Propriétés
du Maréchal Clauzel
Le Maréchal Clauzel possédait
exactement dans la Régence :
--- La ferme de Maison-Carrée (Ouali Dadda), achetée le
3 décembre 1830, au prix de 360 francs de rente.
--- La ferme de Baba-Ali, près de la Ferme-Modèle,
achetée le 10 février 1831, au prix de 1.080 francs de rente.
--- La campagne dite de l'Agha, achetée le 20 février 1831,
au prix de 900 francs de rente.
--- Le fondouk de l'Agha, acheté le 22 février 1831, au
prix de 360 francs de fente.
--- Le jardin Chebbach à Blida, acheté le 10 novembre 1833,
à Tizi El Ben Ali Ben Imaël, bey de Tittery, au prix de 558
francs de rente.
--- Une maison sise rue des Lotophages, à Alger, achetée
le 11 janvier 1834, au prix de 2.160 francs.
(Extrait d'un état, fourni par le Directeur de l'Enregistrement
d'Alger, le 23 décembre 1836).
Ferme de Maison-Carrée
(Fort)
Cet ancien fort turc était connu,
jadis, sous les noms de Bordj-el-Kantara (Fort du Pont) ( Ce
pont, qui traversait l'Harrach, fut construit en 1697, par le Dey Hadj-Hamed,
et réparé par Ibrahim en 1737.) et de Bordj-el-Agha.
(Fort de l'Agha).
Il fut reconstruit, de 1822 à 1824, par l'Agha Yahia. Il datait
du pachalick d'Abdi (1724).
Quant au terrain, il appartenait au Marabout Ouali-Dadda ( Nom
orthographié aussi Oualy Dadda. - Pour détails biographiques,
voir à Mosquée Sidi-Abd-er-Rahman.). L'Agha l'acheta
pour "100 boudjous de rente" (180 francs) (Voir
encore à : Villas
Occupées.).
Les Janissaires qu'on envoyait contre les tribus rebelles, y eurent leur
camp, sous Yahia-Agha, puis sous Ibrahim-Agha..
Il en partit plusieurs expéditions parmi lesquelles, celles dirigées
contre Bougie, où l'on perdit environ 400 turcs, et contre les
tribus de Mouzaïa, qui furent enveloppées par les troupes
d'Alger et par d'autres troupes envoyées de Médéah.
L'Agha s'y rendait chaque fois, accompagné de sa garde, qui se
composait de quatre à cinq cents hommes. Il en partait de nuit
et secrètement.
L'expédition terminée, le fort n'était plus occupé
que par le chaouch, l'Oukil-elHardj, et une partie de l'escorte de l'Agha.
Celle-ci y gardait un dépôt de fusils, de pistolets, de yatagans,
de cartouches, de tentes, quatre ou cinq petits canons, deux ou trois
cents chevaux et le harnachement de cette cavalerie. C'était, en
réalité, un fondouk militaire, le Fondouk d'El-Kantara,
comme le nommaient les soldats.
En 1831, le Général Clauzel prit à son compte la
rente que payait, l'Agha Yahia et, en échange du domaine, donna
aux héritiers la boutique dite du Bach-Agha, qui se trouvait dans
la rue Juba, au Marché Neuf. Il acheta aussi, moyennant une rente
annuelle et perpétuelle de "100 boudjous", à Sidi
Hadj Hamidou Raïs, cheikh du Marabout Ouali-Dadda, la campagne qui
porte ce nom.
Le lendemain de l'acquisition, le Général arriva et constata
que des Arabes avaient, à coups de hache, enlevé les portes
et les fenêtre, et qu'ils avaient défoncé les terrasses.
Il fit évaluer les dégâts à 4.000 francs et
décida d'y mettre un poste. Ce fut, dès ce jour, un lieu
fortifié. "Il y avait place dans ce bâtiment, pour
500 hommes, 60 chevaux et pour 20 officiers." (Lettre du Colonel
Lemercier, de 1833).
