Alger, Algérie : documents algériens
Série politique
Historique et réforme des Djemaâs*
mise sur site le 15-11-2010
* Document n° 2 de la série : Politique - Paru le 15 septembre 1945 - Rubrique DJEMAAS.

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Historique et réforme des Djemaâs

Les trois décrets du 29 août 1945 poursuivent oeuvre amorcée par l'ordonnance du 7 mars 1944. Le premier vise le fonctionnement des Djemaâs ; le second, celui des Centres municipaux ; le troisième, érige en Kabylie six Centres municipaux.

Tous trois traduisent la même préoccupation : ils tendent à initier les populations musulmanes des campagnes aux responsabilités de la gestion municipale. Ils marquent les termes d'une lente évolution commencée vers 1860 et qui, après de douloureux tâtonnements vient enfin d'atteindre ses derniers objectifs.

Non qu'il faille invoquer ici cette finalité historique, chère à l'école de Thierry et de Guizot, qui a le grand tort de tout expliquer. Mais il reste, indéniable qu'à travers les avatars de la Djemaâ, de 1860 à 1945, les faits se groupent et s'ordonnent, suivant de très visibles lignes de direction.

Une volonté civilisatrice - de plus en plus consciente au fur et à mesure que la France se démocratise - les inspire, les aligne, les oriente, pour aboutir au régime actuel.

La Djemaâ, infime embryon municipal, s'enrichit de lustre en lustre, gagne en pouvoirs et en attributions, pour parvenir enfin à cette forme entièrement originale qu'a mise au point le Gouverneur Général Chataigneau : le Centre municipal.

LE SENATUS CONSULTE DE 1863
- Une Djemâa embryonnaire

On connaît les incohérences de la politique impériale, dite du " Royaume arabe " : mise en veilleuse de la colonisation officielle, remplacée par les grosses sociétés capitalistes, dans le temps même où Napoléon III ne tarit pas d'éloges sur l'héroïsme quotidien du petit colon ; avances aux " Grands Chefs indigènes " invités, choyés et fêtés, aux féeries de Compiègne, au moment précis où le Sénatus Consulte de 1863 sape leur autorité politique ; ambition de bâtir la société rurale algérienne sur l'organisme communal, alors que ce même Sénatus Consulte émiette la tribu, cellule initiale du pays arabe, et noie dans l'entité artificielle du douar, le village, cellule initiale du pays berbère. Car, par l'une de ces étranges fantaisies où se marque l'irréalisme utopique de l'époque, le Sénatus Consulte traitait à l'arabe le pays kabyle et accommodait en somme à la berbère le pays arabe ! Ici, on désagrégea ce qui/ était uni ; et là, on unit ce qui était divisé.

Dans cette confusion, le Sénatus Consulte de 1863 révèle au moins une intention très réelle : instaurer dans le bled l'organisme municipal. Et, pour cela, dissocier la tribu, la fractionner en douars commune. " Le douar-commune, c'est la commune ", écrivait le 8 avril 1863 M. de Casabianca, rapporteur au Sénat du projet du Sénatus Consulte. Et l'Instruction générale de Mac-Mahon, en date du ler mars 1865, précise que le " douar-commune n'est autre chose que le germe de la commune arabe ›. Telle est la préfiguration, allusive et élliptique, de notre actuelle Cité rurale.

Donc, les opérations de délimitation commencent. Elles se traduiront par ce fait : 709 tribus auront donné naissance à 1.196 douars-communes, ceux-ci étant l'assise primordiale sur laquelle on bâtira l'édifice futur. De quelle architecture orientale, occidentale, sera cette construction ? On ne le sait pas encore. Les lettres de l'Empereur parlent bien d'un Royaume arabe, d'un Camp français, mais rien de. définitif ni de précis quant au style du monument.

En fait, on arrive à cette situation paradoxale, que le douar-commune, au lieu d'être composé par des groupes de même origine, assemble souvent des populations différentes ; qu'une même fraction homogène se trouve répartie entre plusieurs douars-communes ; qu'un puzzle capricieux découpe et rassemble les circonscriptions ; et qu'on voit même une tribu purement et simplement annexée à un douar limitrophe.
Toutefois, quelque objection rétrospective qui puisse être élevée, il n'en reste pas moins qu'on avait aménagé dans le bled les futures bases de la vie municipale.

Un second bienfait du Sénatus Consulte, ce fut, en pays arabe, l'institution de la Djemaâ. On n'eut rien à innoverà cet égard dans les secteurs berbères où fonctionnaient, de temps immémorial, des assemblées locales.

