-----------La
durée de la traversée des courriers maritimes de France
en Algérie a été pendant longtemps de 36 à
40 heures ; la vitesse des navires augmentant, elle est descendue à
30 heures, puis à 24. Aujourd'hui, les paquebots de la compagnie
générale Transatlantique, VILLE
D'ALGER, et VILLE
D'ORAN, et ceux de la Cie de Navigation Mixte, EL KANTARA et
EL
MANSOUR, accomplissent le trajet en vingt heures. Le KAIROUAN,
de la C.N.M., entré en service il y a quelques mois a abaissé
ce temps à 18 heures.
-----------Les
D.C.4 d'AIR FRANCE transportent leurs passagers d'Orly, port aérien
de Paris, à Maison-Blanche, port aérien d'Alger, en quatre
heures et demie.
-----------Métropolitains,
vous vous êtes rendus cette année à Rome par dizaines
de milliers. Beaucoup' d'entre vous ont pris leurs vacances d'été
aux Îles Baléares, à mi-chemin d'Alger. Hâtez-vous
donc d'aller visiter l'Algérie, si cette terre si proche est encore
pour vous une terre inconnue.
-----------Pour
la parcourir, comme pour s'y rendre, il fallait, au siècle dernier,
disposer de beaucoup de temps. En 1853, Fromentin, chevauchant vers le
Sud, quitte Médéah le 23 mai. Il arrive à Laghouat
le 3 juin, par étape: journalières d'une trentaine de kilomètres.
L'été de la même année, M. HUN, juge au tribunal
d'Alger, inaugure le tourisme dans le Djurdjura : il loue une mule à
Hussein-Dey et effectue par monts et par vaux une passionnante
randonnée kabyle, mais il y consacre toutes ses vacances.
-----------Le
guide Joanne de 1882 dit à ses lecteurs qu'un voyage à peu
près complet en Algérie demanderait au moins un an, mais
que s'ils se contentent de parcourir une seule province, à la rigueur
un mois ou six semaines suffiront pour cela.
-----------"Il
y a plusieurs manières, dit cet ouvrage,
de voyager en Algérie ; on peut d'abord prendre le chemin de fer
et les diligences qui conduisent dans toutes les villes. Il est facile
alors de calculer la durée de son voyage et la dépense qu'il
occasionnera. "
-----------"
Mais si l'on veut bien connaître le pays,
que les chemins de fer et les grandes routes praticables pour les diligences
ne traversent pas encore entièrement, il faudra se servir de mulets
ou de chevaux, s'approvisionner de vivres et d'effets de campement, ne
compter enfin que sur ses propres ressources... "
-----------Il
faut ajouter que l'Algérie n'avait pas alors beaucoup de chemins
de fer, et que le voyage en diligence n'était pas des plus confortables.
Le célèbre " Tartarin de Tarascon ",
écrit par Alphonse Daudet en 1872, nous en donne une humoristique
description. En attendant de respirer les émanations musquées
des grands félins d'Afrique, le héros doit se contenter
de cette bonne vieille odeur de diligence " bizarrement
composé de mille odeurs, hommes, chevaux, femmes et et cuirs, victuailles
et paille moisie... " Et lorsqu'il s'est endormi dans
la nuit, n'entendant plus très vaguement geindre l'essieu des roues
et les flancs de la diligence qui se plaignent, elle l'appelle : "C'est
moi, M Tartarin, vous ne me reconnaissez pas ? Je suis la vieille diligence
qui faisait - il y a vingt ans - le service de Tarascon à Nîmes...
Au lieu de mes bons gros chevaux tranquilles d'autrefois, de petits chevaux
arabes qui ont le diable au corps, se battent, se mordent, dansent en
courant comme des chèvres et me brisent mes brancards à
coups de pied... Et les routes ! Par ici, c'est encore supportable, parce
que nous sommes près du Gouvernement ; mais là-bas, plus
rien, pas de chemin du tout..."
