Le jardin d'essai d'Alger, le Hamma
le jardin d'essai : dans la section forestière du jardin d'essai, la VILLA ABD-EL-TIF est une jolie maison mauresque....
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sur site le 18-3-2003

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Ce qu'elle était avant l'indépendance
-----C'est le 16 avril 1906 que fut ouverte aux artistes la "Villa Jonnart" du nom du gouverneur général qui lui fixa son rôle de "Villa Médicis Algérienne". Les deux premiers titulaires de la bourse furent Paul Jouve et Léon Cauvy (1907).
-----Mohamed Agha, le plus ancien propriétaire connu de la maison, établit vers 1715 un acte officiel qui la situe ainsi
Quartier El-Anasseur (Les sources) au-dessus de la fontaine du Hamma, en dehors de la porte d'Azoun. Ali, fils de Mohamed Agha, vendit la propriété en 1817 à Ali ben Mohamed, lecteur à la grande mosquée. Puis elle passa de propriétaire en propriétaire : Osman, syndic des jardiniers ; Hadj Mohamed Khodja, directeur des magasins du port et, en 1795, à un membre de la famille Abd-elTif, qui la paya deux mille dinars d'or et constitua la totalité de cette campagne en habous à son profit d'abord, à celui de ses enfants ensuite.
-----Quand toute la lignée sera éteinte, dit l'acte testamentaire, une moitié appartiendra à la Mecque et à Médine ; l'autre moitié aux lecteurs et aux crieurs du minaret de la Grande Mosquée.
-----En 1830, la villa fut transformée en hôpital militaire et occupée par la Légion étrangère.Rendue ensuite à la famille Abd-el-Tif, elle devint en 1846 propriété des Domaines qui la transmirent plus tard à la compagnie fermière du jardin d'Essai. Enfin, le Gouvernement général de l'Algérie en devint le possesseur en 1905.
(Esquisses anecdotiques et historiques de Vieil Alger, F.Arnaudies, Édit. Barthélemy, Avignon)

 

Ce qu'elle devenue après l'indépendance

Extrait de PNHA, n°86, janvier 1998

-----La rédaction de votre magazine a souhaité faire paraître cet article d'une journaliste algérienne relatant la triste description de la villa Abd-El-Ti f parue dans EI-Moujahid. En Algérie, les hommes meurent mais les pierres aussi...
La "Villa des Artistes" Spectacle désolant

-----Le ministère de la Culture en Algérie a pour objectif (entre autres) de sauvegarder ce qui fait indéniablement honneur à un peuple, c'est-à-dire son passé, sa mémoire, ses racines. Le nôtre, a pendant de nombreuses années, raté le coche. Celui-ci est on ne peut plus important parce que devant prendre en charge notre histoire, à laquelle il a pourtant ouvertement tourné le dos et carrément claqué la porte au nez. -----Car l'on pensait modernité à l'époque... Ainsi, ce qui fut, pendant près d'un siècle "la maison des artistes" est devenue une cité-dortoir, dans laquelle le ministère de la Culture a casé quelques-uns de ses fonctionnaires. Crise de logement oblige ! Cette solution, initialement provisoire, s'éternise.
-----Car, ces familles habitent depuis plus de dix ans une villa classée monument historique ! Cette situation scandaleuse empire de jour en jour vu l'état actuel des lieux : percements d'ouvertures, installations de tuyauteries dans les murs extérieurs, installations électriques dégradant les parois, aménagements de salles de bain et cuisines, détruisant les murs extérieurs etc...
-----Aucune précaution n'est prise pour protéger la villa et sauvegarder son cachet. Les galeries, les niches, les cages d'escaliers, les boiseries, les faïences, fruits d'un artisanat minutieux disparaissent un peu plus tous les jours... Si rien n'est fait rapidement, il ne restera plus rien d'un joyau architectural et artistique de notre patrimoine culturel.
-----La "maison des artistes", dénommée villa Abd-el-Tif a été classée monument historique en 1922, classement confirmé par l'ordonnance présidentielle 67.281 du 20 décembre 1967.
-----Après avoir été pendant plus d'un demi-siècle une sorte de villa Médicis (comme en Italie), la villa Abd-el-Tif devient à l'indépendance, propriété de la sous-direction des Beaux-Arts qui dépendait du ministère de la Culture et de l'Information.
-----Elle abritait des architectes et conservateurs étrangers, installés en Algérie dans le cadre des échanges culturels et des recherches archéologiques et architecturales.
-----Vers les années 80, ce qui était ministère de la Culture et de l'Information devient secrétariat d'Etat à la Culture, puis ministère de la Culture et du Tourisme et enfin ministère de la Culture. En fait, il n'y a que l'appellation qui a changé, les pratiques on ne peut plus scandaleuses sont restées les mêmes. Car dans le souci de perpétuer la tradition "sacro-sainte", ces différentes institutions culturelles ont systématiquement "casé" quelques-uns de ses fonctionnaires en "mal de logement" histoire de taire leurs revendications, dans cette villa. La plupart d'entre eux veulent bien quitter les lieux à condition d'être relogés ailleurs. Mais le reste s'accroche et s'agrippe désespérément aux murs vieillissants et décrépis de cette villa. -----Beaucoup ont largement contribué à la dégradation des lieux, qui actuellement, ont l'air de tout sauf d'une maison des artistes ! Car ce sont précisément 13 familles qui y logent et qui se partagent un espace d'une grande beauté.
-----A l'entrée de la villa Abd-et-Tif, le chapiteau qui surplombait l'accès extérieur, gît par terre, au milieu d'une végétation sauvage. Le portail, (ou ce qu'il en reste, car une moitié a été arrachée et l'autre adossée contre le mur qui entoure la maison), est désespérément ouvert à tous les vents... Les voitures des locataires sont parquées dans la cour intérieure de la villa. Notre regard est rapidement choqué par une espèce de cabane, installée sur le toit d'un des studios, en bâche bleue. Est-ce le début d'une bidonvillisation ? L'un des symptômes est en tout cas présent...