Le décret du 23 mai 1863, article 16, décide qu'uneDjematû est créée dans chaque douar-commune. Et l'Instruction ministérielle du 11 juin 1863 recommande de " donner l'investiture officielle aux réunions de notables qui, sous la dénomination de Djemaâ, représentent l'intérêt collectif ".

Cette mesure sera, plus tard, étendue à tout le territoire civil, Sénatus-Consulte ou non, par le décret du 24 décembre 1870.

Précisons bien qu'il s'agit de Djemaâs présidées par le Caïd et dont les membres sont désignés par l'autorité administrative.

Mais là encore, l'exécution trahit ou méconnaît l'inspiration. La réforme reste chose inerte, privée de sève et de vie. Les années passent. En dépit de l'arrêté gouvernemental du 11 septembre 1895, qui tente d'infuser à l'embryon municipal une vigueur nouvelle, l'institution végète en pays arabe où, sauf dans les régions de terre arch ou sabega, elle semble artificielle et comme de greffe étrangère. En Kabylie, elle s'est superposée à la petite, à la vivante Djemaâ de village, qu'elle paralyse et menace d'étouffer. Dans le premier cas, l'assemblée locale est mal vue par le Caïd. Il ne la réunit jamais. Il admet difficilement d'ailleurs cette collaboration d'un consensus collectif parallèle à son pouvoir de commandement. Dans le second cas, la municipalité de village berbère qui, elle, traduit les pulsations parfois brusques de la vile locale, est absorbée par la Djemaâ du douar - le douar kabyle ! - création artificielle, chimérique, qui a substitué à un organe naturel, biologique, les imaginations d'un rêveur de cabinet. C'est encore une fois l'énorme faute du Sénatus Consulte de 1863: avoir dissocié là où il fallait assembler, et assemblé là où il importait de dissocier.

1919: LA DJEMAA ELUE.
Ainsi, jusqu'en 1919, notre édifice algérien, commencé par le toit, n'était pas encore enraciné dans la glèbe. Et la Djemaâ, dont la politique républicaine voulait, depuis 1895, faire un outil d'affranchissement, un préapprentissage de la cité, la Djemaâ demeurait ignorée, sans prestige, sans pouvoir, sans élan atonie.

C'est que le législateur impérial avait perdu de vue qu'il ne peut y avoir, sans libre suffrage, de véritable représentation des intérêts. Désigner de Paris ou d'Alger, par décret ou arrêté, cette représentation, c'est se faire juge à distance de petits matérialismes immédiats, dont les autochtones ont seuls l'intuition, qu'ils sont seuls en mesure d'apprécier en pleine connaissance de cause.

Ce sera l'immense mérite des réformes de 1919, d'avoir enfin instauré l'élection de la Djemaâ et de son président. Sans doute, les esprits pessimistes élevèrent-ils alors de sombres pronostics. C'était, disait-on, infuser l'anarchie dans les masses. C'était saper l'autorité. C'était remettre entre des mains encore inexpérimentés et novices, le gouvernail que seule peut tenir une poigne de fer. Un quart de siècle après, en 1945, on a peine à ne point sourire de ce pessimisme, qu'aucun fait n'est jamais venu justifier.

Le décret du 6 février 1919 et l'arrêté du 5 mars de la même année, fixaient en outre les attributions des Djemaâs (gestion des biens du douar, emprunts, jouissance des communaux, actions judiciaires, travaux d'utilité publique, etc...), les délibérations intervenues restant cependant soumises à l'approbation du Conseil municipal en commune de plein exercice, de la Commission municipale en commune mixte.

1945: EXTENSION DES ATTRIBUTIONS DE LA DJEMAA.
L'expérience de 1919 avait, durant un quart de siècle, marqué un incontestable succès. Mais, de 1919 à 1945, le standard social et économique des Musulmans algériens avait subi de profondes transformations : ébauche d'un paysannat constitué par nos lois foncières, resserrement des superficies cultivables, progression démographique, développement de l'instruction et des procédés culturaux, hausse continue des valeurs rurales, constitution d'importantes réserves fiduciaires, apparition, entre 1939 et 1945, d'une classe d'enrichis qui cherchent fiévreusement à investir leur fonds, éviction des anciennes servitudes, évolution qui, sur le plan civique et culturel, se traduit par l'émancipation de l'individu et son aspiration vers une vie sans cesse plus large, plus respirable, plus libre. Les vieux systèmes de discipline administrative cédant de toutes parts, c'eut été folie de les consolider, au moment même où les condamnait sans appel l'irrésistible évolution des mœurs. Il faut à des hommes nouveaux des institutions, sinon nouvelles, tout au moins renouvelées. Souvenons-nous de la poignante analyse que, dans son Histoire Socialiste, Jaurès donne de cette bourgeoisie française dont les dirigeants d'avant 1879 ne surent pas accueillir, absorber, caser les multiples supériorités. La vitalité d'un régime se mesure à son pouvoir d'assimiler les forces neuves.

