La scolarisation
des Enfants musulmans en Algérie
Qu'il s'agisse de ses institutions, de son
activité économique, des conditions de vie de sa population,
tu développement de son empire, les voies que la France entend
suivre ne sont pas celles d'une routine paresseuse, mais bien celles du
renouveau.
A la fin d'une guerre qui a créé des difficultés
nouvelles, des devoirs très vastes s'imposent aux pay: qui comme
la France se sont, depuis l'âge des grandes découvertes,
associés d'autres peuples, d'autres races. Le plan d'ensemble des
Réformes concernant l'Algérie et dont l'exécution
est en voie de réalisation montre que la France a mesuré
ici tous ses devoirs.
Si dans tous les domaines, les efforts sont sensibles, si dans tous les
secteurs les réalisations s'affirment, on peut cependant dire que
le succès le plus marquant, car il s'attache à un point
capital ch: l'évolution du pays et vise les destinées lointaines
de l'Algérie, a été obtenu dans la scolarisation
des enfants musulmans.
Plan
de scolarisation, projet 1945-1965
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ENSEIGNEMENT PRIMAIRE
DES INDIGENES - HISTORIQUE :
La Scolarisation
La première école " Maure-Française " est
ouverte à Alger en 1836. Des maîtres Musulmans et Français
y enseignent la langue française et arabe avec une nette prédominance
de la seconde.
En 1850, cinq nouvelles écoles dites " Musulmanes-Françaises
" fonctionnent à Alger, Constantine,, Oran, Bône, Mostaganem
; une trentaine d'autres sont ouvertes sous le Second Empire. Une régression
sensible est enregistrée à partir de 1870. Le nombre de
ces écoles était de 16 en 1880.
C'est de 1880 à 1890 que s'organise en France l'enseignement primaire.
Il en est de même en Algérie ; et c'est en 1889 que sont
élaborés les " Plans d'études et programmes
de l'enseignement des indigènes en Algérie ", oeuvre
remarquable où programme et méthodes d'enseignement sont
adaptées aux conditions de vie et aux besoins particuliers des
milieux musulmans. A partir de 1890, le nombre des écoles et l'importance
des effectifs ne cessent d'aller en augmentant.
Le personnel enseignant
Alors que depuis la loi Guizot (1833) une école normale primaire
fonctionnait en principe dans chaque département métropolitain,
l'Algérie n'avait encore, 35 ans après l'arrivée
des Français, aucun établissement scolaire de ce genre.
Le progrès de l'instruction primaire dans les trois provinces nord-
africaines et le désir de la voir largement répandue dans
la population musulmane amenèrent le Gouvernement Général
à solliciter, en 1865, la création de
l'Ecole Normale d'Alger.
" Si l'on veut, lit-on dans le rapport de l'Empereur, que les écoles
destinées à recevoir les jeunes Musulmans contribuent à
la propagation rapide de la langue et des idées françaises,
il est nécessaire d'y placer des maîtres initiés à
l'usage de l'arabe parlé, à la connaissance générale
des moeurs et capables d'adapter leurs méthodes aux habitudes intellectuelles
des indigènes. Or, sans une préparation. spéciale,
il est évident que les instituteurs demeureront étrangers
à ces connaissances et aux procédés qu'il convient
d'employer pour rendre leur enseignement profitable à tous les
enfants de la colonie. Ces considérations nous ont conduits à
proposer à votre Majesté la création d'une école
normale d'instituteurs pour les Européens et les Indigènes
".
Fondée par décret impérial en date du 4 mars 1865,
c'est dans le " site riant aujourd'hui occupé par le musée
des Antiquités et le Parc
de Galland, que s'installa la première école
normale d'instituteurs de l'Algérie, et l'élément
musulman devait y figurer, en principe, dans la proportion de 1/3 pour
2/3 d'Européens.
Transférée " provisoirement ", au début
de 1888, à la
Bouzaréah, l'Ecole normale s'y est développée
et installée définitivement.
De 1865 à 1885, le problème du recrutement européen
et surtout musulman se posa lors de chaque concours, et il y eut souvent
lieu de faire appel à des recrues des écoles normales de
France.
Afin de remédier à cette situation, furent créés,
en 1883, un " cours normal indigène " destiné
à parfaire l'instruction des candidats musulmans insuffisamment
préparés par les écoles arabes-françaises
et une école primaire supérieure annexée à
l'Ecole Normale, qui assurèrent dès ce moment le recrutement
des élèves-maîtres en Algérie.
Abrogé en 1924 lorsque la généralisation de l'instruction
primaire supérieure permet à tous les éléments
de l'Algérie d'entrer à l'Ecole Normale, le " cours
normal indigène " a cependant facilité, à une
époque " héroïque ", la formation de 800
instituteurs musulmans.
Les élèves Musulmans bénéficient en fin de
scolarité à l'Ecole Normale, grâce à un crédit
spécial du budget, d'un voyage de trois semaines à travers
la France, et c'est ainsi qu'aux notions classiques et livresques se substitue
la réalité pittoresque et nuancée d'une France vivante
au service de laquelle ils se consacrent alors en pleine connaissance
de cause.
Les Ecoles Normales de Mustapha, puis de la
Bouzaréah, ont instruit, de 1866 à 1945, cinq mille maîtres
de l'enseignement public algérien.
LE PROBLEME EN 1944 :
La population musulmane peut être évaluée à
7.500.000 habitants dont 1.250.000 enfants d'âge scoo laire (6 à
14 ans). Sur ce total, en 1943, 110.200 enfants (garçons et filles)
recevaient l'instruction primaire.
