvernement, représentant M. le Gouverneur
Général, au Grand Foyer. Là, eut lieu la présentation
des architectes, MM. Taphoureau et Guermonprez ; de MM. Harzic et Brouty,
artistes peintres et de M. Greck, sculpteur, auteurs des travaux de décoration.
---------M.
Rozis présenta également l'ceuvre admirable de M. Emile
Aubry, dont la présence ne fut pas l'un des moindres attraits de
cette cérémonie, suivie, dans l'éblouissement des
lumières, par une foule énorme, élégante,
où dominaient les uniformes militaires.
---------On
joua " Carmen ", dans les décors nouveaux de Numa.
Les interprètes, qu'une solide réputation précédait,
se donnèrent tout entiers à leur rôle. Je citerai
le quatuor meneur du jeu Mme Germaine Pape, Carmen pleine de mordant et
de charme ; M. Verdière, Don José chaleureux, ardent et
superbe ; M. Nougaro, Escamillo d'un relief surprenant ; Mme Denat, Micaëla
tout simplement exquise.
---------M.
Georges Lauweryns conduisit l'ouvrage avec une rare autorité.
---------Les
choeurs furent d'une qualité certainement inconnue jusque là.
J'en dirai tout autant des décors et notamment de ceux du 3e acte.
La scène des contrebandiers, sur les hauteurs de la Sierra, avec
ses effets de lumières, avec l'impressionnante illusion d'infini
que donnait le cyclorama, restera vraiment parmi les plus suggestives.
Et je n'aurai garde d'oublier les autres tableaux. Ils se présentèrent
comme autant d'estampes animées et du meilleur goût.
---------Au cours
des toutes dernières années notre Théâtre connut,
il faut bien l'admettre, une certaine défaveur. La faute certes,
n'en fut point aux Directeurs qui, successivement, veillèrent sur
ses destinées. lis firent chacun l'impossible pour attirer, intéresser
et retenir le public. Or, le public boudait.
---------Aussi
bien, était-ce une gageure, que de vouloir " faire salle comble
".
---------Mais
pourquoi le public boudait-il ?
---------Certainement
il avait ses raisons.
---------Je
les ignore. Prix des places ? Faiblesse de l'interprétation ? Obstination
à jouer des pièces vieillottes, souvent mauvaises ? Influence
du Cinéma devenu parlant 2 Peut-être.
---------Certains
experts en la matière penchent pour la brièveté du
spectacle qu'ils signalent comme un écueil sérieux.
---------A
bien y réfléchir, on accorde quelque créance à
l'existence de cet écueil.
---------Il
est difficile de " tenir " un public pendant trois heures d'horloge
pour entendre trois actes qui, somme toute, ne durent guère plus
d'une soixantaine de minutes et ne présentent souvent qu'un intérêt
tout relatif.
---------Le
cinéma, le music-hall, le cirque, que je ne prétends pas
comparer au théâtre, donnent cependant un spectacle plus
nourri, plus substantiel, si j'ose dire.
---------Autrefois,
le lever du rideau était annoncé pour sept heures. Souvent,
pour six heures un quart. Les pièces comptaient couramment cinq
ou six actes, et elles étaient précédées ou
suivies d'une comédie, d'un vaudeville, d'un divertissement...
---------Et
même au début du XIXe siècle, il était courant
de ne point couper le spectacle par des entr'actes. Les changements de
décors, assez laborieux, se faisaient à vue. Le spectateur
y trouvait un prétexte de plus à se divertir.
---------Mais
n'est-ce point là une tout autre histoire a laquelle je ne saurais
m'attarder ?
---------D'autant,
que je n'ai point encore parlé des archives de l'Opéra et
de la bibliothèque.
---------Après
avoir parlé de ces archives et de cette bibliothèque, aurai-je
enfin tout dit ?
---------Non
! Loin de là !
---------Tant
il est vrai qu'une telle incursion à travers les fastes et les
pauvretés de la vie théâtrale algéroise, ne
va pas sans lacunes un fait important a pu m'échapper ; un détail
peut faire défaut qui, cependant, aurait eu son prix...
---------Les
archives de l'Opéra, je l'avoue, sont à peu près
inexistantes. Les pièces comptables, les dossiers de gestion ont,
au gré des événements et des circonstances, été
dirigés sur les services annexes de la Municipalité ou bien,
ont disparu fort à propos.
---------Nous
avons déjà parlé de liquidations désastreuses,
d'exploitations difficiles, de directions malheureuses. Aussi l'on comprendra
que la dispersion et la disparition de certains documents ait été,
souvent, jugée prudente...
---------La
correspondance, les contrats d'engagement, qui eûssent pu présenter
un certain intérêt, n'ont pas été conservés
: au cours des années, la plupart des archivistes se sont peu souciés
de leur classement. D'ailleurs il est fort probable que, très rarement,
on ait jugé bon de confier le métier délicat et difficile
d'archiviste à un homme de l'art.