C'est en s'inspirant de ces considérations que le Gouverneur Général Chataigneau et M. Tixier, Ministre de l'Intérieur, ont élaboré le premier décret du 29 août 1945 qui met au point le fonctionnement de la Djemaâ.

Nous ne pouvons commenter toutes les nouvelles attributions qui précisent, élargissent et complètent celles qu'avaient déjà esquissées les textes de 1919 (le tableau de ces attributions est annexé). Signalons cependant deux importantes innovations : la Djemaâ délibère sur la répartition des céréales et denrées contingentées ; elle assiste aux ventes et distributions ; et elle connaît et s'occupe de toutes les opérations de paysannat entreprises dans la section. Elle devient ainsi un organisme vivant, essentiel.

Pour mieux marquer l'intérêt qu'il attache à un fonctionnement régulier, le législateur stipule que le registre des délibérations sera présenté aux Inspecteurs généraux, au Préfet, au Sous-préfet, à chacune de leurs tournées (article 2). Ainsi va se clore l'existence morne et languissante de certaines de ces assemblées qui siégeaient irrégulièrement et, parfois même, ne se réunissaient jamais.

En outre, c'est maintenant le Président de la Djemaâ qui la convoquera en session ordinaire, le premier mois de chaque trimestre (article 3), alors qu'auparavant, suivant la législation de 1919, l'Administrateur seul avait pouvoir de la réunir.

Enfin, et c'est là le point capital de la réforme, les délibérations intervenues, qui étaient jusqu'à ce jour homologuées par l'assemblée municipale, deviennent de plein droit exécutoires, après assentiment de l'Administrateur, pour tout ce qui concerne, dit l'article 4, les objets énumérés " aux paragraphes 2, 9, 13, 14, 18, 19 et 20 " de l'article 3 du décret, c'est-à-dire : le mode de jouissance des pâturages, les droits d'usage, la désignation des commissions scolaires, les souscriptions pour travaux dans la section, la répartition des céréales et denrées, les opérations de paysannat.

Voilà de réelles, de substantielles franchises, confiées à la libre activité de la Djemaâ, hors de la tutelle parfois obsédante de l'Assemblée communale, et sous le contrôle, toujours bienveillant, de l'Administrateur.

Dans l'atmosphère souvent confinée où délibère la Djemaâ du douar, le décret du 29 août 1945 fait passer un air vif, salubre, revigorant, ce souffle libre des sommets qui, chargé de germes d'avenir, a fécondé l'histoire de la France.

1937: LE CENTRE MUNICIPAL
- Premier essai.
Le décret du 25 août 1937 avait élaboré une entité juridique fort originale, sorte de paradoxe dans notre droit public, métropolitain ou algérien, lequel restait limité jusqu'alors à la commune du 5 avril 1884, à la commune mixte et aux organismes militaires du Sud. Il instaure, au-dessus du douar, à côté de la commune mixte, une nouvelle cellule locale qui, dans notre hiérarchie administrative s'insère entre les fractions de l'ancienne tribu et la commune de plein exercice.

Simple section communale à l'origine, le douar, érigé en Centre municipal, devient autonome. La Djemaâ est investie de la quasi-totalité des attributions exercées, en vertu de la loi dit 5 avril 1884,. par les Conseils municipaux, et son Président de prérogatives qui l'apparentent à un Maire. De fait,. il assure l'administration du Centre, la publication et l'exécution des lois et, règlements, nomme aux emplois, procède aux adjudications, exerce les fonctions d'officier d'Etat-Civil, etc...

Le Centre municipal ainsi constitué n'est cependant pas distrait de la Commune mixte. Il continue à en faire partie. L'Administrateur garde les pouvoirs de police municipale, sauf pour certaines matières, comme, par exemple, la circulation, le nettoiement, l'éclairage, la démolition ou la réparation des édifices menaçant ruine, le mode de transport des personnes décédées, le contrôle du ravitaillement, le soin de prévenir par des précautions appropriées et de faire cesser les événements calamiteux, tels qu'incendies, inondations, épidémies ou épizooties.

