Historique et
réforme des Djemaâs
Les trois décrets du 29 août 1945 poursuivent
oeuvre amorcée par l'ordonnance du 7 mars 1944. Le premier vise
le fonctionnement des Djemaâs ; le second, celui des Centres municipaux
; le troisième, érige en Kabylie six Centres municipaux.
Tous trois traduisent la même préoccupation : ils tendent
à initier les populations musulmanes des campagnes aux responsabilités
de la gestion municipale. Ils marquent les termes d'une lente évolution
commencée vers 1860 et qui, après de douloureux tâtonnements
vient enfin d'atteindre ses derniers objectifs.
Non qu'il faille invoquer ici cette finalité historique, chère
à l'école de Thierry et de Guizot, qui a le grand tort de
tout expliquer. Mais il reste, indéniable qu'à travers les
avatars de la Djemaâ, de 1860 à 1945, les faits se groupent
et s'ordonnent, suivant de très visibles lignes de direction.
Une volonté civilisatrice - de plus en plus consciente au fur et
à mesure que la France se démocratise - les inspire, les
aligne, les oriente, pour aboutir au régime actuel.
La Djemaâ, infime embryon municipal, s'enrichit de lustre en lustre,
gagne en pouvoirs et en attributions, pour parvenir enfin à cette
forme entièrement originale qu'a mise au point le Gouverneur Général
Chataigneau : le Centre municipal.
LE SENATUS CONSULTE DE 1863
- Une Djemâa embryonnaire
On connaît les incohérences de la politique impériale,
dite du " Royaume arabe " : mise en veilleuse de la colonisation
officielle, remplacée par les grosses sociétés capitalistes,
dans le temps même où Napoléon III ne tarit pas d'éloges
sur l'héroïsme quotidien du petit colon ; avances aux "
Grands Chefs indigènes " invités, choyés et
fêtés, aux féeries de Compiègne, au moment
précis où le Sénatus Consulte de 1863 sape leur autorité
politique ; ambition de bâtir la société rurale algérienne
sur l'organisme communal, alors que ce même Sénatus Consulte
émiette la tribu, cellule initiale du pays arabe, et noie dans
l'entité artificielle du douar, le village, cellule initiale du
pays berbère. Car, par l'une de ces étranges fantaisies
où se marque l'irréalisme utopique de l'époque, le
Sénatus Consulte traitait à l'arabe le pays kabyle et accommodait
en somme à la berbère le pays arabe ! Ici, on désagrégea
ce qui/ était uni ; et là, on unit ce qui était divisé.
Dans cette confusion, le Sénatus Consulte de 1863 révèle
au moins une intention très réelle : instaurer dans le
bled l'organisme municipal. Et, pour cela, dissocier la tribu, la
fractionner en douars commune. " Le douar-commune, c'est la commune
", écrivait le 8 avril 1863 M. de Casabianca, rapporteur au
Sénat du projet du Sénatus Consulte. Et l'Instruction générale
de Mac-Mahon, en date du ler mars 1865, précise que le " douar-commune
n'est autre chose que le germe de la commune arabe . Telle est la
préfiguration, allusive et élliptique, de notre actuelle
Cité rurale.
Donc, les opérations de délimitation commencent. Elles se
traduiront par ce fait : 709 tribus auront donné naissance à
1.196 douars-communes, ceux-ci étant l'assise primordiale sur laquelle
on bâtira l'édifice futur. De quelle architecture orientale,
occidentale, sera cette construction ? On ne le sait pas encore. Les lettres
de l'Empereur parlent bien d'un Royaume arabe, d'un Camp français,
mais rien de. définitif ni de précis quant au style du monument.
En fait, on arrive à cette situation paradoxale, que le douar-commune,
au lieu d'être composé par des groupes de même origine,
assemble souvent des populations différentes ; qu'une même
fraction homogène se trouve répartie entre plusieurs douars-communes
; qu'un puzzle capricieux découpe et rassemble les circonscriptions
; et qu'on voit même une tribu purement et simplement annexée
à un douar limitrophe.
