Grâce à un merveilleux
effort médico-social , LE TRACHOME, cette vieille plaie
endémique de l'Algérie
est désormais en voie de complète résorption
l'Institut d'Alger - Mustapha est pour le monde un modèle
d'organisation et d'enseignement
En Algérie plus de 3 millions d'individus sont touchés par
le trachome,
1/3 de la population à des degrés divers, est atteinte par
ce fléau social.
75 millions de journées de travail par an sont perdues pour la
richesse économique du pays.
Il y a en Algérie plus de 40.000 amblyopes, incapables de travailler
(dont 23.000 aveugles recensés). Le trachome exclut un tiers de
la population de la fonction publique et de la majorité des grands
services (C.F.A. en particulier).
Les contaminations lointaines sont à craindre. Elles sont d'autant
plus graves qu'elles se produisent souvent sans bruit, d'une façon
sournoise et maligne : les spécialistes métropolitains n'en
sont pas encore suffisamment informés.I1 est d'ailleurs à
craindre d'ici quelques années les trachoïnateux comptent
en France par millions . N'oublions pas que le trachome est maladie la
plus répandue dans le monde. 1/8 de la population du globe en est
ateint (400 millions).
L'endémie trachomateuse ticulièrement forte en Asie, dans
l'Europe centrale, en Amérique du Sud, en Moyen-Orient et en Afrique
du Nord.
L'Egypte que l'on a pu appeler "le pays des aveugles " est a
100 % dans certaines régions, de même d'ailleurs que les
pays limitrophes.
La fréquence de la cécité est
Sur 10.000 en Egypte : 119,7
France et U.S.A : 8
Algérie : 118,8
URSS : 16
Le pourcentage des cas de trachome est de l'ordre de
au Maroc : 50 %
en Tunisie : 65%
En Algérie :
Villes : 25 à 30 %
Campagnes : 50 à 70 %
Oasis 90 à 95 %
Le trachome constitue le principal responsable de la cécité.
Sur 10.000 aveugles examinés à la clinique ophtalmologique
d'Alger 27 % l'étaient du fait du trachome. A ce chiffre important
il faut ajouter les borgnes et les malades dont l'acuité visuelle
est considérablement réduite.
Son caractère contagieux ne peut être négligé,
car le trachome est une infection de la conjonctive due à un virus
; on l'appelle encore conjonctivite granuleuse. C'est une affection grave
d'évolution habituellement chronique, s' é t a l a n t pendant
des années.
L'affection touche non seulement la conjonctive, mais aussi la cornée.
Le trachome est une affection sournoise, insidieuse, tout au plus le malade
se plaint-il de picotements oculaires, de sensations de grains de sable
sous les paupières. Aussi passe-t-il souvent inaperçu, surtout
chez l'enfant.
De sa phase évolutive le trachome se surinfecte fréquemment
sans que le malade qui se frotte les yeux s'en aperçoive. Exposé
à contracter une conjonctivite aiguë le malade qui s'ignore,
favorise par sa négligence les ulcères et c'est la perte
définitive de la vue.
D'où vient le trachome ?
Personne n'est à l'abri du trachome.
Dans la famille, à l'école, à l'atelier, dans l'armée,
les exemples cliniques de contagion sont fréquents.
L'enfant est le plus exposé : il peut trouver le trachome dans
son berceau, au contact de sa nourrice malade, à la crèche.
De nombreux arguments historiques, cliniques, expérimentaux prouvent
que la contagion est favorisée par la promiscuité et le
manque d'hygiène.
Les agents de dissémination du trachome sont très variés
: ce sont essentiellement les linges (serviette de toilette, mouchoirs),
les accessoires de toilette (brosse à cils, bâton de kolh),
les mouches qui butinent sur les yeux des malades. Les conjonctivites
épidémiques saisonnières qui font couler les yeux
favori-sent la dissémination du trachome. L'histoire du trachome
montre que son foyer originel asiatique à la faveur des grands
mouvements de population provoqués par les guerres, les immigrations
(travailleurs polonais dans le Nord, etc...).
