Un lycée " technique" féminin?..
Rétrospectivement, songeons à l'ahurissement de nos grand-mères...
Pourtant, il suffit d'ouvrir largement notre vision sur les réalités
de notre époque poux vite s'apercevoir que ce mot de " technique",
caractérise bon nombre d'activités féminines
Celles-ci s'exercent dans les postes d'importance ; aussi bien dans les
bureaux, les ateliers, les laboratoires, les centres d'études et
de recherches, tant dans le domaine privé que public.
Mais ces fonctions requièrent pour y accéder de sérieuses
connaissances. Plus que jamais, obtenir les places enviables et s'y assurer,
exige de posséder les bases solides d'un enseigne-ment de sélection
qui soit adapté à toutes les nouvelles normes du progrès
technique.
Pleinement conscients de ces impératifs, les dirigeants de l'Académie
d'Alger, ont pris la décision de créer à côté
de différents établissements techniques à vocation
particulière, un lycée technique féminin.
Situé dans le 9° arr., entre Hussein-Dey et le Caroubier nettement
en retrait de la route nationale de Constantine, ce lycée est dans
son état actuel un long édifice, d'une architecture rectiligne
où sur trois niveaux ont été réparties les
premières classes et ateliers.
Octobre 1958, c'est la première rentrée. On commence avec
3 classes du niveau de base de la 4è commerciale.
Puis, au cours des deux années suivantes, successivement trois
classes de 3è commerciale et trois classes de 2nde commerciale.
Corrélativement venaient s'ajouter, une section de couture industrielle,
créée en 1959,ainsi qu'en annexe un cours d'enseignement
technique se limitant à la préparation du C.A.P. de couturière.
Ce dernier cours ayant pour but de per-mettre aux nombreuses jeunes filles
de ce quartier populeux l'exercice d'un bon métier avec un bagage
scolaire élémentaire.
Sur quelles données s'articule l'enseignement ? D'abord, il convient
de préciser : l'instruction générale propre aussi
bien aux lycées et aux collèges subsiste pour l'essentiel.
De plus, à l'ensemble des élèves sont diffusés
des cours d'application portant sur un enseignement ménager de
caractère général: cuisine, repassage, blanchisserie,
petite couture ménagère... afin que non seulement ces demoiselles
soient à leur sortie des techniciennes confirmées dans leurs
emplois, mais aussi de parfaites maîtresses d'intérieur.
Enfin, viennent les cours de spécialisa. lion qui sont donnés
suivant les aptitudes et le choix prédéterminé de
l'élève. La spécialisation est scindée en
deux grandes parties distinctes : on a à opter soit pour un enseignement
com mercial ou un enseignement industriel.
A noter dans l'option commerciale un choix de spécialisations suivant
les aptitudes, entre la comptabilité et le secrétariat.
Etoffé par une solide. instruction de base, l'enseignement commercial
qui est dispensé, tend non pas à faire simplement des dactylos
très achevées, voire d'excellentes sténo-dactylos,
mais prétend à davantage, former des secrétaires
accomplies, en mesure d'assumer des responsabilités et sachant
aussi prendre des initiatives, tant en ce qui concerne le secrétariat
que ce qui ressort de la comptabilité.
Pour l'option industrielle, au présent assez modeste car de création
plus rétente mais promis à un grand développement
dans un avenir proche, actuellement sont instruites uniquement les futures
chefs d'atelier pour les mai-sons de confection, principalement pour le
vêtement.
Contrairement aux cours des autres écoles de couture, on n'inculque
pas les rudiments de la couture dite " familiale " ou même
celle à façon, mais on prépare les élèves
à l'exercice de leur métier, suivant les pratiques, les
normes et l'utilisation de tous les principaux moyens mécaniques
appropriés à la confection industrielle.
Si pour le présent le lycée est encore au stade embryonnaire
- comme nous le fait remarquer la directrice, une très importante
extension est envisagée à bref délai.
" Nos objectifs sont très divers - nous dit-elle - ils portent
sur la construction de bâtiments, sur la multiplicité des
programmes, un plus grand choix de matières à enseigner
comme aussi sur l'ouverture de classes supplémentaires.
" En octobre 1962, date présumée de la fin des travaux,
nous serons à même d'accepter 1.200 élèves,
dont 400 pourront alors être admises (ce dès octobre 62)
comme internes. Cet internat est destiné tout particulièrement
à recevoir des jeunes filles provenant de l'intérieur.
" Pour cette année en cours, notre effectif, compte tenu de
nos possibilités, atteint 274 élèves seulement :
parmi elles 140 bénéficient de la demi-pension.
" Nos conditions pour l'admission se définissent en gros ainsi
: pour l'entrée en 4è commerciale, la candidate doit avoir
13 ans révolus et moins de 16 ans. Les études dureront 3
ans au moins avant quelle puisse obtenir son premier diplôme. Le
diplôme complet s'obtenant l'année d'après. Toutefois
si la candidate possède le B.E.P.C. ou un diplôme équivalent,
elle pourra directement entrer en 30 commerciale.
" En section industrielle, les conditions sont identiques, une élève
ayant déjà le C.A.P. de couturière, est reçue
en 2` industrielle.
" Signalons aussi que l'emploi du temps hebdomadaire porte sur 36
ou 40 heures de cours.
" En ce qui concerne l'enseignement, qui est au présent assumé
par 22 professeurs dont les deux tiers sont diplômés de l'Ecole
Normale Supérieure de l'Enseignement Technique de Paris, nous le
pousserons vers des disciplines plus élevées. Dans la section
commerciale une préparation de " techniciennes de secrétariat
" est prévue, au niveau du Brevet d'Etudes Supérieures
Commerciales. De même nous assurons un cours de secrétaires
médicales.
" Pour les sections industrielles, notre ambition sera de former
des aides biologistes, des aides chimistes et même des chimistes.
Ces professions connais-sent auprès des femmes la grande vogue.
Du reste leurs débouchés sont et seront de plus en plus
nombreux et diversifiés, surtout avec l'essor indus?
triel projeté dans le cadre du Plan de1 Constantine.
" Enfin sortiront de notre lycée des monitrices d'enseignement
ménager, au métier si spécifiquement féminin.
On ne saurait méconnaître tout l'intérêt qu'il
représente en Algérie, car il doit être pour la majorité
des éléments féminins, non seulement propice à
leur promotion sociale de base, mais encore agir dans le sens d'une meilleure
fraternisation des communautés. J'ajoute que nous escomptons de
nombreuses candidatures car c'est de plus une profession très attachante
en elle-même.
Bref aperçu, certes, mais il s'en dégage un vivant et réconfortant
témoignage.
L'Algérie pour sa plus grande prospérité pourra compter,
dans les cadres sur lesquels reposera son ossature de pays moderne, sur
une élite féminine] façonnée aux meilleurs
creusets.(moi : dixit en 1961!)
G. R.
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