les feuillets d'El-Djezaïr
Henri Klein

DOMAINE MILITAIRE MARITIME
Le port
(1)
sur site le 3-3-2009

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DOMAINE MILITAIRE MARITIME
Le port

Le Port dont disposèrent jadis, le vieil Icosium des Latins et l'El-Djezaïr des BeniMezrana, n'était en réalité qu'un refuge médiocre dont la seule nature avait fait tous les frais.

Cet abri était ainsi constitué :

Tout d'abord : une traînée de roches à fleur d'eau, allant du rivage à un îlot qui porta au moyen-âge le nom de Stofla et que les Espagnols, au XVIèrne siècle, dénommèrent Peñon ( Ce nom espagnol, plusieurs fois répété en ces pages, est à prononcer: Pégnon.) (gros rocher). Auprès de celui-ci, pointées dans la direction du Nord : deux autres masses rocheuses dont fut formé l'éperon qu'on voit aujourd'hui s'avancer du phare vers la pleine mer. Au Sud du Peñon, un plus vaste îlot bordé d'une plage, qui, avec une suite d'écueils incurvant leur ligne vers la ville, terminait l'arc sur lequel devait se modeler l'enveloppe de la darse turque.

Un modeste embarcadère, un embryon de quai, quelques anneaux, quelques bornes d'amarrage, un feu de bois brûlant la nuit au sommet d'une tourelle, voilà sans doute par quoi se complétait l'asile que trouvaient les liburnes romaines, les galères africaines venant sur ce point prendre les sacs de blé, les couffes de fruits, les outres d'huile apportées en ce lieu à dos de chameau, des régions de l'intérieur.

Mais le commerce ne fut pas toujours la seule préoccupation de ce port ( Ce fut surtout avec Gênes qu'eurent lieu les transactions, au Moyen-âge.). Aux temps berbères, en effet, El-Djezaïr commença à se livrer à la piraterie. Les exploits de ses forbans émurent à un tel point l'Espagne que celle-ci, au début du XVIème siècle, envoya Pedro de Navarre, qui amena le Pacha de la cité à signer un traité par lequel l'État d'El-Djezaïr se reconnaissait vassal de la maison de Castille et en outre, s'engageait à délivrer tous les esclaves chrétiens retenus en ses bagnes, à renvoyer ses corsaires et à payer pendant dix années un tribut à ses nouveaux maîtres.

Bientôt en 1510, Pedro de Navarre fit édifier sur le Penon, une forteresse dont les canons demeurèrent constamment braqués vers la ville. Cela dura jusqu'en 1529. A ce moment, le Turc Kheïr ed-Din ( Kheïr-ed-Din fut l'allié de la France. A Constantinople, où le retint le sultan qui avait su apprécier sa haute valeur, il défendit les intérêt français. Les ambassadeurs La Forest, Saint-Blancard, Lagarde, Monluc, qui eurent affaire avec lui, l'appelaient en leurs écrits : "Notre amiral à la barbe rouge".), venu renouveler à Alger la domination de son frère Aroudj prit, après un siège de trois semaines, la citadelle maritime. (Voir à : "Quelques Evénements. Prise du Peñon").

Dès lors la piraterie put prendre ici, son libre essor. Le nombre des vaisseaux de course s'y accrut considérablement. Le père Dan constata en 1630, qu'il s'élevait à 70.

Les prises furent des plus fructueuses. De 1628â 1634, 82 bâtiments furent ravis à la France qui eut 1.631 de ses enfants jetés dans les fers.

Alger compta bientôt prés de 30.000 esclaves. Ce fut, dit le P. Dan, une époque où la ville compta 15.000 maisons, 100 fontaines et aux alentours, 1.800 jardins.

Les nations terrorisées, traitèrent avec ces bandits, auxquels fut payé un tribut. En 1652, les Hollandais obtinrent le droit de franchise pour leurs navires. En 1666, la France voulut bien accorder un laisser passer sur ses côtes, aux vaisseaux algériens.

Cependant maintes fois, les puissances européennes, lassées du régime humiliant qu'elles subissaient, exaspérées aussi des cruautés de ces barbares, dirigèrent contre eux des expéditions. L'Espagne, la France, la Hollande, l'Angleterre envoyèrent à diverses reprises leurs flottes devant El-Djezaïr ( Alger fut bombardée par les amiraux anglais Mansel, en 1621, et Spragge, en 1671; par Ruyter, en 1662; par Duquesne en 1682 et en 1683; par d'Estrées en 1688; par Lord Exmouth, en 1816. La ville subit encore d'autres bombardements, tels ceux de l'amiral espagnol, Barcelo, en 1783 et 1784; de Sir Neal, en 1824.) dont les fortifications, accrues continuellement, devinrent formidables.

