1er octobre 1918-
30 septembre 1933
Le 1e octobre 1918, lorsque Mr Coulon prend la succession
dc M. Saura, l'école communale d'El Biar compte officiellement
cinq classes. Mais en attendant l'accomplissement des formalités
légales, une sixième est ouverte et elle est confiée
à une jeune intérimaire.
En 1920, une septième classe est créée et elle est
installée provisoi-rement dans un local loué par la commune.
En 1921, l'école libre de St François dc Sales - 5 classes
-n'ayant plus d'élèves ferme définitivement ses portes.
M Coulon fait acheter pour 300 000 franc; les bâtiments scolaires,
la maison mauresque et le terrain attenant. St François de Sales
devient alors une annexe de l'école communale.
Après avis conforme du Conseil municipal d'El Biar, émis
dans si séance du 15 juillet, et sur proposition de l'Inspecteur
d'Académie, le Ministre de l'Instruction publique décrète
par arrêté du 27 mars 1922 que l'école communale d'El
Biar devient Ecole d'application à dater du 1e octobre 1922. Les
élèves-maîtres de l'Ecole normale de Bouzaréah
passent donc à
tour de rôle dans les classes.
Le le octobre 1923, le cours complémentaire fonctionnant à
l'Ecole normale de Bouzaréah est transféré à
l'Ecole d'application d'El Biar. Il ne comprend d'abord qu'une classe,
avec le concours d'un de ses collaborateur particulièrement consciencieux
et dévoué, M. Serrette. Le Directeur assure la charge de
ce cours complémentaire concurremment avec celle du cours supérieur,
classe du Certificat d'études. L'année suivante, 1924, le
cours complémentaire est dédoublé et ses deux classes
sont confiées à deux professeurs, messieurs Fébrer
et Lagarde.
Le 30 septembre 1933, lorsque M. Coulon est admis à la retraite,
l'école a 10 classes fonctionnant à plein rendement et deux
classes nouvelles, dont la construction est activement poussée,
qui pourront être ouvertes au début de 1934. Enfin, pour
éviter aux élèves venant de Ben Aknoun les fatigues
et les dangers d'un long trajet, M. Coulon a obtenu, d'accord avec le
Maire, monsieur Luciani, d'abord l'ouverture d'une classe installée
à titre provisoire dans un local prêté par le lycée,
puis d'une école indépendante à Ben Aknoun.
Sous son impulsion et avec sa collaboration, d'autres écoles ou
classes ont été successivement ouvertes à Hydra,
au Frais Vallon, au quartier Laperlier, à Fontaine Fraîche
et au Beau Fraisier dépendant alors de la commune d'El Biar.
ACTIVITÉS COMPLÉMENTAIRES
PERI-SCOLAIRES
Cantine scolaire
Au 1e octobre 1918, une ébauche de cantine scolaire fonctionne
à l'école des filles et à l'école des garçons.
Les fonds servant à l'entretien sont fournis par les cotisations
des membres d'un Comité républicain, créé
pendant la guerre. La soupe est préparée par la femme de
charge de l'école des filles, mais les garçons ne l'apprécient
guère et trop souvent les assiettes sont vidées dans les
lavabos. Madame Coulon, femme du Directeur, met de l'ordre à cela
; elle donne des instructions précises et sévères
à la femme de charge. Elle goûte chaque jour la soupe et
elle fait elle-même la distribution, s'assurant que les élèves
avalent jusqu'à la dernière bouchée cette bonne soupe
chaude. En principe, les enfants doivent verser 0,10 F pour chaque repas,
mais trop souvent des enfants, qui sont ou qui se disent indigents, oublient
d'apporter leurs deux sous et la recette journalière est mince.
La guerre finie, le Comité républicain est dissout et, comme
la commune ne verse aucune subvention, la cantine cesse de fonctionner.
Le Directeur continue cependant à assurer seul et sous sa seule
responsabilité la surveillance de l l h à 13h des élèves
venant des quartiers éloignés. Sa femme chauffe, sur son
fourneau, les gamelles apportées par les enfants.
Cours d'adultes
Le Directeur entreprend d'ouvrir, après souper, un cours gratuit
pour les illettrés. Malheureusement, par faux orgueil et sans doute
pour ne pas avouer tacitement leur ignorance, les Européens s'abstiennent.
Seuls fréquentent les cours quelques arabes et kabyles qui en retirent
un profit certain.
Cours de perfectionnement
Il essaie, le jeudi matin, d'ouvrir des causeries-conférences sur
les sujets d'actualité, sur les questions sociales, à l'ordre
du jour, sur les techniques nouvelles appliquées dans l'industrie.
Mais ces séances, qui exigent une préparation sérieuse,
n'attirent pas les jeunes gens qui ne paraissent guère avides de
compléter leurs connaissances. Un cours d'arabe pratique n'a pas
plus de succès et il faut abandonner les projets.
