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L'éclairage des
côtes
L'Algérie, partie médiane de l'antique Berbérie,
a de tout temps occupé une place de premier ordre sur les grandes
routes maritimes.
Véritable balcon du continent africain sur la Méditerranée
Occidentale qu'il limite au Sud, le long ruban des côtes algériennes
s'étire parallèlement à la plus importante voie maritime
des temps anciens et modernes, celle qui passe par les détroits
de Gibraltar et de Sicile.
Ces côtes furent reconnues et abordées par les navigateurs
de la plus haute antiquité. Elles sont longées, aujourd'hui,
par les lignes de navigation mondiales reliant l'Europe Occidentale ét
l'Atlantique à la Méditerranée Orientale et à
l'Extrême-Orient, et lei ports d'Alger et d'Oran comptent parmi
les grands ports de relâche et d'escale.
L'Algérie entretient des relations maritimes nombreuses et suivies
avec les pays de l'Europe méditerranéenne qui lui font face
: France, Espagne, Italie, ainsi qu'avec les pays de l'Europe septentrionale.
Le petit et le grand cabotage y furent toujours très actifs, sur
les côtes abruptes où le relief tourmenté retardera
longtemps l'établissement de liaisons terrestres côtières.
Enfin, en dépit de conditions physiques peu favorables au poisson
sédentaire, l'armement à la pêche en Algérie
est loin d'être négligeable.
CARACTERISTIQUES DES COTES ALGERIENNES.
Relief.
Les côtes algériennes, parfaitement reconnues et décrites
par les travaux du Service hydrographique de la Marine, présentent,
sur leurs mille kilomètres de développement, les mêmes
caractères généraux que les côtes septentrionales
marocaines et tunisiennes.
Localement assez découpées et irrégulières,
elles ne forment cependant pas de golfes importants ni d'îles remarquables
et elles offrent peu d'abris naturels ; elles sont dominées presque
partout par les montagnes, plus élevées vers l'Est ; de
hautes falaises y dressent à pic leurs escarpements interrompus
seulement par des éffondrements.
En dehors des rades de Mers-el-Kébir, d'Arzew et de Bougie, les
baies, si elles sont parfois garanties dés coups de vent de Nord-Ouest,
sont largement ouvertes à ceux du Nord et du Nord-Est, souvent
aussi redoutables.
Arzew, le phare
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Sauf à l'Ouest d'Oran et à l'Est de Bône, où
elle s'élargit un peu, la zone des fonds de moins de 200 mètres
- le plateau continental - est presque inexistante : à 20 kilomètres
en moyenne du rivage, on relève déjà des fonds de
800 mètres, à 50 kilomètres des profondeurs de 2.000
mètres, et, assez rapidement, des fosses de 3.000 mètres.
Vents, marées,
courant.
Le trait essentiel du régime des vents est la prédominance
des vents d'Ouest en hiver et des vents d'Est en été, ce
caractère allant en s'atténuant à mesure que l'on
s'éloigne vers l'Est où les vents de Nord-Ouest deviennent
les plus fréquents en toute saison.
Les vents d'Ouest sont les vents forts les plus fréquents. Presque
toutes les tempêtes sont d'Ouest tournant vers le Nord-Ouest et
le Nord en soulevant une très grosse mer, notamment de décembre
à mars. -
Les marées sont peu sensibles sur les côtes d'Algérie
où leur amplitude ne dépasse pas 0 m. 50 en vive-eau.
Le long des côtes algériennes, le courant général,
très faible, porte vers l'Est ; il est fréquemment contrarié
par des courants variables dus à l'influence des vents.
L'ECLAIRAGE ET LE BALISAGE.
Historique.
La situation géographique de l'Algérie, baignée par
une " mer terrible et sans ports ", imposait une signalisation
particulièrement étudiée des côtes de ce pays.
Si l'on ne possède à peu près aucun renseignement
sur l'état de l'éclairage des côtes avant la conquête
française, on peut dire néanmoins qu'aucun ouvrage ou appareil
sérieux n'existait avant 1830.
Seuls, quelques rares fanaux rudimentaires paraissent avoir été
placés aux abords des abris qui servaient de refuges aux vaisseaux
barbaresques, tel le fanal ordinaire qui était placé sur
la tour élevée de l'ancien fort espagnol du Peñon,
à Alger.
Dès qu'ils eurent pris pied sur la terre africaine, les Français
se préoccupèrent de doter la côte de l'éclairage
qui lui était indispensable.
