L'Algérie aura bientôt un Musée digne d'une grande
Capitale
Dans quelques jours aura
lieu la pose officielle de la première pierre du nouveau musée
de peinture et de sculpture d'Alger, qui doit remplacer, comme on sait,
celui de la rue de Constantine.
C'est un événement auquel ne peuvent rester indifférents
non seulement l'élite de notre ville, mais tous les Algérois
- j'ajouterais : tous les Algériens, car ce sera un musée,
non plus municipal, mais national, dont on veut faire un temple de l'art
digne de la capitale de l'Afrique du Nord.
Il sera situé au rond-point du Hamma, à flanc de coteau,
près de la villa d'Abd-el-Tif, à l'entrée même
du Jardin d'Essai. Comme vous le voyez, on ne pouvait choisir plus joli
cadre pour son emplacement.
Un peu éloigné tout de même de la ville ! Objecteront
certains.
D'accord, mais croyez bien que l'afflux de visiteurs qui, de ce fait,
il perdra en semaine, il le retrouvera, et au-delà, les dimanches
et jours de fête, placé comme il sera sur une des promenades
les plus fréquentées par nos concitoyens et les touristes.
Donc ceci compensera cela. Il ne peut en être autrement, d'autant
plus que le style de sa façade, très moderne, donnant
une impression de grandeur, quoique de ligne très sobre, attirera
certainement l'attention des foules.
J'ai sous les yeux la maquette. A l'exemple de certains musées
récemment construits en Allemagne et en Suisse, tout a été
sacrifié dans celui-ci, à la bonne présentation
des uvres d'arts.
L'édifice comprendra deux galeries : l'une l'une consacrée
aux moulages et à la sculpture des XIXème et XXème
siècles, avec une part importante faite aux artistes contemporains,
tels que Bourdelle, Maillot, Despiau, Dejean, Duvier, etc.
Les salles de peinture seront au nombre d'une quinzaine, pas très
grandes, mais toutes donnant sur l'admirable baie d'Alger et éclairées
par en haut. Sept ou huit seront consacrées à la peinture
française des XIXème et XXème siècles. Une
large place sera réservée aux grands orientalistes : Chasseriau,
Dehodenq, Décamp, Libourg et au plus grand de tous, Delacroix.
Par ailleurs, l'histoire de l'Algérie, depuis la conquête
sera représentée par l'exposition, dans deux salles, de
nombreux tableaux et gravures s'y rapportant.
Ce n'est pas tout. Le musée, qui sera un des plus beaux du bassin
de la Méditerranée, aura un double but : initier le public
algérien aux manifestations d'art de France ou d'ailleurs et,
en même temps, dans un somptueux décor de couleur et de
lumière, montrer aux étrangers qui, chaque année,
viennent de plus en plus nombreux, visiter l'Afrique du Nord, les multiples
usages de l'Algérie touristique, judicieusement groupés
: ici, par exemple, les ruines antiques d'une beauté si mélancolique
dans leur solitude ; là, les gorges pittoresques de l'Aurès
; plus loin, la Kabylie, ses hautes montagnes et ses curieux villages
; ailleurs, le Sud, le désert, la plaine dorée des sables
parsemée d'oasis au charme si particulier.
Quand à la valeur des collections qui seront exposées,
disons seulement que le musée de la rue de Constantine renferme
déjà trois cents tableaux, dont beaucoup d'une réelle
beauté, et que ce nombre ne fera que s'accroître grâce
à de nouvelles acquisitions, soit par des achats, soit par des
dons.
Les travaux dureront un an environ. De toutes façons, le musée
sera ouvert et inauguré pour les fêtes du Centenaire, et
il n'en sera pas le moindre attrait.
Chacun sait la place qu'occupent les arts dans la vie algérienne.
Il ne se passe pas de jour, à Alger, qu'une exposition de peinture
n'offre au dilettantisme de la foule des toiles ou des tendances artistiques
diverses se sont manifestées. Si ces manifestations sont plus
ou moins heureuses, elles n'en sont pas moins l'indice, que le peuple
algérien sensible, épris de beauté ne peut qu'accueillir
avec enthousiasme et reconnaissance l'idée de la création
de ce nouveau musée qui promet, d'être véritablement
comme l'appellation d'un pareil monument l'exige le temple des Muses.
Et de cela, il faut remercier, M. le Gouverneur général
Pierre Bordes, qui s'intéressa d'une façon particulière
à la réalisation de cette idée, car une de ses
plus grandes préoccupations à l'heure actuelle, est de
faire beaucoup pour l'éducation intellectuelle du peuple algérien
auquel il consacre depuis de si longues années le meilleur de
lui même.