les feuillets d'El-Djezaïr
Henri Klein

- Propriétés du Maréchal Clauzel
- Ferme de Maison-Carrée (Fort)
sur site le 16-5-2009

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Propriétés du Maréchal Clauzel

Le Maréchal Clauzel possédait exactement dans la Régence :
--- La ferme de Maison-Carrée (Ouali Dadda), achetée le 3 décembre 1830, au prix de 360 francs de rente.
---
La ferme de Baba-Ali, près de la Ferme-Modèle, achetée le 10 février 1831, au prix de 1.080 francs de rente.
--- La campagne dite de l'Agha, achetée le 20 février 1831, au prix de 900 francs de rente.
--- Le fondouk de l'Agha, acheté le 22 février 1831, au prix de 360 francs de fente.
--- Le jardin Chebbach à Blida, acheté le 10 novembre 1833, à Tizi El Ben Ali Ben Imaël, bey de Tittery, au prix de 558 francs de rente.
--- Une maison sise rue des Lotophages, à Alger, achetée le 11 janvier 1834, au prix de 2.160 francs.
(Extrait d'un état, fourni par le Directeur de l'Enregistrement d'Alger, le 23 décembre 1836).

Ferme de Maison-Carrée (Fort)

Cet ancien fort turc était connu, jadis, sous les noms de Bordj-el-Kantara (Fort du Pont) ( Ce pont, qui traversait l'Harrach, fut construit en 1697, par le Dey Hadj-Hamed, et réparé par Ibrahim en 1737.) et de Bordj-el-Agha. (Fort de l'Agha).

Il fut reconstruit, de 1822 à 1824, par l'Agha Yahia. Il datait du pachalick d'Abdi (1724).

Quant au terrain, il appartenait au Marabout Ouali-Dadda ( Nom orthographié aussi Oualy Dadda. - Pour détails biographiques, voir à Mosquée Sidi-Abd-er-Rahman.). L'Agha l'acheta pour "100 boudjous de rente" (180 francs) (Voir encore à : Villas Occupées.).

Les Janissaires qu'on envoyait contre les tribus rebelles, y eurent leur camp, sous Yahia-Agha, puis sous Ibrahim-Agha..

Il en partit plusieurs expéditions parmi lesquelles, celles dirigées contre Bougie, où l'on perdit environ 400 turcs, et contre les tribus de Mouzaïa, qui furent enveloppées par les troupes d'Alger et par d'autres troupes envoyées de Médéah.

L'Agha s'y rendait chaque fois, accompagné de sa garde, qui se composait de quatre à cinq cents hommes. Il en partait de nuit et secrètement.

L'expédition terminée, le fort n'était plus occupé que par le chaouch, l'Oukil-elHardj, et une partie de l'escorte de l'Agha. Celle-ci y gardait un dépôt de fusils, de pistolets, de yatagans, de cartouches, de tentes, quatre ou cinq petits canons, deux ou
trois cents chevaux et le harnachement de cette cavalerie. C'était, en réalité, un fondouk militaire, le Fondouk d'El-Kantara, comme le nommaient les soldats.

En 1831, le Général Clauzel prit à son compte la rente que payait, l'Agha Yahia et, en échange du domaine, donna aux héritiers la boutique dite du Bach-Agha, qui se trouvait dans la rue Juba, au Marché Neuf. Il acheta aussi, moyennant une rente annuelle et perpétuelle de "100 boudjous", à Sidi Hadj Hamidou Raïs, cheikh du Marabout Ouali-Dadda, la campagne qui porte ce nom.

Le lendemain de l'acquisition, le Général arriva et constata que des Arabes avaient, à coups de hache, enlevé les portes et les fenêtre, et qu'ils avaient défoncé les terrasses. Il fit évaluer les dégâts à 4.000 francs et décida d'y mettre un poste. Ce fut, dès ce jour, un lieu fortifié. "Il y avait place dans ce bâtiment, pour 500 hommes, 60 chevaux et pour 20 officiers." (Lettre du Colonel Lemercier, de 1833).

