DOMAINE
MILITAIRE MARITIME
Le port
Le Port dont disposèrent jadis, le
vieil Icosium des Latins et l'El-Djezaïr des BeniMezrana, n'était
en réalité qu'un refuge médiocre dont la seule nature
avait fait tous les frais.
Cet abri était ainsi constitué :
Tout d'abord : une traînée de roches à fleur d'eau,
allant du rivage à un îlot qui porta au moyen-âge le
nom de Stofla et que les Espagnols, au XVIèrne siècle, dénommèrent
Peñon ( Ce nom espagnol, plusieurs
fois répété en ces pages, est à prononcer:
Pégnon.) (gros rocher). Auprès de celui-ci, pointées
dans la direction du Nord : deux autres masses rocheuses dont fut formé
l'éperon qu'on voit aujourd'hui s'avancer du phare vers la pleine
mer. Au Sud du Peñon, un plus vaste îlot bordé d'une
plage, qui, avec une suite d'écueils incurvant leur ligne vers
la ville, terminait l'arc sur lequel devait se modeler l'enveloppe de
la darse turque.
Un modeste embarcadère, un embryon de quai, quelques anneaux, quelques
bornes d'amarrage, un feu de bois brûlant la nuit au sommet d'une
tourelle, voilà sans doute par quoi se complétait l'asile
que trouvaient les liburnes romaines, les galères africaines venant
sur ce point prendre les sacs de blé, les couffes de fruits, les
outres d'huile apportées en ce lieu à dos de chameau, des
régions de l'intérieur.
Mais le commerce ne fut pas toujours la seule préoccupation de
ce port ( Ce fut surtout avec Gênes
qu'eurent lieu les transactions, au Moyen-âge.). Aux
temps berbères, en effet, El-Djezaïr commença à
se livrer à la piraterie. Les exploits de ses forbans émurent
à un tel point l'Espagne que celle-ci, au début du XVIème
siècle, envoya Pedro de Navarre, qui amena le Pacha de la cité
à signer un traité par lequel l'État d'El-Djezaïr
se reconnaissait vassal de la maison de Castille et en outre, s'engageait
à délivrer tous les esclaves chrétiens retenus en
ses bagnes, à renvoyer ses corsaires et à payer pendant
dix années un tribut à ses nouveaux maîtres.
Bientôt en 1510, Pedro de Navarre fit édifier sur le Penon,
une forteresse dont les canons demeurèrent constamment braqués
vers la ville. Cela dura jusqu'en 1529. A ce moment, le Turc Kheïr
ed-Din ( Kheïr-ed-Din fut l'allié
de la France. A Constantinople, où le retint le sultan qui avait
su apprécier sa haute valeur, il défendit les intérêt
français. Les ambassadeurs La Forest, Saint-Blancard, Lagarde,
Monluc, qui eurent affaire avec lui, l'appelaient en leurs écrits
: "Notre amiral à la barbe rouge".), venu
renouveler à Alger la domination de son frère Aroudj prit,
après un siège de trois semaines, la citadelle maritime.
(Voir à : "Quelques Evénements. Prise du Peñon").
Dès lors la piraterie put prendre ici, son libre essor. Le nombre
des vaisseaux de course s'y accrut considérablement. Le père
Dan constata en 1630, qu'il s'élevait à 70.
Les prises furent des plus fructueuses. De 1628â 1634, 82 bâtiments
furent ravis à la France qui eut 1.631 de ses enfants jetés
dans les fers.
Alger compta bientôt prés de 30.000
esclaves. Ce fut, dit le P. Dan, une époque où
la ville compta 15.000 maisons, 100 fontaines et aux alentours, 1.800
jardins.
Les nations terrorisées, traitèrent avec ces bandits, auxquels
fut payé un tribut. En 1652, les Hollandais obtinrent le droit
de franchise pour leurs navires. En 1666, la France voulut bien accorder
un laisser passer sur ses côtes, aux vaisseaux algériens.
Cependant maintes fois, les puissances européennes, lassées
du régime humiliant qu'elles subissaient, exaspérées
aussi des cruautés de ces barbares, dirigèrent contre eux
des expéditions. L'Espagne, la France, la Hollande, l'Angleterre
envoyèrent à diverses reprises leurs flottes devant El-Djezaïr
( Alger fut bombardée par les
amiraux anglais Mansel, en 1621, et Spragge, en 1671; par Ruyter, en 1662;
par Duquesne en 1682 et en 1683; par d'Estrées en 1688; par Lord
Exmouth, en 1816. La ville subit encore d'autres bombardements, tels ceux
de l'amiral espagnol, Barcelo, en 1783 et 1784; de Sir Neal, en 1824.)
dont les fortifications, accrues continuellement, devinrent formidables.