-----------Dans
la première décade du XX"" siècle, le chemin
de fer offre au tourisme en Algérie des facilités accrues
et il en demeure 1'instrument indispensable. Le rail est achevé
de Tlemcen à Tunis, il va jusqu'à Biskra dans le Sud Constantinois
et jusqu'à Colomb-Béchar, à 700 kilomètres
d'Arzew, dans le Sud Oranais. Des wagons-lits circulent entre Oran et
Alger et des Wagons-restaurants entre Constantine et Tunis. Une fois par
semaine, un bateau de la Cie Générale Transatlantique effectue
le parcours côtier d'Alger à Tunis, avec escales Bougie,
Djidjelli, Colle, Philippeville, Bône, Tabarka et Bizerte. A partir
des gares du chemin de fer ou de: escales du bateau, le touriste rayonne
en voiture de louage. Pour l'excursion aux ruines romaines de Timgad le
Guide Joanne de 1898 fournit les indications ci-après .
-----------39
km. 500 de Batna à Timgad. On trouve à l'hôtel des
Etrangers à Batna un break pour une ou deux personnes, 25 fr. ;
pour quatre personnes : 30 ou 35 fr. ; une victoria à trois personnes
: 30 fr. ; le trajet aller retour est de i2 heures dont 4 heures pour
visiter Timgad, on emporte le déjeuner préparé dans
un Panier, et l'on revient pour dîner ".
-----------Les
attelages, généralement à trois chevaux, faisaient
ces 80 kilomètres aller et retour à un trot soutenu, laissant
derrière eux sur la piste des nuages de poussière.
-----------L'essor
décisif du transport automobile qui suit la guerre de 1914-1918,
apporte dans le tourisme une véritable révolution, et celle-ci
se manifeste avec le plus d'ampleur dans les pays tels que l'Algérie,
où de vastes régions sont sans chemins de fer. Ses effets
sont bien loin de s'y limiter au remplacement du trot des chevaux par
le ronflement des moteurs sur les lignes que desservaient les diligences.
C'est à ce moment, peut-on dire, que le Sud s'ouvre au Tourisme.
La Compagnie Générale Transatlantique, sous l'impulsion
du Président Dal Piaz, bâtit alors ses confortables hôtels,
non seulement aux portes du Sahara, à Bou-Saâda et Biskra,
mais en plein sud, jusqu'à Ghardaia, Touggourt et Beni-Abbès.
Ses cars, à roues ou à chenilles, donnent aux touristes
la révélation des grands espaces sahariens, où surgissent
à longs intervalles, de captivantes oasis. En même temps,
commencent les traversées automobiles du Sahara, militaires d'abord,
touristiques un peu plus tard, et l'expérimentation du matériel
: chenilles Citroén ; six roues Renault. En 1926, les frères
Estienne, avec une 6 HP Renault, effectuent le trajet de Béchar
à Gao et au Tchad et retour.
-----------En
1930, le Commissariat Général du Centenaire de l'Algérie
organise un rallye touristique qui conduit de la Méditerranée
à Gao plus de quarante voitures de tourisme, et celles-ci, dit
le Guide Shell ( Guide du Tourisme automobile
et aérien au Sahara - Éditeur : la Sté SHELL d'Algérie,
46, bd Camille St-Saëns, Alger.), auquel les renseignements
ci-dessus sont empruntés, " reviendront
d'Alger non sans difficultés, mais sans accidents ou incident sérieux
".
-----------Puis,
sont créés les services réguliers transsahariens.
Enfin, en 1950, est mis sur pied, sous les auspices de la Société
" Les Amis du Sahara . (Siège
,social . Directeur des Territoires du Sud, Gouvernement Général,
Alger.) un rallye automobile méditerranée-Le Cap,
qui sera terminé au moment où paraîtront ces lignes.
-----------La
révolution qui vient d'être évoquée trouve
les routes algériennes dans le même état que celles
de la Métropole, ce qui veut dire que les chaussées empierrées
n'étant pas encore revêtues, poussière et nids de
poule y mettent à dure épreuve les automobilistes et leurs
véhicules. Mais leur protection par revêtement bitumineux
y est alors pareillement entreprise et réalisée.
