extraits du numéro
136, dec. 2011, de "l'Algérianiste", bulletin d'idées
et d'information, avec l'autorisation de la direction actuelle de la revue
"l'Algérianiste"
Moulin Gassiot-Coulmiers
en 1900
par Jean-Pierre Gassiot et Edgar Scotti
()
Coulmiers a été créé en 1873
sur 1260 ha. En 1900, ce centre était rattaché à
la commune mixte de
Châteaudun-du-Rhumel, dont il est distant de 4,5 km.
Le village est situé sur le cours du Rhumel à une altitude
moyenne de 800 m.
Coulmiers comme le village de Châteaudun-du-Rhumel est desservi
par la station de Mechta-Châteaudun distante de 6,4 km, sur la voie
ferrée d'Alger à Constantine de la Compagnie des Chemins
de fer de l'Est- Algérien. Les fonctions administratives étaient
concentrées à Châteaudundu-Rhumel, notamment en ce
qui concerne le facteur rural qui relevait de la recette de ce village.
Situé dans une région à vocation céréalière
et à forte densité de population, le centre était
surtout connu par la présence de son moulin construit par la famille
Gassiot et actionné par les eaux du Rhumel. Ce dernier était
fréquenté par les fellahs des douars et tribus suivantes:
Aïoun-el-Adjaïz, El Brana, Ouled-el-Aoufan, Timtelacim, Zaouïa-ben-Zaroug,
Méghalsa, Ouled-Zerga, Ouled-el-Arbi, Ouled-el-Haïf et Ras
Séguin.
En 1900, ce moulin, propriété de M. Ballande triturait les
céréales : blé dur, blé tendre et orge des
fellahs des environs.
Le village avait une vingtaine d'habitants européens dont deux
agriculteurs-viticulteurs MM. Ballonde et Valibouze.
Comme tous ceux qui les précédèrent à Coulmiers,
ces hommes et ces femmes sont partis laissant derrière eux les
quelques petites maisons du village groupées de part et d'autre
de la route Alger-Constantine. Ils laissèrent aussi le minuscule
cimetière dont les tombes creusées à même la
terre se signalaient par les croix sur lesquelles le temps avait effacé
le nom du défunt.
C'était aussi cela l'Algérie, que ces hommes pauvres avaient
essayé de construire en plantant de la vigne, non pas pour produire
de l'alcool, mais parce qu'elle seule pouvait, par ses puissantes racines,
puiser l'eau en profondeur. En labourant le sol avec de bonnes charrues,
ils augmentaient lesrendements décevants du blé pour remplir
les silos et l'amener au moulin pour nourrir les familles.
L'assolement biennal ne permettait de faire qu'une moisson tous les deux
ans, l'autre année étant réservée aux préparés,
c'est-à-dire à la jachère labourée; les rendements
en blé dur et orge étaient, en raison des caprices de la
pluviométrie de cinq à sept quintaux à l'hectare.
Beaucoup abandonnèrent les céréales, certains concentrèrent
sans succès, leurs investissements sur la viticulture.
En raison des efforts des sacrifices consentis, ces hommes usés
par le travail ne purent se maintenir dans cette région difficile.
Les hécatombes des grands conflits mondiaux, notamment celui de
1914-1918, les privèrent de plusieurs de leurs garçons.
Désespérées, démoralisées des familles
sont parties ouvrir d'autres sillons en France ou à l'étranger.
Après ce gâchis, leurs lointains descendants sont aujourd'hui
en droit de se demander ce que pouvaient bien faire leurs aïeux à
Moulin Gassiot-Coulmiers dans une région où la pluviométrie
de 200 à 400 mm par an est irrégulière.
Qui se souvient aujourd'hui de Moulin Gassiot-Coulmiers, ce village dont
le souvenir a sombré dans un profond oubli. Ce moulin témoignait
pourtant d'une réelle volonté d'y implanter durablement
des activités humaines. A défaut de pouvoir y cultiver des
céréales puis de la vigne, ces hommes eurent la volonté
d'améliorer l'activité économique d'une vaste région
où la pluie tombe de façon très inégale et
où les siroccos précoces compromettent l'épiaison
et la formation des grains. Malgré l'utilisation des variétés
locales de blés durs, Bidi, Hedba et Mohamed ben Bachir ou de leurs
dérivés obtenus par des généticiens de l'Institut
Agricole de Maison-Carrée, comme MM. Caumont, Bouteille, Ducellier,
Erroux et par tant d'autres, dont il n'est pas possible de citer tous
les noms. Il convient cependant de souligner que les caprices de la pluviométrie
pesèrent lourdement sur le passé de la céréaliculture
algérienne, dont ils limitent toujours l'avenir.
Pourquoi priver de leur mémoire les lointains descendants de tous
ceux qui tentèrent d'implanter en vain, mais au prix d'efforts
considérables, une agriculture prospère. Ces hommes n'étaient
pas des spéculateurs; s'ils spéculaient c'était avec
leur santé et leurs maigres disponibilités. Ils furent remplacés
sur ces hauts plateaux sétifiens par d'autres organismes qui n'obtinrent
pas de meilleurs résultats, mais qui surent s'en tirer avec moins
de douloureux dommages.
Moulin Gassiot-Coulmiers avait une âme, une histoire, une mémoire
collective nourrie par l'ensemble des familles qui tentèrent de
s'y implanter en animant son unique rue et en améliorant par leur
travail ses activités agricoles.
Eventuellement cette note trop succincte pourra être complétée,
développée par ceux qui eurent des attaches familiales à
Moulin GassiotCoulmiers.
o
Remerciements:
Les auteurs remercient tous ceux qui, par leurs encouragements et leurs
archives, leur permirent de réaliser la remise en mémoire
de ce village oublié. Ils adressent notamment leurs sentiments
de bien vive gratitude au Dr Georges Duboucher et à M. Jacques
Piollenc pour toutes les informations recueillies sur ce village.
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