Parmi les captifs de renom qui furent à
El-Djezaïr, est à citer Emmanuel
d'Aranda, gentilhomme né à Bruges, pris en 1640,
et vendu pour 720 francs. La relation de sa captivité, publiée
en espagnol, fut donnée en français à Bruxelles,
en 1656. Son portrait y figura avec ce quatrain :
Ce n'est ici que la peinture
De l'auteur de cette aventure.
Qui le voit, le connaît des yeux,
Mais qui le lit, le connaît mieux.
|
D'Aranda fut libéré en 1642.
Ajoutons qu'avant Cervantès, un grand peintre italien fut aussi
esclave à Alger. Vasari qui écrivit la vie des grands artistes
de son pays, rapporte que Fra Filippo Lippi,
le plus grand peintre de Madones du XVèrne siècle, avait
été pris par les corsaires et emmené à Alger.
N'ayant aucun moyen de se faire comprendre et d'apitoyer son maître,
il réussit cependant à l'intéresser à son
sort, en dessinant son portrait sur un mur blanc, avec un morceau de charbon.
Cette évocation parut miraculeuse à tous, car, dit Vasari,
ni le dessin, ni la peinture n'étaient pratiqués dans ces
pays. Et ce fut la raison pour laquelle l'artiste ingénieux obtint
sa liberté. Mais quand son maître lui offrit de le relâcher,
Filippo Lippi ne se montra pas moins diplomate qu'artiste, car il sut
obtenir qu'avec lui fussent libérés ses compagnons d'infortune
et que tous fussent ramenés à la baie d'Ancône où
ils avaient été capturés (1435).
Le 17 mars 1864, la revue l'Artiste, publia sous la direction d'Arsène
Houssaye, une eau-forte de Bergeret qui montre Filippo Lippi dessinant
sur le mur blanc d'une maison mauresque, le portrait du Pacha à
la décision duquel il devait être bientôt libéré.
Arago
Arago fut par certains, mentionné
comme ayant subi une captivité à Alger. Berbrugger en 1854,
établit formellement le contraire.
Arago au milieu de l'année 1808, avait été envoyé
à Majorque pour mesurer le méridien. La France se trouvant
à ce moment en guerre avec l'Espagne, il dut se réfugier
au fort de Bellver pour n'être pas capturé par des agents
envoyés de la Péninsule. Il en sortit clandestinement le
8 juillet 1808, avec M. Bethemie, aide de camp de l'Empereur, pour s'embarquer
sur une tartane allant à Alger, ville où il pensait trouver
un navire avec lequel il retournerait à Marseille. Il arriva ici
le 3 août, et descendit chez le Consul de France, Dubois-Thainville,
qui le garda ainsi que l'officier, en sa villa de Mustapha-Pacha, à
Mustapha-Supérieur.
Le 13 août, pourvus de faux passeports les donnant pour des marchands
étrangers, les deux Français partirent sur un navire qui
appartenait à l'Amin Sekka (directeur de la Monnaie) et se rendait
en Provence. A bord, se trouvaient deux lions que le Dey envoyait à
Napoléon, et un grand nombre de singes. En route, le navire rencontra
un bâtiment de commerce américain que le capitaine algérien,
tout en utilisant Arago comme interprète, dépouilla de quelques
marchandises.
Le bateau d'Arago approchait de Marseille quand un corsaire espagnol l'arrêta
et l'emmena à Rosa. Arago prévint en secret le Dey de l'aventure,
lui faisant savoir en outre, qu'un des deux lions était mort. Le
Dey rendu furieux, surtout par ce dernier accident, intervint auprès
du Consul d'Espagne et bientôt, obtint la libération de son
navire.
Le 28 novembre, le navire repartit pour Marseille, mais un violent coup
de vent le repoussa jusqu'à Bougie où il dut demeurer.
Ayant failli être tué par un Kabyle sur le pont de son bâtiment.
Arago décida sur-le-champ et malgré l'opposition du capitaine,
de regagner Alger par terre, avec M. Berthemie.
Moyennant la somme de 108 francs et " un burnous ", Arago et
son compagnon, qu'escortaient quelques matelots, obtinrent d'un marabout,
d'être convoyés jusqu'à El-Djezaïr.
Après un voyage dont il serait trop long de conter les péripéties,
la petite troupe, au grand étonnement du pacha, arriva à
Alger. On était en décembre.
Arago fut recueilli de nouveau par M. Dubois-Thainville. A ce moment,
la guerre faillit éclater entre la France et la Régence.
Selon la coutume, le Dey faisait arrêter et incarcérer tous
les sujets du souverain avec lequel il était en hostilités.
Cette fois, il n'alla pas jusque-là, et Arago put demeurer au Consulat
de France.
Peu après, le Consul de Suède, M. Nordling, ayant versé
pour lui une caution, il fut autorisé à habiter le Consulat
de cette nation, situé à El-Biar.
Enfin, aux derniers jours de juin 1809, Arago put s'embarquer pour Marseille
où il arriva, le 2 juillet.
On le voit donc, le grand savant ne fut jamais l'esclave des Barbaresques.
Ceux-ci, à son arrivée à Alger, se contentèrent
de séquestrer ses instruments d'étude, dont les cuivres
éclatants leur avait fait croire à l'existence d'un trésor
parmi ses bagages.
Une rue d'Alger porte son nom.
Le contre-amiral Arago qui, en mars 1909, reçut en ses salons les
membres du Comité du Vieil Alger, était un descendant du
savant.
|