Toutefois, quelque objection rétrospective qui puisse être
élevée, il n'en reste pas moins qu'on avait aménagé
dans le bled les futures bases de la vie municipale.
Un second bienfait du Sénatus Consulte, ce fut,
en pays arabe, l'institution de la Djemaâ. On n'eut rien
à innoverà cet égard dans les secteurs berbères
où fonctionnaient, de temps immémorial, des assemblées
locales.
Le décret du 23 mai 1863, article 16, décide qu'uneDjematû
est créée dans chaque douar-commune. Et l'Instruction
ministérielle du 11 juin 1863 recommande de " donner l'investiture
officielle aux réunions de notables qui, sous la dénomination
de Djemaâ, représentent l'intérêt collectif
".
Cette mesure sera, plus tard, étendue à tout le territoire
civil, Sénatus-Consulte ou non, par le décret du 24 décembre
1870.
Précisons bien qu'il s'agit de Djemaâs présidées
par le Caïd et dont les membres sont désignés par l'autorité
administrative.
Mais là encore, l'exécution trahit ou méconnaît
l'inspiration. La réforme reste chose inerte, privée de
sève et de vie. Les années passent. En dépit de l'arrêté
gouvernemental du 11 septembre 1895, qui tente d'infuser à l'embryon
municipal une vigueur nouvelle, l'institution végète en
pays arabe où, sauf dans les régions de terre arch ou sabega,
elle semble artificielle et comme de greffe étrangère. En
Kabylie, elle s'est superposée à la petite, à la
vivante Djemaâ de village, qu'elle paralyse et menace d'étouffer.
Dans le premier cas, l'assemblée locale est mal vue par le Caïd.
Il ne la réunit jamais. Il admet difficilement d'ailleurs cette
collaboration d'un consensus collectif parallèle à son pouvoir
de commandement. Dans le second cas, la municipalité de village
berbère qui, elle, traduit les pulsations parfois brusques de la
vile locale, est absorbée par la Djemaâ du douar - le douar
kabyle ! - création artificielle, chimérique, qui a substitué
à un organe naturel, biologique, les imaginations d'un rêveur
de cabinet. C'est encore une fois l'énorme faute du Sénatus
Consulte de 1863: avoir dissocié là où il fallait
assembler, et assemblé là où il importait de dissocier.
1919: LA DJEMAA ELUE.
Ainsi, jusqu'en 1919, notre édifice algérien, commencé
par le toit, n'était pas encore enraciné dans la glèbe.
Et la Djemaâ, dont la politique républicaine voulait, depuis
1895, faire un outil d'affranchissement, un préapprentissage de
la cité, la Djemaâ demeurait ignorée, sans prestige,
sans pouvoir, sans élan atonie.
C'est que le législateur impérial avait perdu de vue qu'il
ne peut y avoir, sans libre suffrage, de véritable représentation
des intérêts. Désigner de Paris ou d'Alger, par décret
ou arrêté, cette représentation, c'est se faire juge
à distance de petits matérialismes immédiats, dont
les autochtones ont seuls l'intuition, qu'ils sont seuls en mesure d'apprécier
en pleine connaissance de cause.
Ce sera l'immense mérite des réformes de 1919, d'avoir enfin
instauré l'élection de la Djemaâ et de son président.
Sans doute, les esprits pessimistes élevèrent-ils alors
de sombres pronostics. C'était, disait-on, infuser l'anarchie dans
les masses. C'était saper l'autorité. C'était remettre
entre des mains encore inexpérimentés et novices, le gouvernail
que seule peut tenir une poigne de fer. Un quart de siècle après,
en 1945, on a peine à ne point sourire de ce pessimisme, qu'aucun
fait n'est jamais venu justifier.
