---------Pendant
de longs siècles la technique agricole n'eut qu'une base traditionnelle
et empirique. Dans chaque pays on se transmettait de génération
en génération, souvent sous forme de maximes ou de proverbes,
les principes élémentaires de la culture du sol ou de l'élevage
dégagés par une observation millénaire.
---------L'Agriculture indigène en Algérie n'a guère
dépassé encore ce stade de l'empirisme. Sans sous estimer
l'intérêt que présente cette expérience du
milieu, que les premiers colons établis en Algérie acquirent
souvent à leurs dépens, il était inévitable
que les découvertes scientifiques qui marquèrent au cours
des siècles les étapes de l'évolution de l'humanité
eussent sur la technique agricole d'heureuses et importantes répercussions.
---------Si les pratiques ancestrales pouvaient suffire, à
la rigueur, à une agriculture tout entière consacrée
à la production des denrées vivrières destinées
à une population restreinte, elles se révélèrent
incapables d'assurer une production suffisante lorsque cette population
s'accrut. Cet accroissement nécessaire de la production s'obtint
par l'application à la technique agricole des données dégagées
par les savants dans leurs laboratoires.
---------C'est aux services de recherches et d'expérimentation
agricoles, aidés à l'occasion par les agriculteurs les plus
évolués, à constituer, en partant des données
de la science pure, un corps de doctrine agricole adapté aux conditions
du milieu naturel de chaque pays, et c'est le rôle de l'enseignement
agricole sous toutes ses formes de le faire connaître aux futurs
agriculteurs, soit directement, soit en formant les cadres qui seront
chargés de l'éducation des masses agricoles.
---------La nécessité de cet enseignement n'est plus
à démontrer. Columelle déplorait déjà
au 1" siècle de notre ère qu'il n'y eut pour l'art
de cultiver la terre ni maîtres, ni élèves.
---------L'Algérie,
eut dès les premiers temps de la conquête, des hommes éminents
qui, comme les Hardy, s'attachèrent à l'expérimentation
des cultures possibles, et dégagèrent les premiers éléments
d'une technique rationnelle de l'Agriculture algérienne. Mais il
faut arriver en 1880 pour enregistrer, avec la création de l'Ecole
pratique d'Agriculture de
Rouïba, la première tentative d'organisation d'un
Enseignement agricole en Algérie. Un second établissement
était créé à Philippeville en 1900 et, en
1905, l'Ecole d'Agriculture de Rouïba, qui devait devenir l'actuel
Institut Agricole d'Algérie, était transférée
à Maison-Carrée,
à 12 kilomètres d'Alger.
***
---------Après la
guerre, sous l'impulsion du distingué directeur de l'Agriculture
d'alors, M. Brunel, et de son regretté collaborateur Pierre Chervin,
Ingénieur agricole de Grignon, de nouveaux établissements
de degrés divers furent successivement créés : d'abord
en 1918, au Jardin
d'Essais du Hamma, l'Ecole d'Horticulture et l'Ecole Ménagère
agricole, puis en 1922, la Ferme-Ecole indigène de Guelma ; en
1929, la Ferme-Ecole d'Ain-Temouchent ; en 1930 l'Ecole d'Agriculture
de Sidi-bel-Abbès et enfin, en 1931, la Ferme-Ecole d'Arboriculture
et des Industries connexes de la Kabylie aux Mechtras.
---------" L'Institut Agricole d'Algérie
", couronnement de tout cet édifice, dispense un enseignement
d'ordre supérieur s'adressant à des élèves
d'un niveau de culture générale satisfaisant. C'est en même
temps un véritable centre de recherches agronomiques.
---------Doté d'un personnel enseignant de valeur scientifique
indiscutable, de laboratoires comparables à ceux des établissements
similaires de France et de l'Étranger, d'exploitations annexes
s'étendant sur une superficie de 120 hectares, où ses professeurs
trouvent des possibilités d'expérimentation dans les conditions
de la pratique et bénéficient de la proximité du
milieu de haute culture scientifique que constitue l'Université
d'Alger, il forme des cadres d'ingénieurs qui; soit dans l'Agriculture
militante, soit dans les divers services techniques et les organisations
professionnelles de l'Algérie, répondent à la
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-définition
qu'en donnait Bella, Directeur fondateur de Grignon il y a plus d'un siècle
: " des Ingénieurs semblables à
d'autres ingénieurs, sachant tracer le plan de production et de
culture qu'il est convenable d'établir dans des circonstances données,
et pouvant diriger l'exécution de ce plan dans ses moindres détails
".