Après le départ du Général pour la France,
la Maison-Carrée demeura poste militaire. Il s'y trouvait, à
la fin de 1833, 626 hommes et 326 chevaux.
M. Guiauchain, Architecte municipal, évalua en novembre 1833, la
superficie du bâtiment qu'il reconnut être de 69 ares 55 centiares.
Le prix de 5.300 francs fut offert pour la location annuelle du Fort,
au Maréchal Clauzel ( Clauzel
avait reçu le bâton de Maréchal en juillet 1831.),
à la charge de qui on laissait les frais de réparations.
Celui-ci refusa la proposition.
Cependant, la validité de l'acquisition de la Maison-Carrée
avait été contestée au Maréchal (de même
- on l'a vu - que celle de l'Agha). Le Colonel Lemercier avait présenté,
à ce sujet, nombre d'arguments tendant à établir
que le domaine n'aurait pas dû être vendu. Il prouva que les
matériaux dont on se servit pour la construction de cette caserne
défensive, avaient été tirés des magasins
du Beylik, de la Pointe-Pescade, et des fours à chaux de Bab-el-Oued;
que le transport en avait été fait au moyen de corvées,
que les maçons employés furent payés par le Khodja
du Beylick, ainsi que le déclara l'Amin Benini.
Différents personnages, parmi lesquels, le Kaïd El Marsa (capitaine
du Port), et Cohen Jonathan, chef de la nation juive et consul de Toscane
en 1830, confirmèrent ces assertions.
Lemercier d'autre part, établit en 1834, que le domaine était
un bien de corporation. "Or, fit remarquer le Colonel, un arrêté
du Général Clauzel lui-même, avait interdit ces sortes
de vente !"...
Lemercier déclara encore que deux propriétaires se disputaient
la possession des terrains dont le paiement devenait ainsi chose embarrassante.
Voilà en quel chaos trouvaient les titres de propriété
à Alger-après 1830 !
Le Tribunal de Midjelès fut invité à annuler la vente
faite par les héritiers de Yahia. Devant cette assemblée
vinrent déposer Ben-Négro, premier secrétaire du
Dey, et Mustapha-Pacha fils, membre de la Légion d'honneur. Le
Tribunal reconnut bien la Maison-Carrée, propriété
du Beylik, mais ne se prononça pas au sujet des terres, prétextant
qu'il ignorait le nombre d'hectares dont se composait exactement la ferme.
Le Maréchal Clauzel présenta sa défense à
Paris. Dans sa lettre au Ministre de la Guerre, il protesta énergiquement
contre la décision du Midjelès, "à la juridiction
duquel, dit-il, aucun Européen ne fut soumis, sous le gouvernement
du Dey, et dont le traducteur se trouvait être un Juif."
Dans une autre lettre au Chef de l'Armée, il se plaignit des dégâts
commis, après son départ, dans cette propriété,
par les soldats qui y avaient été installés.
"Je dis, écrivait-il, qu'il y a entre la Maison-Carrée
et la mer, plus de 100 arpents de terrain boisé. Ce terrain est
maintenant dépouillé et l'a été par la troupe
qui s'est servie des arbres pour la cuisine, sans qu'il y ait eu économie
pour l'État, car vous trouverez les registres et états de
distributions de bois au complet et au courant, chez Messieurs les fournisseurs
(ceux-ci se firent sûrement rembourser)".
Clauzel ajoutait :
" Je me suis plaint, dans le temps, de la démolition du
Grand Marabout d'Oualy Dadda, situé en avant de la Maison Carrée,
vers la plaine. Cette démolition, faite à plaisir, fut ordonnée
par M. Salomon, chef de bataillon de la Légion Étrangère.
Ce Grand Marabout n'est autre chose que la ferme elle-même, et sa
reconstruction coûterait 20.000 francs. Le bois de la démolition
a servi, par ordre de ce chef, à faire la cuisine du soldat, et
cette destruction n'a été commencée que parce qu'on
savait que la propriété m'appartenait et qu'on pensait alors
se faire un mérite d'un tel acte, comme si l'on voulait me punir
de ma persistance à soutenir le système de la Colonisation
d'Alger."