-----------La
classification des routes est la même en Algérie que dans
la Métropole: routes nationales, chemins départementaux,
chemins vicinaux, voirie urbaine ; étant seulement observé
que l'Algérie est dotée de l'autonomie financière,
de sorte que c'est le budget voté par l'Assemblée Algérienne
qui subvient aux travaux des routes nationales. Le temps est oublié,
où la vieille diligence pouvait dire à Tartarin qu'il n'existait
de routes supportables que près du Gouvernement. Une distinction
toutefois subsiste : les Territoires du Sud, jusqu'à une date récente,
n'avaient pas la même gestion routière que ceux du Nord,
et leurs ressources étaient très faibles, de sorte que sur
chaque route de pénétration dans le sud, il est un momentoù
le voyageur se voit privé de la chaussée revêtue,
au-delàde laquelle règne encore la piste. Par ailleurs,
la remise en état des chemins départementaux, consécutive
aux événements de 1939-1945, est un peu en retard sur celle
des routes nationales. Mais celles-ci constituent, comme dans la Métropole,
un réseau très complet, et ce sont elles qu'empruntent dans
leur grande majorité les trajets qu'ont à suivre les touristes.
Ceux-ci n'ont donc pas à l'heure actuelle de fâcheuse surprise
à redouter pour leurs ressorts et leurs pneumatiques en abordant
les routes algériennes.
-----------Un
simple conseil. Certains tracés, particulièrement en montagne,
comportent de nombreux virages rapprochés, de court rayon, dans
lesquels les conducteurs doivent s'astreindre à de prudentes allures
pour éviter à leurs passagers les désagréments
du mal de mer. Il faut donc évaluer largement la durée
des étapes, et comme cellesci sont longues, il faut savoir partir
matin et prendre soin temps pour arriver. La beauté des aspects
que revêtent les paysages algériens, aux premières
et aux dernières heures du jour, procure une ample récompense
à qui consent cet effort de discipline.
****************
-----------En
Algérie, le touriste n'ira pas, comme en Italie et en Espagne,
de ville d'art en ville d'art. Les villes algériennes sont, dans
leur ensemble, sauf ce qui en existai` en 1830, bâties à
l'européenne, et il n'y découvrira que de place en place
des traits de véritables originalités en visitant la Casbah
d'Alger, le vieux Constantine, les oasis sahariennes, le Mzab. Mais il
les verra pour la plupart débordantes de vie et encadrées
de sites captivants.
-----------C'est
Alger dans l'amphithéâtre de sa baie ; Bougie,
tâche blanche au pied du Djebel Gouraia, à la pointe d'un
golfe majestueux ; Constantine, juchée sur son rocher ; Oran, dominé
par les silhouettes ocrées du Murdjado et du fort espagnol de Santa-Cruz
; Tlemcen, à 806 mètres d'altitude, au pied des falaises
rouges de Lalla-Setti, offrant du haut de ses remparts le vaste panorama
d'une plaine que tapissent vignes et oliviers, barré au Nord par
des massifs montagneux qui laissent voir la mer dans leurs échancrures
; Miliana,
ancien bastion de la conquête, suspendue à 720 mètres
au flanc du Zaccar Gharbi, avec sa terrasse familièrement dénommée
" Pointe des Blagueurs " d'où l'on contemple,
au-delà d'une cascade de vergers, les jeux de la lumière
sur la plaine du Chéliff et sur la masse de l'Ouarsenis qui dresse
à l'horizon sa silhouette de cathédrale.
-----------Evadé
du bruit des cités modernes, il ira se recueillir dons le calme
des villes mortes
-----------Il
visitera, sur le revers Nord du plateau de Sétif, Djemila, "
Des montagnes sombres, couleur de velours marron,
qui pendant quelques semaines, au printemps, s'adoucissent de reflets
verts, bornent la vue de toute part ( Louis
Leschi, Djemila, toute une cité de l'Afrique Romaine - Gouvernement
Général, 1938. .) ".
La grande rue, le Forum capitolin, l'Arc triomphal élevé
en l'an 216 à la gloire de l'Empereur Caracalla, le Temple Septimien
consacré en l'an 216 au culte de la famille impériale, le
Théâtre, construit à flanc de coteau en dehors des
portes, le Marché, les Grands Thermes, le Baptistère chrétien,
sont des évocations saisissantes de plusieurs siècle de
vie romaine .