Ces attaques réitérées, si elles ne réussirent pas à supprimer le brigandage des Turcs d'El-Djezaïr, le diminuèrent du moins dans des proportions notables.

Cette cité en effet, qui, au XVIIè siècle avait vu sortir de sa darse jusqu'à 300 raïs, n'en possédait plus que 24 en 1725. Le nombre de ses esclaves qui, on l'a vu plus haut, approchait de 30.000, descendit au nombre de 4.000 ( Les principaux bagnes étaient alors ceux du Beylick, de Galera, de Sidi-Amoudat, contenant ensemble 1.800 esclaves. (3) En ces rapports, l'orthographe ancienne a été maintenue.), pour tomber, au commencement du XIXè siècle, à 400. Enfin sa marine, en 1825, ne comptait plus que 12 vaisseaux; le temps était proche où, grâce aux armes de la France, la Méditerranée serait définitivement libérée de ces audacieux pirates.

Veut-on quelques indications sur les forces que, dans le passé et à différentes époques, présenta la flotte algérienne? Ces forces varièrent beaucoup.

La flotte barbaresque, en effet, qui en 1588, se composait de 35 galères, comprit en 1657, 23 navires de 30â 50 canons (Dapper); en 1662, 22 frégates et 9 galères (Ruyter).

En 1681. Rapport du sieur Hayet ( En ces rapports, l'orthographe ancienne a été maintenue)

La flotte comprend 17 navires, plus 2 galères avec 112 canons.

Ces navires portent les noms de :

"La Rose", "le Cheval d'Or", "le Cheval Blanc", "le Genevois", "le Petit Canari", "le Boustangui", "le Biscayn", "la Petite Rose", "le Regip", "le Danziker", "l'Aigle Double", "les Sept Etoiles", "la Ville d'Alger", "le Lion d'Or", "la Caravelle", "le Fresson", "le Vaisseau Neuf".

En 1686. Rapport du consul Piolle.

Sont : "la Rose d'Or", de 40 canons; "les Sept Etoiles", de 30; "Lion d'Or", de 32; 10 vaisseaux à 2 ponts et jardin, 45 canons; 1 vaisseau à 20 canons.
5 vaisseaux sur la quille, savoir : 2 de 50 canons; 2 de 30; 1 de 20.

A construire : 1 de 44 et 2 de 30; 3 galères; 7 barques; 11 brigantines plus de 15 à 16 bâtiments en marchandise.

En 1687. Rapport du Duc de Grafton

1 vaisseau de 64 canons et 30 pierriers; 3 vaisseaux de 40, 46 et 48 canons, les 2 derniers de 30 pierriers chacun; 10 de 26 à 32 canons; 3 de 10, 12 et 18 canons;
3 galères; 6 brigantins et plusieurs barques et tartanes; 4 vaisseaux de 26 à 30, en chantier.

En 1752. Renseignements du Consul Le Maire

7 vaisseaux avec 264 canons; 19 chebecks avec 162 canons et 54 pierriers; 1 galiotte à 2 canons et 6 pierriers; 1 galiotte à 4 pierriers.

Noms des vaisseaux : "le Château", "la Gazelle", "le Lion Blanc", "l'Aigle", "la Mule ", "le Macho".

Sur la côte de Ponent : 1 galiotte à 2 canons et 6 pierriers; 1 galiotte à 2 canons et 6 pierriers; 1 galiotte à 4 pierriers.

En 1800. Renseignement envoyé par Dubois-Thainville

15 bâtiments dont :

1 frégate de 36 canons; 6 chebecks avec 140 canons; 1 brigantin de 22 canons; 3 schooners américains avec 50 canons; 1 cutter de 16 canons; 2 polaires avec 36 canons; 1 demi-galère de 5 canons, plus 1 galère en chantier de 34 canons, et 50 canonnières.

En 180_. Renseignement du capitaine Boutin.

3 frégate de 50,46,44 canons; 7 chebecks de 12 à 32; 10 chaloupes canonnières pontées; 50 non pontées.

