DRARIA
Qui se souvient de Draria
Souvenirs d'enfance. des années 1950- 1961, de Liliane Vidal Desmons et de l'origine de ce village du Sahel.
AEA, n°, juin 2007
sur site le 9-8-2007...+ le 27-2-2011

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A quelques kilomètres d'ALGER, après avoir escaladé la colline d'EL BIAR, passant à EL ACHOUR, la route bifurquait â droite, laissant en face l'accès au Château Béraud et musardait platement jusqu'à l'embranchement de la coopérative à droite. Elle poursuivait à gauche vers DRARIA, après avoir laissé de nouveau sur la droite le cimetière communal où reposent dans la paix éternelle mes feux. familles et connaissances (ce que j'espère). Puis, toujours sur la même route quasi droite plutôt étroite, une allée de caroubiers semblait se tenir au garde-à-vous pour rentrée dans ce petit village aux rues bien perpendiculaires. La rue principale dégringolait de la colline s à hauteur de la Mairie et de l'église, (les deux se faisant en face) pour aboutir après une pente vertigineuse en bout de village sur un chemin plus plat, puis tournant à droite devant la maison Morineau, passait devant celle de Dertié. Puis enjambant un petit pont sur un oued, plutôt sec parfois humide laissait de part et d'autre les fem mes Mas et Tuduri, se dirigeait vers le bois de la Kodja. puis vers BABA HASSEN, DOUERA, la MITIDJA. BOUFARIK, BLIDA...

L'église s'élevait après une escalade de marches jusqu'au perron. simple et blanche elle dominait néanmoins par sa stature. la Mairie qui lui faisait face en contrebas et qui semblait avoir renoncé à s'élever plus haut que son seul rez-de-chaussée construit, par commodité sans doute mais peut-être aussi par déférence devant la maison de Dieu. Fn certaines occasions. des hommes de confession musulmane assistaient aux offices en se tenant au fond de l'église, sans doute ceux se rapportant aux faits militaires - Un mirador avait été construit dès l'arrivée du premier contingent armé (Corps des Aviateurs)?

Le Monument aux Morts qui représentaient un poilu se situait sur le tété gauche de la Mairie. sur la petite placette qui jouxtait la grande place qui devint en 1956 le campement militaire.

L'école était située en bas du village- Elle comprenait 2 classes. Une troisième a été adjointe vers 1956. Madame Fabre (originaire du Grau d'Agde) était la directrice et Madame Hél, Institutrice. Face à récole, un centre accueillait des enfants. J'ignore la finalité de ce centre. mais une année la directrice avait organisé une fête costumée, la chorégraphie a été très applaudie par le public dans la salle des fêtes du village qui jouxtait le jardin de la maison que j'habitais. Cette salle des fètes fut agrandie et transformée en loyer rural, vers 1958/1959 et servait de salle de cinéma. Elle possédait une table de ping-pong et faisait la joie des pongistes en herbe dont je faisais partie.

Quelques commerces se trouvaient dans la rue principale. L'épicerie Aébi où nous connûmes les premiers yaourts en pots de verre consignés, le café Augier, le garage Allègre, le magasin Mahmoud. La forge Corbi et la pharmacie à l'entrée du village à droite, près des maisons des familles Cellier et Allègre avaient cessé leurs activités depuis bien longtemps. D'autres commerces ont également dû disparaitre dans ces années 1950. notamment le café de Maxime Allègre. situé dans la rue derrière la Mairie et qui servit de Mess des officiers tors de l'installa tien d'un contingent armé en 1956.

Il me semble que la boulangerie a survécu plus longtemps. En se dirigeant vers le pied de la
Commune, après le bureau de poste on trouvait la maison Daudet et, beaucoup plus loin la ferme exploitée par les enfants de P. Savorgnan de Brazza figure emblématique de la colonisation africaine.

Origine de la Commune de Draria

La date de la fondation de la Commune de Draria est imprécise, les premiers registres d'état civil sont de 1835. DRARIA s'écrivait Drariah (comme en fait état un livret de famille de 1895 et un plan de la province d'Alger édité en 1867). II semble que ce nom voulait dire colline du vent . J'ai le souvenir d'un village plutôt venté.