-----------Au
nord de l'Aurès, à la lisière du plateau Constantinois,
il admirera dans Timgad l'ordonnance du plan de la ville, ses deux voies
centrales qui se croisent à angle droit, Cardo Nord et Decumanus
maximus, le Forum, !a Marché les Thermes, l'Arc de Triomphe, la
curieuse superposition des constructions intérieures du Fort Byzantin.
-----------A
Bône, il s'intéressera aux travaux de dégagement en
cours d'Hippone,
qui font surgir de nouveaux précieux vestiges de l'Afrique romaine.
-----------Tout
près d'Alger, sur la route du littoral, à 70 kilomètres
à l'Ouest, il aura lis révélation de Tipasa,
" où la nature, dit M. Louis Leschi,
Directeur des Antiquités de l'Algérie, offre au passé
un cadre immuable et merveilleux" . Les ruines y sont
éparses dans un maquis d'absinthes, de lentisques, de myrtes, d'oliviers
sauvages, où le promeneur se laisse guider de surprise en surprise
: Forum, Capitole, Curie, Basilique, Théâtre ; un Nymphée,
fontaine monumentale ornée de statues et de colonnes ; la Cathédrale,
qui était le plus vaste édifice chrétien d'Afrique
après celle de Carthage. Sur la colline de l'Est s'alignent les
restes de la Basilique de Sainte Salsa, parmi les tombes de la nécropole
qui l'entoure, et il y évoquera ces lignes d'Albert Camus (Noces,
pas Albert Camus, N.E.P. Gallimard):"
La basilique Sainte Salsa est chrétienne, mais chaque fois qu'on
regarde par une ouverture, c'est la mélodie du monde qui parvient
jusqu'à nous : coteaux plantés de pins ou de cyprès,
ou bien la mer qui roule ses chiens blancs à une vingtaine de mètres...
".
***********************
-----------Tissant
leur réseau autour des cités vivantes et des villes mortes,
les routes algériennes déroulent aux yeux du touriste la
tapisserie fastueuse de leurs paysages.
-----------Routes
des Hauts d'Alger et du Sahel. Le versant Nord du
Sahel en façade sur la mer, avec ses balcons sur la ville et le
golfe : boulevard
Bru et Gallieni, terrasse de Saint-Raphaël ; routes d'El-Biar
à la Bouzaréah et à la forêt de Bainem. Son
versant sud où les routes descendent vers la. Mitidja parmi les
vergers et le vignes. Serpentant parmi les jardins touffus, de charmants
chemins creux sous des berceaux d'oliviers sauvages.
----------Route
d'Alger à Tipasa. Un rivage baigné
d'une douce lumière, des villages aux murs fleuris, des bosquets
de pins maritimes couronnant des rochers terre de Sienne sur lesquels
les vagues viennent briser . a l'ouest, la silhouette bleue du Chenoua,
à l'est, la pointe ténue de Sidi-Ferruch.
Cette route de la côte ouest (N II) longe la mer sur 400 kilomètres
jusqu'à Arzew, à 40 kilomètres d'Ora n, tantôt
riante comme dans sa première partie, tantôt accrochée
au flanc de falaises géantes comme dans la section de Dupleix à
Francis Garnier.
----------La
route rapide Alger et Oran (N 4) n'est pas celle-là.
Elle traverse comme le chemin de fer les plaines qui offrent un passage
facile en arrière des massifs montagneux littoraux, la Mitidja
du côté d'Alger, le Chéliff du côté d'Oran.
Cette route révèle dans la Mitidja, à Boufarik, à
Oued-el-Alleug, à El-Affroun, la prestigieuse conquête réalisée
sur une terre marécageuse et insalubre par l'énergie des
colons venus de France ; quant à la plaine du Chéliff, plus
récemment développée parce qu'il y fallait apporter
l'irrigation en construisant des barrages, elle offre le spectacle passionnant
de sa transformation en cours. Le touriste ne saurait être indifférent
à ces résultats qui font honneur à leurs artisans.