En 1825. Vaisseaux Turcs ancrés dans le Port d'Alger
(Renseignement de l'Interprète Bianchi)

Frégates : "Miftaci Djihan" (la Clé du Monde), 62 canons; "Ben El-Ghawas" (le Fils du Plongeur), 50 canons; "Néferi-Iskender" (l'Alexandre), 36 canons.

Corvettes : "Nezaheri-Itavfié", 36 canons; "Fassia", 36 canons.

Brigs : "Nimeti Khouda" (le Don de Dieu), 18 canons; "Undjeres" (le Porteur de bonnes nouvelles), 16 canons.

Goélettes : "Feth-ul-Islam" (la Conquête de l'Islamisme,ou faite par l'Islamisme), 24 canons; "Djeiran" (le Chevreuil), 16 canons; "Tongarda", 14 canons; "Suréiia" (les Pléïades), sans canons; "Chahini Deria" (le Faucon de Mer), sans canons.

Polacre : "Zaghar" (le Lévrier), 20 canons.

Chebec : "Majorca", 20 canons.

En 1830. Rapports de l'amiral Duperré

Signalés comme utilisables : 7 bricks-goélettes ou goélettes; 8 chebecks, armement de 22 à 8 canons. Indiquées comme non utilisables : 1 frégate de 28 mètres et 1 corvette de 38.

Cette flotte cependant ne se borna pas à exercer la course et à défendre les côtes barbaresques; elle joua aussi à diverses époques, un rôle dans la politique de l'Europe. C'est ainsi que Kheïr-ed-Din soutint François le, dans sa lutte contre Charles-Quint. Ce corsaire prit Gate (dans le royaume de Naples); puis après différentes opérations, se retira en 1544 dans le port de Toulon, attendant la fin de la guerre.

En 1552, sur l'ordre de Henri II, Salah-Raïs va ravager les côtes de l'île de Majorque. En 1565, les Algériens figurent au siège de Malte; en 1571, à la bataille de Marseille, ayant pris parti pour la Ligue. En 1645, cinquante vaisseaux participent au siège de la Canée. En 1657, l'amiral Hussein accomplit des prouesses dans les Dardanelles, où il est fait prisonnier par les Vénitiens. En 1667, les Algériens se retrouvent au siège de Candie. En 1770, Hassen, vaincu avec les Turcs à Tscheschmé, bat bientôt après à Lemnos, l'amiral russe Orloff. En 1827 la flotte d'El-Djezaïr apparaît encore à la bataille de Navarin.

Quant aux raïs dont le nombre est sus-indiqué pour le XVIeme siècle, il convient de dire qu'ils ne furent pas tous étrangers à l'Europe.
L'un d'eux, Mourad , renégat flamand du XVIème siècle, laissa son nom à une localité voisine d'Alger : Birmandreis (Bir Mourad Raïs) le puits du raïs Mourad. Renseignement donné ailleurs.

Les corsaires avaient de riches résidences dans le quartier de la Marine. Là habitèrent les renégats : Mami Corso, Mami Napolitano, Mami Arnaute (d'Albanie), Hassan-Calfat. Certains parmi les pirates d'Alger étaient chrétiens, tels Simon Dansa (flamand), Sanson, Edouard, Uvert (ces deux derniers, anglais). Quelques-uns devinrent pachas: Hassan Corso, Hassan Veniciano, le calabrais Euldj-Ali, Mezzo-Morto.

Au titre de musulmans de naissance, figurèrent entre autres: Arabadji, Soliman Raïs. Au dernier siècle fut en renom le raïs Hamidou, demeuré légendaire chez les indigènes.

Mais revenons au Port lui-même.

Après la prise du Penon, Kheïr-ed-Din, afin de supprimer l'isolement de ce rocher dont il redoutait un armement nouveau par les Chrétiens, fit combler avec les débris de l'une des tours espagnoles, laquelle avait été démolie sur son ordre, une partie des vides que laissaient entre eux, les écueils émergeant jusqu'au rivage. Ce furent les premiers travaux entrepris pour la jetée qui porte le nom du célèbre corsaire.

Celle-ci eut 20 mètres de longueur, sur 25 de large, avec une surélévation de un mètre cinquante ( Il fit aussi combler une partie des canaux séparant les îlots les uns des autres.).

Hassan, successeur de Kheïr-ed-Din, fit établir là quelques batteries. Vers 1560, Salah-Raïs exhaussa la jetée qu'il dota d'une chaussée en maçonnerie ( Ce fut en 1560 que les Turcs installèrent sur le môle, la pièce connue sous le nom de la Consulaire.).