Après le départ du Général pour la France, la Maison-Carrée demeura poste militaire. Il s'y trouvait, à la fin de 1833, 626 hommes et 326 chevaux.

M. Guiauchain, Architecte municipal, évalua en novembre 1833, la superficie du bâtiment qu'il reconnut être de 69 ares 55 centiares. Le prix de 5.300 francs fut offert pour la location annuelle du Fort, au Maréchal Clauzel ( Clauzel avait reçu le bâton de Maréchal en juillet 1831.), à la charge de qui on laissait les frais de réparations. Celui-ci refusa la proposition.

Cependant, la validité de l'acquisition de la Maison-Carrée avait été contestée au Maréchal (de même - on l'a vu - que celle de l'Agha). Le Colonel Lemercier avait présenté, à ce sujet, nombre d'arguments tendant à établir que le domaine n'aurait pas dû être vendu. Il prouva que les matériaux dont on se servit pour la construction de cette caserne défensive, avaient été tirés des magasins du Beylik, de la Pointe-Pescade, et des fours à chaux de Bab-el-Oued; que le transport en avait été fait au moyen de corvées, que les maçons employés furent payés par le Khodja du Beylick, ainsi que le déclara l'Amin Benini.

Différents personnages, parmi lesquels, le Kaïd El Marsa (capitaine du Port), et Cohen Jonathan, chef de la nation juive et consul de Toscane en 1830, confirmèrent ces assertions.

Lemercier d'autre part, établit en 1834, que le domaine était un bien de corporation. "Or, fit remarquer le Colonel, un arrêté du Général Clauzel lui-même, avait interdit ces sortes de vente !"...

Lemercier déclara encore que deux propriétaires se disputaient la possession des terrains dont le paiement devenait ainsi chose embarrassante. Voilà en quel chaos trouvaient les titres de propriété à Alger-après 1830 !

Le Tribunal de Midjelès fut invité à annuler la vente faite par les héritiers de Yahia. Devant cette assemblée vinrent déposer Ben-Négro, premier secrétaire du Dey, et Mustapha-Pacha fils, membre de la Légion d'honneur. Le Tribunal reconnut bien la Maison-Carrée, propriété du Beylik, mais ne se prononça pas au sujet des terres, prétextant qu'il ignorait le nombre d'hectares dont se composait exactement la ferme.

Le Maréchal Clauzel présenta sa défense à Paris. Dans sa lettre au Ministre de la Guerre, il protesta énergiquement contre la décision du Midjelès, "à la juridiction duquel, dit-il, aucun Européen ne fut soumis, sous le gouvernement du Dey, et dont le traducteur se trouvait être un Juif."

Dans une autre lettre au Chef de l'Armée, il se plaignit des dégâts commis, après son départ, dans cette propriété, par les soldats qui y avaient été installés.

"Je dis, écrivait-il, qu'il y a entre la Maison-Carrée et la mer, plus de 100 arpents de terrain boisé. Ce terrain est maintenant dépouillé et l'a été par la troupe qui s'est servie des arbres pour la cuisine, sans qu'il y ait eu économie pour l'État, car vous trouverez les registres et états de distributions de bois au complet et au courant, chez Messieurs les fournisseurs (ceux-ci se firent sûrement rembourser)".

Clauzel ajoutait :
" Je me suis plaint, dans le temps, de la démolition du Grand Marabout d'Oualy Dadda, situé en avant de la Maison Carrée, vers la plaine. Cette démolition, faite à plaisir, fut ordonnée par M. Salomon, chef de bataillon de la Légion Étrangère. Ce Grand Marabout n'est autre chose que la ferme elle-même, et sa reconstruction coûterait 20.000 francs. Le bois de la démolition a servi, par ordre de ce chef, à faire la cuisine du soldat, et cette destruction n'a été commencée que parce qu'on savait que la propriété m'appartenait et qu'on pensait alors se faire un mérite d'un tel acte, comme si l'on voulait me punir de ma persistance à soutenir le système de la Colonisation d'Alger."