---------A
48 km. Blida. Cette ville, avec ses 50.000 habitants,
n'est plus la " petite rose " de la tradition musulmane Elle
a pourtant gardé ce charme évanoui, son Bois Sacré,
où Fromentin, il y a un siècle, allait s'asseoir à
l'ombre des oliviers chargés d'années, devant le petit marabout
de Sidi Yacoub, pour contempler le coucher du soleil.
|
|
----------De
Blida, une route de 17 kilomètres (N 37) conduit à l'altitude
1.500 à la station estivale et hivernale de Chréa,
dans une belle forêt de cèdres, devant un vaste panorama
qui embrasse toute la Mitidja et tout le Sahel.
----------Quelques
kilomètres après Blida, c'est l'embranchement de la route
du Sud (N. 1) qui, par Médéa, Laghouat, El-Goléa
et Tamanrasset, conduit au cur de l'Afrique : avant de s'éloigner
vers la sécheresse du Sahara, elle se baigne dans la fraîcheur
des Gorges de la Chiffa.
----------A
Affreville, en tête de la plaine du Chéliff, autre
embranchement, celui de la 'N 14 qui conduit à Tiaret, chef-lieu
du plateau céréalifère du Sersou. De Teniet-el-Haaf,
col où elle franchit les contreforts de l'Ouarsenis un agréable
chemin forestier de 20 kilomètres conduit à la plus belle
forêt de cèdres d'Algérie,
****************
----------Trois
routes nationales se dirigent d'Alger vers l'Est. ----------La
première, la route littorale (N 24) a l'inconvénient
d'être interrompue entre Alger et Dellys par l'absence d'un pont
sur 1'Isser, et de n'être établie que sur un tracé
provisoire non bitumé au-delà du département d'Alger
vers Bougie.
----------Mais
la seconde est particulièrement remarquable.
----------Après
55 kilomètres de tronc commun avec la rocade d'Alger à Constantine,
elle se développe sur la bordure 'nord de la Grande Kabylie jusqu'à
Tizi-Ouzou, à travers vignes et champs de tabac. Trente kilomètres
au-delà, elle commence à s'élever et le voyageur,
à la faveur des lacets de la route, peut contempler au loin les
sommets du Djurdjura dans leur majesté. C'est ensuite une belle
forêt de chênes zéens. Dans une éclaircie, à
740 m d'altitude, la petite station d'été de Yakouren. On
continue de monter, on sort de la forêt et la route devient une
corniche dominant de haut les collines et les vallons qui s'étendent
jusqu'à la mer. C'est alors la descente vers la vallée de
la Soummam. La route rentre en forêt, Elle achèvera son trajet
aux approches d'El-Kseur. Jans un décor 'de vignes et d'oliviers.
----------La
troisième de ces routes est la rocade d'Alger à Constantine
(N 5) ; dont le tracé général
est le même que celui du chemin de fer. Après avoir traversé
les belles gorges de Palestro et gravi la côte de Bouira, elle longe
pendant 40 kilomètres le versant sud du Djurdjura, d'assez loin
pour en donner une vue étendue, qui est particulièrement
belle au printemps quand les crêtes enneigées étincellent
sous le soleil.
----------La
N 26 se détache de la rocade à Maillot pour la relier à
Bougie par El-Kseur.
----------N
12, N 5, N 26, forment ainsi une boucle complète autour du massif
de la Grande Kabylie.
----------Ce
massif est lui-même pénétré par un important
réseau routier qui permet d'en apprécier pleinement a beauté
si originale.
----------"
Imaginez, dit Martial Rémond, (Djurdjura,
terre de contraste - Editions Baconnier frères, ALGER.)
un enchevêtrement compliqué de
crêtes zigzagantes, séparées par de profonds ravins
et venant aboutir, tels des arcs-boutants chargés de la soutenir,
aux flancs d'une énorme muraille dénudée... Sur chaque
arête, une suite de villages tous pareils semblent se donner la
main pour mener une farandole audacieuse et sans fin au pied de l'immense
autel ".