---------J'ai
retrouvé, tout à fait par hasard, une feuille datée
du 17 Décembre 1890, portant autorisation de vendre à un
certain Samuel Benfredj, 2, rue du Divan, à Alger, un lot de "
vieux papiers " provenant des " caves " de l'Opéra.
---------J'imagine
ce qu'étaient ces " vieux papiers " et l'état
dans lequel ils devaient se trouver après un séjour de plusieurs
années dans les " caves " de l'Opéra...
---------II
y avait certainement là tout ce que l'incendie de 1882 avait épargné,
c'est-à-dire, le véritable noyau des archives officielles.
---------L'incendie
il est vrai, a, dans la question, une grande part de responsabilité.
Il a détruit non seulement la majeure partie des " vieux papiers
", mais encore et surtout la bibliothèque musicale et dramatique
évaluée, dit-on, à trois cent mille francs.
---------Cette
bibliothèque, d'après le peu que nous en savons, était
assez richement dotée. Des acquisitions, des dons nombreux l'avaient,
en quelques trente ans, pourvue d'one collection considérable,
sinon complète, des principaux opéras et ballets. Elle contenait
en outre des partitions autographes, des manuscrits, dont la possession
constituerait aujourd'hui la meilleure source pour une étude du
théâtre algérien.
---------Je
passe sur le plaisir que nous aurions éprouvé à compulser
encore les partitions gravées, les rôles, les parties de
choeurs ou d'orchestre, truffés d'additions et de notes, de remarques
et de mots.
---------Je
passe sur la documentation inestimable que nous aurait fourni en outre,
un recueil méthodique des ordonnances, décisions, délibérations,
ordres d'achat, soumissions...
---------Et
les affiches donc ?
Je sais, pour en avoir vu de rares reproductions, qu'il en fut de savoureuses
: petits chefs-d'oeuvre de naïveté et d'innocente prétention,
étonnantes par le texte et par l'image.
---------Et
les programmes ?
---------A
eux seuls ils eûssent constitué la plus vivante et la plus
fidèle histoire de l'Opéra. Leur intérêt iconographique
n'eut pas été moindre car, presque tous, du moins depuis
le début du XXe siècle, étaient illustrés
de portraits d'artistes, voire de directeurs, de chefs d'orchestre et
de metteurs en scène.
---------Or,
je l'ai déjà dit, les archives de l'Opéra n'existent
pas. Tout au plus, un effort louable est-il tenté depuis une dizaine
d'années pour réunir et mettre en ordre les pièces
dignes d'être épargnées.
---------La
bibliothèque musicale est relativement mieux partagée. Cela,
grâce au zèle vigilant et à la compétence du
bibliothécaire, M. Achille Riva, qui occupe ce poste depuis 1906.
---------M.
Riva, musicien soliste de talent, est une vieille et sympathique figure
algéroise, très connue dans le monde du théâtre.
---------Le
dépôt dont il a la conservation offre, malgré la vétusté
de certains numéros, d'excellentes ressources à l'étude.
De rares partitions remontent à l'origine de l'Opéra. Elles
sont d'ailleurs presque illisibles, couvertes de signes, de marques, de
traits au crayon et à la plume ou, ce qui est plus fréquent,
de larges taches de rouille.
---------Malgré
tout, on les regarde avec émotion. J'en ai vu qui portent encore,
nettement, la trace des coups de baguettes du chef d'orchestre et même,
dans les marges, des croquis hâtifs : silhouettes, profils, attitudes,
bien caractéristiques de l'époque où une main habile
les a saisis.
---------Outre
les partitions de chant et de danse, la bibliothèque possède
des morceaux de musique religieuse, de chant espagnol, italien et arabe.
---------Mais
rien dans tout cela ne présente une valeur documentaire sérieuse.
---------J'ajoute
que la plupart des oeuvres figurant au catalogue proviennent du fonds
de l'Opéra de Metz, acquis en 1886 par la Ville d'Alger.
-
--------Les magasins aux costumes et accessoires,
bien que n'ayant pas été touchés par les transformations
récentes, réclament quelques mots.
---------À
vrai dire, ils n'offrent pas un spectacle inédit. Ils ressemblent,
travée par travée, case par case, armoire par armoire, à
tous les magasins de tous les théâtres, Ils ont leur atmosphère
lourde et indéfinissable, leur faux air de musée régional,
et leur pittoresque indescriptible.
---------Il
y a là, aussi bien conservés que possible, les innombrables
costumes de tous les pays et de toutes les époques ; les uniformes
de toutes les armes et de tous les temps.
---------Il
y a là, les couvre-chefs les plus invraisemblables : turbans, boisseaux
de velours, tricornes et girondins, hauts de forme, casquettes, bombes,
shakos, bonnets à poil, montéras, casques grénelés,
casques coniques, casques cloutés, casques morions...
---------Il
y a là des armures de fer blanc fidèlement reproduites et
des armes sans nombre : arbalètes, épées, haches,
pistolets, fusils à pierre et à aiguille, arquebuses, poignards
enrichis de cabochons multicolores, qui brillent dans l'ombre... Et tant
d'autres glaives ou hallebardes d'acier ou de carton...