Dépôt d'archives !

-----Plus loin, les locataires d'une autre partie de la maison, bénéficiant probablement d'un petit espace, agrandissent, à coups de parpaings et de briques les lieux qui leur ont été attribués. C'est ainsi que les fameuses colonnes torses qui, jadis s'élevaient fièrement, sont "bouchées" et entrent dans la construction d'un mur d'agrandissement ! Nous quittons cette partie annexe de la villa, la mort dans l'âme, la rage au cdeur pour nous diriger vers la villa en question.
-----Des ouvertures récentes ont été pratiquées dans les murs, les défigurant complètement, des installations électriques dégradent les parois, des sacs de poubelles sont honteusement exposés à l'intérieur des niches...
-----Mais la vue d'une des pièces du rez-dechaussée va nous laisser pendant plus d'une demi-heure pantelants. Une fois ouverte, une odeur nauséabonde de renfermé et d'humidité se dégage de cette pièce qui fait environ 8 mètres sur 5. Elle abrite, et ce, depuis plusieurs années des archives du ministère de la Culture, autrement dit, des documents historiques, des dossiers administratifs, des dépliants de cartes géographiques, des livres d'histoire, des guides des différents musées de la capitale et des autres villes et en des centaines d'exemplaires, le discours de feu Houari Boumédienne. Le tout est amoncelé, pêle-mêle sur plusieurs mètres de hauteur ! Un véritable cauchemar ! On est en droit de se demander, comment le ministère de la Culture (ou l'a-culture) a pu travailler, s'organiser pendant plusieurs années, sans archives, sans mémoires en fait ? Ces documents jaunis par le temps et l'humidité sont presque irrécupérables. Le spectacle qu'ils offrent est des plus scandaleux. Que ce même ministère loge ses fonctionnaires provisoirement dans une villa classée monument historique passe encore (et difficilement car un monument historique ne peut faire l'objet d'une maison de charité) mais qu'il jette ses archives, pour s'en débarrasser dans une maison historique, dépasse tout entendement. Où allons-nous comme ça? Au fil des années, les locataires de la villa Abd-El-Tif ont complètement oublié qu'ils logeaient dans un monument historique et se sont mis à le défigurer.
-----Le ministère de la Culture, n'a, quant à lui, absolument rien fait pour redresser la situation, il s'est mis lui aussi à participer à des actes de vandalisme des plus scandaleux. Qui se dépêchera un jour de mettre un frein à la dégradation de notre patrimoine.

H. Bouchaïb