Peut-on guérir le trachome ?
Oui. Mais le traitement est long, car il s'agit d'une affection chronique
qui évolue par poussées, avec des rechutes parfois très
tardives. Il n'existe pas de traitement miraculeux. De nombreux médicaments
ont été préconisés : actuellement les sulfamides
et les antibiotiques sont préférés, en collyre, par
la bouche ou par injection dans le cul-de-sac conjonctival.
Grâce à un traitement persévérant, on peut
obtenir une guérison complète, sans complications, sans
séquelles, mais une surveillance pro-longée est nécessaire
pour affirmer la guérison.
Devant la menace que représente le principal des fléaux
médico-sociaux : les maladies oculaires et leurs graves conséquences,
les pouvoirs publics se sont alarmés.
On a créé des ligues contre le cancer. C'est très
louable, mais face à la terrible menace de cécité
généralisée provoquée par le trachome on n'envisage
pas le problème dans toute sa gravité parce qu'il est courant,
journalier, presque naturel en ce pays. Et pourtant : perdre la vue un
jour ou l'autre par négligence, par ignorance même constitue
pour soi comme pour autrui presque un crime.
Partant du principe acceptable qu'un trachomateux peut
être guéri et rendu à la société, 1"Institut
d'ophtalmologie tropicale " d'Alger créé par
arrêté du 10 décembre 1946 et qui a pris le nom d"
Institut du trachome et d'ophtalmologie tropicale ", devant
l'ampleur et le développement des ravages causés par le
trachome, s'est attaqué au mal avec des moyens puissants.
Seulement les résultats de la lutte anti-trachomateuse dépendent
non seulement des efforts patients, tenaces, du médecin mais aussi
de la compréhension et de la collabo-ration d'un public instruit.
En Algérie cette lutte peut être assurée de trois
façons pratiques
1° Par des organisations fixes comme les
hôpitaux. Actuellement on a des services d'ophtalmologie
dans les hôpitaux répartis à Oran, Constantine, Sétif,
Bougie, Tlemcen, Sidi-Bel-Abbès, Mascara, Mostaganem, Orléansville,
Tizi-Ouzou, Batna, Bou-Saada.
Les services ophtalmologiques de l'hôpital de Mustapha
d'Alger dirigés par le professeur Larmande, reçoivent des
malades de toutes origines. Il est vrai qu'Alger possède une des
cliniques les plus belles et les plus importantes du monde.
2° Par une lutte effectuée dans le
bled avec des équipes mobiles itinérantes. Actuellement
des camions bien équipés sillonnent les pays pour enseigner
à la population les moyens de se défendre et de déceler
les cas les plus graves, mais les moyens demeurent insuffisants.
|
|
-3°
Par de la recherche scientifique en isolant le virus et en recherchant
les vaccins et les sérums.
Depuis quelques années les pouvoirs publics se sont penchés
sur ce grave problème et, actuellement à l'hôpital
de Mustapha d'Alger fonctionnent trois services englobant une clinique
ophtalmologique avec des salles de consultations, des salles de malades,
des blocs opératoires, un laboratoire, un centre de recherches
rattaché à la Faculté d'Alger, une clinique d'enseignement
qui est la seule Faculté dans le monde à organiser un enseignement
de la trachomatologie et capable à l'heure actuelle de délivrer
un diplôme à des médecins.
Cette situation est connue dans le monde et l'organisation mondiale de
la santé a demandé cette année à la Faculté
d'Alger d'organiser un cours international de trachomatologie. Ce cours
a été fait à des médecins étrangers
notamment des turcs, des yougoslaves et des iraniens stagiaires.
La lutte s'avère efficace: le nombre des trachomes graves diminue.
Ce qui donne l'impression que si un effort constant de 5 à 10 ans
était soutenu, le trachome serait supprimé en Algérie.
Ce serait une erradication du trachome.
Grâce à l'obligeance du professeur Larmande nous avons pu
nous rendre compte de cet effort en visitant le Centre ophtalmologique
d'Alger-Mustapha.
C'est un grand immeuble de trois étages qui couvre une surface
considérable.