Dans les toutes premières années de la conquête,des
fanaux d'une visibilité et d'une portée efficaces, bien
que réduites, furent placés aux points les plus caractéristiques,
notamment pour signaler et faciliter l'accès des refuges existants
ainsi que des premiers ouvrages portuaires construits par les Français.
C'est ainsi qu'on peut noter l'installation, dès le 18 novembre
1834, d'un appareil relativement perfectionné, à l'emplacement
du fanal barbaresque de l'ancien Peñon du port d'Alger. Cet appareil
consistait en un feu fixe surmonté d'une couronne tournante portant
huit lampes, à niveau constant avec réflecteurs, disposées
de manière à réaliser un féu à éclipses
de 30 en 30 secondes.
La Commission
Nautique de 1843.
Le premier document officiel traitant de l'amélioration de l'éclairage
des côtes algériennes est un rapport de la Commission Nautique
de l'Algérie, du 25 novembre 1843.
" Dès que les troupes françaises ont été
maîtresses des points lés plus importants du territoire,
dit ce rapport, l'attention du Gouvernement s'est aussitôt portée
sur l'établissement d'un système de feux le plus approprié
aux besoins du moment. Peu à peu, des modifications jugées
opportunes y ont été faites et maintenant une grande partie
des côtes de l'Algérie est éclairée de phares
et de fanaux. "
A cette époque, les côtes d'Algérie possédaient
déjà au moins neuf feux importants.
La Commission Nautique établit un programme complet : " des
améliorations à apporter aux feux existants, des feux à
établir immédiatement, des feux à établir
par la suite ".
Examiné par la Commission mixte du port d'Alger le 20 mars 1844
et par la Commission des Phares le 3 septembre de la même année,
ce programmé fut remanié pour tenir compte à la fois
des observations de la Commission des Phares et des instructions du Ministre
de la Guerre, ces dernières visant notamment les événements
militaires qui avaient porté l'attention sur l'Ouest de l'Oranie
et sur la nécessité de l'établissement d'un feu sur
Raschgoun et sur les îles Habibas. Le programme, mis au point, fut
approuvé par la Commission des Phares le 15 février 1846.
Son exécution s'échelonna sur plusieurs années, avec
les modifications imposées par les progrès de la technique
et le développement de la navigation et dont les principales furent
décidées par la Commission des Phares le 13 mars 1861.
Il comporta, entre autres, la réalisation des installations nouvelles
ou transformations énumérées ci-après dans
l'ordre géographique d'Ouest en Est :
-1848 : réverbère sidéral
à Djemma Gazaouet (Nemours), déplacement de l'ouvrage ét
substitution d'un appareil de quatrième ordre en 1868.
- 1870: feu à éclats
de deuxième ordre, de 25 milles de portée sur l'île
Raschgoun.
- Feu fixe de quatrième ordre
sur les îles Habibas, en 1879.
- Feu à éclipses de
premier ordre, de 27 à 50 milles de portée sur le Cap Falcon,
en 1868.
- Remplacement du fanal de l'îlot
d'Arzew par un feu fixe de 13 milles de portée, en 1848.
- Phare du Cap Ivi, en 1870 (feu de
premier ordre à éclipses, portée 30 milles).
- 1865 : phare du Cap Ténès
(feu de premier ordre à éclipses, portée 27 milles)
- 1858: phare de Cherchell
(feu fixe de troisième ordre de 15 milles de portée).
- 1868 : phare du
Cap Caxine (feu de premier ordre à éclipses,
25 milles de portée).
- 1868 : phare du Cap
Matifou (feu fixe de quatrième ordre, 8 milles de portée).
- 1861 : phare du Cap Bengut (feu
fixe de premier ordre, 25 milles de portée).
- Phare du Cap Carbon - 1849: allumage
de l'appareil dans un local provisoire (feu à éclipses de
premier ordre, 27 milles de portée).
- 1854: phare définitif.
- 1876 : remplacement du fanal de
Djidjelli par un appareil lenticulaire (feu fixé de
cinquième ordre, portée 8 milles).
- 1871: phare de Ras-Afiah (feu à
éclipses de deuxième ordre, portée 28 milles).
- 1869 : phare du Cap Bougarouni (feu
fixe de premier ordre, portée 25 milles).