Le décret du 6 février 1919 et l'arrêté du
5 mars de la même année, fixaient en outre les attributions
des Djemaâs (gestion des biens du douar, emprunts, jouissance des
communaux, actions judiciaires, travaux d'utilité publique, etc...),
les délibérations intervenues restant cependant soumises
à l'approbation du Conseil municipal en commune de plein exercice,
de la Commission municipale en commune mixte.
1945: EXTENSION DES ATTRIBUTIONS DE LA DJEMAA.
L'expérience de 1919 avait, durant un quart de siècle, marqué
un incontestable succès. Mais, de 1919 à 1945, le standard
social et économique des Musulmans algériens avait subi
de profondes transformations : ébauche d'un paysannat constitué
par nos lois foncières, resserrement des superficies cultivables,
progression démographique, développement de l'instruction
et des procédés culturaux, hausse continue des valeurs rurales,
constitution d'importantes réserves fiduciaires, apparition, entre
1939 et 1945, d'une classe d'enrichis qui cherchent fiévreusement
à investir leur fonds, éviction des anciennes servitudes,
évolution qui, sur le plan civique et culturel, se traduit par
l'émancipation de l'individu et son aspiration vers une vie sans
cesse plus large, plus respirable, plus libre. Les vieux systèmes
de discipline administrative cédant de toutes parts, c'eut été
folie de les consolider, au moment même où les condamnait
sans appel l'irrésistible évolution des murs. Il faut
à des hommes nouveaux des institutions, sinon nouvelles, tout au
moins renouvelées. Souvenons-nous de la poignante analyse que,
dans son Histoire Socialiste, Jaurès donne de cette bourgeoisie
française dont les dirigeants d'avant 1879 ne surent pas accueillir,
absorber, caser les multiples supériorités. La vitalité
d'un régime se mesure à son pouvoir d'assimiler les forces
neuves.
C'est en s'inspirant de ces considérations que le Gouverneur Général
Chataigneau et M. Tixier, Ministre de l'Intérieur, ont élaboré
le premier décret du 29 août 1945 qui met au point le fonctionnement
de la Djemaâ.
Nous ne pouvons commenter toutes les nouvelles attributions qui précisent,
élargissent et complètent celles qu'avaient déjà
esquissées les textes de 1919 (le tableau de ces attributions est
annexé). Signalons cependant deux importantes innovations : la
Djemaâ délibère sur la répartition des céréales
et denrées contingentées ; elle assiste aux ventes et distributions
; et elle connaît et s'occupe de toutes les opérations de
paysannat entreprises dans la section. Elle devient ainsi un organisme
vivant, essentiel.
Pour mieux marquer l'intérêt qu'il attache à un fonctionnement
régulier, le législateur stipule que le registre des délibérations
sera présenté aux Inspecteurs généraux, au
Préfet, au Sous-préfet, à chacune de leurs tournées
(article 2). Ainsi va se clore l'existence morne et languissante de certaines
de ces assemblées qui siégeaient irrégulièrement
et, parfois même, ne se réunissaient jamais.
En outre, c'est maintenant le Président de la Djemaâ qui
la convoquera en session ordinaire, le premier mois de chaque trimestre
(article 3), alors qu'auparavant, suivant la législation de 1919,
l'Administrateur seul avait pouvoir de la réunir.
Enfin, et c'est là le point capital de la réforme, les délibérations
intervenues, qui étaient jusqu'à ce jour homologuées
par l'assemblée municipale, deviennent de plein droit exécutoires,
après assentiment de l'Administrateur, pour tout ce qui concerne,
dit l'article 4, les objets énumérés " aux paragraphes
2, 9, 13, 14, 18, 19 et 20 " de l'article 3 du décret, c'est-à-dire
: le mode de jouissance des pâturages, les droits d'usage, la désignation
des commissions scolaires, les souscriptions pour travaux dans la section,
la répartition des céréales et denrées, les
opérations de paysannat.