Indépendamment des salles de malades : hommes d'un côté,
femmes de l'autre, pavillon des enfants à part, l'hôpital
reçoit 40.000 consultations par an.
La salle de consultation qui est dotée de
7 box pour malades externes reçoit les patients déjà
en soins chez les médecins du bled ou envoyés par eux pour
avis et hospitalisation le cas échéant. Les malades d'Alger-centre
y sont également ad-mis quand les dispensaires de la ville sont
débordés. Selon la gravité de la maladie les patients
sont hospitalisés d'urgence et tous sont inscrits au fichier qui
dépasse actuellement 650.000.
Les salles d'opérations fonctionnent le mardi,
le jeudi et le samedi.
A côté de la salle de consultation une salle
de rééducation du strabisme reçoit les enfants qui
en sont atteints. Auparavant ils p a s s e n t avec d'autres patients
dans la salle de campimétrie où des appareils précis
permettent d'étudier la vision binoculaire et les champs visuels.
Les malades hospitalisés sont traités dans
des installations modernes dans des conditions de propreté, d'hygiène
et de commodité dignes d'admiration.
Dans un pavillon, les femmes occupent quatre salles avec
salle d'examen, cabinet de pansements, réfectoire, plusieurs dortoirs.
Les locaux réservés aux hommes sont dotés
d'installations identiques.
Les enfants, et parmi eux des nourrissons font l'objet
des soins les plus jaloux. Pour eux un problème de surveillance
et de rééducation s'ajoute aux efforts habituels. Les infirmières
et le personnel médical s'acquittent de leur tâche a v e
c fierté. Bien mieux une salle de dé-tente permet aux malades
de goûter aux plaisirs des jeux et de la radio.
Le bloc opératoire comprend 8 salles. Indépendamment de
deux blocs opératoires importants et isolés, les 6 autres
blocs munis d'appareils sanitaires adéquats permettent aussi aux
médecins stagiaires de s'exercer sous l'oeil vigilant des maîtres.
Les opérations délicates comme les cataractes, les décollements
de rétine ont lieu dans les deux premiers blocs où les médecins
en voie de spécialisation suivent l'enseignement
en observant le déroulem de l'action à travers une verrière.
Les communications (demandes réponses) se pratiquent à l'aide
de micros.
L'Institut du Trachome d ' Alger-Mustapha
comprend un amphithéâtre où ont lieu les cours, les
projections cinématographiques. Une bibliothèque nantie
uniquement de livres sur les maladies des yeux comprend plusieurs centaines
d'ouvrages spécialisés.
Mais le côté le plus curieux pour nous, a été
la visite du laboratoire de recherches nanti d'un microscope électronique.
Tout un étage est divisé en pièces consacrées
aux examens bactériologiques, aux travaux d'anatomie pathologique,
de virologie, au laboratoire de chimie.
Dans une première salle des prélèvements oculaires
sont opérés sur les malades hospitalisés. Un examen
trachomateux est effectué. Les frottis sont colorés et examinés
au microscope soit en examùen direct soit après culture.
On a constaté que l'embryon vivant de l'oeuf fécondé
peut être affecté de trachome. Au 9e jour on inocule le virus
dans le jeune d'oeuf (sac vitellin). Après le développeraient
du virus l'embryon meurt et du sac vitellin l'on récupère
dans des éprouvettes le virus qui est conservé à
très basse température dans le " deep-freezer ".
U n e chambre chaude (37°) ou étuve permet également
la multiplication de la culture. Une chambre froide (4 à 6°)
conserve d'autres virus récoltés à partir d'une animalerie
où singes, cobayes, souris et lapins sont élevés
à cause de leurs yeux qui réagissent comme ceux des hommes
en matière de trachome.
Le laboratoire de chimie permet la recherche des vaccins et sérums.
Plusieurs appareils servent soit à lyophiliser (dessécher)
soit à agrandir (microscope électronique grossissant de
20 à 75.000 fois) soit à expérimenter afin que le
trachome recule progressivement et disparaisse pour toujours.
|