Le décret du 25 août 1937, si libéral qu'il soit, pose des limites à l'autonomie du Centre. C'est ainsi que les arrêtés du Président ne sont exécutoires qu'après approbation de l'Administrateur, sauf recours
au Préfet (art. 27) ; que la même approbation est obligatoire pour l'utilisation du crédit afférent aux dépenses imprévues (art. 55) ; que la police municipale est exercée par l'Administrateur, sauf quelques dérogations en faveur du Président (art 24), et qu'enfin les délibérations de la Djemaà du Centre ne sont valables que sur décision du Préfet (art. 12).
C'étaient là de sérieux tempéraments à la réforme.

Elle entra en application à El-Bordj (commune mixte de Mascara) ; à Aïoun-el-Adjaz (commune mixte de Châteaudun-du-Rhummel) ; à Oumalou (commune mixte de Fort-National) ; et à Mezrana (commune mixte de Tablat).

Il faut reconnaître que l'expérience, interrompue en 1941, est loin d'avoir donné les résultats que l'on en attendait. La faute en incombe peut-être moins aux collectivités intéressées (à des degrés divers, elles apportèrent à ces premiers essais un concours des plus louables) qu'à certains exécutants animés d'un zèle indéniable mais déconcertés par la nouvelle formule, maladroits à la réaliser, et d'une timidité qui, en l'occurrence, institua dans les meilleures intentions possibles des mécanismes de freinage.

Il y eut, à l'origine, une erreur doctrinale, qui restait bien dans l'antique tradition algérienne. On persistait dans les contresens et les hérésies du Sénatus-Consulte : c'est ainsi qu'on continuait à voir la cellule sociale kabyle dans le douar-commune, alors qu'elle est toute dans le village. Il faut encore y insister : en pays berbère, le douar-commune n'est qu'une vaporeuse constellation administrative ; la vie politique réside, en ce qu'elle a d'organique et de profond, non dans la nubuleuse, mais bien dans le petit essaim de gourbis qui se serrent l'un contre l'autre, sur un pic. Et l'on érigea en Centre municipal le douar kabyle d'Oumalou, peuplé de 10.000 habitants, répartis en 18 villages dont la plupart auraient pu devenir eux-mêmes des Centres municipaux.

Même faute au douar Mezrana, de formation berbère, et où il eût été facile de découper au moins quatre Centres municipaux.
Erreur d'application, ensuite. On ne vit pas que, dans un Centre où n'existent ni marché important, ni communaux de rapport, le Budget reste forcément exsangue, malingre, étriqué, et que les habitants sous le nouveau régime, donnent beaucoup plus à l'impôt qu'avant l'octroi des franchises. Or, une réforme qui fait trop payer les bénéficiaires est ruineuse pour l'État.

Ces erreurs, il faut le dire bien haut, étaient presque inévitables. Il n'est pas de mesure qui, dans ce pays si divers, si mouvant, n'ait pas, avant de se perfectionner, longuement tâtonné.

Et c'est ainsi que finit, dans l'équivoque, la réforme amorcée en 1937.

1945: REFORME DU CENTRE MUNICIPAL.
Le second décret du 29 août 1945 vient de la reprendre.

Mais ce sera, cette fois, en tenant le plus grand compte des leçons du passé. Le décret, en effet, simplifie et allège le fonctionnement du Centre municipal. La plupart des pouvoirs de tutelle précédemment dévolus au Préfet incombent, dorénavant, à l'Administrateur. C'est donc que le mécanisme administratif jouera sur place, sans ces courroies de transmission qui entravent le mouvement sous prétexte de le régulariser.
L'Administrateur va exercer les attributions visées " par les articles 12, 15, 16, 27, 35, 36, 40, 42, 43, 44, 52, 53; 54, 56, 57, 59, 60, 62, du décret -du_ 25 août 1937 ", c'est-à-dire : approbation des arrêtés du Président et de toutes les délibérations de la Djemaâ relatives aux dons et legs, aux actions en justice, aux emprunts, au budget, aux marchés, etc...

Le texte réserve au Préfet le pouvoir de suspendre le Président de la Djemaâ et ses adjoints, au Gouverneur Général le droit de prononcer leur révocation.

Seconde hardiesse : le décret stipule (art. 3) qu'il " sera institué 60 nouveaux Centres municipaux en Algérie avant le 1er janvier 1946 ". Notons que ce chiffre (invite formelle à un rapide démarrage) n'a rien d'exagéré. Il y a, dans l'Algérie du Nord, 1.196 douars-communes et, dans la seule Kabylie, 800 villages. Ce ne sera qu'un jeu d'y fonder les 60 nouveaux Centres.