En tenant compte de cet état de fait, l'effort accompli depuis
1890 paraît modeste si l'on n'examine que les chiffres. Il faut
cependant, pour être juste, ainsi que le faisait remarquer M. Boudjakdji,
Inspecteur de l'Enseignement primaire, dans sa chronique diffusée
par Radio-Algérie, se rappeler les conditions d'organisation de
cet enseignement. En France, l'enseignement primaire se développe
en 1886, mais on trouve dans le moindre village des locaux pour y installer
une école à peu de frais. En Algérie, tout est à
créer, on part à zéro.
Difficultés rencontrées ? Efforts insuffisants ? Quelles
qu'en soient les raisons, le problème, en 1943, était le
suivant : Comment scolariser au plus vite 1.150.000 enfants musulmans.?
LES SOLUTIONS :
Le plan de scolarisation
La Commission chargée d'établir un programme de réformes
politiques, sociales et économiques, en faveur des Musulmans français
d'Algérie, s'est longuement penchée sur ce problème
au début de 1944, et le fruit de ses travaux concrétisé
par un " Plan de scolarisation totale " a été
ratifié par décret du 27 novembre 1944.
Ce plan, dont la réalisation, sous la haute direction du Recteur
de l'Académie d'Alger, est confié à un Vice-Recteur
qui en est spécialement chargé, s'étale sur vingt
ans et adopte un rythme croissant de créations. Il doit permettre
l'aménagement de 20.000 classes et la scolarisation d'un million
d'enfants.
Décret du 27 novembre 1944
:
Le rythme accéléré des réalisations prévues
sera possible grâce à l'amélioration croissante des
conditions économiques et à une instruction primaire supérieure
et secondaire plus généralisée qui permettra de,
trouver sur place le personnel enseignant nécessaire.
Afin de permettre le démarrage immédiat du plan de scolarisation,
un cadre spécial d'instituteurs a été créé.
Il comprend des maîtres titulaires de l'un des diplômes suivants
: brevet élémentaire, diplôme d'études secondaires,
diplôme d'études des Médersas algériennes,
première partie du Baccalauréat (Ordonnance et décret
du 27 novembre 1944). Ce recrutement très large a été
jusqu'ici relativement aisé.
La question des locaux reste plus angoissante ; il est évident
que si l'on ne construit pas de locaux et si toutes les écoles
encore réquisitionnées ne sont pas rendues à leur
destination, l'application des programmes prévus en 1947 et 1948
s'avèrera difficile, tous les locaux disponibles ayant été
utilisés en 1945 et 1946.
Toutes dispositions sont cependant prises, dans le cadre des disponibilités
actuelles en crédit et en matériaux de construction, pour
faire honneur aux promesses faites par le Gouvernement Provisoire de la
République Française.
LES REALISATIONS :
Dès le début de 1945, l'Administration responsable utilisant
tous les locaux disponibles, commença à réaliser
la première étape du programme.
Au 5 décembre 1944, il y avait 2.073 classes spécialement
destinées aux enfants musulmans.
Un an après, il y en avait 2.522 soit une augmentation de 449 classes,
c'est-à-dire 49 classes de plus que n'en prévoyait le décret
du 27 novembre 1944.
21.301 enfants avaient été scolarisés, alors que
le plan de scolarisation n'en prévoyait que 20.000
C'est en tenant compte des possibilités matérielles et aussi
pour satisfaire les désidérata depuis longtemps exprimés,
que la plupart des créations ont été faites dans
les centres urbains et les agglomérations importantes. Les locaux
disponibles étant nettement insuffisants, 50 % des classes créées.
fonctionnent à mi-temps.
L'année 1946 voit la réalisation de la seconde tranche du
plan de scolarisation, les création se multiplient et permettent
d'espérer en fin d'année l'aménagement de 486 classes
(au lieu de 400 prévues).
Les conditions d'installation sont évidemment plus précaire
qu'en 1945 et 75 % des classes créées fonctionnent à
mi-temps.
SCOLARISATION DES FILLET.TES MUSULMANES
:
Un examen rapide des chiffres et des courbes de scolarisation montre qu'en
ce qui concerne les fillettes musulmanes les chiffres restent modestes.
Il est cependant intéressant de noter que la proportion qui était
de 1/10' des effectifs totaux. en 1892 est passée à 1/5'
en 1945.
Dans la plupart des régions, la population musulmane est maintenant
pleinement acquise à l'enseignement des filles et des écoles
nouvellement ouvertes ont leurs effectifs au complet. On peut donc aller
hardiment de l'avant.
Faisant suite au voeu de la commission des réformes, 25 % des création
de 1945 et 54 c/t- des créations de 1946 sont destinées
aux fillettes musulmanes.
Ainsi ni le manque de locaux, ni l'absence de matériaux de construction,
ni les dif field ,és de recrutement du personnel enseignant n'ont
pu freiner le départ des projets de scolarisation dont dépendent
l'évolution certaine et l'avenir lointain de l'Algérie.
Si l'on tient compte de ce que l'impulsion énergique qui vient
de revivifier l'enseignement primaire. public des Musulmans est accompagnée
de la réorganisation de l'enseignement supérieur musulman,
on admettra que le voeu émis en 1944 par les membres de la commission
des réformes est en cours. de réalisation et qu' "
un esprit vigoureux, afin que soit développée l'instruction
le plus rapidement possible, au profit de la population " a effectivement
suggéré les projets et permis les réalisations effectuées,
si bien que l'accroissement de la population scolaire, au cours de la
seule année 1945 est égal à celui de la totalité
des douze années antérieures
Annexe
: plan de scolarisation, projet 1945-1965
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