- 1869 : phare du Cap de Fer (feu
fixe de troisième ordre, portée 19 à 23 milles).-
Phare de Garde
- 1848 : feu à éclipses
de troisième ordre, portée 15 milles ;
- 1884 : feu à éclipses
de premier ordre, portée 33 milles, sur nouvel ouvrage construit
en 1883.
- 1869 : feu du Cap Rosa, fixe, quatrième
ordre, portée 12 milles.
AMELIORATIONS AUX SYSTEMES D'ECLAIRAGE.
Les appareils en service ont été modifiés périodiquement
entre 1860 et 1900 pour les faire bénéficier des perfectionnements
apportés aux différents systèmes d'éclairage
utilisés. Les plus notables de ces améliorations consistèrent
dans la substitution, prescrite par circulaire du Ministère des
Travaux publics du 18 novembre 1881, de l'huile minérale à
l'huile végétale, puis, de l'adoption pour certains feux
de la lampe à niveau constant.
LE PROGRAMME DE 1902.
Une Commission Nautique spéciale, chargée d'étudier
les améliorations à apporter au système d'éclairage
des côtes de l'Algérie fut instituée par un arrêté
du Gouverneur Général du 26 avril 1902.
Le 27 août 1902, cette Commission établit un programme qui
fut approuvé le 13 décembre 1902 par la Commission des Phards
et qui prévoyait :
- la création de quatre grands
phares : au Cap de l'Aiguille, sur la Jetée Nord du Port d'Alger,
au Cap Sigili et au Cap Corbelin.
- l'installation d'un feu auxiliaire
au Cap Carbon pour parer à l'embrumage du feu principal et pour
signaler par un secteur rouge Pile Pisan et les Rochers des Moules.
- l'établissement, dans la
plupart des phares existants, d'appareils perfectionnés à
éclats groupés devant fournir des puissances lumineuses
de 25.000 à 30.000 becs Carcel - 250 à 300.000 bougies décimales
environ - avec brûleurs à incandescence par la vapeur de
pétrole.
- la substitution, aux feux fixes
existants éclairant les passes des ports, de feux à éclats
ou à occultations avec ou sans secteurs colorés.
A l'exception du phare de la Jetée Nord du port d'Alger, ce programme
fut entièrement exécuté dè 1904 à 1908.
Le phare de l'Aiguille fut allumé le 30 avril 1906 avec ses caractéristiques
actuelles ; le phare du Cap Corbelin, le 15 février 1908, avec
une lampe à pétrole à mèche qui fut remplacée
en 1938 par un brûleur à gaz catalytique ; le phare du Cap
Sigli, le 25 septembre 1906 ; le feu auxiliaire du Cap Carbon, le 20 novembre
1906.
CREATIONS RECENTES.
Le feu à deux éclats blancs groupés de la Jetée
Nord du port d'Alger, préconisé par la Commission Nautique
de 1906, et dont l'établissement fut retardé par de continuelles
perspectives de transformation de l'ouvrage et des tassements prolongés
de son infrastructure, ne fut mis en service que le ler décembre
1930. Installé sur un mât métallique quadripodé
spécialement étudié pour répondre aux exigences
de son emplacement et aux possibilités d'un déplacement
commode après le prolongement de la Jetée, le phare comprend
une optique inférieure ou principale, éclairée par
une lampe électrique à incandescence de 1.000 watts/110
volts, et une optique à gaz catalytique à commande automatique
en cas de panne de courant ou de rupture du filament de la lampe.
En 1940, après l'exécution des travaux de
parachèvement de l'extension du port de Bougie, fut réalisée
l'installation moderne en même temps que l'électrification
complète des feux du port qui comprennent maintenant :
- Un feu blanc à éclats
d'une portée de 14 milles sur la Jetée Est.
- Un feu rouge à occultations
de 9 milles de portée sur la Jetée Sud. Quatre feux de passes
à l'intérieur du port.
LE BALISAGE.
La régularité générale et l'importance des
fonds, l'absence de découpures profondes et d'îles, d'îlots
ou d'écueils à une certaine distance du rivage, font qu'aucun
balisage ne s'est révélé nécessaire sur les
côtés algériennes.
Exception doit être faite cependant pour la Roche M'Tahen, plateau
rocheux au Nord de Pilot de
l'Amirauté, à Alger, qui mérite une mention
spéciale.