----------La
première route qui ait escaladé ce massif est celle construite
en 18 jours, en 1857, par les troupes du maréchal Randon, pour
relier Tizi-Ouzou à Fort-National (altitude 920 m.). Elle a son
origine sur la N 12 à 7 kilomètres au-delà de Tizi-Ouzou
et s'élève de 850 m. en 17 kilomètres. C'est actuellement
la N 15 qui franchit le massif au col de Tirourda (ah. 1.760 m.) pour
redescendre à Maillot. Établie sur la crète maîtresse
du massif kabyle qu'elle domine à droite et à gauche, elle
ménage des perspectives étendues, d'une beauté surprenante
particulièrement dans les 20 kilomètres qui séparent
Fort-National de Michelet (alt. 1.100 rn.)
----------Le
trajet d'Aomar - 100 km. d'Alger sur la rocade Alger-Constantine - à
Michelet par Boghni et Ouadhias, constitué par la N 25, la N 30
et le D 17, côtoie au plus près le versant nord du massif
et offre sur les sommet du Djurdjura : Haizeur, Akoukeur, Thaltatt, Lalla
Khediàja, des vues remarquables, particulièrement au carrefour
N30 - D 17, dit d'Ait-Eurbah. C'est ce trajet
qu'empruntent, pour atteindre la région des sommets par le versant
Nord, excursionnistes et alpinistes (Voir
à ce sujet le Guide de la Montagne algérienne - Djurdjura
- édite en 1947 par la Section algérienne du Club Alpin
Frànçais, 115 bis, rue Michelet, Alger, auquel est annexé
un assemblage de la carte au 1/50.000 spécialement établi
pour ce Guide par l'INSTITUT GEOGRAPHIQUE NATIONAL..)
----------Une
autre route, la N 33 qui a son origine à Bouïra, aborde le
MASSIF PAR LE SUD. Elle donne accès à l'altitude 1.500 aux
champs de ski du Ras Tigounatine et de l'Akoukeur et à la forêt
de cèdres de Tikdjda ; continuant à s'élever, elle
passe pendant quelques kilomètres sur le versant nord formant,
avant de repasser sur le versant sud, un belvédère d'où
l'on voit de tout près l'impressionnante face Est du Thaltatt,
constituée par trois aiguilles calcaires étagées,
chères aux grimpeurs. De Tizi n'Kouilal (Tizi signifie col en berbère),
au col de Tirourda, elle reprend le versant Nord, dominant la vallée
de l'Acif et Hammam et traversant de bout en bout la forêt de cèdres
des Ait Ouabane.
----------La
viabilité de cette belle route de montagne, qui n'a pas encore
reçu une chaussée revêtue, est malheureusement encore
précaire entre Tikdjda et Tizi n'Kouilal, et dans la section de
Tizi n'Kouilal à Tirourda, où depuis la guerre les éboulements
ont interrompu la circulation, le passage n'était pas encore rétabli
au cours de l'été 1950.
----------C'est
en réalité toute la carte routière de la Grande Kabylie
qu'il faudrait passer en revue, pour donner leur place à tous les
itinéraires méritant d'y être parcourus, et dont aucun
n'est banal ou monotone.
----------A
l'est de Bougie, la route littorale (N 12), après avoir franchi
le promontoire rocheux du Cap Aokas, et traversé dans des buissons
de lauriers-roses, le petit delta de l'Oued Agrioun, est taillée
pendant 35 kmà travers des falaises rouges à pic sur la
mer, formant des premiers plans éclatants dans le cadre harmonieux
du vaste golfe. Cette corniche, dite de Djidjelli, surpasse en beauté
toutes les autres corniches des rivages méditerranéens.
----------Au
delà de Djidjelli, de l'Oued et Kébir à Philippeville,
à Bône et à la Calle, la N 12 ne rejoint plus la côte
que pour desservir chacun de ces ports. Mais en la quittant à Ain
Kechera, à 19 km. d'El Milia, pour prendre le chemin qui va rejoindre
le D 39 au col du Melab, et en continuant par le D 132, on accomplit dans
le Massif de Collo un très beau trajet forestier, avec de superbes
points de vue sur les monts de la Petite Kabylie qui s'étendent
à l'ouest. On gagne ensuite, par Bessombourg, la jolie baie et
le petit port de Collo. D'autres chemins forestiers de ce massif, dont
la pointe nord est au Cap Bougaroun, offrent également de très
agréables parcours dans des bois de chênes-lièges
et de pins, particulièrement le chemin de Bou-Noghro, qui descend
à l'ouest jusqu'à l'embouchure de l'Oued Zhour.