Voilà de réelles, de substantielles franchises, confiées
à la libre activité de la Djemaâ, hors de la tutelle
parfois obsédante de l'Assemblée communale, et sous le contrôle,
toujours bienveillant, de l'Administrateur.
Dans l'atmosphère souvent confinée où délibère
la Djemaâ du douar, le décret du 29 août 1945 fait
passer un air vif, salubre, revigorant, ce souffle libre des sommets qui,
chargé de germes d'avenir, a fécondé l'histoire de
la France.
1937: LE CENTRE MUNICIPAL
- Premier essai.
Le décret du 25 août 1937 avait élaboré une
entité juridique fort originale, sorte de paradoxe dans notre droit
public, métropolitain ou algérien, lequel restait limité
jusqu'alors à la commune du 5 avril 1884, à la commune mixte
et aux organismes militaires du Sud. Il instaure, au-dessus du douar,
à côté de la commune mixte, une nouvelle cellule locale
qui, dans notre hiérarchie administrative s'insère entre
les fractions de l'ancienne tribu et la commune de plein exercice.
Simple section communale à l'origine, le douar, érigé
en Centre municipal, devient autonome. La Djemaâ est investie de
la quasi-totalité des attributions exercées, en vertu de
la loi dit 5 avril 1884,. par les Conseils municipaux, et son Président
de prérogatives qui l'apparentent à un Maire. De fait,.
il assure l'administration du Centre, la publication et l'exécution
des lois et, règlements, nomme aux emplois, procède aux
adjudications, exerce les fonctions d'officier d'Etat-Civil, etc...
Le Centre municipal ainsi constitué n'est cependant pas distrait
de la Commune mixte. Il continue à en faire partie. L'Administrateur
garde les pouvoirs de police municipale, sauf pour certaines matières,
comme, par exemple, la circulation, le nettoiement, l'éclairage,
la démolition ou la réparation des édifices menaçant
ruine, le mode de transport des personnes décédées,
le contrôle du ravitaillement, le soin de prévenir par des
précautions appropriées et de faire cesser les événements
calamiteux, tels qu'incendies, inondations, épidémies ou
épizooties.
Le décret du 25 août 1937, si libéral qu'il soit,
pose des limites à l'autonomie du Centre. C'est ainsi que les arrêtés
du Président ne sont exécutoires qu'après approbation
de l'Administrateur, sauf recours au
Préfet (art. 27) ; que la même approbation est obligatoire
pour l'utilisation du crédit afférent aux dépenses
imprévues (art. 55) ; que la police municipale est exercée
par l'Administrateur, sauf quelques dérogations en faveur du Président
(art 24), et qu'enfin les délibérations de la Djemaà
du Centre ne sont valables que sur décision du Préfet (art.
12).
C'étaient là de sérieux tempéraments à
la réforme.
Elle entra en application à El-Bordj (commune mixte de Mascara)
; à Aïoun-el-Adjaz (commune mixte de Châteaudun-du-Rhummel)
; à Oumalou (commune mixte de
Fort-National) ; et à Mezrana (commune mixte de Tablat).
Il faut reconnaître que l'expérience, interrompue en 1941,
est loin d'avoir donné les résultats que l'on en attendait.
La faute en incombe peut-être moins aux collectivités intéressées
(à des degrés divers, elles apportèrent à
ces premiers essais un concours des plus louables) qu'à certains
exécutants animés d'un zèle indéniable mais
déconcertés par la nouvelle formule, maladroits à
la réaliser, et d'une timidité qui, en l'occurrence, institua
dans les meilleures intentions possibles des mécanismes de freinage.
