Commémorations
urbaines et extra-urbaines
Statue du Maréchal
Bugeaud
Ce bronze, modelé par le statuaire
Dumont, de l'Institut, et fondu par MM. Eck et Durand, fut inauguré,
place d'Isly, le 14 août 1852. (Le 5 septembre 1853, on inaugura
une statue identique, dans le pays de Bugeaud, à Périgueux)
(1 La statue de Périgueux fut
érigée sur la place du Triangle.).
Le maréchal, dont tout Français connaît l'effigie
maintes fois reproduite, est représenté en tenue de campagne
et tête nue ( Le sabre que
reproduisit le bronze, a été modelé sur celui que
portait Bugeaud à la bataille d'Isly.). Des étendards
marocains sont auprès de lui. L'oeuvre repose sur un piédestal
taillé dans un bloc de porphyre, du Cap-de-Fer. Une grille octogonale,
composée de flèches, de piques et de javelots se renouvelant
en faisceaux à chaque angle, entoura en 1855 le monument.
Une inscription devait en principe, être gravée sur le socle.
Elle eût fait connaître que la statue du vainqueur d'Isly
avait été érigée " au moyen d'une
souscription ouverte parmi la population et l'armée et avec l'aide
du trésor de l'Etat ". Mais aucun texte ne figura sur
le socle. Il en fut ainsi jusqu'à 1909, de telle sorte que, pendant
plus d'un demi-siècle, nombre d'étrangers purent passer
devant la statue, en possibilité d'ignorer quel personnage elle
représentait.
Ce fut le Secrétaire général du Gouvernement, M.
Mercier-Lacombe, qu'on nomma président du Comité de souscription
: Le monument coûta exactement : 45.716 frs 15 centimes. L'Etat
prit à sa charge la fourniture du piédestal.
Pour l'établissement des fondations les ingénieurs durent
détourner le groc aqueduc qui traversait la place. (On sait que
celui-ci fit longtemps dénommer " rue de l'Aqueduc
" (3 Jusqu'au 17 octobre 1844.)
l'actuelle rue d'Isly).
Cette voie, le jour de l'inauguration, était dans toute sa longueur,
décorée de drapeaux, de bannières et d'oriflammes.
Des bigues reliées par des guirlandes de feuillage, portaient des
écussons redisant les noms des batailles gagnées par le
maréchal et ceux des villages fondés sous ses auspices.
Des banderoles flottaient partout, avec la devise de Bugeaud : "
Ense et aratro ".
Des tribunes étaient dressées devant la statue où
avait pris place le Tout-Alger.
Autour du monument apparaissaient des trophées d'armes auxquels
avaient été joints des instruments agricoles " pour
rappeler le double caractère de l'homme qu'on célébrait
".
La cérémonie eut lieu à cinq heures du soir, en présence
du Gouverneur général Randon, du général Espinasse,
aide de camp du prince Napoléon ; du capitaine Trochu, ancien aide
de camp du Maréchal, représentant le ministre de la Guerre,
Saint-Arnaud ; du général Ferray, gendre du Maréchal
; du statuaire Dumont et de nombreuses notabilités civiles et militaires.
Au milieu de la solennité, quelques instants furent consacrés
à une petite cérémonie.
L'évêque Pavy (qui venait d'être fait commandeur de
la Légion d'Honneur), procéda au pied de la statue, devant
un autel improvisé, au mariage de deux orphelins de l'Assistance
religieuse : Antoine Boulet et Victorine Dijou, pour la dot desquels le
Président de la République avait envoyé 500 francs,
le préfet et le général Ferray, chacun 200 francs.
Une " concession " dans le village de Castiglione, avait été
en outre octroyée aux jeunes époux.
La présidence de ce mariage fut donc le dernier acte " officiel
" de l'illustre Maréchal !
Un défilé de troupes eut lieu ensuite devant le monument.
En tête, se voyaient des détachements composés d'hommes
ayant assisté à la bataille d'Isly.
Les chasseurs d'Afrique en passant devant Bugeaud, jouèrent aux
applaudissements frénétiques du public, l'air de la "
Casquette ", tandis qu'immobilisé sur les crètes
qui dominent la place, le reste des troupes présentait les armes,
" formant ainsi un fond de tableau d'un effet à la fois
pittoresque et imposant ".
L'Illustration donna de cette scène une reproduction, dans son
numéro du 4 septembre 1852.
La victoire d'Isly, à laquelle le maréchal Bugeaud dut son
titre de duc, fut remportée le 14 août 1844. L'Histoire conserve
le souvenir de deux batailles d'Isly, livrées aussi dans le mois
d'août, l'une en 1250, l'autre en 1272, entre les partisans des
Fatimides et ceux des Mérinites.
Détail curieux, le maréchal Bugeaud ne consentit jamais
à acquitter les droits de chancellerie s'élevant à
18.000 francs, auxquels le soumettait l'attribution de son titre de duc
- titre que, de ce fait pourrait-on dire, le héros d'Isly porta
illégalement.