"C'est ainsi qu'on a cru se rendre agréable au Pouvoir."
Plus loin, Clauzel déclarait que, malgré ses plaintes, aucune
mesure n'avait été prise contre cet état de choses.
Et il terminait en disant :
"Qu'on rebâtisse ce Marabout, sinon je ne puis faire valoir
ma propriété de mille hectares."
Cependant, en 1834, le Ministre de la Guerre qui, sur les instances du
Colonel Lemercier, avait prononcé l'"expropriation"
pour le domaine de l'Agha, décida qu'une solution dans le même
sens serait envisagée au sujet de la Maison Carrée.
Mais en 1835, le Maréchal revenait comme Gouverneur de l'Algérie.
L'affaire subit un temps d'arrêt. Elle fut reprise en 1836 après
le départ du Maréchal qui, alors, assigna devant les tribunaux,
le Colonel Lemercier, qu'assista Me Urtis. La discussion se prolongea
durant l'année 1837. Enfin en 1838, Clauzel négocia la cession
à l'État d'une partie du domaine de la Maison Carrée.
La communication suivante fut envoyée, à ce propos, à
Alger, par le Ministère de la Guerre :
"Par suite d'une transaction passée à Paris, entre
M. le Ministre de la Guerre et M. le Maréchal Clauzel, la Maison
Carrée et 30 hectares de terrain pris autour, deviennent définitivement
propriété de l'État."
Voici le texte du premier paragraphe de la dépêche que le
Ministre adressa, le 21 novembre 1838, au Général Vaillant,
directeur des Fortifications, au sujet de la Maison Carrée et de
la ferme de l'Agha.
"Général,"
"Je vous préviens qu'après avoir pris les ordres du
Roi, au sujet des contestations qui existent entre M. le Maréchal
Clauzel et l'Administration de la Guerre, concernant les deux immeubles
dits : la Maison-Carrée et le Quartier de l'Agha, à Alger,
Sa Majesté m'a autorisé à conclure avec M. le Maréchal,
la transaction dont les termes suivant :
"M. le Maréchal se désiste purement et simplement de
toutes demandes judiciaires ou autres qu'il a pu former pour obtenir le
délaissement de l'édifice dit : la Maison-Carrée.
Il renonce à élever, de son chef, ni du chef de qui que
ce soit, aucune prétention contraire."
"Il cède à l'État :
--- "1° En tant qu'il peut lui appartenir, le fonds sur lequel
la Maison-Carrée est assise."
--- "2° Trente hectares qui seront désignés et
bornés par le Service du Génie, en présence du fondé
de pouvoirs de M. le Maréchal, lequel fondé de pouvoirs
signera le procès-verbal."
" Les bâtiments dits : le Quartier ou Fondouk de l'Agha, seront
rendus immédiatement à M. le Maréchal dans l'état
où ils pourront se trouver; sans autres répétitions,
après le paiement qui va être stipulé.
" Il sera payé à M. le Maréchal, une somme de
40.000 francs, tant pour la vente des terrains ci-dessus désignés,
que pour solder, avec les 9.000 francs qu'il a déjà reçus,
les indemnités pour occupation, dégradations, dommages et
autres répétitions quelconques formées au sujet de
la prise de possession par le Service du Génie... "
Telle fut la fin de cette affaire.
Nous ajouterons que, le 2 mai 1857, M. Boisque'ret de La Vallière
acquit, des héritiers du Comte Clauzel, le domaine de Ouali-Dadda.
Le fort de Maison-Carrée est devenu une maison centrale. Les bâtiments
des haras, élevés avant la Conquête, en bordure de
la route, furent conservés. Le camp de Maison-Carrée, en
1852, reçut 526 transportés politiques.
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