Bâti par le Génie Militaire, le village a été peuplé pat des travailleurs métropolitains, espagnols et suis ses. Le siège de la commune s'est trouvé être durant une dizaine d'années à KADDOUS située à proximité. Ces colons étaient nommés- européens par opposition à la population autochtone dite "Indigène".
La milice était cantonnée dans des blockhaus aux quatre coins du village qui étaient reliés par des fortifications. En 1845. le Maire reçu l'ordre de fermer les portes du village, des escarmouches s'étant produites dans le Sahel et les Européens se devaient d'être armés pour circuler la nuit.

En 1890. il a neigé et gelé ! II y eut de gros dégâts et la Commune obtint une subvention pour les sinistrés. Il a aussi neigé quelque soixante ans plus tard : c'était la première fois que je voyais un tel spectacle. En 1957. ce fut une nouvelle invasion de sauterelles. selon l'appellation que l'on donnait aux criquets pèlerins. Des dégâts furent constatés, niais nos volailles firent festin. Il me semble que c'est peut-être cette année-là que ces sauterelles traversèrent la Méditerranée pour festoyer sur les cotes languedociennes.

Pour poursuivre avec les caprices de la nature, le tremblement de terre d'ORLEANSVILLE fût une catastrophe et le séisme a été ressenti dans tout l'Algérois (vers 1954 ?).

La Commune de DRARIA est devenue Commune de KADDOUS. puis section de DELY-IBRAHIM en juillet 1857, et ce jusqu'au décret du 8 décembre 1870 où elle est redevenue commune de plein exercice. Les premiers Maires désignés par le Gouvernement furent M. Vender Bruck en 1835, M. Jouglar en 1836, le Général Calixte Pélissier en 1839. Ensuite. il semblerait que les Maires aient éte élus.

La commune s'étend sur 1 629 hectares à 194.50 mètres d'altitude, dans le Sahel, à environ 15 kilo-mètres d'ALGER. Sa principale culture est la vigne (617 hectares). Peu de maraichage et de fruitier.

L'exploitation des mûriers occupait une trentaine d'ouvriers. Les colons espagnols exploitaient 5 carrières de pierre (notamment sur KADDOUS) et employaient une quarantaine d'ouvriers. La principale carrière était exploitée par la famille Bianchina (leur tombeau de famille situé au cimetière de DRARIA fut une belle réalisation). Les pierres de taille provenant de ces carrières ont servi à la construction d'une partie du port d'ALGER, de l'église Saint Augustin à ALGER. de l'hôpital Maillot et du Palais de justice.

Le château Béraud a aussi été construit avec ces pierres entre 1882 et 1884. Son propriétaire. Achille Béraud a été Maire de DRARIA de 1886 à 1889. Ce château est devenu un préventorium le 1' octobre 1951.

Mon arrière arrière grand-père était carrier. Il se nommait Auguste Nicolas Ménard. Il est arrivé à DRARIA en 1842. Il a été Maire de 1876 à 1878 et a fait partie du Conseil Municipal jusqu'en 1896, date de son décès.

Les propriétés européennes étaient en moyenne de 10 à 12 hectares, les premières concessions accordées ayant été de 5 hectares. Celles des indigènes variaient d'1/4 à 3 hectares.

La population européenne est passée de 256 en 1835 à 318 en 1850. La population . indigène de 491 en 1835 à 2205 en 1950. Cette stagnation de la population r, européenne s'explique par la désertion des campagnes pour des situations en ville. En 1845, il y avait 446 habitants dont 263 français, 116 espagnols et 67 suisses. A partir de 1848, il semblerait qu'il n'y ait plus eu d'état de nationalités, seulement un décompte d'indigènes et d'européens.

L'église a été bâtie par le Genie Civil en 1841/1842. Elle fut inaugurée le 3 novembre 1842 par Monseigneur Massenor, évêque de Marseille. Elle fut vouée au Prince Eugène fils vénéré du Général Guyot. officier d'Empire. Rénovée au début des années 1950, elle tut à nouveau inaugurée. le 3 juillet 1955. par Monseigneur Duval. L'abbé Hudry, figure emblématique, bougonne mais si brave. menant sa dodoche vrombissante, official également dans les paroisses aux alentours SAOULA, EL ACHOUR, ... Et peut être d'autres. La petite mai son, derrière l'église. était la propriété de mon arrière grand père Vincent Vidal. Mon père et triol-mérite y sommes nôs.