Les Algériens voulaient en principe que la statue fût dressée
sur la place
Bresson. (La souscription algérienne s'était
élevée à 16.876 francs, somme assez importante pour
la Colonie naissante).
Le Ministre s'opposa au voeu exprimé et décida que le monument
serait érigé sur la place d'Isly.
Afin de faciliter l' ceuvre du statuaire Dumont, la duchesse d'Isly mit
à la disposition de celui-ci les costumes du Maréchal et
un buste qui reproduisait, très heureusement, les traits de ce
dernier.
En juillet 1852, le Maréchal Randon, gouverneur général,
donna des ordres pour qu'on plaçât dans les fondations du
monument, une cassette de cèdre recouverte d'une enveloppe de plomb,
dans laquelle avaient été déposées une médaille
représentant la physionomie du célèbre soldat, des
pièces de monnaie au millésime 1852, et l'inscription suivante
:
" Ce monument, destiné à perpétuer la mémoire
du Maréchal Bugeaud, duc d'Isly, ancien Gouverneur général
de l'Algérie, a été élevé avec les
fonds d'une souscription ouverte dans la population et dans l'armée
et avec l'aide du Trésor de l'Etat, sous le Gouvernement du prince
Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République
Française, le général de Saint-Arnaud étant
ministre de la Guerre et le général Randon, gouverneur général
de l'Algérie - par les soins d'une Commission présidée
d'abord, par les généraux de Saint-Arnaud et de Crény,
et en dernier lieu, par M. MercierLacombe, secrétaire général
du Gouvernement.
" Les porphyres du piédestal ont été extraits
des carrières du cap de Fer, sous la direction de M. Billiard,
ingénieur des Ponts et Chaussées, et amenés à
Alger par la Marine Nationale.
" La statue, exécutée par M. Dumont, membre de l'Institut
de France; a été coulée en bronze par MM. Eck et
Durand, fondeurs à Paris.
" Le monument a été commencé le 1er juin 1852,
avec le concours simultané des ingénieurs Coumes et Piarron
de Mondésir et de l'architecte Guiauchain,
d'après les plans de M. Blouet, membre de l'Institut ".
Cependant le point d'érection adopté pour l'oeuvre de Dumont
ne devait pas demeurer maintenu plus que soixante quinze ans, car en septembre
1927, le monument fut démonté et reconstitué sur
un côté de la place, cela, pour permettre à l'intense
circulation roulante toujours en progression, de s'effectuer en moindre
difficulté.
Lors de la cérémonie de 1852, c'était le collège
Arabe-Français qui occupait (on l'a vu en une précédente
page, l'actuel Hôtel du Général en Chef, lequel devint
d'abord, en 1876, quartier général de la Division.
Indiquons que les Chefs du XIXe Corps furent : Les généraux,
Osmont, 1878 ; Saussier, 1880 ; Loysel, 1881 ; Davout, duc d'Auerstaed,
en 1884 ; Delebecque, 1885 ; Bréart, 1889 ; Dufaure du Bessol,
1891 ; Hervé, 1893 ; Larchey, 1895 ; Grisot, 1900 ; Caze, 1901
; Servière, 1904 ; Bailloud, 1908 ; Moi- nier, 1913 ; Nivelle,
1918 ; Niessel, 1920 ; Paulinier, 1921 ; Boichut, 1923 ; Naulin, 1926
; Georges, 1930 ; Noguès, 1933 ; Catroux, 1936.
Indiquons d'autre part, qu'il fut, comme sur la place d'Isly et sur la
place du Gouvernement, procédé à des dépôts
monétaires, lors de la pose de la première pierre : de la
galerie de la Grande Mosquée, en 1837, et du boulevard de l'Impératrice
en 1860.
Il en fut de même pour diverses constructions de la ville. Citons
:
La Cathédrale,
dont l'une des pierres, le 15 août 1852, jour de l'inauguration
des travaux d'agrandissement de ce temple, reçut deux boîtes
de plomb contenant respectivement des monnaies d'argent et de cuivre à
l'effigie de Napoléon et un procès-verbal gur parchemin
mentionnant ce dépôt.
L'ancienne usine à gaz, voisine du fort Bab-Azoun où en
1861, furent enfermés, en un bloc de maçonnerie, des documents
du même genre.
Le Palais
Consulaire, dans les fondations duquel, le 29 juin 1889, en
présence de M. Tirman, fut déposée une boîte
de métal contenant le procès-verbal de la cérémonie
ainsi que cinq pièces d'argent et sept de cuivre, au millésime
de l'époque.
" La pierre renfermant ces documents, dit au rapport, est celle encastrée
dans le deuxième pilier (à partir du boulevard), des fondations
de la façade latérale, à la côte de 4 m. 17,
au-dessus du niveau de la mer ".
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