Ces attaques réitérées, si elles ne réussirent
pas à supprimer le brigandage des Turcs d'El-Djezaïr, le diminuèrent
du moins dans des proportions notables.
Cette cité en effet, qui, au XVIIè siècle avait vu
sortir de sa darse jusqu'à 300 raïs, n'en possédait
plus que 24 en 1725. Le nombre de ses esclaves qui, on l'a vu plus haut,
approchait de 30.000, descendit au nombre de 4.000 ( Les
principaux bagnes étaient alors ceux du Beylick, de Galera, de
Sidi-Amoudat, contenant ensemble 1.800 esclaves. (3) En ces rapports,
l'orthographe ancienne a été maintenue.), pour
tomber, au commencement du XIXè siècle, à 400. Enfin
sa marine, en 1825, ne comptait plus que 12 vaisseaux; le temps était
proche où, grâce aux armes de la France, la Méditerranée
serait définitivement libérée de ces audacieux pirates.
Veut-on quelques indications sur les forces que, dans le passé
et à différentes époques, présenta la flotte
algérienne? Ces forces varièrent beaucoup.
La flotte barbaresque, en effet, qui en 1588, se composait de 35 galères,
comprit en 1657, 23 navires de 30â 50 canons (Dapper); en 1662,
22 frégates et 9 galères (Ruyter).
En 1681. Rapport du
sieur Hayet ( En ces rapports, l'orthographe
ancienne a été maintenue)
La flotte comprend 17 navires, plus 2 galères
avec 112 canons.
Ces navires portent les noms de :
"La Rose", "le Cheval d'Or", "le Cheval Blanc",
"le Genevois", "le Petit Canari", "le Boustangui",
"le Biscayn", "la Petite Rose", "le Regip",
"le Danziker", "l'Aigle Double", "les Sept Etoiles",
"la Ville d'Alger", "le Lion d'Or", "la Caravelle",
"le Fresson", "le Vaisseau Neuf".
En 1686. Rapport du
consul Piolle.
Sont : "la Rose d'Or", de 40 canons;
"les Sept Etoiles", de 30; "Lion d'Or", de 32; 10
vaisseaux à 2 ponts et jardin, 45 canons; 1 vaisseau à 20
canons.
5 vaisseaux sur la quille, savoir : 2 de 50 canons; 2 de 30; 1 de 20.
A construire : 1 de 44 et 2 de 30; 3 galères; 7 barques; 11 brigantines
plus de 15 à 16 bâtiments en marchandise.
En 1687. Rapport du
Duc de Grafton
1 vaisseau de 64 canons et 30 pierriers;
3 vaisseaux de 40, 46 et 48 canons, les 2 derniers de 30 pierriers chacun;
10 de 26 à 32 canons; 3 de 10, 12 et 18 canons;
3 galères; 6 brigantins et plusieurs barques et tartanes; 4 vaisseaux
de 26 à 30, en chantier.
En 1752. Renseignements
du Consul Le Maire
7 vaisseaux avec 264 canons; 19 chebecks
avec 162 canons et 54 pierriers; 1 galiotte à 2 canons et 6 pierriers;
1 galiotte à 4 pierriers.
Noms des vaisseaux : "le Château", "la Gazelle",
"le Lion Blanc", "l'Aigle", "la Mule ",
"le Macho".
Sur la côte de Ponent : 1 galiotte à 2 canons et 6 pierriers;
1 galiotte à 2 canons et 6 pierriers; 1 galiotte à 4 pierriers.
En 1800. Renseignement
envoyé par Dubois-Thainville
15 bâtiments dont :
1 frégate de 36 canons; 6 chebecks avec 140 canons; 1 brigantin
de 22 canons; 3 schooners américains avec 50 canons; 1 cutter de
16 canons; 2 polaires avec 36 canons; 1 demi-galère de 5 canons,
plus 1 galère en chantier de 34 canons, et 50 canonnières.
En 180_. Renseignement
du capitaine Boutin.
3 frégate de
50,46,44 canons; 7 chebecks de 12 à 32; 10 chaloupes canonnières
pontées; 50 non pontées.
En 1825. Vaisseaux Turcs
ancrés dans le Port d'Alger
(Renseignement de l'Interprète Bianchi)
Frégates : "Miftaci Djihan"
(la Clé du Monde), 62 canons; "Ben El-Ghawas" (le Fils
du Plongeur), 50 canons; "Néferi-Iskender" (l'Alexandre),
36 canons.
