-----0n ne sait
pas grand chose d' Ad Frates des Romains, "les Deux Frères",
nom donné par les deux masses rocheuses émergeant à
380 m au large et si l'on devait attribuer officiellement une date de
naissance à Nemours, ce serait bien le 24 décembre 1846,
date de l'Ordonnance royale qui porta création de Nemours qu'on
appelait, alors Djemaâ Ghazaouet " la réunion des pirates"
dont on retrouve les restes sur le plateau de Taount à un kilomètre
à l'est.
-----Toutefois, en 1844, Nemours était
beaucoup plus considérée comme point de débarquement
et comme entrepôt provisoire de ravitaillement des troupes opérant
sur les confins du Maroc que comme centre de colonisation. Mais étant
donné l'importance de cette région, on dut vite envisager
sérieusement la possibilité d'y installer des colons et
ce, bien après l'installation définitive de la France sur
ce point du littoral.
-----Notons qu'à l'époque Nemours
comptait 498 habitants ; un chiffre ridicule sur cette contrée
de l'extrême ouest algérien considérée, à
l'époque comme paradisiaque.
-----Il y avait de quoi, en ce sens que dans
cette vallée de l'oued Ghazouanah, il y avait de beaux jardins,
des arbres fruitiers, beaucoup de vignes et figuiers.
-----D'ailleurs, cette fraîche vallée
bordée de lauriers roses, de roseaux et de chèvrefeuilles
a été mentionnée au XIè siècle par
le polygraphe hispano-arabe Abou Obeïd El-Bekri, lequel avait fait
remarquer qu'il y avait là un port défendu par une forteresse
et un
ribat (monastère musulman) et que les bords de Ghazouanah produisaient
beaucoup de fruits. La même description sera faite au 16è
siècle par l'historien espagnol Luis Del Marmol Y Carvajal.
-----Seulement, dès ces temps anciens,
il était reconnu que les terrains montagneux de la région
généralement pierreux et trop calcaires étaient de
fertilité médiocre mais refermant des richesses minières.
-----Aussi, la France comprenant la situation
maritime exceptionnelle de ce site, décidera de faire de Nemours
une cité portuaire en pleine expansion grâce à ses
atouts agricoles et miniers.
HAUT LIEU HISTORIQUE
-----Le Nemours
que les anciens ont connu, dans les années 20, à l'époque
où son port n'était que projet, la mer montait parfois jusqu'aux
marches de l'hôtel de France, proche de la place publique où
figurait le monument de Bab-el-Assa, élevé en mémoire
des tirailleurs qui en 1859, 1907 et 1908 au cours des opérations
dans les Beni-Snassene avaient farouchement et courageusement lutté
à la frontière proche, pour empêcher les insurgés
marocains de s'emparer de la cité.
-----Autre lieu historique, la colonne Montagnac,
commémorative du combat dans lequel furent surpris et taillés
en pièces par Abd-el-Kader, en 1845, les 62 cavaliers et les 350
fantassins que commandait le colonel Montagnac, commandant le poste de
Nemours qui s'était porté au-devant de l'Émir venant
du Maroc et cherchant à pénétrer en Oranie.
-----Les survivants du combat du Djebel Kerkour
se réfugièrent et tinrent pendant trois jours à 2
km de Nemours sur la route d'Oujda au marabout de Sidi-Brahim où
ils tentèrent de gagner Nemours. Seuls 12 hommes y parvinrent,
les autre étant massacrés près du village des Ouled?Ziri
ce que rappelle le Tombeau des Braves élevé sur place.
-----C'est au marabout de Sidi-Tahar que
se trouve le haut et maigre palmier au pied duquel l'émir Abd-el-Kader,
traqué de toutes parts, jugé indésirable par le Maroc,
abandonné par ses frères Sidi-Mostefa et Sidi-Saïd,
fit sa soumission au colonel de Montauban, le 23 décembre 1847.
Soumission renouvelée le lendemain au Duc d'Aumale qui, le surlendemain,
jour de Noël, le fit embarquer à Nemours, sur une frégate
à destination de Toulon.
PLATE-FORME ÉCONOMIQUE
-----Port du Sahara
construit de toutes mains, magnifiquement outillé, desservant tout
le Maroc oriental, Nemours prit sa place dans l'économie algérienne
et marocaine.
-----Les travaux de cette oeuvre ont coûté
plus de 5 milliards de l'époque à la Chambre de Commerce
d'Oran, et ils furent entrepris pour aider aussi l'économie marocaine,
qui se plaignait de l'exiguïté de ses terre-pleins, de l'insuffisance
de son outillage portuaire et de l'éloignement de ses ports de
la côte atlantique. À la belle époque de l' Eurafrique
! Que de merveilles nous aurions pu réaliser pour le bonheur de
tous nos peuples !
