Les équipements
hydrauliques régularisés de Petite Kabylie
----------Nous
abordons maintenant l'une des pièces maîtresses de l'équipement
énergétique algérien des prochaines années
: l'exploitation régularisée des ressources de la Petite
Kabylie.
----------Leur
valeur. bien que circonscrite dans l'espace est incontestable la Petite
Kabylie est en Algérie la seule région abondamment arrosée
(la hauteur moyenne de pluie est de deux mètres sur lés
pentes du Babor).
----------L'intérêt
de leur utilisation au stade d'équipement où est parvenu
le pays ne fait pas de doute et notre génération, si elle
en avait le loisir, pourrait sans injustice faire le procès de
la précédente pour ne l'avoir même pas amorcée.
----------Mais,
si la nécessité économique de leur exploitation ne
fait plus aucun doute, par contre, la question de leur régularisation
a connu davantage de controverses : il est donc utile d'ouvrir une parentèse
sur ce point.
----------Les
centrales thermiques se démodent et vieillissent vite. Elles ne
cessent de coûter de plus en plus cher durant leur courte vie, après
quoi il faut encore consentir une nouvelle mise de fonds et de travail
pour leur remplacement. Malgré leurs brillantes apparences et leur
nécessité, elles ne constituent pas un solide accroissement
du potentiel économique d'un pays.
----------Il
en est tout autrement des équipements hydrauliques régularisées,
car malgré l'importance des investissements, ils constituent un
placement d'avenir remarquable. Les installations sont de longue durée
(Le seul point noir étant le comblement des réservoirs,
question importante et névralgique, mais non dépourvue de
solutions au moins partielles), et, après la période
d'amortissement, les dépenses d'entretien et de fonctionnement
deviennent très faibles.
----------On
a parfois avancé que la charge des régularisations hydrauliques
dépassait les possibilités d'une génération
et que, de plus, ces coûteuses installations ne couvraient pas complètement
l'aléa des cycles d'années sèches.
----------Sur
le premier point, un tel raisonnement conduit à ne les entreprendre
jamais. Sur le second, le risque de sous-production pour des ensembles
de bassins bien étudiés, est bien moins grand que celui
qui découle, pour les centrales thermiqùes, de la coupure
des fournitures de combustible.
----------En
Algérie, particulièrement sensible à cet égard,
le seul examen du retour possible de certaines conjonctures lève
toute incertitude. Si, en effet, on se borne à considérer
l'exploitation des meilleures ressources hydrauliques sous l'angle des
kwh produits au meilleur marché possible (donc sans régularisation),
on retombe sur la nécessité de suréquiper les centrales
thermiques, ce qui présente déjà en période
normale des inconvénients. En cas de difficultés dans le
ravitaillement en combustibles durant les périodes d'étiage,
tout le système est gravement en défaut.
----------L'opportunité
vitale d'une tranche régularisée raisonnable de production
hydraulique en Algérie résiste donc à tous les argurpents
contraires...
----------Le
programme de 1944 prévoyait en première
étape :
---------------------
L'aménagement de l'Oued Agrioun en régularisation semi-annuelle,
pour une production de 110 mil-lions de kwh ;
---------------------
L'aménagement de l'Oued Djendjen en régularisation inter-annuelle,
pour une production de 140 millions de kwh.
----------En
deuxième étape devait prendre place
l'aménagement de l'Oued bou Sllam en régularisation inter-annuelle,
pour une production de 180 millions d e kwh.
----------Les
réalisations dépassent notablement les prévisions
primitives.
----------Le
complexe de l'Oued Agrioun, mis le premier en chantier, fournira saris
augmentation importante des investissements, 185.000.000 de kwh et la
régularisation sera quasi inter-annuelle.
----------Dès
l'été 1951, une puissance nominale non régularisée
de 34.000 kW sera mise en production.
----------L'aménagement
d'ensemble du Djendjen est moins simple et ne se fera pas en une fois.
La tranche dù Djendjen supérieur, d'après les études
et les données des chantiers de reconnaissance, va être mise
sous peu en exécution. On espère également y dépasser
les prévisions primitives et y atteindre une production, avec régularisation
inter-annuelle, d'au moins 200 millions de kw-h.
----------Les
immenses possibilités de la technique de report par galeries entre
bassins et vallées expliquent que, pour ménager l'avenir,
les études sont faites sur un ensemble de bassins juxtaposés,
l'exécution progressive étant conduite en fonction des possibilités
e t dans l'ordre le plus rationnel possible.
Vue
à partir de l'aval de l'emplacement du barrage de régularisation
de l'lril Emda (Bassin de l'Oued Agrioun). L'état des travaux,
très accessoirement donné pa r cette photographie,
correspond au début de 1951.
|
Portique d'arrêt d'une n°127
de la grande ligne d'interconnexion algérienne d 150.000
volts entre l'Arba et Dra-el-Mizan. On réalise sur ces pylones
l'opération dite " brassage des phases du terne"
afin de réduire les effets de la self-induction sur les lignes
de télécommunications.
|
----------Pour
l'Oued bou Sellam, dont le vaste bassin se situe au sud-ouest de Bougie,
l'exploitation de ses possibilités considérables doit évidemment
être reportée à une étape ultérieure.