"C'est ainsi qu'on a cru se rendre agréable au Pouvoir
."

Plus loin, Clauzel déclarait que, malgré ses plaintes, aucune mesure n'avait été prise contre cet état de choses. Et il terminait en disant :

"Qu'on rebâtisse ce Marabout, sinon je ne puis faire valoir ma propriété de mille hectares."

Cependant, en 1834, le Ministre de la Guerre qui, sur les instances du Colonel Lemercier, avait prononcé l'"expropriation" pour le domaine de l'Agha, décida qu'une solution dans le même sens serait envisagée au sujet de la Maison Carrée.

Mais en 1835, le Maréchal revenait comme Gouverneur de l'Algérie. L'affaire subit un temps d'arrêt. Elle fut reprise en 1836 après le départ du Maréchal qui, alors, assigna devant les tribunaux, le Colonel Lemercier, qu'assista Me Urtis. La discussion se prolongea durant l'année 1837. Enfin en 1838, Clauzel négocia la cession à l'État d'une partie du domaine de la Maison Carrée. La communication suivante fut envoyée, à ce propos, à Alger, par le Ministère de la Guerre :

"Par suite d'une transaction passée à Paris, entre M. le Ministre de la Guerre et M. le Maréchal Clauzel, la Maison Carrée et 30 hectares de terrain pris autour, deviennent définitivement propriété de l'État."

Voici le texte du premier paragraphe de la dépêche que le Ministre adressa, le 21 novembre 1838, au Général Vaillant, directeur des Fortifications, au sujet de la Maison Carrée et de la ferme de l'Agha.

"Général,"
"Je vous préviens qu'après avoir pris les ordres du Roi, au sujet des contestations qui existent entre M. le Maréchal Clauzel et l'Administration de la Guerre, concernant les deux immeubles dits : la Maison-Carrée et le Quartier de l'Agha, à Alger, Sa Majesté m'a autorisé à conclure avec M. le Maréchal, la transaction dont les termes suivant :

"M. le Maréchal se désiste purement et simplement de toutes demandes judiciaires ou autres qu'il a pu former pour obtenir le délaissement de l'édifice dit : la Maison-Carrée. Il renonce à élever, de son chef, ni du chef de qui que ce soit, aucune prétention contraire."

"Il cède à l'État :
--- "1° En tant qu'il peut lui appartenir, le fonds sur lequel la Maison-Carrée est assise."
--- "2° Trente hectares qui seront désignés et bornés par le Service du Génie, en présence du fondé de pouvoirs de M. le Maréchal, lequel fondé de pouvoirs signera le procès-verbal."

" Les bâtiments dits : le Quartier ou Fondouk de l'Agha, seront rendus immédiatement à M. le Maréchal dans l'état où ils pourront se trouver; sans autres répétitions, après le paiement qui va être stipulé.

" Il sera payé à M. le Maréchal, une somme de 40.000 francs, tant pour la vente des terrains ci-dessus désignés, que pour solder, avec les 9.000 francs qu'il a déjà reçus, les indemnités pour occupation, dégradations, dommages et autres répétitions quelconques formées au sujet de la prise de possession par le Service du Génie... "

Telle fut la fin de cette affaire.

Nous ajouterons que, le 2 mai 1857, M. Boisque'ret de La Vallière acquit, des héritiers du Comte Clauzel, le domaine de Ouali-Dadda.

Le fort de Maison-Carrée est devenu une maison centrale. Les bâtiments des haras, élevés avant la Conquête, en bordure de la route, furent conservés. Le camp de Maison-Carrée, en 1852, reçut 526 transportés politiques.