Corvettes : "Nezaheri-Itavfié", 36 canons; "Fassia",
36 canons.
Brigs : "Nimeti Khouda" (le Don de Dieu), 18 canons; "Undjeres"
(le Porteur de bonnes nouvelles), 16 canons.
Goélettes : "Feth-ul-Islam" (la Conquête de l'Islamisme,ou
faite par l'Islamisme), 24 canons; "Djeiran" (le Chevreuil),
16 canons; "Tongarda", 14 canons; "Suréiia"
(les Pléïades), sans canons; "Chahini Deria" (le
Faucon de Mer), sans canons.
Polacre : "Zaghar" (le Lévrier), 20 canons.
Chebec : "Majorca", 20 canons.
En 1830. Rapports de
l'amiral Duperré
Signalés comme utilisables : 7 bricks-goélettes
ou goélettes; 8 chebecks, armement de 22 à 8 canons. Indiquées
comme non utilisables : 1 frégate de 28 mètres et 1 corvette
de 38.
Cette flotte cependant ne se borna pas à exercer la course et à
défendre les côtes barbaresques; elle joua aussi à
diverses époques, un rôle dans la politique de l'Europe.
C'est ainsi que Kheïr-ed-Din soutint François le, dans sa
lutte contre Charles-Quint. Ce corsaire prit Gate (dans le royaume de
Naples); puis après différentes opérations, se retira
en 1544 dans le port de Toulon, attendant la fin de la guerre.
En 1552, sur l'ordre de Henri II, Salah-Raïs va ravager les côtes
de l'île de Majorque. En 1565, les Algériens figurent au
siège de Malte; en 1571, à la bataille de Marseille, ayant
pris parti pour la Ligue. En 1645, cinquante vaisseaux participent au
siège de la Canée. En 1657, l'amiral Hussein accomplit des
prouesses dans les Dardanelles, où il est fait prisonnier par les
Vénitiens. En 1667, les Algériens se retrouvent au siège
de Candie. En 1770, Hassen, vaincu avec les Turcs à Tscheschmé,
bat bientôt après à Lemnos, l'amiral russe Orloff.
En 1827 la flotte d'El-Djezaïr apparaît encore à la
bataille de Navarin.
Quant aux raïs dont le nombre est sus-indiqué pour le XVIeme
siècle, il convient de dire qu'ils ne furent pas tous étrangers
à l'Europe.
L'un d'eux, Mourad , renégat flamand du XVIème siècle,
laissa son nom à une localité voisine d'Alger : Birmandreis
(Bir Mourad Raïs) le puits du raïs Mourad. Renseignement donné
ailleurs.
Les corsaires avaient de riches résidences dans le quartier de
la Marine. Là habitèrent les renégats : Mami Corso,
Mami Napolitano, Mami Arnaute (d'Albanie), Hassan-Calfat. Certains parmi
les pirates d'Alger étaient chrétiens, tels Simon Dansa
(flamand), Sanson, Edouard, Uvert (ces deux derniers, anglais). Quelques-uns
devinrent pachas: Hassan Corso, Hassan Veniciano, le calabrais Euldj-Ali,
Mezzo-Morto.
Au titre de musulmans de naissance, figurèrent entre autres: Arabadji,
Soliman Raïs. Au dernier siècle fut en renom le raïs
Hamidou, demeuré légendaire chez les indigènes.
Mais revenons au Port lui-même.
Après la prise du Penon, Kheïr-ed-Din, afin de supprimer l'isolement
de ce rocher dont il redoutait un armement nouveau par les Chrétiens,
fit combler avec les débris de l'une des tours espagnoles, laquelle
avait été démolie sur son ordre, une partie des vides
que laissaient entre eux, les écueils émergeant jusqu'au
rivage. Ce furent les premiers travaux entrepris pour la jetée
qui porte le nom du célèbre corsaire.
Celle-ci eut 20 mètres de longueur, sur 25 de large, avec une surélévation
de un mètre cinquante ( Il fit
aussi combler une partie des canaux séparant les îlots les
uns des autres.).
Hassan, successeur de Kheïr-ed-Din, fit établir là
quelques batteries. Vers 1560, Salah-Raïs exhaussa la jetée
qu'il dota d'une chaussée en maçonnerie ( Ce
fut en 1560 que les Turcs installèrent sur le môle, la pièce
connue sous le nom de la Consulaire.).