Une fontaine s'élevait au bas des marches sur le côté droit. Lors de la rénovation du village, elle fut déplacée de autre côté de la rue qui grimpait vers les maisons des familles Camillléri et Mascara. Elle était le lieu de papotage des anciens indigènes.

La coopérative de DRARIA a été créée en 1928 sur l'initiative de 7 viticulteurs. Gaston Bernard en a été le premier président. La production était de 12 000 hectolitres. En 1952. elle regroupait 41 producteurs dont 3 produisaient plus de 1 000 hectolitres. 4 plus de 500.

La Gendarmerie a compté 6 gendarmes jusqu'en 1857. Les gendarmes ont disparu et l'ancienne gendarmerie qui comportait 2 cellules a été convertie en logement municipal et plus tard a abrité la famille Tedeschi, puis ma famille.

Dans les années 1950, M. GUERIN était garde champêtre. Il s'est notamment occupé du dernier recensement de la population communale. Derrière sa maison, située en lace du presbytère. deux cellules avaient été construites. A 'na connaissance, elles servirent de - mitard , aux militaires insubordonnés du contingent installé au centre du village.

En 1922, l'électricité fût installée au village. En 1954. ce tut au tour de KADDOUS et de OUED ROUMANE [adduction d'eau avec les communes de BABA HASSEN et d'EL ACHOUR a été réalisée en 1950. Avant cette date, c'est un monumental réservoir sur le point haut, près de l'ancienne gendarmerie, qui desservait les villageois. Les routes du village ont été goudronnées en 1950. C'est cette même année qu'a été construite une salle de consultations médicales, derrière la Mairie. Le Docteur
Danset de Douéra eut la charge de ce dispensaire.

Le 9 juin 1949. DRARIA recevait M. Naegelen. Gouverneur Général de l'Algérie, pour remise de la Croix de la Légion d'Honneur à Mademoiselle le Docteur Renée Antoine, conseillère municipale. ophtalmologiste qui possédait un don de guérisseuse et était appréciée par les deux populations Indigène et européenne..

Le 22 avril 1961, une commémoration s'est déroulée à la mémoire d' Élise Rivet, née à DRARIA le 19 janvier 1890 et décédée en déportation le Vendredi Saint 30 mars 1945 à Ravensbruck. Le 3 décembre 1912, elle entra au couvent de Notre Dame de Compassion à Lyon. Elle prit l'habit le 30 mai 1913 et le nom d'Elisabeth de l'Eucharistie. Elle fut élue Supérieure de la Congrégation le 20 mars 1933. Elle fut arrêtée par la Gestapo en mars 1941. Elle gunita la vie pour aider ses compagnes de déportation à mourir avec courage. La cérémonie fut présidée par Madame Berthe Thiriart. déportée 57663 à Ravensbruck, Secrétaire Générale de l'Union Nationale des Associations de Déportés, Internés et familles de Disparus et Commandeur de la Légion d'Honneur et compagne de Mère Elisabeth. Un timbre commémoratif premier jour fut émis et la rue qui jouxtait le côté gauche de l'église fut nommée Elise Rivet. Une plaque à sa mémoire fut apposée sur le mur droit de l'entrée de la Mairie. Ce fut un vibrant hommage.

La fête du village avait lieu en juillet rne semble-t-il. La dernière a eu lieu en 1960 ou 1961. On a dansé sur la rue la place étant occupé par l'armée. Un centenaire de 112 ans est décédé en 1955.

La Commune de DRARIA a connu 20 Maires au cours de ses 127 ans. M. Louis Palomha, né en 1886 dans le Constantinois, élu Maire en 1935, le resta jusqu'en 1962. Propriétaire à DRARIA. il était retraite du service de santé au Gouvernement Général et fondateur de l'oeuvre Granger à EL-BIAR.

Mon père Lucien Vidal. dit Lulu a été secrétaire de mairie à DRARIA depuis ses 19 ans. Quelques temps avant l'indépendance, il avait reçu délégation pour traiter des affaires communales d'EL-ACHOUR. II est décédé en avril 2002 et repose auprès de sa mère Lucie à Barjols (Var).