Créé en 313 de l'hégire
soit en 926 de notre ère par Abou-el-Kacem-Ismaïl-ben Obeïd-Allah,
le Fatimide, ce centre de la région du Hodna est cité
par El-Bekri. Son fondateur, monté sur son cheval de bataille,
y traça la place de M'Sila avec la pointe de sa lance. C'est
Ali-ben-Hamdoun-el Djodhâm, surnommé le fils de l'Andalouse,
qui fut chargé de bâtir la ville, de l'embellir et de la
fortifier. Elle fut appelée Mohammédia, du prénom
d'Abouel-Kacem.
Selon El-Bekri, M'Sila bâtie au bord de l'oued Seher, aujourd'hui
oued Ksob, est entourée de deux murailles, entre lesquelles coule
de l'eau vive
qui fait le tour de la place. On y récoltait du coton dont la
qualité était excellente. Toujours selon E1-Bekri, tout
y était à bas prix, la viande surtout était abondante.
On y rencontrait des scorpions dont la piqûre était mortelle.
M'Sila ayant été rasée en 1088, ses habitants furent
transportés à Kalaâ. Une nouvelle population en
releva les murs, qui furent abattus soixante ans plus tard par les Zenata.
Reconstruite, M'Sila fut de nouveau saccagée par l'Hafside Abou-Yahia.
Les Turcs y entretenaient une petite garnison.
M'Sila fut occupée pendant quelque temps par les Français
en 1841.
En 1900, M'Sila était bien déchue de sa grandeur passée.
Ses maisons construites en " toube ", un mélange de
terre et de paille, se dressent avec leur teinte terreuse au-dessus
des jardins et des vergers d'arbres fruitiers qui bordent le bas du
mamelon.
Avant de pénétrer dans la ville, du côté
de la rive droite, il y avait en 1900 un quartier entièrement
neuf, composé d'une quinzaine de boutiques et d'un caravansérail.
Plus bas, un moulin était actionné par l'eau d'une séguia.
En suivant le lit de l'oued Ksob, on atteignait le haut de la berge
de gauche, encore plus escarpée que celle qui lui fait face.
Elle débouchait sur M'Sila avec ses rues tortueuses se terminant
en cul-de-sac.
Dans la mosquée du saint patron de l'endroit, celle de Bou-Djemeleïn,
une des dix-sept que comporte cette ville, se trouve la tombe du malheureux
Naâman, bey de Constantine qui fut étranglé en ce
lieu par ordre de son rival Tchakeur-bey. D'après M. E. Vayssettes,
une rangée de briques sur chant compose le mausolée sur
lequel on ne lit aucune épitaphe qui rappelle la mémoire
du défunt.
Situées à 4 km de M'Sila, les ruines à ras de terre
de Béchilga nous rappellent que les pierres de taille, colonnes
et chapiteaux de cette ville romaine servirent à la construction
des édifices publics et privés. Le plus curieux est l'inscription
figurant sur une grange de l'ancien caïd Ben-Safar-el-Toumi, selon
la version très controversée de M. A. Poulle, vérificateur
du service des Domaines, elle indiquerait que Béchilga était
" la nouvelle ville de Zabi la Justinienne " et qu'en conséquence
M'Sila serait la capitale de cette région du Zab.
Implantée à 468 m d'altitude, sur le versant sud du djebel
Maadid (1848 m), dans les monts de Bordj-Bou-Arréridj, l'oasis
de M'Sila est située dans le bassin du Hodna. Cette lagune salée
sans déversoir reçoit les eaux de plusieurs oueds issus
de ce massif.
Administration municipale
En 1889, la commune mixte de M'Sila avait une population
de 21 798 habi-tants dont 64 Français. En 1900, il y avait 35
052 personnes dont 186 Européens. En 1908, cette même commune
mixte avait 45 392 habitants dont 378 Français. Elle s'étendait
sur 392 255 ha sur les tribus et douars sui-vants qui en dépendaient:
Khérabelha, Selmann, Had-el-Der, Saïda, Melouza, M'Cif,
Ouled-Ghénaïm, Ouled-adi-G'bala, Koudiat-Ouitlen, Marabtin-d'el-Djorf,
Ouled-Déhim, Ouled-Abdallah, Hadidan, Loudani, Ouled-Mansour,
Mahdi, Dréat, Béni-Ilman, M'Tarfas, Ouled- Dann, M'Sila,
Adi-Guébala.