La mer ayant détruit sur divers points, ces ouvrages, le pacha
fit alors protéger ceux-ci par un amoncellement de roches ( A
l'entrée de cette jetée, sur le rivage, les Turcs dressèrent
la porte qui fut dénommée: Bab-el-Dzira (la porte de l'île).
Cette porte était fermée la nuit. Sa clé, ainsi que
celles de Bab-el-Behar (la porte de la mer), à la Pêcherie,
et de Bab-el-Oued, étaient remises chaque soir au Kaïd-el-Bab.
Il y avait là, dans une niche, le Bouab, sorte de portier consigne.
Auprès de la porte, se trouvaient les bureaux de la Douane, avec
deux Kodjas (secrétaires), le Saïdji (trésorier), un
cuisinier et un biskri. Le chef de ce service était le Bach Goumerekdji,
qui se tenait au Palais.
II y avait, dans le voisinage, une fontaine à l'eau de laquelle
les Musulmans prêtaient une grande vertu. Avant de partir pour une
expédition, les marins ne manquaient jamais d'y venir boire.).
En 1573, Arab-Ahmed fit ceindre d'un parapet, le Penon, où s'élevèrent
un phare et une tour de surveillance. Mais le Port demeurait toujours
ouvert au vent d'Est. L'oeuvre fut alors commencée, du gros môle
auquel les îlots mentionnés précédemment servirent
d'assises. Une multitude de chrétiens y fut employée.
Quatre mille de ces malheureux succombèrent à la peine.
Puis vinrent les grands travaux de la défense maritime qui, après
entier achèvement, comporta à l'entour de la darse, huit
forts ou batteries (voir la description donnée à l'article
: "Batteries
de l'Amirauté").
Une roche plate située au Sud-Est de la darse, constituant un danger
permanent pour la navigation, les Turcs la firent disparaître au
commencement du XVIIème siècle. Plus tard, vers la fin du
même siècle, les corsaires procédèrent, sur
une courte ligne d'écueils, à l'établissement du
petit môle dit de la Santé (
Une petite pyramide se dresse
là, en souvenir du capitaine d'artillerie, de Lyvois, mort victime
de son dévouement au cours de la tempête de 1835.).
Une chaîne tendue entre cette pointe et l'extrémité
du grand môle lui faisant face, ferma chaque nuit, l'entrée
de la darse.
Vers 1700, des canaux en poterie amenèrent jusqu'aux batteries
situées au Sud-Est du port, de l'eau douce provenant des environs
du Fort l'Empereur. Cette canalisation fut restaurée en 1853.
A la même époque, des magasins furent établis sur
la jetée et sur les anciens îlots (5D'autres
magasins furent créés sur la jetée en 1814.);
ces magasins devinrent dans la suite, des casernes.
Un chantier pour grands navires fut également aménagé
au fond de la darse, que créèrent des ingénieurs
français au service de la Régence (
Antérieurement, les
navires de la marine turque étaient construits en un chantier dont
l'emplacement, nous l'avons précédemment fait connaître,
est aujourd'hui occupé par les voûtes de la place du Gouvernement.
Le nouveau chantier, en raison des progrès réalisés
par les marines européennes, fut aménagé de façon
à pouvoir fournir des corvettes, des frégates et même
des vaisseaux.). Le phare fut amélioré ( Ce
phare eut, en ses dernières années, une portée de
11 milles. (Eteint depuis le 1er décembre 1930).). Disons
que celui-ci, le 25 février 1814, jour anniversaire de la naissance
du Prophète, eut son fanal renversé par la foudre, fait
qui impressionna vivement les musulmans.
Les derniers travaux importants accomplis en cette partie maritime de
la ville, furent l'édification du pavillon de l'Amiral ( A
cette construction servirent des pierres de Rusgunioe.
Voir Cap
Matifou .Kheïr-ed-Din,
dès les premiers travaux de la darse, avait établi, à
Matifou, une amorce de jetée pour l'embarquement des pierres romaines
de la région.), la réunion de l'îlot du
Nord à celui du Penon, décidée par Hussein, lequel
fit dresser sur ce point, la batterie Ras Amar
ed-Djedid et près de la voûte de la grande jetée,
le fort Mâ-Bin (du milieu) dont
il a
été plus haut, question ( Après
le bombardement de la ville par Lord Exmouth, en 1816, les fortifications
de la darse devinrent formidables. Elles présentèrent, sur
certains points, jusqu'à quatre étages de batteries.
La mer causa encore d'autres sinistres à Alger, le 21 janvier
1841. Trois navires furent jetés à la côte.
Sous les Turcs, le port avait essuyé plusieurs tempêtes sérieuses.