Quelques années plus tard, s'étant assuré la collaboration
d'un de ses collègues d'Alger - mari de la Directrice de l'école
des filles -, il essaie d'instituer des cours gratuits de français,
de comptabilité, de sténographie et de dactylographie.
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Ces cours destinés aux garçons et aux filles
n'obtiennent aucun succès et il faut rendre les machines à
écrire, obligeamment prêtées. Une jeune fille donne
ingénument l'explication de cette carence. Puisque ce sont les
parents qui paient, ses compagnes préfèrent descendre à
Alger. Cela fait une sortie et cela autorise des assauts de coquetterie.
Cela permet de bavarder, de voir les magasins et d'engager avec les garçons
des flirts amusants. Le retard se justifie facilement en le mettant sur
le compte de T.M.S. de fâcheuse mémoire.
Projections lumineuses, cinéma
Le Directeur obtient plus de succès avec ses séances de
projections lumineuses. II dispose d'une bonne lanterne et d'une riche
collection d'images et de clichés. Pour remplacer la toile tendue
ou le papier transparent, il a fait peindre sur le mur faisant face aux
élèves un écran blanc bordé de noir. Il a
confectionné lui? même, avec du papier noir collé
sur des cadres mobiles en bois, des caches qui lui permettent de transformer
en quelques minutes la salle de classe en chambre obscure. Il met à
contribution la Société de Géographie, le service
photographique du Gouvernement général, le Musée
pédagogique de Paris qui lui fournissent de magnifiques clichés.
II peut ainsi traiter à loisir et au moment voulu tous les sujets,
mais il a soin, afin d'apporter une détente en procurant une saine
gaieté, d'alterner les projections instructives avec des scènes
comiques et amusantes.
Plus tard, il réussira à doter l'école d'un véritable
cinéma permettant de faire passer les films de tout format. Les
séances de projections deviennent ainsi plus intéressantes
et plus instructives.
Promenades scolaires
Pour compléter cet enseignement par l'aspect, il organise des promenades
scolaires comportant chaque fois une visite intéressante, visite
de la brasserie
"la Gauloise",
de l'Institut Pasteur, de l'Insectarium du parc zoologique... Mais, afin
de ne rien prendre sur les heures de classe, de laisser toute liberté
aux élèves, comme aussi pour éviter toute insinuation
malveillante de quelques parents grincheux, ces sorties sont toujours
organisées un jeudi. Elles obtiennent un grand succès et
peu d'élèves s'abstiennent d'y prendre part.
Bibliothèque scolaire et populaire
II existe une bibliothèque paroissiale tenue avec infiniment de
zèle et de dévouement par Mademoiselle de Franc-lieu. Mais
le Directeur pense qu'à côté de cette bibliothèque
à caractère quelque peu confessionnel, il y a place pour
une bibliothèque scolaire et populaire. Il s'ouvre de son projet
au Maire, M. Luciani, qui l'approuve d'enthousiasme et lui promet son
appui.
Il adresse une lettre collective aux conseillers municipaux mais la plupart
sont réticents. La séance est orageuse, le Maire qui soutient
vigoureusement son projet de subvention n'est pas suivi ; on lui objecte,
comme toujours, qu'il y a des dépenses plus urgentes à voter.
Surpris et peiné de rencontrer une obstruction à laquelle
il ne s'attendait pas, le Maire se fâche et brise son lorgnon dans
le feu de la discussion. Il fait de cette question une affaire personnelle
et il finit par obtenir le vote d'une subvention de 500 francs.
Cette somme est à peine suffisante pour acheter les planches nécessaires
à la construction des étagères. Mais peu importe
au Directeur qui se met aussitôt à l'uvre. Il lance
un appel à la population et aux amis de l'école. II demande
non de l'argent, mais des livres. Il reçoit des offres nombreuses,
et chaque soir après la classe, chaque jeudi, chaque dimanche,
il part faire ses tournées et il rapporte chaque fois une abondante
provision de livres et de brochures. Ceux qui n'ont pas de livres intéressants
à lui donner demandent quels ouvrages ils pourraient acheter et
il les commandent à son intention. Il procède au tri nécessaire
pour éliminer les non-valeurs. Il relie lui- même les brochures
en mettant à contribution, pour le coupage des tranches l'adjudicataire
des fournitures scolaires. La bibliothèque prend corps et il établit
les catalogues sur fiches. Le Recteur accorde des subventions et le Directeur
de la Bibliothèque du Gouvernement général, puisant
libéralement dans les crédits mis à sa disposition
par la colonie, fait don, à plusieurs reprises à la bibliothèque
d'El Biar, de belles collections de livres savants. La bibliothèque
compte bientôt environ 3000 ouvrages dont plusieurs de grande valeur
(la collection complète -édition et reliure de grand luxe
- de l'histoire du Consulat et de l'Empire, de Thiers, de l'Histoire de
France et de la Révolution française de Michelet, les monographies
des Provinces françaises, les chefs-d'uvre des grands maîtres
de la musique et des peintres célèbres, les Images de la
guerre, une documentation précieuse et rare sur l'Algérie).