La mer ayant détruit sur divers points, ces ouvrages, le pacha fit alors protéger ceux-ci par un amoncellement de roches ( A l'entrée de cette jetée, sur le rivage, les Turcs dressèrent la porte qui fut dénommée: Bab-el-Dzira (la porte de l'île).
Cette porte était fermée la nuit. Sa clé, ainsi que celles de Bab-el-Behar (la porte de la mer), à la Pêcherie, et de Bab-el-Oued, étaient remises chaque soir au Kaïd-el-Bab. Il y avait là, dans une niche, le Bouab, sorte de portier consigne. Auprès de la porte, se trouvaient les bureaux de la Douane, avec deux Kodjas (secrétaires), le Saïdji (trésorier), un cuisinier et un biskri. Le chef de ce service était le Bach Goumerekdji, qui se tenait au Palais.
II y avait, dans le voisinage, une fontaine à l'eau de laquelle les Musulmans prêtaient une grande vertu. Avant de partir pour une expédition, les marins ne manquaient jamais d'y venir boire.
).

En 1573, Arab-Ahmed fit ceindre d'un parapet, le Penon, où s'élevèrent un phare et une tour de surveillance. Mais le Port demeurait toujours ouvert au vent d'Est. L'oeuvre fut alors commencée, du gros môle auquel les îlots mentionnés précédemment servirent d'assises. Une multitude de chrétiens y fut employée.

Quatre mille de ces malheureux succombèrent à la peine.

Puis vinrent les grands travaux de la défense maritime qui, après entier achèvement, comporta à l'entour de la darse, huit forts ou batteries (voir la description donnée à l'article : "Batteries de l'Amirauté").

Une roche plate située au Sud-Est de la darse, constituant un danger permanent pour la navigation, les Turcs la firent disparaître au commencement du XVIIème siècle. Plus tard, vers la fin du même siècle, les corsaires procédèrent, sur une courte ligne d'écueils, à l'établissement du petit môle dit de la Santé ( Une petite pyramide se dresse là, en souvenir du capitaine d'artillerie, de Lyvois, mort victime de son dévouement au cours de la tempête de 1835.). Une chaîne tendue entre cette pointe et l'extrémité du grand môle lui faisant face, ferma chaque nuit, l'entrée de la darse.

Vers 1700, des canaux en poterie amenèrent jusqu'aux batteries situées au Sud-Est du port, de l'eau douce provenant des environs du Fort l'Empereur. Cette canalisation fut restaurée en 1853.

A la même époque, des magasins furent établis sur la jetée et sur les anciens îlots (5D'autres magasins furent créés sur la jetée en 1814.); ces magasins devinrent dans la suite, des casernes.

Un chantier pour grands navires fut également aménagé au fond de la darse, que créèrent des ingénieurs français au service de la Régence ( Antérieurement, les navires de la marine turque étaient construits en un chantier dont l'emplacement, nous l'avons précédemment fait connaître, est aujourd'hui occupé par les voûtes de la place du Gouvernement.
Le nouveau chantier, en raison des progrès réalisés par les marines européennes, fut aménagé de façon à pouvoir fournir des corvettes, des frégates et même des vaisseaux.
). Le phare fut amélioré ( Ce phare eut, en ses dernières années, une portée de 11 milles. (Eteint depuis le 1er décembre 1930).). Disons que celui-ci, le 25 février 1814, jour anniversaire de la naissance du Prophète, eut son fanal renversé par la foudre, fait qui impressionna vivement les musulmans.

Les derniers travaux importants accomplis en cette partie maritime de la ville, furent l'édification du pavillon de l'Amiral ( A cette construction servirent des pierres de Rusgunioe. Voir Cap Matifou .Kheïr-ed-Din, dès les premiers travaux de la darse, avait établi, à Matifou, une amorce de jetée pour l'embarquement des pierres romaines de la région.), la réunion de l'îlot du Nord à celui du Penon, décidée par Hussein, lequel fit dresser sur ce point, la batterie Ras Amar ed-Djedid et près de la voûte de la grande jetée, le fort Mâ-Bin (du milieu) dont il a été plus haut, question ( Après le bombardement de la ville par Lord Exmouth, en 1816, les fortifications de la darse devinrent formidables. Elles présentèrent, sur certains points, jusqu'à quatre étages de batteries. La mer causa encore d'autres sinistres à Alger, le 21 janvier 1841. Trois navires furent jetés à la côte.
Sous les Turcs, le port avait essuyé plusieurs tempêtes sérieuses. Citons celles de 1590, de 1619 et de 1740.
).

