LES GISEMENTS MINIERS
DE L'OUENZA ET DE BOU-KHADRA
Il faut compenser l'absence
par le souvenir.
La mémoire est le miroir où nous regardons les absents.
Joubert
Entre l'oued Melègue et les monts de Tébessa,
les djebels Ouenza et Bou-Khadra, distants d'environ 25 km, font partie
de cette série de chaînons à cheval sur la frontière
algéro-tunisienne. Constitués par des calcaires aptiens
effondrés, ces deux massifs recèlent d'importants gisements
de minerai de fer dont l'existence est connue depuis l'époque romaine.
Les romains s'étaient intéressés aux gisements miniers
de l'Ouenza et BouKhadra, non pas pour le fer qu'ils recèlent mais
pour le cuivre contenu en petite quantité et qu'ils plaçaient
au nombre des métaux précieux. Dans les monts Hallatif,
Douamis et Zerga, on a retrouvé quelques puits et galeries percés
à cette époque. Des fouilles effectuées dans les
travaux romains aux environs de 1870 permirent de retrouver l'existence
des minerais de fer, cuivre et métaux connexes. C'est à
partir du 22 avril 1914 que la " société de l'Ouenza
" eut le droit d'exploiter ces gisements.
La qualité du minerai est variable. A l'Ouenza, il faut en distinguer
deux catégories : le minerai normal ou marchand titrant 54 % de
fer et le minerai de deuxième qualité ou minerai brun recélant
40 % de fer. A Bou-Khadra, la teneur en fer est de 57 % à 58 %
en moyenne, les minerais de première et de deuxième qualité
offrant sensiblement les mêmes propriétés qu'à
l'Ouenza. L'ensemble des gisements reconnus constituait une réserve
de cent millions de tonnes pour l'Ouenza et de trente pour Bou-Khadra.
Les recouvrements calcaires et marneux ont permis l'exploitation à
ciel ouvert sur la presque totalité du site. Les carrières
étaient ouvertes par gradins de 15 m de hauteur en moyenne. Une
succession de cirques plus ou moins bien délimités correspondaient
chacun à un quartier. A l'Ouenza, par exemple, on distinguait les
quartiers : Douamis, Hallatif, les Conglomérats et Sainte Barbe.
Les mines étaient forées au marteau piqueur puis l'extraction
mécanique s'est peu à peu substituée à l'extraction
manuelle. Le processus était simple. Le minerai était recouvert
d'une couche plus ou moins épaisse de stérile qu'il convenait
d'enlever afin de découvrir le minerai proprement dit. Des moyens
très modernes et puissants étaient alors utilisés
: des foreuses à trépan et rotatives creusaient des trous
d'une profondeur variable qui étaient bourrés de nitrate,
explosifs plus économiques et moins dangereux de maniement que
la dynamite. Une mise à feu électrique permettait de faire
exploser ces charges. Ces explosions ébranlaient la paroi de la
mine permettant de dégager à la pelle mécanique le
minerai qui était ensuite transporté par chemin de fer jusqu'à
Bône, via Oued-Kéberit.
La production était arrivée progressivement à une
cadence d'environ 2 millions de tonnes par an. Quinze millions de tonnes
de minerai avaient été enlevés de 1921 et 1943. On
prévoyait plus de deux millions de tonnes pour 1961. Ouenza produisait
les 4/5e de la production, le reste provenant de Bou-Khadra.
La société de l'Ouenza fut créée en 1913 pour
l'exploitation des mines. Sensiblement à la même époque,
fut construite la voie ferrée reliant Ouenza à Oued-Kébérit
et permettant l'évacuation massive du minerai vers Bône.
La " société de l'Ouenza " devint concessionnaire
du site de Bou-Khadra en 1925. L'exploitation de ce site fut mécanisée
qu'à partir des années 1954 et 1955.
A Bône, la société disposait d'un quai de quatre cents
mètres et de terre plein de stockage de 450 000 tonnes La presque
totalité des installations fut détruite en décembre
1942 par les bombardements allemands. La société entreprit
la reconstruction de tout l'ensemble capable d'embarquer trois millions
de tonnes par an, avec un parc de stockage d'un million de tonnes.
Les deux principaux clients de l'Ouenza étaient l'Angleterre et
l'Allemagne à parts sensiblement égales. La France ne venait
qu'ensuite en raison des difficultés de fret et de transport d'une
part et du fait de l'utilisation du minerai de Lorraine d'autre part.
Bien que fort apprécié, le minerai de l'Ouenza était
fortement concurrencé sur le marché international par les
gisements de fer d'Amérique du Sud et du Canada.
L'effectif total de la " société de l'Ouenza "
était de 2 350 personnes dont 1670 pour l'Ouenza, 446 pour Bou-Khadra
et 234 pour l'installation portuaire de Bône. 76 % du personnel
de la Société était d'origine musulmane. La main
d'oeuvre était recrutée à plusieurs sources : recrutement
local (douars environnants, Tunisie), El-Oued, Petite Kabylie, Maroc.
Durant la seconde guerre mondiale, pour pallier l'insuffisance des effectifs,
la société avait dû recourir à l'emploi de
prisonniers italiens. Elle recrutait avec difficulté : diésélistes,
motoristes, chaudronniers et dactylos.
Les avantages ne faisaient pas défaut. Le personnel touchait le
salaire minier défini par arrêté de la Délégation
Générale. Il travaillait au rendement et recevait une prime
annuelle calculée en fonction du tonnage expédié.
Le logement était fourni gratuitement ainsi que l'eau. L'électricité
était payée à un prix dérisoire. Le ravitaillement
en produits alimentaires était assuré par le service de
l'Economat. Par ailleurs, la mine possédait un groupe scolaire
de 6 classes recevant deux cents élèves. Elle disposait
aussi d'un pavillon médical dirigé par un médecin-chef
et un médecin adjoint, secondés par une sage- femme et des
infirmiers.
ClaudeBARNIER
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