LES VILLAGES DE COLONISATION
Letourneux (ou Derrag),
Letourneux en 1900
par Edgar Scotti
(† )
Documents et textes :
extraits du numéro 153 , mars 2016, de "l'Algérianiste", bulletin d'idées et d'information, avec l'autorisation de la direction actuelle de la revue "l'Algérianiste"
mise sur site : avril 2016

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Letourneux en 1900
Letourneux (carte Michelin, n°172? 1958? Algérie-Tunisie)

Situé dans l'Ouarsenis dominé par le djebel Ech-Chaoun (1804 m), le centre de Letourneux a été créé en 1891 sur 2 540 ha en montagne. Jusqu'en 1895, ce village dépendait de la commune mixte de Téniet-el-Haad, à 55 km. Il est distant de 155 km de Miliana, sur la route de Boghar.

Le village doit son nom à un ethnologue qui, avec Léon Lehuraux, écrivain, lui-même ethnologue, est à l'origine de l'état civil algérien.

Lors de son accession au statut de commune de plein exercice en 1895 c'est M. Paul Cazelles, né le 2 juillet 1861, à Boghar qui devenait son premier maire.
Situé à 1 035 m d'altitude, le centre comportait en 1900, 58 concessions dont les titulaires étaient alors en cours d'installation. En raison de l'exiguïté des lots de montagne, son maire obtenait en 1919 l'agrandissement du territoi- re de la commune.

Administration municipale

Les terres en zone de montagne sont propices à l'élevage qui trouve un débouché sur l'important marché de Letourneux où s'échangent des céréales et des objets de vannerie, nattes en alfa et tapis.

- Maire: M. Paul Cazelles; adjoint: M. Narcisse Lepot; conseiller municipal: M. Nicolas Demaret; garde-champêtre : M. Joseph Odou; institutrice: Mme Plésant à l'école mixte; médecin de colonisation: Dr Noguès, résidant à Téniet-el-Haad.

En raison de son altitude, Letourneux bénéficie d'un climat tempéré avec une température minimale de 6°, 6 au-dessus de 0 en hiver avec 17°, 7 en été.

Jusqu'à sa mort le 27 novembre 1931, Paul Cazelles, maire et président de la commission départementale du conseil général encouragea l'élevage du mouton. Cet animal étant seul susceptible de concourir à l'amélioration de sols pauvres recouverts d'armoise et de quelques graminées sauvages. Avec la prévention des disettes, la pratique de méthodes de lutte contre les parasites et la création d'abreuvoirs, M. Paul Cazelles contribua au développement de cet élevage.

Letourneux n'était pas seulement un ensemble de rues et de maisons éclairées au pétrole en 1900, c'était avant tout des hommes et des femmes qui n'avaient pour objectifs que ceux de travailler avec tous ceux qui les entouraient et de donner un avenir à leurs enfants.

Les marchés hebdomadaires de Letourneux, Vialar (ancien Tissemsilt) et d'Aïn-Oussera devenaient ainsi des centres d'exportation de moutons.

En raison de son action comme président de la commission départementale du conseil général, pour le développement de cet élevage, Paul Cazelles laissait, en 1932, son nom à la nouvelle commune de plein exercice, d'Aïn - Oussera.

A côté de son immense abreuvoir, un abattoir était alors créé dans l'ancien caravansérail désaffecté d'Aïn-Oussera. Une piste sommaire précédait la construction d'un aérodrome et l'ouverture d'un courant d'exportation par voie aérienne de carcasses de moutons vers les places de la métropole.

C'est ainsi que, Aïn-Oussera, dont tous les guides touristiques des années 1880 signalaient la bonne organisation du caravansérail, était, jusqu'en 1957, reconnu dans toute l'Algérie sous le nom de Paul Cazelles, comme le plus moderne des centres d'expédition de viande ovine.

A l'aube du XXIè siècle, plus personne ne se souvient d'Auguste Batailler, de Paul Cazelles, de Rebhi Hadj et des 58 agriculteurs installés avant 1900, sur les petites concessions de cette région de Letourneux, entre Teniet-el-Haad et Boghari. Et pourtant les hommes et les femmes de toutes origines qui furent à l'origine de ce village, n'étaient pas des êtres d'exception. Ils surent simplement s'adapter à un milieu difficile pour en moissonner un peu plus de blé et en produire plus de moutons. Ce qui permettait à d'autres hommes d'y vivre à leur contact, d'y élever leurs enfants dans le respect de leurs rites et de leur culture.

Remerciements:
A l'issue de cette évocation de Letourneux, aujourd'hui complètement oublié, il convient de remercier toutes les personnès qui acceptèrent de partager leurs souvenirs et leur documentation sur ce village. Citons notamment le Dr Georges Duboucher, Mme Jacqueline Faure, M. Jacques Piollenc.