Citons celles de 1590, de 1619 et de 1740.).
Après 1830 commença, pour le
Port d'Alger, l'ère des transformations et des agrandissements.
L'étroite darse des Turcs ne pouvant, en effet, suffire aux besoins
de la marine française, on songea à un abri de plus vastes
proportions, et offrant plus de sûreté. La terrible tempête
de 1835 (5) qui, en 48 heures, causa ici la perte de dix- huit navires,
fit hâter l'étude de l'oeuvre en vue.
Dès la Conquête, l'ingénieur Noël, de Toulon,
avait déjà fait exécuter quelques travaux à
la jetée Kheïr-ed-Din qui fut ensuite étayée
sur toute sa longueur. Un nouveau phare fut construit, dont le foyer s'éclaira
pour la première fois, le 18 novembre 1834. En outre, le musoir
( Ce musoir fut construit sur un fond
de 25 mètres) fut fortifié. Enfin, l'ingénieur
Poirel renforça pendant des mois cette oeuvre maritime. Celui-ci
proposa la création d'un port nouveau formé d'une jetée
allant du musoir à la Roche sans Nom ( Cette
roche se trouvait vers le milieu du port actuel. La jetée proposée
était dès lors presque parallèle au rivage, ce qui
eût constitué un refuge de trop faible étendue.).
Mais ce projet ne fut point agréé. En 1840, l'ingénieur
Raffeneau de Lisle
proposa à son tour, avec une jetée gagnant plus à
l'Est dans la baie, une pointe rocheuse amorcée au cap Tafoura
(à Bab-Azoun). Ce projet plut, mais la dépense qu'il nécessitait
parut excessive. L'inspecteur général des Ponts et Chaussées,
Bernard, le reprit alors et réussit
en 1842 à le faire accepter après quelques modifications.
Cependant, l'adoption du dit projet ne devint chose définitive
qu'en 1848, à la suite de remaniements que lui fit encore subir
l'ingénieur Lieusou.
Entre temps, dans le but d'assurer la sécurité de la darse
dont on s'était efforcé de perfectionner l'aménagement
intérieur (1 Malgré les
nombreuses améliorations apportées à la darse après
la Conquête, ce ne fut qu'en 1845 que les marchandises débarquées
sur les quais purent être transportées en ville autrement
qu'à dos d'homme.), on avait - mais avec quelle indécision
sur la ligne à suivre - commencé le prolongement du môle
turc. Des tâtonnements de l'Administration en ces circonstances,
résulta pour la nouvelle jetée une inflexion très
regrettable que l'on nomma plaisamment : "La courbe des incertitudes."
Cette jetée qui, au 31 décembre 1843, présentait
une longueur de 220 mètres au- dessus de l'eau, et de 256 à
la base de sa partie sous-marine, mesurait à ce dernier niveau
: en 1844, 367 mètres; en 1845, 409 mètres; en 1846, 502;
en 1847, 600; en 1848, 659. Son musoir, situé à 700 mètres
de la darse, fut commencé en 1854.
L'oeuvre, toutefois, ne s'arrêta point là. La jetée
fut encore allongée; elle s'offrit en 1913 avec un développement
de 883 mètres. Elle s'augmente toujours.
Les travaux du môle Sud ne furent entrepris qu'en 1849 ( Ce
môle fut terminé en 1854.). La longueur de celui-
ci atteignit il y a 23 ans, 1.235 mètres. Une passe y fut aménagée,
large de 73 mètres. Le môle comporta une plus grande passe,
de 171 mètres.
Les quais à l'installation desquels on travailla très activement
en 1856, s'étendirent en 1914 sur une ligne de 2.140 mètres.
Leur surface s'est considérablement accrue depuis l'établissement
du terre-plein qui réunit l'ilot Al-Djefna au rivage. Un autre
terre-plein fut créé en face de Djama Kebir.
La superficie totale du Port
fut de 93 hectares. Malgré cette vaste étendue, des bassins
annexes durent être construits ces dernières années,
dans la baie de l'Agha
où se développent de magnifiques jetées
avec de spacieux quais. Les grands travaux de l'extension du port à
Mustapha furent inaugurés en 1922, le 19 avril, par le Président
Millerand qui procéda à la pose de la première
pierre. Un tube reçut le procès-verbal de la cérémonie.
Le Port d'Alger fut classé le deuxième de France pour
le nombre de ses navires, et le troisième pour le tonnage de son
commerce (1914).
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