La station thermale et touristique d'Hammam-Mélouane.
" Salomon avait sous
ses ordres tous les génies ", dit la légende. "
Quand il lui plaisait de prendre un bain dans un endroit quelconque,
il invoquait les esprits de la terre qui, aussitôt, faisaient
surgir la source thermale, acceptant, en outre, de la maintenir chaude
à perpétuité. "
C'est ainsi que, suivant le cours tumultueux de l'oued Harrach, Sidi
Slimane fit sourdre, à l'endroit appelé aujourd'hui Hammam-Mélouane,
les sources chaudes faisant de ce lieu l'un des endroits les plus charmants
de la grande banlieue algéroise. Bien que les gorges y conduisant
n'aient point le même aspect sauvage que celles, mieux connues,
de la Chiffa ou de Palestro, la promenade que l'on doit effectuer pour
s'y rendre est des plus pittoresques. La vallée de l'Harrach
qui, à la sortie de Rovigo, est toute en largeur, se resserre
peu à peu pour ne plus dessiner qu'une étroite gorge toujours
plus encaissée à mesure que l'on approche des sources.
Des pentes abruptes surplombent la chaussée dont l'ombre des
oliviers sauvages estompe le tracé. Dévalant les pentes,
dans un fracas assourdissent, de petits oueds arrachent aux montagnes
des blocs de rochers qu'ils roulent avec fureur. Après avoir
parcouru une route sinueuse en corniche, apparaissent quelques maisonnettes
aux toits de tuiles rouges. Un auvent soutenu par des bois tordus abrite
une alignée de panneaux numérotés rappelant des
cabines de bain. Par les portes entrebâillées s'échappent
des fumées et il est possible d'apercevoir, par cette ouverture,
des indigènes occupés à attiser un feu de bois
vert. A droite, l'attention est retenue un instant par une bâtisse
à un étage : c'est l'hôtel d'Hammam-Mélouane.
Puis, tout à coup, la route s'arrête en cul-de-sac devant
une falaise à pic.
A quelques centaines de mètres avant d'arriver au village, en
contrebas de la route et sur les galets formant le lit de l'oued Harrach,
un campement indigène est établi. Ce ne sont que vieilles
toiles de sac, burnous en lambeaux et feuillages desséchés
entassés dans un fatras à l'aspect sordide. Des bambins
à demi-nus se chamaillent, se bousculent et se jettent même
des cailloux ronds formant le sol ; de pauvres vieilles mauresques transportent
des branchages glanés au pied des montagnes, tandis qu'à
quelques pas, l'eau boueuse et tourbillonnante de l'oued saute de roche
en roche.
Ayant mis pied à terre, le voyageur se dirige vers un marabout
dont la blancheur tranche étrangement sur le fond sombre de la
falaise au pied de laquelle il s'accote. Une sente y conduit. La bordant,
un ruisselet s'écoule en cascatelles. Son eau a rougi les galets
de son lit ; de la vapeur s'en exhale lentement et l'on est évidemment
tenté de toucher du doigt cette eau fumante de laquelle se dégage
une douce chaleur. La source proprement dite est abritée par
le marabout. Détail amusant, par une ouverture de la coupole,
un jeune figuier dresse vers le ciel ses maigres branches éfeuillées.
Des indigènes, nombreux, pénètrent dans le sanctuaire
où sourd l'eau miraculeuse et s'y baignent consciencieusement.
A une centaine de mètres de là, toujours au pied de la
montagne, une seconde source jaillit et s'écoule en fumant. Encore,
à la même distance, une troisième source. Il en
existe d'autres d'ailleurs dans la montagne.
A quelques pas de là, se trouve, à flanc de coteau, une
grotte très fréquentée par les femmes qui, indigènes
et européennes, désirent devenir mère dans l'année
qui s'écoule. Leur supplique, paraît-il, est souvent exaucée.
Actuellement, des travaux sont en cours pour prolonger la route, dont
le terminus est à Hammam-Mélouane, sur
Boghari, par Champlain.
Sur la rive gauche de l'oued Harrach, la falaise a été
coupée et des murs de soutènement ont été
bâtis. La route elle-même est tracée et sa plateforme
se dessine nettement- Il n'est plus qu'à édifier un pont
au-dessus des tourbillons du torrent, tourbillons accentués à
cet endroit par un coude brusque.
Pour l'instant, il n'existe, en fait de pont, qu'un énorme et
long madrier dont la flexibilité, lorsqu'on en use, n'est point
recommandable aux personnes sujettes au vertige ou au mal de mer. Pour
y parvenir, il n'existe d'ailleurs encore qu'un sentier de chèvre
surplombant, à pic, la falaise rocheuse au pied de laquelle s'acharnent
les eaux boueuses.
Hammam-Mélouane est aussi appelé à un brillant
avenir. Dans un temps plus ou moins éloigné, les sources
ferrugineuses et chlorurées sodiques, qui y jaillissent, seront
exploitées rationnellement. Une Société est actuellement
constituée afin de donner à cette richesse naturelle l'importance
qu'elle mérite. Au point de vue médical, les eaux d'Hammam-Mélouane
sont dignes d'intérêt et susceptibles de rendre de grands
services. Ce n'est point dans un but uniquement lucratif qu'il est question
de les aménager, mais bien plutôt dans un but humanitaire.
Nombreux, en effet, sont les réformés de guerre et les
civils dont les affections nécessitent un traitement que des
eaux thermales telles que celles-ci peuvent soulager. Actuellement,
on envoie ces malades en France pour suivre le régime prescrit
par la Faculté. Lorsque cette station thermale aura été
édifiée aux sources d'Hammam-Mélouane, il sera
possible d'y traiter de nombreux malades avec des frais considérablement
réduits.
On nous dit que la Société récemment constituée
commencera les travaux d'aménagement dans un délai qui
ne dépassera pas le temps nécessaire à l'accomplissement
des dernières formalités administratives.
Souhaitons que cette réalisation, unanimement désirée,
soit prompte.