Cet écueil à fleur d'eau reconnu de tout temps comme très
dangereux, surtout pour la navigation côtière, fut balisé
en 1937, grâce aux moyens exceptionnels dont disposait le port d'Alger,
par une tour en béton de 3 m. 50 de diamètre et de 8 m.
de hauteur, ancrée dans un bloc-socle de béton coulé
à terre de 143 m3 et d'un poids de 300 tonnes, lui-même solidement
ancré sur la plateforme de l'écueil.
Une dizaine de balises ou de bouées lumineuses signalent dans les
ports l'extrémité des ouvrages extérieurs en construction
ou les passes provisoires intérieures el' extérieures.
L'ELECTRIFICATION.
L'électrification des feux principaux et des feux de ports fut
poursuivie activement depuis la mission scientifique en Algérie,
en 1924, de l'Ingénieur en chef du Service Central des Phares (1927:
Cap Falcon, 1938: Cap Caxine, 1927 : Cap Matifou). La guerre a empêché
la réalisation du programme envisagé qui est d'ores et déjà
entreprise.
LES RADIOPHARES.
Quatre radiophares ont été mis en service :
- en 1938, au Cap de l'Aiguille (portée,
100 milles).
- en 1938, au Cap
Caxine, Radiophare de grande portée (200 milles).
- en 1931, au phare de
l'Amirauté, à Alger (portée, 50 milles).
- en 1942, au Cap
Matifou (portée, 50 milles).
Les quatre appareils effectuent dix émissions par heure par temps
de brume et quatre par temps clair.
Outre le rétablissement prochain du Radiophare d'Alger - supprimé
provisoirement en 1941, sur la demande de la Marine nationale - les services
techniques ont repris l'étude, interrompue par la guerre, d'un
programme de radiophares complémentaires qui comprend, en première
étape, l'établissement, dans des délais rapprochés,
de quatre ouvrages au Cap Ténès (portée 200 milles),
au Cap Bengut (100 milles), au Cap Bougarouni (200 milles), au Cap de
Garde (500 milles).
LA SITUATION ACTUELLE.
Le Service des Phares et Balises fait partie, en Algérie, des attributions
des ingénieurs en chef des Ponts et Chaussée% du Service
Maritime (première circonscription d'Oran, première et deuxième
d'Alger, première et deuxième de Constantine, Bône).
Il fonctionne sous l'autorité du Gouverneur Général,
en liaison étroite avec le Service Central Métropolitain
des Phares et Balises et sous la direction technique de ce-lui-ci.
Le tableau ci-après fait ressortir l'importance de rceuvre réalisée
en Algérie en matière d'éclairage des côtes.
L'Algérie possède aujourd'hui, outre un très grand
nombre de feux de ports d'une portée lumineuse inférieure
à 10 milles :
- 20 feux dé côte ou de ports, d'une portée lumineuse
comprise entre 10 et 20 milles,
- 12 phares d'une portée comprise entre 20 et 30 milles,
- 8 phares d'une portée égale ou supérieure à
30 milles.
Avec ses trois radiophares en service, le système de signalisation
des côtes algériennes constitue un ensemble remarquable par
le nombre des appareils et leurs caractéristiques. On peut dire
qu'il répond d'une manière générale, à
toutes les éxigences de la navigation au long cours, au cabotage
et à la pêche.
L'AVENIR.
Aussi, le nombre d'ouvrages importants à créer est-il restreint.
Le seul projet présentant un certain caractère d'urgence
est l'établissement d'un phare entre les feux existants du Cap
Ivi et du Cap Ténès ou l'éclairage dé la côte
algérienne présente une lacune de 100 kms environ, dangereuse
par temps de brume.
L'emplacement choisi, agréé par la Commission des Pharas
le 3 décembre 1937, après avis de la Commission Nautique,
est situé sur un petit plateau rocheux de 39 m. d'altitude, à
300 m. environ du rivage. Le foyer sera à 60 m. au-dessus du niveau
de la mer ; son éclairage, prévu à l'électricité,
lui assurera une puissance lumineuse de 900.000 bougies; sa portée
sera de 31 milles ; il aura lé caractère d'un feu blanc
à éclats groupés par trois toutes les 15 secondes.
La réalisation du projet a été retardée par
la guerre, mais il est prévu que les travaux seront entrepris en
1947.
L'achèvement de l'électrification des feux et la création
de nouveaux radiophares constitueront l'essentiel des autres améliorations
à réaliser, pour le proche avenir, afin de maintenir l'éclairage
des côtes algériennes à la hauteur du rôle éminent
qu'il a à remplir.
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