-----L'évènement économique
sera l'arrivée du premier train le 9 mars 1936 qui sera fêté
comme il se doit et début 1937, le premier train de minerai en
provenance d'Oujda arrivait en gare de Nemours et c'est ce même
jour l'inauguration du port pourvu d'un riche outillage, d'un port moderne
qui recevait en même temps la visite de la flottille de contre-orpilleurs
de la Marine Nationale, grand pavois flottant au vent, confirmant que
là aussi c'était la France.
----En fait,
ce sera un cadeau royal aux nouveaux maîtres de l'Algérie
grâce à Saint-Charles ! non compris cet autre cadeau, impérial,
qu'est le chemin de fer Méditerranée-Niger. "Le
bel avenir réservé à Nemours justifie pleinement
ces dépenses", écrivait, dans les années
50, un enfant du cru, Francis LLabador.
-----Ah ! ces milliards et ces milliards
qui se sont envolés... depuis près de cinquante ans ! Pour
le profit de qui ? C'est ce qu'on désigne ici par l'expression
" politique de grandeur".
-----Port du Sahara était devenu Nemours,
dont le Méditerranée-Niger déversait sur ses quais
alfa, céréales, crin végétal, vins de toute
la périphérie de Tlemcen et de Marnia, marbres et onyx,
agrumes, primeurs, minerais divers notamment des régions minières
de Berguent et de BouArfa, moutons des hauts plateaux marocains,... Quel
trafic dont bénéficiait, du fait du monopole du pavillon,
l'armement français, celui de Marseille en particulier !
-----Les Nemouriens n'ont certes pas oublié
les navires de cet armement, le " Sebaâ" , le " Boudjemel"
, le "Christine" parfois, et les armateurs doivent bien regretter,
et avec eux les inscrits maritimes, que la France ait voté d'un
coeur léger la perte d'un tel patrimoine.
QUELQUES IMAGES
-----Évoquons
ensemble les DeuxFrères, les riches et clairs ravins aux moules,
Sydna-Oucha, le Touent, Brigandville, et les cultures maraîchères
et fruitières exotiques, car si bien de nos lecteurs l'ignorent,
Nemours ne produisait pas seulement des tuiles, des conserves de poisson
appréciées (Papa Falcone), des salaisons, mais encore des
bananes savoureuses, des goyaves, des plaquemines.
-----Nous revoyons le Boulevard de Neuilly,
avenue ainsi baptisée en souvenir du parrainage avec Neuilly-sur-Seine
qui avait la belle allure d'une superbe artère de sous-préfecture.
-----Imaginons les images, le spectacle journalier
de naguère, les hautes pyramides de balles d'alfa et de crin, la
spacieuse usine de la grande famille des Falcone, qui nourrissait bien
des familles de la ville, tant par sa flotille de pêche que par
ses conserves et son parc autos de transports ; imaginons les jardins
maraîchers étendus et prospères, les farniente à
SydnaOucha, le casse-croûte aux moules ou la grillade de poisson
du matin, la douceur du climat, le travail en commun tellement productif...
-----Qui ne se souvient pas des procession
organisées à l'occasion de la fête de Saint-Pierre,
patron des pêcheurs. La statue de l'apôtre était portée
par les marins pêcheurs de sardines, en majorité italiens,
travaillant de juin à septembre dans les conserveries Papa Falcone
et Pitzini.
ET AUJOURD'HUI
-----S'il faut en
croire les marins du commerce qui, de temps à autre mais aujourd'hui
assez rarement, y font une courte escale, on regrette profondément
là-bas et non à mots couverts, votre colonialisme !
-----Tout simplement parce que l'on y travaille
à la petite semaine, à salaire réduit et très
souvent à l'ombre de la matraque.
-----Dans El Watan du 21/22 mai 1993, on
lit : "Aujourd'hui Ghazaouet (nouveau nom
de Nemours) donne l'impression d'agoniser. On ne l'entend pas. Elle est
trop fière pour se demasquer, dévoiler ses tares et les
sirènes de paquebots camouflent les cris de détresse de
cette cité. Une commune qui est pourtant parmi celles qui ont bénéficié
d'importants investissements dans le secteur industriel.
-----Le port
de Ghazaouet, l'un des plus importants d'Algérie demeure sous-utilisé.
-----Où
sont passées tontes ces conserveries qui raflaient des prix d'honneur
?»
-----Avant Ja dernière guerre mondiale,
tout souriait à Nemours.
-----Les hommes politiques prédisaientt
un bel avenir à cette ville ainsi que pour toutes les activités
de cette partie de l'extrême ouest de l'Oranie, pour tous les territoirs
du Sud pré-saharien, pour la Saoura, pour une vaste zone jadis
si isolée.
-----Oui, pour tout ce bel avenir mais avec...
la France.
-----Merci à François Rioland
pour ses souvenirs.
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