--L'Etat barbaresque,
à l'arrivée des Français, le 14 juin 1830 ne disposait
d'aucun hôpital ou de locaux équivalents. Un premier hôpital
fut aménagé sous des tentes, à Sidi Ferruch, sur
les lieux même du débarquement.
A la prise d'Alger, le 5 juillet 1830, compte tenu de la situation sanitaire
alarmante, de nouveaux hôpitaux furent créés dans
plusieurs casernes de janissaires : rue
BabAzoun (qui devint le Lycée
d'Alger), rue Macaron, au Fort-Neuf, à la Citadelle
de la Casbash et au Palais de Mustapha Pacha. De nombreuses villas furent
transformées en infirmeries, dont la célèbre Villa
Abd-el-Tif ou 150 lits furent affectés à la légion.
Quelques mosquées, furent également annexées aux
hôpitaux et pharmacies.
La plaine de la Mitidja, par son immense étendue de marécages
était la cause des fièvres paludéennes, principalement,
qui faisaient plus de victimes que la guerre elle-même.
Un rapport de santé fait connaître que du 25 juin au 10 août
1830, les hôpitaux d'Alger reçurent plus de 9000 malades
(rappelons que le corps expéditionnaire était composé
de 31 000 hommes, soit presque 1/3 hors de combat).
Un siège plus confortable du service sanitaire s'imposait. Le jardin
du Dev fut choisi à cet effet. De 1791 à 1798 le Dey Baba-Hassan
fit construire dans ce magnifique jardin une belle villa qui fut embellie
par les Deys qui se succédèrent jusqu'en 1830. Le Duc de
Rovigo abandonna son projet d'occuper ces lieux et attribua le jardin
du Dey à l'Armée pour ses malades, qui prit ainsi le nom
d'Hôpital du Dey. Neuf longs baraquements furent construits et 1
500 malades purent être accueillis. La jolie villa du centre fut
réservée aux officiers en traitement et au médecin
major directeur.
La Salpêtrière, ancienne poudrière (Dar-el-Baroud,
la maison de la poudre), transformée en caserne en 1830, puis en
hôpital en 1831. fut rattachée en 1832 à l'Hôpital
du Dey.
Les deux hôpitaux réunis offraient alors une capacité
de plus de 2 000 lits.
L'édification des pavillons définitifs de l'hôpital
du Dey ne date que de 1853 et les derniers bâtiments ne furent achevés
que vers 1890.
En 1913 l'Hôpital du Dey se modernise, prend le nom d'Hôpital
Maillot et reste le second après le Val de Grâce. Maillot
fut un des médecins fondateurs de cet hôpital militaire d'instruction
d'Alger en 1832. Le 6 juillet 1833, Stéphanopoli (médecin
en chef du corps d'armée d'Alger) désigna Maillot pour diriger
le service médical de l'hôpital militaire de Moustapha Pacha
d'Alger. Il y exercera sept mois avant de se rendre à Bône
en février 1834.
Bône, entourée par les marais de l'embouchure des oueds Seybouse
et Boudjima, se trouve depuis la prise de la ville (le 27 mars 1832 par
d'Armandy et Yusuf), dans une situation sanitaire catastrophique. Le docteur
Hutin, responsable de l'hôpital militaire Sidi-Mérouane (ancienne
mosquée, transformée en hôpital), fait état
dans son ouvrage, " L'épidémie de Bône en 1833
", de 1 526 morts dans le courant de cette année.
La population civile fut relativement épargnée, et ne perdit
que 124 individus.<
Tel est le contexte dans lequel
le docteur Maillot arrive à Bône. le 7 février 1834.
Il n'avait que 30 ans, né à Briey en Moselle en 180-1. Fort
de son expérience acquise lors de l'épidémie de paludisme
de 1832 dans la plaine de la Mitidja, il expérimenta sur ses malades
le traitement de sulfate de quinine, prescrite jusqu'à cette date,
à faible dose et seulement dans le cas de fièvres intermittentes
(200mg/jour). II porta celte dose jusqu'à 2g/jour et fit diminuer
fortement la mortalité, ramenée de 1 sur 3 en 1833 à
1 sur 20 en 1834. La quinine, médicament exclusif du paludisme
durant près d'un siècle a été extraite par
Pelletier et Caventou en 1820 de l'écorce de " Quinquina ",
mais ces effets sur les fièvres, datent de 1630, découvertes
par les indiens du Pérou qui l'appelaient " Quina-Quina "
du nom de l'écorce.
Devant ces résultats, le général Monck d'Uzer, premier
commandant la place de Bône depuis le 16 mai 1832. adresse le 10
mars 1835 au ministre de la santé le courrier suivant :«
Je demande avec la plus vive insistance la décoration de la Légion
d'Honneur en faveur de M.Maillot, médecin en chef de l'hôpital
de Bône. Les services qu'il n'a cessé de rendre pendant son
séjour lui ont mérité l'estime et la bienveillance
de toute la garnison. M. Maillot a parfaitement connu la maladie qui avait
décimé la garnison en 1832 et 1833. C'est à son expérience
que nous devons d'avoir perdu aussi peu de monde ; jamais récompense
n'a été mieux méritée. » Maillot attendra
encore cinq ans avant d'être décoré, le 15 novembre
1839, où il fut admis dans l'ordre royal de la Légion d'Honneur
avec le grade de Chevalier.
Une stèle commémorative a été installée
à l'entrée de la chapelle de l'hôpital militaire de
Bône. Elle porte l'inscription suivante : " L'emploi du sulfate
de quinine à haute dose dans le traitement des fièvres intermittentes,
pseudo continues et pernicieuses, autrefois si meurtrières, inauguré
à Bône en 1833 par le Médecin major MAILLOT- a sauvé
des milliers de soldats et fut le salut de la colonisation. Le nom de
MAILLOT doit être placé parmi ceux qui honorent le plus la
France et l'Humanité ".
En 1837, il rentre en France. poursuit sa carrière.devient médecin
inspecteur. Il vivra assez longtemps pour voir ses mérites personnels
reconnus et pour connaître la découverte, par le docteur
Laveran. de l'agent causal du paludisme (l'hématozoaire) en 1880
à l'hôpital militaire de Constantine. Le prix Nobel de physiologie
et de médecine fut décerné à ce dernier en
1907.
Le docteur Maillot décédera à Paris le 24juillet
1894 à l'âge de 90 ans.
Son nom sera donné, par décret de, juillet 1881, au village
de Souk-el-Tleta dans le département d'Alger et également
à une rue de BONE. en 1882.
Yves MARTHOT
Bibliographie :
- Revues "L'Al gérianiste" : 11-22-37-38-39
- L'oeuvre du service de santé militaire en Algérie (1830-1930)
- L'oeuvre médicale française en Algérie
-Le service de santé des armées en Algérie (1830-1958)
-L'épidémie de Bône en 1833 - Docteur E Ilutin
-François Clément Maillot (1804-1894) - "bienfaiteur
de l'humanité"
- L'Algérie de 1630 à 1840- Camille Roussel
-Etablissement français dans la Régence d'Alger - Genty
de Bussy
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