L'institut agricole d'Algérie
La technique par l'enseignement
M. BARBUT, Inspecteur Général de l'Agriculture en Algérie, Directeur de l'Institut Agricole d'Algérie.

Après la guerre, sous l'impulsion du distingué directeur de l'Agriculture d'alors, M. Brunel, et de son regretté collaborateur Pierre Chervin, Ingénieur agricole de Grignon, de nouveaux établissements de degrés divers furent successivement créés : d'abord en 1918, au Jardin d'Essais du Hamma, l'Ecole d'Horticulture et l'Ecole Ménagère agricole, puis en 1922, la Ferme-Ecole indigène de Guelma ; en 1929, la Ferme-Ecole d'A'in-Temouchent ; en 1930 l'Ecole d'Agriculture de Sidi-bel-Abbès et enfin, en 1931, la Ferme-Ecole d'Arboriculture et des Industries connexes de la Kabylie aux Mechtras.

Algeria et l'Afrique du nord illustrée, revue mensuelle, juillet 1939, n°75.Édition de l'Office Algérien d'Action Économique et Touristique (OFALAC), 26 bd Carnot ou 40-42, rue d'Isly, Alger

mise sur site le 18-11-2005

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---------Pendant de longs siècles la technique agricole n'eut qu'une base traditionnelle et empirique. Dans chaque pays on se transmettait de génération en génération, souvent sous forme de maximes ou de proverbes, les principes élémentaires de la culture du sol ou de l'élevage dégagés par une observation millénaire.

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L'Agriculture indigène en Algérie n'a guère dépassé encore ce stade de l'empirisme. Sans sous estimer l'intérêt que présente cette expérience du milieu, que les premiers colons établis en Algérie acquirent souvent à leurs dépens, il était inévitable que les découvertes scientifiques qui marquèrent au cours des siècles les étapes de l'évolution de l'humanité eussent sur la technique agricole d'heureuses et importantes répercussions.

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Si les pratiques ancestrales pouvaient suffire, à la rigueur, à une agriculture tout entière consacrée à la production des denrées vivrières destinées à une population restreinte, elles se révélèrent incapables d'assurer une production suffisante lorsque cette population s'accrut. Cet accroissement nécessaire de la production s'obtint par l'application à la technique agricole des données dégagées par les savants dans leurs laboratoires.

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C'est aux services de recherches et d'expérimentation agricoles, aidés à l'occasion par les agriculteurs les plus évolués, à constituer, en partant des données de la science pure, un corps de doctrine agricole adapté aux conditions du milieu naturel de chaque pays, et c'est le rôle de l'enseignement agricole sous toutes ses formes de le faire connaître aux futurs agriculteurs, soit directement, soit en formant les cadres qui seront chargés de l'éducation des masses agricoles.

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La nécessité de cet enseignement n'est plus à démontrer. Columelle déplorait déjà au 1" siècle de notre ère qu'il n'y eut pour l'art de cultiver la terre ni maîtres, ni élèves.

---------L'Algérie, eut dès les premiers temps de la conquête, des hommes éminents qui, comme les Hardy, s'attachèrent à l'expérimentation des cultures possibles, et dégagèrent les premiers éléments d'une technique rationnelle de l'Agriculture algérienne. Mais il faut arriver en 1880 pour enregistrer, avec la création de l'Ecole pratique d'Agriculture de Rouïba, la première tentative d'organisation d'un Enseignement agricole en Algérie. Un second établissement était créé à Philippeville en 1900 et, en 1905, l'Ecole d'Agriculture de Rouïba, qui devait devenir l'actuel Institut Agricole d'Algérie, était transférée à Maison-Carrée, à 12 kilomètres d'Alger.

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---------Après la guerre, sous l'impulsion du distingué directeur de l'Agriculture d'alors, M. Brunel, et de son regretté collaborateur Pierre Chervin, Ingénieur agricole de Grignon, de nouveaux établissements de degrés divers furent successivement créés : d'abord en 1918, au Jardin d'Essais du Hamma, l'Ecole d'Horticulture et l'Ecole Ménagère agricole, puis en 1922, la Ferme-Ecole indigène de Guelma ; en 1929, la Ferme-Ecole d'Ain-Temouchent ; en 1930 l'Ecole d'Agriculture de Sidi-bel-Abbès et enfin, en 1931, la Ferme-Ecole d'Arboriculture et des Industries connexes de la Kabylie aux Mechtras.

---------" L'Institut Agricole d'Algérie ", couronnement de tout cet édifice, dispense un enseignement d'ordre supérieur s'adressant à des élèves d'un niveau de culture générale satisfaisant. C'est en même temps un véritable centre de recherches agronomiques.