Enfin, le troisième décret du 29 août 1945 prononce l'érection en Centres municipaux, au 1" novembre 1945, de 6 villages :

- Abache (commune mixte d'Azeffoun) ;
- Taha (commune mixte du Djurjura) ;
- Ighill Imoula (commune mixte de Dra-el-Mizan);
- Taddert (commune mixte de Fort-National) ;
- Souama (commune mixte du Haut-Sébaou) ;
- Makouda (commune mixte de la Mizrana).

On le voit, il ne s'agit plus du douar-commune kabyle, mais, cette fois, du village. L'erreur séculaire est donc réparée.

Les trois décrets du 29 août 1945 apportent à l'ordonnance du 7 mars 1944 un remarquable complément. Ils ouvrent la Cité aux populations musulmanes des campagnes. Il le fallait. Car on reproche à l'ordonnance elle-même de n'avoir guère accueilli dans ses " catégories " que les titulaires de diplômes, d'emplois, de titres, de distinctions honorifiques, négligeant quelque peu les supériorités de la glèbe et de l'outil. Les trois o décrets qui viennent d'intervenir aèrent singulièrement la vie municipale du bled. Ils l'incorporent au cycle traditionnel de notre droit public.
Ainsi, la modeste Djemaâ, timidement esquissée par le Sénatus-Consulte de 1863, amendée en 1868,. en 1870, en 1895, puisant ensuite dans les réformes de 1919 un nouvel élan, va se développer grâce aux décrets du 29 août 1945, pour aboutir à son terme d'évolution : le Centre municipal. C'est la dernière étape avant l'autonomie intégrale créée par la loi municipale du 5 avril 1884. Sujétion initiale, tutelle peu à peu assouplie, liberté s'épanouissant chaque jour, telles sont les phases qu'a traversées l'institution. C'est la lente poussée d'une plante, fragile d'abord, souffreteuse sous le dur hiver berbère, mais qui maintenant va porter ses fruits.

ATTRIBUTIONS DE LA DJEMAA

Décret du 29 juin 1945

1° Le mode d'administration des biens de la section ;
2° Le mode de jouissance et la répartition des pâturages et des fruits, ainsi que les conditions à imposer aux parties prenantes ;
3° Le budget de la section et, en général, toutes les dépenses et recettes, soit ordinaires, soit extraordinaires, les emprunts à contracter, les centimes additionnels ou extraordinaires à imposer pour les besoins de la section, les emplois des fonds provenant de la mise en valeur de l'amodiation ou de l'aliénation des biens de la section :
4" Les tarifs et règlements de perception de tous les revenus propres à la section ;
5" Les acquisitions, aliénations et échanges des propriétés de la section, leur affectation aux différents services publics et, en général, tout ce qui intéresse leur conservation et leur amélioration ;
6° Les conditions des baux des biens donnés à ferme ou à loyer par la section, ainsi que celles des baux des biens pris à loyer par la commune ;
7° Les projets de construction, de grosses réparations, de l'entretien et de démolition et, en général, tous les travaux à entreprendre ;
8° L'ouverture des chemins vicinaux et ruraux, les rues et places publiques et les projets d'alignement de la voirie municipale, les journées de prestation ;
9° Le parcours et la vaine pâture, les questions relatives à la réglementation des droits d'usage, exercés par la section et l'établissement de la liste des usagers ;
10° L'acceptation des dons et legs faits à la section ou aux établissements de la section ;
11° Les modifications territoriales intéressant la section ;
12° Les permis de recherches ou d'exploitation de o mines, carrières, existant sur les biens de la
section ;
13° La désignation des membres des commissions scolaires instituées en exécution des articles 6 et 7 du décret du 18 octobre 1892 ;
14° Les souscriptions et cotisations volontaires en nature ou en argent pour travaux d'utilité publique dans la section ;
15° Les actions judiciaires, les transactions et tous autres objets sur lesquels les lois, décrets et arrêtés appellent les commissions municipales des communes mixtes à délibérer ;
16° Délimitation et répartition du territoire de la section, constitution de la propriété individuelle en vertu du Sénatus Consulte du 22 avril 1863 et des lois du 26 juillet 1873, 28 avril 1887 et 16 février 1897 ;
17° Questions de jouissance et de répartition des terres collectives de cultures entre les habitants de la section et examen des réclamations ;
18° Application du principe de la responsabilité collective ;
19° Mode de répartition des céréales, denrées contingentées, tissus attribués à la population de la section. Il ne sera procédé à aucune opération de disposition ou de ventes à cet égard, sans la présence obligatoire du Caïd, du Président et des membres de la Djemaâ ;
20° Opérations de paysannat entreprises dans la section.

A. B.