----------Quoi
qu'il en soit, l'ensemble Agrioun-Djendjen supérieur interviendra
en fin de première étape 'pour une production régularisée
très importante de l'ordre de 400 millions de kwh annuels.
----------Les
travaux en cours du complexe de l'Oued Agrioun et ceux en préparation
du Djendjen supérieur dépassent de beaucoup le cadre des
équipements hydrauliques jusqu'à présent réalisés
en Algérie. Il con-viendra pour en apprécier l'ampleur d'y
revenir spécialement.
----------A
propos de la cité définitive de Mansouriah, déjà
construite pour le personnel final d'exploitation du Djendjen, ii y a
lieu de signaler le sens remarquable de planification dont elle témoigne.
----------Il
est en effet extrêmement intéressant de profiter des travaux
préparatoires de tels vastes chan-tiers, généralement
incompressibles dans le temps, pour construire les logements définitifs
du personnel d'exploitation future. Ces constructions allègent
les cités provisoires durant les travaux et, dès la mise
en service, le personnel final réduit est installé à
pied d'oeuvre, sans flottement ni incertitude matérielle durant
la période de rodage qui est toujours assez délicate.
----------De
plus, les circonstances actuelles font que ces constructions, sans nuire
en aucune façon au rythme de mise en route des travaux d'aménagement
dépendant d'autres facteurs, reviennent meilleur marché
que si elles étaient réalisées ultérieurement.
----------LE
TRANSPORT ET L'INTERCONNEXION.
----------Tout
ce 'qui précède n'a pu que confirmer le lecteur dans la
nécessité complémentaire d'articuler tout ce vaste
ensemble par des moyens puissants de transport à longue distance
et d'interconnexion.
----------La
tension choisie de 150 kilovolts est parfaitement maniable dans l'état
actuel de la technique. Le doublement ou même le triplement de certains
tronçons est une question d'avenir. Pou:- l'instant, et comme on
ne peut faire tout à la fois, on se contentera d'une artère
unique. Les caractéristiques de cet équipement ne peuvent
être décrites ici, en l'état actuel des choses.
----------Signalons
seulement que, d'Ouest en Est, l'interconnexion de rocade comportera les
postes principaux de :
-----------Saint-Lucien
(Oran),
-----------Relizane
;
-----------L'Arba
(point de branchement du complexe algerois) ;
-----------Darguinah
(Plateforme de l'Ahrzerouftis), véritable plaque tournante de la
production de Petite Kabylie ;
Duzerville (Bône) ( Au moment de la parution de ce
texte tout le tronçon Alger-Bône sera vraisemblablement sous
tension de service depuis quelques jours).
----------La production de la Grande Kabylie sera
drainée à Aomar.
----------EN
MATIERE DE CONCLUSION.
----------Au
terme d'un exposé limité et dont nous mesurons l'insuffisance
eu égard à l'importance exceptionnelle du sujet, essayons
de résumer ce que pourra être, très grossièrement
chiffrée, la production électrique algérienne durant
les très prochaines années :
|
Millions de kwh annuels.
|
|
Année sèche
|
Année humide
|
Production thermique
|
450
|
350
|
Fil de l'eau (Cette production
devrait, en toute rigueur, 'être réduite de quelques
MKwh pour tenir compte de la suppression de la petite usine provisoire
de l'Oued Agrioun.)
|
90
|
110
|
Irrigations
|
70
|
90
|
Hydraulique régularisée
|
350
|
410
|
Importation éventuelle et
divers
|
50
|
50
|
total approximatif dans les deux
cas : un milliard de kwh annuels
|
----------Si
l'on compare les chiffres très grossiers de ce tableau à
une extrapolation raisonnable de la courbe d'accroissement donnée
au début de l'exposé (Dans
le dépliant du ler fascicule.), on voit que toute mégalomanie,
tout suréquipement sont exclus impitoyablement des programmes en
cours. De telles suspicions, que l'on rencontre encore, sont d'ailleurs
le fait d'esprits mal informés ou trop passionnés. Bien
au contraire, il est aisé de se rendre compte que la deuxième
tranche hydraulique régularisée devra 'être entreprise
sans trop tarder, si l'on veut étaler l'avenir.
----------Certes,
il sera utile après la période dite de 1952 et sans marquer
d'arrêt notable dans la poursuite du programme, de faire un bilan
exact des premiers résultats au regard de la situation économique
; mais seulement pour donner à la suite nécessaire le coup
de pouce de retouche convenable. En aucun cas il ne peut s'agir de prendre
une position statique car, s'il est facile d'être brillant dans
l'expectative, la stagnation est toujours dangereuse.
----------Aussi
bien que le mouvement se démontre en marchant, l'équilibre
économique est avant tout un phénomène dynamique
qui requiert le mouvement au premier chef.