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Doté d'un personnel enseignant de valeur scientifique indiscutable, de laboratoires comparables à ceux des établissements similaires de France et de l'Étranger, d'exploitations annexes s'étendant sur une superficie de 120 hectares, où ses professeurs trouvent des possibilités d'expérimentation dans les conditions de la pratique et bénéficient de la proximité du milieu de haute culture scientifique que constitue l'Université d'Alger, il forme des cadres d'ingénieurs qui; soit dans l'Agriculture militante, soit dans les divers services techniques et les organisations professionnelles de l'Algérie, répondent à la

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-définition qu'en donnait Bella, Directeur fondateur de Grignon il y a plus d'un siècle : " des Ingénieurs semblables à d'autres ingénieurs, sachant tracer le plan de production et de culture qu'il est convenable d'établir dans des circonstances données, et pouvant diriger l'exécution de ce plan dans ses moindres détails ".
---------Au " degré moyen " se placent les " Ecoles d'Agriculture de Philippeville et de Sidi_bel-Abbès " et tout près d'elles la " Ferme Ecole d'Ain-Temouchent ". Elles répondent au type : école pratique d'Agriculture, où l'emploi du temps se partage entre les leçons et les applications de laboratoires et les travaux pratiques. Leur tâche essentielle est de former de bons exploitants. Accessoirement elles peuvent préparer leurs meilleurs éléments à l'enseignement supérieur agricole. C'est pour faciliter cette préparation qu'une troisième année d'études, orientée vers l'enseignement général, sera organisée dès l'année scolaire prochaine à l'Ecole d'Agriculture de Sidi-bel-Abbès. 75 à 80 élèves nouveaux sont admis chaque année dans ces trois écoles : c'est peu pour perfectionner la technique et assurer la " relève " des quelque 30.000 colons européens qui mettent en valeur 2 millions et demi d'hectares du sol algérien.
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Un enseignement plus " élémentaire " est dispensé aux élèves de la " Ferme-Ecole de Guelma ", orientée vers l'Agriculture générale et l'élevage, et à ceux des " Écoles d'Horticulture " et d'" Arboriculture " du " Jardin d'Essai " et de la " Kabylie " que l'on veut surtout initier aux pratiques rationnelles de la conduite des vergers et des cultures horticoles. Ces établissements, qui sont fréquentés par une centaine d'élèves, pour la plupart indigènes, ne connaissent pas encore tout le succès désirable, bien qu'ils soient susceptibles de former soit des fellahs évolués, soit des ouvriers qualifiés dont le besoin se fait particulièrement sentir, notamment en Arboriculture.
---------Quant à l'enseignement ménager-agricole, il n'est représenté encore en Algérie que par un seul établissement, l'" Ecole Ménagère Agricole du Jardin d'Essai ", et c'est assez souligner son insuffisance dans un pays où il reste beaucoup à faire pour la formation de véritables " fermières ".
--------Aux écoles diverses, il faut ajouter l'ensemble des services techniques : " Service Agricole Général ", " Service de l'Expérimentation ", Service de l'Elevage ", " Service de la Défense des Cultures ", " Service de l'Arboriculture " (récemment créé) dont l'une des tâches est bien de dispenser par des moyens appropriés : conseils directs, conférences, démonstrations variées, articles de presse, etc... un véritable enseignement technique.
---------Il y est venu s'y ajouter en 1937 un cadre d'" Agents techniques des Sociétés Indigènes de Prévoyance ", créé par le Gouverneur Général Le Beau, qui doivent jouer à l'égard des fellahs le rôle de véritables conseillers agricoles, et les faire bénéficier des enseignements de la technique moderne, seule capable d'améliorer suffisamment la production indigène pour qu'elle puisse suffire aux besoins d'une population croissante.
---------Enfin, il ne faut pas omettre la part qui revient dans cette diffusion de l'enseignement agricole aux " écoles primaires indigènes ", où l'on s'efforce d'éveiller la curiosité des jeunes élèves à l'égard de certaines pratiques culturales dont la généralisation est souhaitable.
---------L'Algérie dispose donc à l'heure actuelle d'un ensemble d'établissements d'enseignement et de services capables de faire connaître tant aux colons européens qu'aux fellahs, les données les plus récentes de la technique agricole moderne et l'application qui peut en être faite aux cultures et à l'élevage algériens, compte tenu des conditions économiques du moment. Leur création témoigne de l'ardente volonté de la France de poursuivre la mise en valeur du pays en faisant largement appel à la Science, génératrice de progrès.

M. BARBUT,
Inspecteur Général de l'Agriculture en Algérie,
Directeur de l'Institut Agricole d'Algérie.