----------Plusieurs
routes, toutes intéressantes, conduisent de la côte aux plateaux
sétifiens et constantinois. Celle de Bougie à Sétif
monte sur 7 km dans l'impressionnant défilé du Chabet-el-Akra
et en la quittant, 21 km avant Sétif, pour prendre les D 169 et
117, on arrive à Djemila par un beau chemin de crête.
----------De
Djemila, moins de trois heures suffisent pour gagner Batna par St-Arnaud
(970 m) et le D 5. Aucun centre de Saint-Arnaud à Corneille. Simplement
le plateau que les floraisons du printemps et le miroir du Chott et Beida
colorent délicatement dans la lumière matinale. Fossé
Corneille et son jardin public fleuri d'une profusion de roses, la route
taillée dans des parois de grès fauve, fait l'ascension
du col de Talmet (1.861 m.) ouvert dans une étroite arête
couronnée de cèdres, pour redescendre à Batna, plaque
tournante vers l'Aurès et Biskra.
----------De
Batna part d'abord, venue de Philippeville et Constantine, la route directe
de Biskra (N 3) où l'automobiliste peut sans hérésie
se permettre les joies de la vitesse jusqu'à l'approche d'El-Kantara,
C'est là qu'au sortir d'un défilé étroit et
aride, " vous tombez, dit Fromentin,
sur un charmant village, perdu dans une forêt
de 25.000 palmiers. Vous êtes dans le Sahara ".
Le peintre-écrivain ajoute, décrivant le coucher de soleil
sur cette oasis
" Les dattiers, agités docilement,
ondoyaient avec des rayons d'or dans leurs palmes, et l'on entendait courir,
sous la forêt paisible, des bruits d'eau mêlés aux
froissements légers du feuillage, à des chants d'oiseaux,
à des sons de flûte. En même temps, un Muezzin, qu'one
voyait pas, se mit à chanter la prière du soir, la répétant
quatre fois aux quatre points de l'horizon, et sur un mode si passionné,
avec de tels accents, que tout semblait se taire pour l'écouter.
"
----------A
l'Est de cette route, c'est l'Aurès, constitué par une série
de puissantes rides parallèles orientées N.E.S.O. dont les
crêtes étroites sont séparées par de profondes
vallées descendant vers le Sahara. Les deux plus beltAs sont celles
de l'Oued et Abiod et de l'Oued Abdi.
----------Les
conditions de l'accès de l'Aurès à partir de Batna
expliquent son originalité. Batna (1.041 m.), Lambèse (1.180
m), Timgad (1.072 m.) sont bâties au pied des montagnes les plus
élevées de l'Algérie, le Mahmel (2321 m) et le Chelia
(2.328 m.). La route doit monter jusqu'à 1.700 m. pour en franchir
la barrière et accéder à leur versant sud, tandis
qu'à Biskra, elle se retrouvera à 122 m. On comprend, dès
lors, les contrastes de végétation que présentent
à partir des cols les vallées aurasiennes. Suivons la N.31,
route de l'Oued et Abiod. Au Téniet bou Ighial (Téniet signifie
col en arabe), les prairies alpestres ; puis de claires forêts de
chênes-verts et de genevriers ; à Arris (1.171 m.), des champs
et des vergers de France ; après la gorge de Tighanirnine (1.000
m.) les palmiers apparaissent, la végétation devient saharienne.
Ce sont alors des paysages entièrement teintés en rose,
dans lesquels surgissent de place en place les masses sombres des palmeraies,
surmontées de villages aux maisons couvertes en terrasse, à
peine distincts des rochers auxquels ils sont accrochés. Un canon,
Rhoufi, dont les falaises dominent de 200 mètres les jardins. Plus
bas encore, à 330 mètres, la belle oasis de M'Chounèche,
au pied des contreforts de l'Ahmar Khaddou, dont le nom signifie la joue
rose. La route de l'Oued et Abiod n'est pas définitivement construite
et revêtue sur toute sa longueur. Elle est cependant praticable
de bout en bout aux voitures de tourisme, sauf en cas d'intempéries.