---------Que
dirai-je du magasin aux accessoires ? L'étalage extraordinaire
de notre curieuse Place de Chartres, peut en donner une idée. Mille
objets les plus disparates, meubles et ustensiles, encombrent les travées,
du parquet au plafond. Le lecteur connaît la plupart des objets
qui ont figuré dans les différents ouvrages du répertoire
et qu'on étiquette aussitôt en les découvrant : le
rouet de Marguerite ; la déesse, de Lakmé ; le clavecin,
de Werther ; le char d'Hérodiade ; les canons de Saint Ange, de
la Tosca ; les cornues, les grimoires, la coupe et le fauteuil du Docteur
Faust ; les dés et le cornet de Robert le Diable ; l'épée
truquée de Fernand, dans la Favorite ; le miroir de Thaïs
; les enseignes d'Aïda et de l'Africaine...
********
---------L'Opéra
se trouve placé au point le plus vivant de la ville. Un bouquet
de strélitzia géants et de palmes le sépare du square
Bresson
---------Le
boulevard Maréchal Pétain, les rues de Constantine, Dumont
d'Urville, Bab-Azoun,
de la Liberté,
de Chartres,
du Hamma, Littré, les escaliers de la Lyre, le desservent
en quelque sorte.
---------Il
a donné lui-même naissance à deux passages : à
gauche, la rue Cadet-de-Vaux. A droite, la rue Corneille.
L'une et l'autre de ces courtes rues mènent aux escaliers du marché
de la Lyre.
---------Je
ne dirai rien de Corneille.
---------Cadet
de Vaux, est certes moins connu.
---------Il
fut le second Maire d'Alger (9 Septembre 1830), après le Sous-intendant
Brugnière: M. Cottin lui succéda en 1832.
---------Sur
la façade, de part et d'autre des grands escaliers, figurent deux
plaques de marbre. Celle placée à gauche est due à
l'initiative du Comité du Vieil Alger, qui la fit apposer en 1912.
Elle porte l'inscription suivante
Comité du Vieil Alger
A la mémoire
du poète REGNARD
qui fut esclave à Alger
de 1678 à 1681
|
---------J'ai dit,
plus avant, qui était le poète Régnard, né
le 8 Février 1655, " fils d'honorable
marchand de saline et d'une roturière ". Son aventure
aux pays barbaresques est suffisamment connue pour que je n'y insiste
point.
---------Le
Comité du Vieil Alger avait eu, depuis longtemps, l'idée
d'ériger un buste du poète au Foyer de l'Opéra ;
mais cette idée ne put, je ne sais pourquoi, avoir de suite.
---------La
plaque de droite a été placée en 1939, après
l'achèvement des travaux. Due à l'initiative toute personnelle
du Commandant Max Perron, elle est ainsi libellée
A la mémoire
de Michel CERVANTES SAAVEDRA
Captif à Alger
de 1575 à 1580
|
---------Miguel
Cervantès, auteur du célèbre roman de Chevalerie
" Don Quichotte de la Manche ", fut, tout comme Régnard,
prisonnier des Corsaires. Il devint, en 1575, l'esclave d'un rénégat
grec, Dali Mami. On sait, par ailleurs, son aventure en Alger : l'attente
déçue dans la grotte du Caïd Hassan ; la délation
du rénégat Espagnol ; les essais infructueux de nouvelles
évasions et enfin la libération, négociée
pour 500 écus d'or, par les Pères Rédempteurs.
**********
---------Par jeu,
délassement, tout au moins par goût du documentaire, les
peintres ont parfois reproduit sur la toile, ou sur le papier, le monument
de Chassériau.
---------Il
me paraît utile de noter ce détail. Et même j'aurais
aimé connaître et consigner dans ces pages le nom de tous
ceux, grands artistes ou amateurs, qui se sont ainsi arrêtés
devant l'Opéra, crayon ou pinceau en main.
---------J'en
connais peu.
---------Albert
Lebourg, mort à Rouen le 7 Janvier 1928, nous a laissé un
croquis daté de 1875. René Hanin, né à Alger
le 25 Février 1875, a brossé une excellente esquisse.
---------Je
citerai également les oeuvres de Joseph Sintès (1880), mort
à Alger le 24 Mars 1913 ; Albert Besnard (1893) ; Marius Reynaud
(1907), mort à Alger le 11 Décembre 1935 ; Paul Nicolaï
(1904) ; Paul-Elie Dubois, ancien pensionnaire de la Villa Abdel-Tif (1921)
; Louis-Michel Bernard (1924) ; Jean-Désiré Bascoulés
(Abd-el-Tif, 1925) ; André Hambourg (Abd-el-Tif, 1933) ; de Bernadotte
(1938) ; Leroy (Abd-el-Tif, 1938). Enfin, Armand Assus (Prix de Rome)
dont la toile " l'Opéra vu de ma terrasse " fut acquise
en 1939, par la Municipalité d'Alger.
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