Il y eut, à l'origine, une erreur doctrinale, qui restait bien
dans l'antique tradition algérienne. On persistait dans les contresens
et les hérésies du Sénatus-Consulte : c'est ainsi
qu'on continuait à voir la cellule sociale kabyle dans le douar-commune,
alors qu'elle est toute dans le village. Il faut encore y insister : en
pays berbère, le douar-commune n'est qu'une vaporeuse constellation
administrative ; la vie politique réside, en ce qu'elle a d'organique
et de profond, non dans la nubuleuse, mais bien dans le petit essaim de
gourbis qui se serrent l'un contre l'autre, sur un pic. Et l'on érigea
en Centre municipal le douar kabyle d'Oumalou, peuplé de 10.000
habitants, répartis en 18 villages dont la plupart auraient pu
devenir eux-mêmes des Centres municipaux.
Même faute au douar Mezrana, de formation berbère, et où
il eût été facile de découper au moins quatre
Centres municipaux.
Erreur d'application, ensuite. On ne vit pas que, dans un Centre où
n'existent ni marché important, ni communaux de rapport, le Budget
reste forcément exsangue, malingre, étriqué, et que
les habitants sous le nouveau régime, donnent beaucoup plus à
l'impôt qu'avant l'octroi des franchises. Or, une réforme
qui fait trop payer les bénéficiaires est ruineuse pour
l'État.
Ces erreurs, il faut le dire bien haut, étaient presque inévitables.
Il n'est pas de mesure qui, dans ce pays si divers, si mouvant, n'ait
pas, avant de se perfectionner, longuement tâtonné.
Et c'est ainsi que finit, dans l'équivoque, la réforme amorcée
en 1937.
1945: REFORME DU CENTRE MUNICIPAL.
Le second décret du 29 août 1945 vient de la reprendre.
Mais ce sera, cette fois, en tenant le plus grand compte des leçons
du passé. Le décret, en effet, simplifie et allège
le fonctionnement du Centre municipal. La plupart des pouvoirs de tutelle
précédemment dévolus au Préfet incombent,
dorénavant, à l'Administrateur. C'est donc que le mécanisme
administratif jouera sur place, sans ces courroies de transmission qui
entravent le mouvement sous prétexte de le régulariser.
L'Administrateur va exercer les attributions visées " par
les articles 12, 15, 16, 27, 35, 36, 40, 42, 43, 44, 52, 53; 54, 56, 57,
59, 60, 62, du décret -du_ 25 août 1937 ", c'est-à-dire
: approbation des arrêtés du Président et de toutes
les délibérations de la Djemaâ relatives aux dons
et legs, aux actions en justice, aux emprunts, au budget, aux marchés,
etc...
Le texte réserve au Préfet le pouvoir de suspendre le Président
de la Djemaâ et ses adjoints, au Gouverneur Général
le droit de prononcer leur révocation.
Seconde hardiesse : le décret stipule (art. 3) qu'il " sera
institué 60 nouveaux Centres municipaux en Algérie avant
le 1er janvier 1946 ". Notons que ce chiffre (invite formelle
à un rapide démarrage) n'a rien d'exagéré.
Il y a, dans l'Algérie du Nord, 1.196 douars-communes et, dans
la seule Kabylie, 800 villages. Ce ne sera qu'un jeu d'y fonder les 60
nouveaux Centres.
Enfin, le troisième décret du 29 août 1945 prononce
l'érection en Centres municipaux, au 1" novembre 1945, de
6 villages :
- Abache (commune mixte d'Azeffoun) ;
- Taha (commune mixte du Djurjura) ;
- Ighill Imoula (commune mixte de Dra-el-Mizan);
- Taddert (commune mixte de Fort-National) ;
- Souama (commune mixte du Haut-Sébaou) ;
- Makouda (commune mixte de la Mizrana).
On le voit, il ne s'agit plus du douar-commune kabyle, mais, cette fois,
du village. L'erreur séculaire est donc réparée.
Les trois décrets du 29 août 1945 apportent à l'ordonnance
du 7 mars 1944 un remarquable complément. Ils ouvrent la Cité
aux populations musulmanes des campagnes. Il le fallait. Car on reproche
à l'ordonnance elle-même de n'avoir guère accueilli
dans ses " catégories " que les titulaires de diplômes,
d'emplois, de titres, de distinctions honorifiques, négligeant
quelque peu les supériorités de la glèbe et de l'outil.
