Hamman Mélouane, station thermale
algéroise.
Il y a bientôt trois
ans, le 6 février 1932, je parlais déjà, dans ces
mêmes colonnes de " la station thermale et touristique d'Hammam
Mélouane " et je terminais ainsi :
" Hammam Mélouane est aussi appelé à un brillant
avenir. Dans un temps plus ou moins éloigné, les sources
ferrugineuses et chlorurées sodiques qui y jaillissent seront
exploitées rationnellement. Une société est actuellement
constituée afin de donner à cette richesse naturelle l'importance
qu'elle mérite. Au point de vue médical, les eaux d'Hammam
Mélouane sont dignes d'intérêt et susceptibles de
rendre de grands services. Ce n'est pas dans un but uniquement lucratif
qu'il est question de les aménager, mais bien plutôt dans
un but humanitaire. Nombreux, en effet, sont les réformés
de guerre et les civils dont les affections nécessitent un traitement
que les eaux thermales telles que celles-ci peuvent soulager. Actuellement,
on envoie ces malades en France pour suivre le régime prescrit
par la Faculté. Lorsque cette station thermale aura été
édifiée aux sources d'Hammam Mélouane, il sera
possible d'y traiter de nombreux malades avec des frais considérablement
réduits.
" On nous dit que la société récemment constituée
commencera les travaux d'aménagement dans un délai qui
ne dépasse pas le temps nécessaire à l'accomplissement
des dernières formalités administratives.
" Souhaitons que cette réalisation, unanimement désirée,
soit prompte. "
Ces souhaits formulés il y a trois ans, ont été
exauçés.
Je reviens d'Hammam Mélouane et je suis heureux de pouvoir parler
non plus de réalisations futures mais de l'achèvement
des projets conçus par un groupement dont les efforts sont à
louer sans réserve.
Si Hammam Mélouane a conservé son cachet de pittoresque
grâce aux hautes montagnes qui le surplombent et au cours tumultueux
de l'oued Harrach écumant entre des roches multicolores, on éprouve,
en le découvrant aujourd'hui une sensation différente
mais non moins artistique.
Il semble que l'on soit tout à coup transporté dans l'une
de ces gentilles petites stations thermales nichées au creux
d'une vallée pyrénéenne au bord d'un gave où
bondissent les truites.
En effet, l'antique piscine indigène a été très
heureusement modifiée et améliorée. Les bâtiments
désuets et laids ont fait place à de nouvelles constructions
conçues en un style beaucoup plus agréable, par un spécialiste
de l'architecture : M. Lowe.
C'est toute une cité qui a été édifiée
sur une superficie d'environ six mille mètres carrés.
Quatre quartiers s'y distinguent parfaitement : un grand hôtel
et ses annexes, une cité indigène, un établissement
thermal et une cité de deuxième classe.
Le caractère général de ces constructions est essentiellement
méditerranéen et l'ensemble présente d'harmonieuses
masses blanches aux larges ouvertures et ornées de tuiles vernissées.
La cité indigène a été la première
réalisée en ne négligeant rien pour que ses habitants
se trouvent parfaitement dans un habitat conçu selon leur genre
de vie mais garantissant un état de salubrité inconnu
jusqu'ici. Une mosquée y a été édifiée
et un café maure permet quelques distractions aux habitants de
ces lieux charmants.
L'établissement thermal a été doté de tous
les perfectionnements qu'exigent la thérapeutique moderne et
l'héliothérapie.
Un minaret de vingt-trois mètres de hauteur domine l'ensemble
de la bâtisse. Mais, ce n'est pas seulement par souci d'esthétique
qu'il a été édifié ; il sert en effet de
château d'eau et c'est en définitive ce que l'on peut appeler
joindre l'utile à l'agréable. Dans le corps du bâtiment
sont rationnellement répartis les divers services : cabinet du
médecin, contrôle, lingerie pour hommes, lingerie pour
femmes, salles de bains de deuxième classe, salles de bains de
première classe, salles de massage, de douches, de repos particulières.
Une salle de repos commune termine cette aile du bâtiment et,
sur son pourtour se trouvent encore deux piscines particulières
et une salle de douche à la lance.