Elle contient en outre, à côté des dictionnaires et
des ouvrages de vulgarisation scientifique, une abondante collection de
romans et de pièces de théâtre.
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Cette bibliothèque est divisée en deux lots, l'un qui constitue
la bibliothèque scolaire confiée à la direction d'un
professeur du cours complémentaire, et l'autre, la bibliothèque
populaire ouverte régulièrement le dimanche matin au public.
En principe, le prêt des livres est gratuit. Cependant, pour ménager
l'amour-propre de quelques lecteurs fervents et assidus, une légère
redevance est acceptée et elle est utilisée pour remplacer,
dans une faible mesure, les livres détériorés ou
égarés par des emprunteurs par trop insouciants et peu soigneux.
Mutualité scolaire et caisse d'épargne
Enfin, il réorganise sur de nouvelles bases la Mutualité
scolaire à laquelle s'inscrivent de très nombreux élèves.
Fâché de voir combien les enfants gaspillent leur argent
pour l'achat de bonbons et friandises de mauvaise qualité, il collecte
tous les petits sous. Il ouvre, sur un grand livre, les comptes particuliers
et chaque fois que le total des versements d'un élève atteint
un franc, il fait établir à son compte un carnet de caisse
d'épargne. Cette initiative donne un surcroît de travail
à l'employée des P.T. chargée de la caisse d'épargne
mais, comme il se charge lui- même de la majeure partie de la besogne
matérielle, on apprécie son action généreuse.
Les parents, surpris et enchantés, ajoutent généralement
une somme rondelette au premier versement de 1 franc et les élèves
sont fiers d'avoir un livret à leur nom. Maintenant ils ne sont
plus tentés de gaspiller leurs petits sous en achats inutiles et
ils se font une joie de les apporter au Directeur, leur caissier bénévole.
ACTIVITES EXTRA-SCOLAIRES
Gymnastique et sports :
Par suite de la guerre, les anciens groupements sportifs sont en léthargie.
Dès que les soucis de la rentrée lui en laissent le loisir,
le nouveau Directeur essaie de recruter les éléments nécessaires
pour constituer une société de gymnastique et de sports
qui grouperait tous les jeunes gens, sans distinction de race, de religion
ou d'opinion politique. II entreprend donc les démarches nécessaires
et il s'abouche même avec Monsieur le Curé qui avait constitué
une section sportive paroissiale. Il reçoit de tous le meilleur
accueil et même on le complimente, mais il sent qu'on ne veut pas
sérieusement, sincèrement, de l'union telle qu'il la conçoit,
telle qu'il voudrait la réaliser. Chacun prêche pour sa petite
chapelle et ne veut rien abandonner de ses préjugés. Il
renonce donc à son projet et cela l'attriste profondément.
A quelques temps de là, les anciens du Sporting? club ayant réussi
à reconstituer leur société, il accepte alors de
faire partie du Bureau en qualité de secrétaire adjoint.
Bien que n'étant lui même pas du tout sportif, il apporte
loyalement tout son concours pour l'organisation des diverses manifestations
gymniques et sportives. Cela lui vaut d'ailleurs, en décembre 1923,
une lettre de félicitations du Ministre de la Guerre.
Mais la bonne harmonie ne dure pas longtemps. Pour des questions d'intérêts
particuliers et plus encore pour des préoccupations politiques
un nouveau groupement sportif se fonde : l'U.S.E.B. et comme il bénéficie
de la générosité et de l'appui de puissantes notabilités,
dont le Maire lui? même, il voit ses effectifs s'enfler très
rapidement. Dès lors, il y a dans la commune deux groupes rivaux,
farouchement ennemis. Or le Directeur compte d'excellents amis dans les
deux camps et il lui déplaît d'autant plus de prendre parti
pour l'un ou pour l'autre qu'il a toujours professé ouvertement
que la politique, la malfaisante politique de clocher n'avait rien à
voir avec la pratique de la musique ou des sports. Il se retire donc du
Sporting- club, mais malgré des sollicitations pressantes, il ne
consent pas à donner son adhésion à l'U.S.E.B. Désormais,
il restera à l'écart des querelles qui s'enveniment de plus
en plus, essayant seulement, quand une occasion lui en est offerte, d'offrir
ses bons offices pour calmer les plus excités, les plus intransigeants,
les plus fanatiques.
Alfred COULON
Ce texte a été
transmis par M.Georges Coulon, fils du narrateur, au père de notre
adhérent M.alain Fabre. Nous l'avons retranscrit intégralement.
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