Les Aqueducs
Pendant le premier siècle de la
domination turque, Alger n'était alimentée d'eau que par
des puits et des citernes. Cela changea après l'expulsion des
Maures d'Espagne. Ce furent, en effet, des Andalous émigrés
à Alger, qui dotèrent cette ville d'aqueducs.
Ces ouvrages qu'on transforma après la Conquête et qu'on
n'a jamais cessé d'utiliser, étaient en 1830, au nombre
de quatre.
1° L'Aqueduc du Hamma, de 5
kilomètres de longueur, entrant en ville par le quartier Bab-Azoun.
(On voyait naguère encore ses arceaux enjamber le ravin de l'Agha
où fut installée l'Usine à Gaz) ( En
cet endroit, au pied de cet aqueduc, existaient, en 1830, une douzaine
de grands fours à pain, en briques, que le peuple disait avoir
été construits par Charles Quint.).
Cet aqueduc fut construit en 1662, par l'Andalou Sta-Mouça, qui
devint janissaire et dont le nom fut donné à la caserne
où servit celui-ci. Cette caserne fut dénommée
dans la suite : Caserne Lemercier. Sta-Mouça construisit la caserne
inférieure de la rue Médée.
L'Histoire fait connaître que des travaux furent à nouveau
exécutés au Hamma, en 1759, par Ali Pacha, pour une meilleure
captation des eaux.
Voici la traduction que donna Devoulx, de l'inscription qui fut découverte
en cet endroit :
"Le Sid Mohammed Pacha (que Dieu le comble de ses bienfaits),
résolut d'amener à Alger - avec l'aide de Dieu, notre
souverain - les eaux de la source du Hamma. Il consulta, à ce
sujet, des gens experts, les Maîtres-ouvriers et le Khodjet-el-Aïoun
(l'Intendant des Fontaines), et obtint un avis favorable à cette
entreprise. En conséquence, les ouvriers ont commencé
avec ardeur à creuser les conduits et à les revêtir
de maçonnerie. Ils les continueront jusqu'à Alger."
"Que Dieu facilite leur travail ! Ecrit le 7 Choual 1203 (1758)".
2° L'Aqueduc du Télémly,
de 2 kilomètres, commençant près de l'actuel Palais
d'Eté et arrivant dans la cité par la Porte-Neuve.
3° L'Aqueduc de Birtraria, venant
de la vallée du Fort-l'Empereur et pénétrant dans
Alger du côté de Bab-el-Oued. (Birtraria : puits de la
fraîcheur. Treria mot turc).
4° L'Aqueduc d'Aïn-Zboudja
(Fontaine de l'olivier sauvage), s'amorçant à Ben-Aknoun
et arrivant en ville par les Tagarins
et la Casbah, après un cours de 19 kilomètres.
En 1848, le 28 septembre, un tunnel de cinq cent quarante mètres
fut creusé à Hydra, qui réduisit de près
d'un kilomètre la canalisation très défectueuse
d'Aïn Zboudja. L'inauguration de ce tunnel eut lieu le 28 septembre
de cette année, en présence du général Charon
qui traversa le souterrain éclairé de flambeaux.
L'aqueduc avait été creusé dans une roche blanchâtre,
à vingt-deux mètres de profondeur. Il avait été
pourvu d'un trottoir longeant la cuvette sur tout son parcours. A mille
cinq cents mètres en amont, un autre tunnel de deux cents mètres
fut également construit. D'autres tunnels complétèrent
ce travail, que l'on creusa sous le Consulat de Suède et sous
la butte du Fort l'Empereur. Un réservoir fut plus tard, établi
au sommet de la cité.
En ville, les conduites d'eau furent uniformément placées
à un mètre au-dessus de la canalisation des égouts.
Les canaux de ces aqueducs, qui étaient tous en poterie, furent
très souvent, au début de l'occupation, écrasés
par les chariots militaires, crevés par les soldats désireux
de se procurer de l'eau sur place, ou défoncés involontairement
par les ouvriers qui construisirent les premières routes.
Les aqueducs, ainsi que les, fontaines, étaient placés
sous la garde du Caïd-el Aïoun, qui avait également
l'administration des biens légués par des particuliers
pour l'entretien de ces ouvrages. Le Caïd-el-Aïoun avait,
en raison de certaines dispositions testamentaires, à subir parfois
le contrôle du Scheik-el-Bled (le chef communal).
Pour certaines fontaines et certaines canalisations particulières
( Ces canalisations qui alimentaient
les villas, étaient au nombre de deux cents.), c'était
un oukil qui était spécialement chargé de l'administration
des immeubles affectés à leur entretien.
Tous ces ouvrages étaient protégés par une loi
sévère.
Tout individu convaincu d'avoir détérioré une conduite
d'eau, avait la main droite coupée.
Ces travaux hydrauliques qui, pendant des siècles alimentèrent
El-Djezaïr de la quantité d'eau nécessaire à
sa nombreuse population, lui permirent aussi de parer sa banlieue des
luxuriants jardins dont nous avons parlé.
La plupart des fontaines étaient des fondations pieuses.