Les trois o décrets qui viennent d'intervenir aèrent singulièrement
la vie municipale du bled. Ils l'incorporent au cycle traditionnel de
notre droit public.
Ainsi, la modeste Djemaâ, timidement esquissée par le Sénatus-Consulte
de 1863, amendée en 1868,. en 1870, en 1895, puisant ensuite dans
les réformes de 1919 un nouvel élan, va se développer
grâce aux décrets du 29 août 1945, pour aboutir à
son terme d'évolution : le Centre municipal. C'est la dernière
étape avant l'autonomie intégrale créée par
la loi municipale du 5 avril 1884. Sujétion initiale, tutelle peu
à peu assouplie, liberté s'épanouissant chaque jour,
telles sont les phases qu'a traversées l'institution. C'est la
lente poussée d'une plante, fragile d'abord, souffreteuse sous
le dur hiver berbère, mais qui maintenant va porter ses fruits.
ATTRIBUTIONS DE LA DJEMAA
Décret du 29 juin
1945
1° Le mode d'administration des biens de la section
;
2° Le mode de jouissance et la répartition des pâturages
et des fruits, ainsi que les conditions à imposer aux parties prenantes
;
3° Le budget de la section et, en général, toutes les
dépenses et recettes, soit ordinaires, soit extraordinaires, les
emprunts à contracter, les centimes additionnels ou extraordinaires
à imposer pour les besoins de la section, les emplois des fonds
provenant de la mise en valeur de l'amodiation ou de l'aliénation
des biens de la section :
4" Les tarifs et règlements de perception de tous les revenus
propres à la section ;
5" Les acquisitions, aliénations et échanges des propriétés
de la section, leur affectation aux différents services publics
et, en général, tout ce qui intéresse leur conservation
et leur amélioration ;
6° Les conditions des baux des biens donnés à ferme
ou à loyer par la section, ainsi que celles des baux des biens
pris à loyer par la commune ;
7° Les projets de construction, de grosses réparations, de
l'entretien et de démolition et, en général, tous
les travaux à entreprendre ;
8° L'ouverture des chemins vicinaux et ruraux, les rues et places
publiques et les projets d'alignement de la voirie municipale, les journées
de prestation ;
9° Le parcours et la vaine pâture, les questions relatives à
la réglementation des droits d'usage, exercés par la section
et l'établissement de la liste des usagers ;
10° L'acceptation des dons et legs faits à la section ou aux
établissements de la section ;
11° Les modifications territoriales intéressant la section
;
12° Les permis de recherches ou d'exploitation de o mines, carrières,
existant sur les biens de la
section ;
13° La désignation des membres des commissions scolaires instituées
en exécution des articles 6 et 7 du décret du 18 octobre
1892 ;
14° Les souscriptions et cotisations volontaires en nature ou en argent
pour travaux d'utilité publique dans la section ;
15° Les actions judiciaires, les transactions et tous autres objets
sur lesquels les lois, décrets et arrêtés appellent
les commissions municipales des communes mixtes à délibérer
;
16° Délimitation et répartition du territoire de la
section, constitution de la propriété individuelle en vertu
du Sénatus Consulte du 22 avril 1863 et des lois du 26 juillet
1873, 28 avril 1887 et 16 février 1897 ;
17° Questions de jouissance et de répartition des terres collectives
de cultures entre les habitants de la section et examen des réclamations
;
18° Application du principe de la responsabilité collective
;
19° Mode de répartition des céréales, denrées
contingentées, tissus attribués à la population de
la section. Il ne sera procédé à aucune opération
de disposition ou de ventes à cet égard, sans la présence
obligatoire du Caïd, du Président et des membres de la Djemaâ
;
20° Opérations de paysannat entreprises dans la section.
A. B.
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