À propos des événements de Margueritte
--LE PROCES DES INSURGES DE MARGUERITTE
Certains des noms cités ci-dessous figurent dans le récit " l'homme qui va vers l'ouest"
.sur site le 16-1-2007
Extrait de AFN-Colections, n°50 - Transmis par Raphael Pastor

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Dans notre Bulletin n°15 d'Avril 1998, Marcel HAUTEJA dans un texte intitulé "L'insurrection de Margueritte" relatait les faits survenus le 26 avril 1901 dans ce village près de Miliana (1).

Il y a peu, on me confiait les volumes de "L'Histoire d'un siècle de 1843 à 1944" reprenant des articles parus dans l'Illustration.

Quelle ne fut pas ma surprise d'y trouver un reportage sur le procès qui suivit ces évènements et qui apportait des réponses aux questions que se posait Marcel Hauteja.

Je ne peux résister au plaisir de reproduire in-extenso le texte de l'Illustration de 1902-1903 que j'illustrerai de quelques cartes postales relatant les évènements et montrant ainsi la perception différente, de part et d'autre de la Méditerranée, d'un épisode violent frappant une petite communauté d'Algérie.

"Les débats du procès des insurgés de Margueritte se sont ouverts, le 15 décembre, devant la Cour d'assises de l'Hérault. Bien que les événements dont il doit être le dénoue-ment remontent à plus d'un an et demi, ils ont été assez retentissants pour qu'on en ait conservé la mémoire, tout au moins sommairement ; on n'a pas oublié comment, le 26 avril 1901, à l'improviste, une bande d'Arabes fanatiques, sous la conduite d'un nommé Yacoub, se rua sur le village de Margueritte (département d'Alger), s'y livra au pillage, molesta les habitants, massacra plusieurs d'entre eux, et, capturée par une section d
tirailleurs, fut emprisonnée et déférée à la justice. Les journaux, d'ailleurs, viennent drappeler les circonstances précises de cette insurrection, à laquelle en son temp l'Illustration a consacré des pages documentaires (n° du 11 mai 1901).

On a également expliqué comment, dans l'intérêt de la défense, la Cour de cassation s'était prononcée pour le dessaisissement de la Cour d'Alger au profit d'une juridiction métropolitaine.

Pendant la longue et difficile instruction des 125 insurgés arrêtés, 14 sont morts en prison et 4 sont encore retenus par la maladie. C'est donc au nombre de 107 (2) que les accusés ont été transférés à Montpellier. L'arrivée d'un pareil contingent, grossi d ' une cinquantaine d'avocats et de 85 témoins, dont 40 indigènes et 43 colons a, comme bien on pense, causé une véritable révolution de Palais. Il a fallu bouleverser, aménager tout exprès la salle des assises, qui présente l'aspect le plus curieux qu'on puisse imaginer.

Notre photographie représente la partie la plus intéressante de la salle, celle où s'en-tassent les accusés, un fouillis de burnous et de turbans enveloppant des personnages de bronze, une masse blanche que des cordons de gendarmes encadrent de leurs lignes sombres et régulières, partagent en deux sections distinctes; les principaux acteurs du drame et les comparses.

Détail qui achève de donner à l'ensemble l'apparence d'un troupeau parqué dans l'en-ceinte de la justice, chaque accusé est marqué à l'épaule d'un numéro d'ordre imprimé en noir sur un morceau de calicot.

A tout seigneur tout honneur, voici le numéro 1, dont notre collaborateur a pu croquer le portrait pendant la lecture de l'acte d'accusation.

C'est Yacoub-Mohamed-ben-el-Hadj-Amed, le marabout, simple tailleur d'échalas, un homme de trente ans, aux traits fins, non sans noblesse, à la barbe de jais, aux yeux ardents. Près de lui se tient son lieutenant, le cultivateur Taalbi, âgé d'une quarantaine d'années, au type également caractéristique, mais un peu plus vulgaire ; Abdallah, ce jeune illuminé sanguinaire qui coupait la gorge, aux Roumis en leur tournant la face vers l'Orient.

Yacoub est défendu par Me Ladmiral, du barreau d'Alger, que la photographie reproduite ici représente causant avec le docteur Seguy, un des témoins importants de l'affaire. Originaire de la Guadeloupe, Me Ladmiral est un mulâtre foncé, ce qui ne diminue en rien l'influence qu'il exerce sur son client, comme le prouve l'incident suivant, curieux à noter.

A l'audience, après avoir achevé le dessin où Yacoub figure au premier plan, notre collaborateur eut l'idée de le faire passer à l'accusé en le priant, par la bouche de l'interprète indigène, d'écrire son nom sur la marge. Un signe de tête négatif fut la réponse du marabout; alors l'avocat intervint, et Yacoub, cédant aux instances de son défenseur consentit à donner sa signature, tracée en caractères arabes avec le crayon même du dessinateur. C'est ainsi que l'Illustration, en original, peut offrir à ses lecteurs un autographe authentique du chef des insurgés de Margueritte.

L'inévitable recours aux interprètes, les formes de la procédure scrupuleusement observées par M. le président Rouquet et M. le procureur général Lafont, le nombre des accusés, des témoins et des avocats, tout menace de compliquer et d'allonger les laborieux débats de ce procès monstre, où douze citoyens languedociens sont appelés, en vertu d'une assimilation conventionnelle et boiteuse, à juger selon nos lois une centaine d'hommes d'une autre race, de qui le tempérament, les moeurs, la croyance, la mentalité diffèrent essentiellement des nôtres."

E.F.

1-Le village de Margueritte fut fondé en 1885 sur le lieu-dit Aïn-Turki (la source du Turc) et pris le nom du Général Jean Auguste Margueritte. Il commandait la brigade de cavalerie (1er et 3e Chasseurs d'Afrique) qui chargeant à plusieurs reprises lors des combats de Sedan en 1870, s'attira les compliments admiratifs du Kaiser Guillaume "Oh, les braves gens".
Situé à environ 10 km de Miliana et à 730 m d'altitude le village comptait une population voisine de 500 européens et ses vignobles donnaient des produits estimés.
2-Les principaux accusés furent en général condamnés à 20 ans de prison et à la déportation en Nouvelle-Calédonie; 81 furent acquittés. Yacoub et son lieutenant Hadj ben Aïcha moururent au bagne en 1905.