---------Au " degré
moyen " se placent les " Ecoles d'Agriculture de Philippeville
et de Sidi_bel-Abbès " et tout près d'elles la "
Ferme Ecole d'Ain-Temouchent ". Elles répondent au type :
école pratique d'Agriculture, où l'emploi du temps se partage
entre les leçons et les applications de laboratoires et les travaux
pratiques. Leur tâche essentielle est de former de bons exploitants.
Accessoirement elles peuvent préparer leurs meilleurs éléments
à l'enseignement supérieur agricole. C'est pour faciliter
cette préparation qu'une troisième année d'études,
orientée vers l'enseignement général, sera organisée
dès l'année scolaire prochaine à l'Ecole d'Agriculture
de Sidi-bel-Abbès. 75 à 80 élèves nouveaux
sont admis chaque année dans ces trois écoles : c'est peu
pour perfectionner la technique et assurer la " relève "
des quelque 30.000 colons européens qui mettent en valeur 2 millions
et demi d'hectares du sol algérien.
--------Un enseignement plus " élémentaire "
est dispensé aux élèves de la " Ferme-Ecole
de Guelma ", orientée vers l'Agriculture générale
et l'élevage, et à ceux des " Écoles d'Horticulture
" et d'" Arboriculture " du " Jardin d'Essai "
et de la " Kabylie " que l'on veut surtout initier aux pratiques
rationnelles de la conduite des vergers et des cultures horticoles. Ces
établissements, qui sont fréquentés par une centaine
d'élèves, pour la plupart indigènes, ne connaissent
pas encore tout le succès désirable, bien qu'ils soient
susceptibles de former soit des fellahs évolués, soit des
ouvriers qualifiés dont le besoin se fait particulièrement
sentir, notamment en Arboriculture.
---------Quant à l'enseignement
ménager-agricole, il n'est représenté encore en Algérie
que par un seul établissement, l'" Ecole Ménagère
Agricole du Jardin d'Essai ", et c'est assez souligner son insuffisance
dans un pays où il reste beaucoup à faire pour la formation
de véritables " fermières ".
--------Aux écoles diverses, il faut
ajouter l'ensemble des services techniques : " Service Agricole Général
", " Service de l'Expérimentation ", Service de
l'Elevage ", " Service de la Défense des Cultures ",
" Service de l'Arboriculture " (récemment créé)
dont l'une des tâches est bien de dispenser par des moyens appropriés
: conseils directs, conférences, démonstrations variées,
articles de presse, etc... un véritable enseignement technique.
---------Il y est venu s'y ajouter en 1937
un cadre d'" Agents techniques des Sociétés Indigènes
de Prévoyance ", créé par le Gouverneur Général
Le Beau, qui doivent jouer à l'égard des fellahs le rôle
de véritables conseillers agricoles, et les faire bénéficier
des enseignements de la technique moderne, seule capable d'améliorer
suffisamment la production indigène pour qu'elle puisse suffire
aux besoins d'une population croissante.
---------Enfin, il ne faut pas omettre la
part qui revient dans cette diffusion de l'enseignement agricole aux "
écoles primaires indigènes ", où l'on s'efforce
d'éveiller la curiosité des jeunes élèves
à l'égard de certaines pratiques culturales dont la généralisation
est souhaitable.
---------L'Algérie dispose donc à
l'heure actuelle d'un ensemble d'établissements d'enseignement
et de services capables de faire connaître tant aux colons européens
qu'aux fellahs, les données les plus récentes de la technique
agricole moderne et l'application qui peut en être faite aux cultures
et à l'élevage algériens, compte tenu des conditions
économiques du moment. Leur création témoigne de
l'ardente volonté de la France de poursuivre la mise en valeur
du pays en faisant largement appel à la Science, génératrice
de progrès.
M. BARBUT,
Inspecteur Général de l'Agriculture en Algérie,
Directeur de l'Institut Agricole d'Algérie.
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