----------On
trouvera un intérêt du même ordre dans la vallée
de l'Oued Abdi (D 54) mais la route revêtue s'arrête à
Menaâ. On peut, au delà, aller en auto sur une plate-forme
sans chaussée jusqu'au beau cirque d'Amentane. Il n'y a plus ensuite
que des entiers muletiers jusqu'à Djamora, où pour le moment
on n'accède en auto que par le Sud.
*********************
----------La
traversée des Plateaux, de St-Arnaud à Batna, est la plus
courte et fait le trait d'union entre deux régions touristiques
privilégiées, le golfe de Bougie et l'Aurès, entre
les deux cités antiques les mieux conservées d'Algérie,
Djemila et Timgad.
----------Parmi
les autres, il convient d'en mentionner au moins deux.
----------La
première est celle qui, par Aumale, relie Alger à Bou-Saâda
et à Biskra. Son trajet direct est la N 8 125 km. d'Alger à
Aumale par l'Arba et Bir-Rabalou, la même distance d'Aumale à
Bou-Saâda. Elle offre de beaux panoramas au débouché
du col des Deux-Bassins (920 m.), mais présente l'inconvénient
d'être très sinueuse, ce qui peut incommoder les voyageurs.
Aussi préfère-t-on faire 35 km de plus, en prenant jusqu'à
Bouira la rocade Alger-Constantine, beaucoup plus confortable, et qui
permet de voir les Gorges de Palestro, puis le D 127 de Bouïra à
Aumale, route de plateau très convenablement tracée. L'intérêt
touristique principal de cette route est de mettre à moins de 300
km d'Alger une agréable oasis, la seule qui soit aussi proche de
la capitale. Elle a également celui d'être l'itinéraire
le plus court d'Alger à Biskra, la distance de Bou-Saâda
à Biskra n'étant que de 170 km, avantage qui s'affirmera
plus complètement quand ces 170 km praticables aux automobiles,
mais encore en piste, seront revêtus.
----------La
seconde est la N 1, déjà mentionnée comme se détachant,
à la traversée de la Chiffa, de la rocade Alger-Oran. Elle
est à l'état de route entièrement revêtue jusqu'à
Laghouat, à 432 km. d'Alger et la continuation de son revêtement
vers Ghardaïa à 203 km. au dela de Laghouat est en cours et
déjà pour une bonne partie achevée.
----------Dans
le département d'Oran, la distance Bou-Guetoub, extrémité
de la route revêtue à Colomb-Béchar, point de départ
pour la visite des belles oasis sahariennes d e Taghit, Béni-Abbès,
Adrar et Timimoun, est de 445 km. Bien que l'amélioration de la
piste soit en cours, l'automobiliste métropolitain qui débarque
à Alger ou Oran avec sa voiture ne doit donc pas encore entreprendre
de voyage par ses propres moyens comme un parcours normal de tourisme.
******************
----------On
s'est gardé, dans ces propos sur la route algérienne, de
vouloir tracer impérativement des itinéraires pour le voyage
en Algérie. Mais on a essayé de montrer combien ce voyage
est intéressant, et quelle richesse d'aspects présente la
route algérienne. On a eu en même temps l'idée d'aider
les candidats au voyage à faire leur choix parmi les excellents
programmes que leur offriront les agences et les sociétés
de transports, s'ils s'adressent à ces organismes, et de fournir
aux indépendants, pour qui la première joie du voyage est
d'en composer eux-mêmes à loisir, l'itinéraire, des
indication, qu'ils utiliseront au gré de leurs goûts.
----------On
espère que les uns et les autres accueilleront cette tentative
avec quelque intérêt, et qu'elle les aidera à rapporter
d'Algérie d'inoubliables souvenirs de voyage.
E. POUPET
Inspecteur général des Ponts et Chaussées
Extrait du N° spécial de la revue " Rail et Route "
sur l'Afrique du Nord, 17, rue Bonaparte, Paris (6ème)
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