L'autre aile du bâtiment est identique à la précédente
mais réservée aux femmes et pourvue d'un service de gynécologie.
Les terrasses, très vastes, sont aménagées en solarium
d'où l'on découvre un splendide panorama sur les gorges
de l'Harrach.
Le grand hôtel avec ses treize chambres dont cinq avec salle de
bain, son bar, son restaurant, sa terrasse accueillera les touristes
enchantés de trouver un confort et un luxe dont on ne peut que
se féliciter.
Enfin, la cité de deuxième classe comprendra quatre bâtiments
entourés de jardins.
En outre des terrains de jeux sont prévus ainsi que des courts.de
tennis.
Ainsi donc, à trente-sept kilomètres d'Alger s'est édifiée
une station thermale moderne qui sera, peut-on dire, la station algéroise
par excellence.
Tous ces travaux, ayant nécessité de gros capitaux, ont
été entrepris sur des données certaines permettant
l'espoir d'une parfaite réussite.
En effet, longtemps avant que ne soit mis sur pied le projet actuellement
réalisé, les qualités curatives des eaux d'Hammam
Mélouane avaient été reconnues par les autochtones.
Nombreux étaient les baigneurs indigènes et quelques européens
avertis ne dédaignaient point la piscine du marabout de Sidi-Slimane.
Il existe un fond de vérité à toute légende
et celle de la fille du bey miraculeusement guérie par les "
eaux colorées " n'est peut-être pas tout à
fait une légende.
Toujours est-il que les indigènes ont attribué de tous
temps des propriétés miraculeuses aux eaux d'Hammam Mélouane.
La science aidant, le mystère disparut à nos yeux. C'est
ainsi que M. Tripier, vers 1 840 effectua la première analyse
chimique de ces eaux. Nombreux sont ceux qui lui succédèrent
et c'est ainsi qu'à ce jour nous sommes à même de
déterminer de façon certaine les qualités des eaux
d'Hammam Mélouane.
Leur température est d'environ 39 à 40 degrés ce
qui est un agent important de l'efficacité des eaux. Elles sont
salées et ont, à peu de chose près, le même
goût que l'eau de mer. De nombreuses recherches ont été
effectuées par les spécialistes auxquels nous empruntons
les conclusions suivantes :
Par leur constitution chimique et leurs propriétés physico-chimiques,
les eaux minérales d'Hammam Mélouane se rapprochant beaucoup
des eaux de Salins Moutiers, en France et de celles de Montecatini en
Italie. Le docteur Payn les préconise dans le traitement des
rhumatismes, des maladies des femmes, des ostéites traumatiques
et autres affections analogues qui, en France, sont justiciables du
traitement par les eaux chlorurées sodiques hypertoniques.
Devant tant d'avantages réunis il nous faut féliciter
bien sincèrement la Société des Eaux Thermales
d'Hammam Mélouane. Elle ne s'est jamais laissé aller au
découragement en face des difficultés énormes qu'elle
eut à résoudre. Grâce à de la méthode
et surtout aux compétences des dirigeants, Hammam Mélouane
est aujourd'hui la plus intéressante station thermale vraiment
organisée de la proche banlieue algéroise.
En plus des sources déjà connues, deux émergences
nouvelles ont été découvertes près du "
rocher de la mariée ". Cette source est très riche
en silice et renferme du sulfate de chaux et du sulfate de magnésie.
Elle vient donc compléter l'équipement thermal par ce
fait qu'elle s'applique au traitement par ingestion tandis que les autres
sources servent à l'hydrothérapie externe.
Très digestive, la source de l'" Aïn-el-Aroussa "
est indiquée dans les troubles du métabolisme, de la cilice
ou du calcium et les scléroses variées, dans les maladies
hépato-rénales et dans les colibacilloses.
Grâce à la " Société des Eaux Thermales
d'Hammam Mélouane " l'Algérie devient un peu moins
tributaire de la Métropole et de l'Étranger ou seuls pouvaient
partir se soigner les privilégiés de la fortune. Avec
les aménagements actuels et grâce à sa proximité
d'Alger, la station thermale des " sources colorées "
si pittoresquement située est appelée à un très
bel avenir.