----------Pour
l'immédiat, il semble d'ailleurs - c'est en tout cas ma personnelle
conviction - que le rythme des travaux actuels est un peu lent au regard
de l'ensemble de la conjoncture.
----------Certes,
on comprend l'inquiétude des financiers, sollicités de tous
côtés, et parfois incertains quant à la hiérarchie
des besoins. Ils ont à prendre en cela des responsabilités
graves.
----------Les
ingénieurs ont déjà pris les leurs, du point de vue
de la conception et de l'exécution, sous impulsion de quelques
animateurs énergiques et lucides, dans une oeuvre qui leur vaudra
quelque louange des générations à venir.
----------Il
me faut, en terminant, remplir l'agréable devoir de la gratitude
envers la Direction Générale d'Electricité et Gaz
d'Algérie, qui a comblé sans réticence les lacunes
de ma documentation personnelle, dans une parfaite, compréhension
du but d'information objective que je m'étais assigné.
Alger, Mai 1951.
JEAN-EUGÈNE FRANÇOIS
Ingénieur I.C.A.M.
Cliquer
ici pour : Carte schématique à un certain
stade de l'ensemble des études effectuées sur les bassins
juxtaposés de l'Oued Agrioun - l'Oued Djendjen supérieur
- 1` Oued' Kéhir supérieur et l'Oued Djendjen inférieur. |
Cliquer
ici pour : Carte schématique, à un certain
stade, des études pour l'aménagement hydro-électrique
de l'Oued Djendjen supérieur. Rappelons ici que les prévisions
de production y atteignent actuellement 200 millions de kWh annuels.
La galerie et l'usine d'utilisation sont tout à fait en dehors
de la vallée naturelle et constituent un véritable court-circuit
avec la mer. La cité Iittorale d'exploitation est celle de
Mansouriah, dont nous donnons d'autre part une belle photographie.
|
Courbes reprélentatives
du prix actuel usine du kWh therrnique et du kWh hydraulique régularisé,
en fonction du nombre d'heures d'utilisation annuelle.
---------
- Ces courbes, sensiblement hyperboliques,
conservent leur valeur qualitative de comparaison, indépendamment
des fluctuations économiques dont elles peuvent être
affectées.
---------Rappelons
que : la courbe thermique s'élève en cours d'amortissement
par baisse du rendement et augm en-talion des réparations
; la courbe hydraulique est u ès stable en cours d'amortissement
et s'abaisse notablement par la suite.
----------
L'examen de ces données économiques et techniques
démontre que la pseudo-querelle des s"thermiciens
" et des " hydrauliciens" est un produit dè
l'imagination pure.
---------La
répartition optima de la production entre les moyens thermiques
et hydrauliques est un fait quasi ma-thématique qui dépend
essentiellement du nombre d'heures d'utilisation.
---------Dans
la pratiqued'ailleurs, la relative rareté des ressources
hydrauliques exploitables et les difficultés de leur équipement
peuvent dans nos régions maintenir ie pourcentage de puissance
hydraulique à un taux notablement inférieur à
la valeur optima.
|
Cité définitive de Mansouriah, pour l'exploitation des aménagements
de l'Oued Djendlen.
INDEX SOMMAIRE
de quelques références documentaires
spéciales
P. CROSNIER. - Plan d'équipement électrique
de l'Algérie pour les vingt prochaines années (1944).
UNION DES INGÉNIEURS ET TECHNICIENS FRANÇAIS.-- Energie,
Métallurgie, Industries mécaniques (1944).
M. WECKEL. - L'équipement industriel de l'Algérie (1943)
: Plaquette illustrée d'une conférence faite au Congrès
de l'Industrie et du Commerce, et dont le texte a été également
publié dans les " Documents Algériens ".
DOCUMENTS ALGÉRIENS :
----------L'électrification
de l'Algérie (Série économique N" 3 - 15 janvier
1946).
----------L'usine
hydro-électrique du Hamiz (Série économique N°
15 - 10 juin 1946).
----------L'aménagement
hydro-électrique (provisoire) de l'Oued Agrioun (Série économique
N° 25, 15 mai 1947).
TRAVAUX NORD-AFRICAINS. - Une étape de l'équipement énergétique
de l'Algérie - Les Centrales Hydro-Electriques du Djurdjrua (J.E.F.
14 octobre 1948).
ELECTRICITÉ ET GAZ D'ALGÉRIE. - Plaquettes sur :
----------L'Usine
Hydro-Electrique. de Souk-el-Djemaâ (Michelet) (mai 1949).
----------L'Usine
Hydro-Electrique de Bou-Hanifia (septembre 1949).
----------L'aménagement
hydro-électrique de l'Oued Agrioun (avril 1950 et avril 1951).
----------Film
" Terre d'Algérie" en 35 et 16 m/m.
SOCIETE NATIONALE DES ENTREPRISES DE PRESSE,
6, avenue Pasteur - ALGER - Téléphone 396-59
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