Le centre de M'Sila accéda en 1897 au statut de commune de plein
exercice, avec agrandissement en 1920.
- Administrateur: M. Bruguier-Roure; premier adjoint: M. Figelle; deuxième
adjoint: M. Arnaud; secrétaire: M. Delacourt; secrétaires-adjoints:
MM. Vullez et Moreau; khodja : M. Bekka Salah ben Sghir; architecte-voyer:
M. Jullian, conducteur des Ponts et Chaussées; crieur-public:
M. Abdel-Kader ben Lazerag; instituteur: Mme Bogicet avec, comme adjointe,
Mme Modane; médecin de colonisation: Dr Franques, résidant
à M'Sila; Postes et télégraphe : M. Raynal, receveur.
Artisans et commerçants
Situé sur une voie de passage entre les villes
et villages du littoral et les ter-ritoires du sud, les voyageurs trouvaient
à M'Sila les cafés-hôtels Lascret, Duhoux, Paty
ainsi que l'hôtel Sellier. Ces établissements servaient,
selon les saisons, une cuisine française composée en hiver
notamment de plats de viandes ovines et bovines, de bonne qualité.
Les fellahs descendaient de leurs douars pour faire moudre : blé
dur, blé tendre et orge auprès de MM. Fournier et Sellier
équipés de moulins à cylindres
Agriculteurs et céréaliculteurs
Dans une région exposée aux aléas
climatiques, la céréaliculture offrait quelques possibilités
en dépit de l'exiguïté des concessions et des rende-ments
relativement faibles en raison d'une indispensable jachère qui
ne permettait de semer qu'une année sur deux. MM. Farris, Ferrero,
Fournier et Sellier cultivaient chacun une centaine d'hectares.
Une attention toute particulière était portée à
la prévention des principales maladies des ovins et des bovins
dont la fièvre aphteuse et la clavelée des ovins.
Cependant, en raison des difficultés du milieu, de nombreux agriculteurs
se reconvertirent dans les transports et les services, alors que les
enfants se dirigeaient vers d'autres études pour embrasser des
carrières dans les grandes villes du littoral.
Pour éviter l'ensevelissement
et l'oubli
Cette synthèse, certainement incomplète,
permettra peut-être à ceux qui conservent encore des souvenirs
sur les attaches familiales qui les relient encore à M'Sila,
d'y trouver des réponses aux questions qu'ils peuvent légi-timement
se poser sur les activités que leurs aïeux avaient dans
ce village. Beaucoup ne pourront hélas pas y retrouver le nom
de leurs ascendants. Ils pourront au moins partager avec d'autres un
peu de l'état d'esprit de ceux qui comprenant et parlant la même
langue que les fellahs des douars eurent le mérite de s'adapter
à leurs rites et coutumes, capter leur confiance et s'intéresser
à cette torride plaine du Hodna.
Nourrissant l'intelligence collective de ceux qui, sur les deux rives
de la Méditerranée, connurent M'Sila, ils pourront combler
les lacunes de cette note trop succincte en évitant l'appauvrissement
et l'ensevelissement de sa mémoire dans le plus profond oubli.
oBibliographie
Guide Louis Piesse de 1889 pour l'Algérie et
la Tunisie, Hachette et Cie Editions.
Guide Adolphe Joanne de 1908, Hachette Editions.
Annuaire général de l'Algérie et de la Tunisie,
1901.
La documentation personnelle de l'auteur.
Remerciements
L'auteur exprime sa profonde gratitude à toutes les personnes
qui ont très aimablement contribué à compléter
ses souvenirs et notamment à M. Théo Bruand, au D' Georges
Duboucher, à Mme Faure-Astier et à M. Jacques Piollenc.