Après 1830 commença, pour le Port d'Alger, l'ère des transformations et des agrandissements. L'étroite darse des Turcs ne pouvant, en effet, suffire aux besoins de la marine française, on songea à un abri de plus vastes proportions, et offrant plus de sûreté. La terrible tempête de 1835 (5) qui, en 48 heures, causa ici la perte de dix- huit navires, fit hâter l'étude de l'oeuvre en vue.

Dès la Conquête, l'ingénieur Noël, de Toulon, avait déjà fait exécuter quelques travaux à la jetée Kheïr-ed-Din qui fut ensuite étayée sur toute sa longueur. Un nouveau phare fut construit, dont le foyer s'éclaira pour la première fois, le 18 novembre 1834. En outre, le musoir ( Ce musoir fut construit sur un fond de 25 mètres) fut fortifié. Enfin, l'ingénieur Poirel renforça pendant des mois cette oeuvre maritime. Celui-ci proposa la création d'un port nouveau formé d'une jetée allant du musoir à la Roche sans Nom ( Cette roche se trouvait vers le milieu du port actuel. La jetée proposée était dès lors presque parallèle au rivage, ce qui eût constitué un refuge de trop faible étendue.). Mais ce projet ne fut point agréé. En 1840, l'ingénieur Raffeneau de Lisle proposa à son tour, avec une jetée gagnant plus à l'Est dans la baie, une pointe rocheuse amorcée au cap Tafoura (à Bab-Azoun). Ce projet plut, mais la dépense qu'il nécessitait parut excessive. L'inspecteur général des Ponts et Chaussées, Bernard, le reprit alors et réussit en 1842 à le faire accepter après quelques modifications. Cependant, l'adoption du dit projet ne devint chose définitive qu'en 1848, à la suite de remaniements que lui fit encore subir l'ingénieur Lieusou.

Entre temps, dans le but d'assurer la sécurité de la darse dont on s'était efforcé de perfectionner l'aménagement intérieur (1 Malgré les nombreuses améliorations apportées à la darse après la Conquête, ce ne fut qu'en 1845 que les marchandises débarquées sur les quais purent être transportées en ville autrement qu'à dos d'homme.), on avait - mais avec quelle indécision sur la ligne à suivre - commencé le prolongement du môle turc. Des tâtonnements de l'Administration en ces circonstances, résulta pour la nouvelle jetée une inflexion très regrettable que l'on nomma plaisamment : "La courbe des incertitudes."

Cette jetée qui, au 31 décembre 1843, présentait une longueur de 220 mètres au- dessus de l'eau, et de 256 à la base de sa partie sous-marine, mesurait à ce dernier niveau : en 1844, 367 mètres; en 1845, 409 mètres; en 1846, 502; en 1847, 600; en 1848, 659. Son musoir, situé à 700 mètres de la darse, fut commencé en 1854.
L'oeuvre, toutefois, ne s'arrêta point là. La jetée fut encore allongée; elle s'offrit en 1913 avec un développement de 883 mètres. Elle s'augmente toujours.

Les travaux du môle Sud ne furent entrepris qu'en 1849 ( Ce môle fut terminé en 1854.). La longueur de celui- ci atteignit il y a 23 ans, 1.235 mètres. Une passe y fut aménagée, large de 73 mètres. Le môle comporta une plus grande passe, de 171 mètres.

Les quais à l'installation desquels on travailla très activement en 1856, s'étendirent en 1914 sur une ligne de 2.140 mètres. Leur surface s'est considérablement accrue depuis l'établissement du terre-plein qui réunit l'ilot Al-Djefna au rivage. Un autre terre-plein fut créé en face de Djama Kebir.

La superficie totale du Port fut de 93 hectares. Malgré cette vaste étendue, des bassins annexes durent être construits ces dernières années, dans la baie de l'Agha où se développent de magnifiques jetées avec de spacieux quais. Les grands travaux de l'extension du port à Mustapha furent inaugurés en 1922, le 19 avril, par le Président Millerand qui procéda à la pose de la première pierre. Un tube reçut le procès-verbal de la cérémonie.

Le Port d'Alger fut classé le deuxième de France pour le nombre de ses navires, et le troisième pour le tonnage de son commerce (1914).